Dans les tourbillons du temps
Attentat au camion bélier, c’est ainsi que nos doctes journaux ont, dans nos contrées, dénommé l’acte barbare intervenu il y a maintenant plus d’une semaine en Israël, notre Terre Sainte, à Jérusalem, notre Ville Sainte. Après toutes les condamnations – remarquablement discrètes chez certains – subsiste une colère profonde et sourde. Combien de temps encore faudra-t-il supporter que les barbares de notre temps installent la tragédie au cœur de nos vies ? Combien de fois faudra-t-il que nous soyons témoins de ces scènes d’horreur, toujours identiques, toujours révoltantes, sous tous les cieux, dans tous les pays où existent toujours un certain bonheur de vivre et, pour tout dire, une certaine humanité ?
Quand le judaïsme parle d’exil, il ne fait pas que désigner celui, matériel et historique, du peuple juif, chassé de sa terre par l’envahisseur après la destruction du Temple. Même si c’est là la réalité de base, il nomme ici, au sens plus profond, une forme d’obscurcissement général qui rend le monde comme étranger à sa nature essentielle, comme oublieux de son Créateur et frappé de cécité. L’horreur, la barbarie sont des expressions d’une telle situation.
Dans le cycle de lecture de la Torah, nous voici justement arrivés à ce qui deviendra le glorieux récit de la sortie d’Egypte mais qui n’est, à ce stade, que celui de la descente progressive dans un état d’oppression, l’asservissement d’hommes libres. A revivre cet épisode, on imagine la sensation de drame qui, peu à peu, s’installe. Et on se représente les terribles couleurs que la vie doit prendre alors. Pourtant nos ancêtres poursuivent alors leur route. Nous le savons aujourd’hui, après bien des méandres, elle les conduit à la liberté puis, plus tard, au Don de la Torah, à l’installation en Israël et, enfin, à la construction du Temple.
N’y a-t-il pas là comme un lointain écho de ce que nous vivons ? L’exil est bien sombre mais le chemin lumineux. Parfois, les événements paraissent aller dans un sens indésirable, comme les tourbillons incontrôlables d’un torrent, mais nos efforts font que nous persévérons, que jamais nous ne perdons l’espoir et la compréhension des choses. Au travers du temps, le chemin, décidément, continue. C’est à nous, à présent, de le suivre.
Le temps de la préparation
Le Talmud enseigne que le Machia’h viendra au moment où “on n’y pensera pas”. Pourtant, nous observons qu’attendre sa venue fait partie des principes essentiels du judaïsme définis par Maïmonide. Aussi, diverses explications ont été données sur le sens de l’expression. Voici l’une d’entre elles :
La préparation à la venue de Machia’h doit être accomplie pendant le temps de l’exil qui est, justement, une sorte de “on n’y pensera pas” par rapport à la Délivrance. Lorsque l’on éclaire l’endroit le plus sombre, où l’idée même de Délivrance est absente des esprits, qui constitue l’opposé même de la lumière de Machia’h, alors celui-ci arrive.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Ekev 5713)
Chemot
Devant le nombre croissant des Enfants d’Israël en Egypte, le Pharaon les soumet à l’esclavage. Puis il ordonne aux sages-femmes juives, Chifrah et Pouah, de tuer tous les nouveau-nés garçons. Devant leur désobéissance, il ordonne que tous les bébés hébreux soient jetés dans le Nil. Amram et Yo’héved, la fille de Lévi, ont un fils qu’ils déposent dans une corbeille sur le Nil. Sa sœur Miryam surveille de loin et voit que la fille du Pharaon découvre l’enfant et le prend. Elle va l’élever comme son fils et le nommer Moché.
Moché, devenu un jeune-homme, découvre les souffrances de ses frères. Voyant un Egyptien s’acharner sur un Hébreu, il le tue. Le lendemain, alors qu’il veut séparer deux Juifs qui se querellent, ces derniers le menacent de rapporter son crime. Moché fuit donc à Midian. Il est secouru par les filles de Yitro. Il se marie avec l’une d’entre elles, Tsipora et devient le berger de son beau-père.
La Paracha de cette semaine commence ainsi : « Voici les noms (de ceux) qui sont arrivés en Egypte ».
Les commentateurs s’interrogent sur la raison pour laquelle les noms de ces Juifs sont à nouveau mentionnés alors qu’ils ont déjà été cités dans la Paracha lue il y a deux semaines (Vayigach).
Ils répondent : D.ieu chérit le Peuple juif. Ainsi, de la même façon qu’un homme riche compte continuellement son argent, D.ieu rappelle sans cesse à l’esprit le Peuple juif.
Cependant, ce concept possède une dimension plus personnelle. La Paracha de cette semaine rappelle les événements qui se produisirent pour le Peuple juif, après qu’ils eurent vécu en Egypte, depuis plus de cent ans. Malgré ce fait, le verset indique que bien qu’ils y soient installés depuis si longtemps, c’était toujours comme « s’ ils arrivaient en Egypte ». Pour eux, cela restait une terre étrangère et non leur environnement naturel. Ils étaient nés en Egypte, leurs parents étaient nés en Egypte mais cela n’était toujours pas leur foyer. L’Egypte était l’exil. Leur foyer était Erets Israël et ils étaient toujours dans le processus d’ « arriver » en Egypte.
Quelle est la différence entre l’Egypte et Erets Israël ? A l’ère biblique, les sociétés étaient essentiellement agricoles. C’est la raison pour laquelle lorsque la Torah veut établir le contraste entre deux pays, elle souligne son approvisionnement en eau, statuant : « La terre que vous posséderez n’est pas comme la terre d’Egypte… où vous plantez vos graines et les arrosez par le bas. C’est plutôt… une terre de collines et de vallées. De la pluie du ciel, elle tire son eau ». En d’autres termes, en Egypte, l’eau vient du Nil. En Erets Israël, il n’existe pas de grandes rivières. L’approvisionnement en eau dépend exclusivement de la pluie.
Quand les besoins en eau sont pourvus par une rivière, aucune influence divine n’est apparente et c’est l’ordre naturel qui semble diriger l’apport de l’eau. Par contre, en Erets Israël, « les yeux de tous sont portés vers le haut », vers « Celui Qui détient la clé de la pluie ». Il apparaît clairement que malgré tous les efforts, les labours et les tentatives, le succès de nos récoltes dépend des bénédictions de D.ieu. C’est ainsi que la terre elle-même nous enseigne à avoir foi en D.ieu, à nous considérer comme étant entre Ses mains et Sa providence qui contrôlent notre vie.
La ‘Hassidout explique que l’Egypte ne correspond pas seulement à un emplacement géographique mais à un état d’esprit. En fait, le terme hébreu pour « Egypte », mitsraïm, est pratiquement identique au mot métsarim qui signifie « contraintes » ou « limites ». Parce que la terre d’Israël enseigne aux Juifs de se tourner constamment vers D.ieu, ils ne pouvaient se sentir chez eux en Egypte. Le concept de la vie entièrement gérée par l’ordre naturel leur était complètement étranger. Ainsi, comme nous l’avons statué, même après avoir vécu une longue période en Egypte, ce lieu leur paraissait nouveau.
Dans cette optique, l’Exode était un événement inévitable. En effet, cela paraissait durer depuis de nombreuses années et, dans une certaine mesure, la foi du peuple Juif semblait affaiblie. Mais puisque les Juifs, à la fois individuellement et en tant que peuple, regardaient continuellement vers D.ieu, il était entendu que D.ieu finirait par Se tourner vers eux et les libérer.
Perspectives
Nos Sages relatent qu’au moment de la Révélation du Buisson Ardent, quand D.ieu demanda à Moché d’être le sauveteur du Peuple juif, il refusa, répondant : « Envoie par la main de celui que Tu enverras ». Nos Sages expliquent que Moché demandait par là à D.ieu de sauver le Peuple juif non seulement de l’Egypte mais de manière définitive. C’est ainsi qu’il désirait ne pas être, lui, le sauveteur mais que D.ieu envoie le Machia’h, le libérateur ultime.
Pourquoi D.ieu n’acquiesça-t-Il pas ? Parce que la Rédemption n’est pas simplement une récompense pour le Peuple juif mais le reflet que le monde entier a atteint le niveau désiré. Et pour que cela arrive, comme cela sera évident dans la suite de l’histoire de notre peuple, il allait être nécessaire que les Juifs soient à nouveau exilés et participent aux cultures des pays dans lesquels ils allaient vivre. Mais, tout comme lors du tout premier exil en Egypte, l’intention était qu’ils restent conscients de leur identité et conscients de leur lien avec D.ieu. C’est cette prise de conscience qui nous permet d’inspirer les peuples qui nous entourent d’une perspective spirituelle et de créer ainsi un avant-goût de l’Ere de la Rédemption.
Quelles sont les coutumes liées au prénom d’un enfant juif ?
- Les futurs parents n’évoquent pas devant d’autres personnes le prénom qu’ils donneront à l’enfant à naître.
- Puisqu’il faut déclarer rapidement le prénom à la mairie, on s’efforcera de ne pas le prononcer mais juste de l’écrire.
- C’est aux parents (et non aux grands-parents…) de décider du prénom de l’enfant. C’est une décision importante à laquelle il convient de bien réfléchir ; les Sages affirment que les parents disposent à ce moment d’un esprit prophétique.
- En principe, le père choisit le prénom du premier enfant, la mère celui du second, le père celui du troisième etc. – à moins que la coutume ne soit différente dans la ville ou la communauté. Néanmoins, il est préférable que les parents se mettent d’accord au préalable – sinon, ils demanderont l’opinion d’un Rav.
- La coutume est de donner le prénom des parents ou des saints Rabbis (ou de leurs épouses). On évite d’associer un autre prénom à celui de son Rabbi. Certains donnent un prénom en rapport avec la Paracha de la semaine ou d’une fête prochaine.
- Les Achkénazim ne donnent pas le prénom d’un grand-parent encore vivant ; par contre les Sefardim considèrent qu’il s’agit d’un grand honneur. On évite de donner le prénom de quelqu’un qui est décédé prématurément (ou on ajoute un autre prénom relatif à une longue vie). Cependant, il est recommandé de donner le prénom d’une personne tuée Al Kidouch Hachem (parce que juive).
- On annonce le prénom du garçon lors de sa Brit Mila (circoncision) et celui de la fille quand le père est appelé à la Torah (lundi, jeudi ou Chabbat).
- Il est important de donner à son enfant un prénom hébraïque et de s’en servir ! De même, chacun veillera à se faire appeler par son prénom hébraïque.
(d’après Cheva’h Habrit – Rav Shmuel Halevi Hurwitz)
Bien nommé !
Je venais de m’installer à Bondi, en Australie en 1987 pour devenir le rabbin d’une synagogue. Une des fidèles vint me demander de lui choisir un prénom hébraïque. Ses parents n’avaient pas jugé utile de lui en donner un à sa naissance. Ils l’avaient appelée Léonie, d’après un grand-père qui s’appelait Léo en anglais car son prénom hébraïque-yiddish était Arié Leïb (en référence au lion, symbole de la tribu de Yehouda).
Elle aurait bien voulu s’appeler Ariella puisque, selon elle, le prénom Arié et le prénom Léonie (venant du latin) évoquaient tous deux le lion et qu’Ariella en était la forme féminine. Cependant, elle craignait qu’Ariella ne soit un peu trop « moderne » pour elle qui était traditionnaliste. Elle pensait que des noms plus classiques comme Rachel ou Léa lui conviendraient mieux. Je lui fis remarquer : « Le judaïsme nous enseigne que, lorsque des parents choisissent un prénom, ils sont bénis par le Roua’h Hakodech, une inspiration divine. Personnellement, je ne peux pas me prévaloir de cette inspiration divine et je ne peux donc pas vous conseiller. Mais le Rabbi oui ! Si vous le désirez, je vais lui écrire une lettre et lui demander son avis à ce sujet ».
Elle accepta. Et même davantage : elle écrivit elle-même la lettre en expliquant comment et pourquoi elle avait été nommée ainsi par ses parents. Ce qu’elle ne précisa pas, c’était qu’elle aurait préféré le prénom Ariella. Elle me montra la lettre avant de l’envoyer et je m’étonnais de cet « oubli » en remarquant : « Le Rabbi aurait été intéressé de savoir quel prénom vous auriez vraiment désiré ! ».
Mais elle répondit qu’elle ne pouvait s’y résoudre. Elle ressentait que ce prénom était trop moderne et que le Rabbi ne l’approuverait pas. Il est vrai qu’à cette époque, le nom Ariella pouvait être considéré comme inhabituel pour une femme pratiquante bien que cela ne soit plus le cas actuellement.
J’envoyai sa lettre par fax à New York et, en moins de 24 heures, nous avons reçu la réponse du Rabbi par son secrétaire, Rav Leibel Groner : « Le prénom Ariella est assez commun de nos jours ! ». En d’autres mots, le Rabbi avait choisi le prénom qu’elle préférait et, en même temps, avait dissipé ses réticences. Bien sûr, elle était ravie et, en même temps, stupéfaite (comme je l’étais d’ailleurs moi-même) : le Rabbi avait choisi exactement le prénom qu’au fond de son cœur, elle désirait plus que tout ! De plus, le Rabbi avait, en une phrase, balayé tous ses préjugés !
Il m’est arrivé une autre histoire du même genre en 1989 avec une jeune maman. Un de mes amis, Rav Pin’has Woolstone qui, à ce moment, dirigeait le Jewish House à Sydney, vint me voir un dimanche à propos d’une famille que je ne connaissais pas. La maman venait de mettre au monde un garçon et, afin de nommer le bébé lors de la Brit Mila (circoncision), elle avait besoin d’un prénom hébraïque puisqu’on annonce le prénom de l’enfant, fils de untel et unetelle. Dans ce cas particulier, le prénom du père ne pouvait être utilisé.
Or le prénom d’une fille ou d’une femme doit être donné lorsqu’on lit dans le rouleau de la Torah, donc dans ce cas, le jeudi alors que la Brit Mila devait se dérouler vendredi. J’ai répondu à Pin’has comme je l’avais fait avec Léonie : écrivons au Rabbi ! Ce même dimanche, nous avons faxé la lettre au Rabbi. Lundi, nous n’avions pas encore de réponse, puis mardi et mercredi… Le père de la jeune femme devait être appelé à la Torah le jeudi pour donner un prénom juif à sa fille. En l’absence de réponse, ils devaient choisir eux-mêmes un prénom. La jeune maman s’appelait Jennifer et le choix logique aurait été Yehoudit (Judith). Mais elle préférait le prénom Bra’ha qui n’a pourtant aucun lien avec le prénom Jennifer : elle s’obstina tant et si bien – malgré l’opposition générale – que ce fut le prénom que son père lui conféra devant la Torah.
Jeudi matin, je me rendis de ma synagogue vers le Jewish House. J’y arrivai environ vingt minutes après la fin de la prière et un fax était arrivé pendant ce temps. Pin’has se tenait là, avec un fax entre les mains et balbutiant encore et encore : « Je n’arrive pas à y croire, je n’arrive pas à y croire… ! ».
- Pin’has, qu’est ce qui est si incroyable ? demandai-je.
Il ne répondit pas et je pris le fax de ses mains. En le lisant, je répétai moi aussi : « Je n’arrive pas à y croire, je n’arrive pas à y croire ! ». Le secrétaire qui était assis là s’étonna lui aussi : « Que vous arrive-t-il, Messieurs les rabbins ? Qu’est ce qui est si difficile à croire ? ».
Le fax avait été envoyé depuis le secrétariat du Rabbi. En voici le contenu :
« En rapport avec Jennifer, je suggère le prénom Bra’ha. Et je veux ajouter que chaque personne a le droit de se choisir un prénom pour lui ou pour elle ! ».
Encore une fois, le Rabbi avait choisi le prénom qu’elle-même s’était choisi, avait lu dans ses pensées et avait fait comprendre à toutes les autres personnes impliquées qu’il ne fallait pas s’opposer à son choix.
Ainsi, par deux fois, j’avais été témoin que le Rabbi avait choisi le prénom pour lequel l’intéressée avait elle-même opté. A chaque fois, il avait ajouté une brève explication qui correspondait exactement à la situation en cause.
Je me souviens très clairement que, au moment où je tenais ce fax, je ressentais que je tenais littéralement une Inspiration Divine entre les mains ! C’est un moment que je n’oublierai jamais !
Rav Moché David Gutnick - JEM
Traduit par Feiga Lubecki