Semaine 3

  • Chémot
Editorial
Aujourd’hui, notre rôle

Une fois de plus, le canon tonne. Une fois de plus, l’armée d’Israël a dû prendre les armes et s’engager dans une lutte difficile pour défendre bien plus que des frontières : la vie même de millions de Juifs qui ne veulent que vivre en paix sur leur terre, cette terre qui n’a jamais quitté l’esprit ni le cœur de nos ancêtres depuis le début de ce si long exil. Chacun le sait, le peuple juif n’est pas aujourd’hui plus que dans les siècles passés un peuple de conquérants. Pour lui, la conquête essentielle est celle de soi-même et celle-ci demande bien davantage, et de façon bien différente, que la construction de ces glorieux empires que l’Histoire balaie presque aussitôt qu’ils ont atteint leur apogée. C’est dans de tels moments, où tant de choses sont en jeu, qu’un sentiment précieux émerge avec une force nouvelle : l’unité du peuple juif. De fait, le cœur de chacun bat, à présent, au rythme des événements ; il se réjouit quand les barbares assassins de civils, les tenants du fanatisme et de la violence aveugle, même suicidaire, reculent ; il tremble quand les nouvelles tardent à venir. Décidément, comme le soulignent les Sages, le peuple juif est toujours une entité unique et ce qui concerne cette Terre «sur laquelle sont posés les yeux de D.ieu du début à la fin de l’année» nous touche au plus profond.
Nous en sommes conscients : les guerres du peuple juif ne sont pas tout à fait des conflits comme les autres. Car la vie du peuple juif n’est pas non plus exactement comme les autres. Bien sûr, c’est d’une guerre qu’il s’agit et ce sont des armes qui, hélas, font entendre leur voix. Cependant, il faut nous souvenir que les ressorts sont d’abord ailleurs. Dans nos combats, particulièrement les plus justes et légitimes, c’est D.ieu qu’il nous appartient d’invoquer. La lutte matérielle se déroule, prenons garde d’oublier son socle spirituel. Toute l’histoire de notre peuple tient dans ces quelques mots, ses victoires aussi. Bien loin, là encore, du cruel orgueil des guerriers ou des certitudes exterminatrices des fanatiques.
Dès lors, la question se pose d’elle-même : et nous ? Que pouvons-nous faire ? A des milliers de kilomètres de la zone des combats, citoyens fidèles des pays où nous sommes installés mais pénétrés de ce sentiment d’unité, comment agir ? Une phrase du Talmud résonne à nos oreilles. Antique, elle paraît avoir été dite pour notre temps. Commentant le verset «Et tous les peuples de la terre verront que le Nom de D.ieu est appelé sur toi et ils te craindront», les Sages précisent : «Ce sont les Téfilines de la tête». En 1967, le Rabbi de Loubavitch citait ces mots et soulignait que cette protection est accessible à tous, que celui qui met les Téfilines concourt à la sauvegarde de tous ceux qui, sur le front, mènent la lutte de la vie et de la liberté. C’est aujourd’hui notre part. A nous d’agir, pour la lumière et pour la paix.
Etincelles de Machiah
Une double lumière

Lorsqu’il est question de la nouvelle ère que Machia’h introduira, il est souvent fait référence à l’intense “lumière” Divine qui brillera alors sur le monde. Cette notion de “lumière” doit, bien entendu, être comprise dans son sens spirituel : elle désigne la révélation de D.ieu.
A ce sujet, il est enseigné que ce véritable dévoilement peut prendre deux formes. Il peut venir “d’en-Haut”, c’est-à-dire sans que le monde change fondamentalement. Dans un tel cas, la “lumière” est infinie car elle ne tient pas compte des limites de la création.
En revanche, elle peut aussi apparaître après l’élévation du monde qui parvient au niveau de cette révélation. Dans ce sens, la “lumière” en question, révélée à la mesure du monde, peut le pénétrer plus profondément. Il en ressort que chacune de ces deux formes de révélation possède sa qualité propre. Aussi est-il précisé que, lorsque le Machia’h viendra, elles seront réunies : la lumière divine apparaîtra révélée dans un monde à la mesure de l’Infini.
(D’après Likouteï Torah, Parchat Rééh 26a) H.N
Vivre avec la Paracha
Chemot : des éclats d’infinité

Et ils endurcirent leur vie avec des travaux pénibles, avec du mortier et des briques et toutes sortes de travaux des champs ; tout le labeur auquel ils étaient astreints était un labeur écrasant (Chemot 1 :14).

L’expression «labeur écrasant» (avodat péré’h) apparaît fréquemment dans le récit que rend la Torah du galout (exil et esclavage égyptien), dans le texte de la Haggada et dans la symbolique des rites du Séder.
Qu’est-ce qu’un «labeur écrasant» ? Maïmonide le définit comme un «travail qui n’a ni limite ni but». Le travail, même le plus difficile, qui a une fin et un objectif définis ne démoralise pas comme un travail incessant et futile. Les Egyptiens, dont le but de l’esclavagisme était de briser l’esprit du Peuple Juif, refusaient de donner quelque programme logique, efficacité ou utilité que ce soient à leur travail. Ils les faisaient travailler aux heures les plus irrationnelles, leur donnait à faire ce qui convenait le moins à leurs aptitudes et détruisaient sans cesse ce qu’ils avaient construit pour le leur refaire faire. Pour bien renforcer ses décrets, le Pharaon avait nommé des contremaîtres armés de fouets.
Aujourd’hui, notre monde a progressé au point que des millions de sujets se soumettent volontairement à un travail qui n’a ni limites ni but : un travail qui déborde les heures officielles pour envahir chaque moment et chaque pensée du jour, un travail dicté non par les aptitudes et les ressources du travailleur mais par le statut et la mode, un travail qui n’est pas le moyen qui mène à une fin mais une «carrière», une entreprise qui se perpétue elle-même pour devenir sa propre fin et son propre objectif.
(C’est là le sens profond du décret du Pharaon «tous les garçons qui naîtront, vous les jetterez dans le Nil». Le Nil, qui irriguait les champs d’une Egypte sans pluie, était le pilier central de son économie et donc son dieu le plus vénéré. Jeter son enfant dans le Nil, au sens spirituel, signifie l’immerger dans une culture qui déifie le carriérisme, qui adore les véhicules matériels de la subsistance physique comme une fin en soi).

Des vies sans fin
Par nature, le moi physique est fini et pragmatique. Ainsi, qu’est-ce qui le dirige et le soutient dans un tel travail illimité ? Quelle peut être la source de sa persévérance dans la poursuite infinie et jamais atteinte de la réussite matérielle ?
Un tel acharnement, une telle énergie sans limites ne peuvent avoir qu’une source unique : l’étincelle de divinité qui est l’essence de l’âme de l’homme. Seule l’âme qui aspire l’infinité de sa source divine peut manifester une telle vigueur, seule l’âme dont l’engagement à son Créateur est une fin en soi, nonobstant les buts visibles et des objectifs calculables peut être la force agissante derrière un travail qui n’a «ni limites, ni but».
L’âme de l’homme est donc sujette au galout dans le galout : non seulement est-elle empêchée d’exprimer sa nature véritable mais elle est forcée à le faire d’une manière contraire à ses désirs profonds. Non seulement est-elle restreinte dans le moi physique et le monde mais elle souffre également de l’usurpation des forces de son essence profonde pour diriger les travaux matériels du moi physique. Non seulement l’aptitude de l’âme pour l’infini et l’engagement illimité est-elle inhibée et réprimée mais elle est détournée vers une quête infinie de gain matériel.

La discipline de la liberté
La route pour sortir d’Egypte passe par le Sinaï. La Torah régule notre implication dans le monde matériel. Elle nous enseigne que nous pouvons, et devons travailler, créer et mener des affaires pendant les six jours de la semaine mais que le septième jour, non seulement tout travail doit cesser mais nous devons nous mettre dans un état d’esprit où «tout ton travail est accompli». Sur une base quotidienne, elle nous demande de réserver des îlots inviolables dans le temps dévolus à la prière et à l’étude de la Torah. Et constamment, une multitude de lois de la Torah définissent ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, dans le travail et dans le plaisir.
La Torah nous enjoint également de «manger du travail de tes mains», de n’investir que nos facultés externes dans le labeur pour gagner sa subsistance, réservant nos talents les plus raffinés à la poursuite de buts spirituels. Et elle insiste sur le fait que toutes les aspirations matérielles ne doivent être qu’un moyen vers une fin, un réceptacle pour recevoir les bénédictions divines et un outil pour nous aider dans le travail de notre vie consacré à apporter la Divinité et la Sainteté dans notre monde.
En restreignant ainsi notre vie matérielle, la Torah libère notre âme. En limitant l’étendue et la nature de nos implications matérielles, la Torah délivre notre capacité d’engagement illimité de son exil matériel, lui permettant de suivre son cours naturel : servir D.ieu d’une manière qui soit «sans limite ni but», au sens positif, d’une manière qui transcende les paramètres du moi, de l’égocentrisme et notre idée même de ce qu’est un véritable engagement.
Le Coin de la Halacha
Comment éviter les mauvais rêves ?

Il convient de ne pas attacher d’importance aux rêves et d’éviter l’apparition de mauvais rêves. Seules les personnes dont la conduite, les paroles et les pensées sont conformes en tous points aux vues de la Torah peuvent attacher une certaine importance à leurs rêves. Pour les autres, elles doivent réaliser que les rêves ne sont souvent qu’une ruse du mauvais penchant pour les détourner des sujets importants et réels. Voici quelques conseils donnés par le Rabbi de Loubavitch dans ses lettres et ses livres :
- il convient de faire vérifier ses Téfiline et Mezouzot, surtout la Mezouza de la chambre à coucher.
- il ne faut pas réfléchir à ses rêves car ils n’ont aucune réalité.
- un homme mettra quelques pièces à la Tsedaka (charité) chaque matin avant la prière. Une femme mettra chaque matin des pièces à la Tsedaka ainsi qu’avant l’allumage des bougies de Chabbat et Yom Tov.
- un homme récitera soigneusement le Chema et les prières qui l’accompagnent avant de dormir ; il dormira avec un «Talit Katane» cachère et avec la tête couverte (d’une Kippa par exemple). Une femme récitera au moins le premier paragraphe du Chema et la bénédiction «Hamapil» ; auparavant, elle lira des histoires de la vie des Rébbeim et des ‘Hassidim.
- lorsque les Cohanim bénissent l’assemblée – pendant la prière des jours de fête – on prononcera la prière demandant à ce que tous les rêves (qu’on a fait soi-même ou que les autres ont fait à notre propos) soient dirigés vers le bien.
- on évitera dans la journée de réfléchir à des sujets vains ou, pire, nocifs («Ma’hachavot Zarot»).
- un homme se trempera si possible chaque matin au Mikvé (bain rituel).
- on étudiera régulièrement la Torah, en particulier «Hitat» la section quotidienne du ‘Houmach, des Tehilim (Psaumes) et du Tanya.
- si on est dérangé par l’apparition d’un défunt, on vérifiera que l’enterrement a été réalisé comme le demande la ‘Hala’ha et que le «Kaddich» est récité comme il convient.

F. L. (d’après Rav Yoav Lemberg – Michpa’ha ‘Hassidit)
De Recit de la Semaine
Hakhel : rassemblement !

Tous les sept ans, le peuple juif tout entier était rassemblé dans la cour du Temple pour écouter le roi lire la Torah.
Durant des générations – depuis la destruction du Temple de Jérusalem – la Mitsva de Hakhel était restée théorique.
On en parlait, on en étudiait tous les détails, on l’évoquait avec nostalgie. Mais dans notre génération, Hakhel a pris une toute autre dimension. Hakhel, c’est aujourd’hui ! Hakhel c’est maintenant ! Hakhel peut et doit être un phénomène tangible à notre époque ! Une année de Hakhel – comme cette année – est l’occasion de réunir les Juifs ensemble, quelle que soit l’occasion, chaque Juif et tous les Juifs, hommes, femmes et enfants !

Dans ma communauté de Conejo en Californie, je suis particulièrement proche d’un médecin qui a trois fils. L’un d’entre eux, Matt, poursuit ses études à l’Université d’Arizona. Là il est devenu un visiteur régulier du Beth ‘Habad de Rav Yossef Winner et il y participe à de nombreuses activités.
Comme vous le savez, chaque année, un grand «Chabbat plein» est organisé à Crown Heights, Brooklyn, pour les étudiants de toutes les universités américaines qui ont eu des contacts avec les Loubavitch de leurs campus. Là, ils ont droit à des conférences de haut niveau, ils sont hébergés dans des familles et passent un Chabbat extraordinaire.
Bref, Matt s’inscrivit pour ce Chabbat plein. En arrivant, il regarda par curiosité la liste des noms de tous les participants. Quelle fut sa stupeur en constatant qu’une jeune fille venue de Caroline du Nord – avec le groupe de Rav Zalman Bluming – portait le même nom de famille que lui, un nom assez rare d’ailleurs.
Son prénom était Sasha. Il se renseigna, demanda à droite et à gauche et finit par la trouver. Il se présenta : Je suis Matt… d’Agoura en Californie, j’étudie à l’Université d’Arizona et j’ai remarqué que nous portons le même nom. Je me demande si nous ne sommes pas en famille…
Tous deux se mirent à raconter ce qu’ils savaient de leurs familles paternelles respectives. Il s’avéra que le père de Matt, le docteur, avait un frère qui, pour une raison depuis longtemps oubliée, s’était brouillé avec ses parents. Il avait carrément coupé tout contact avec eux. Le père de Matt crut bon alors de faire la morale à son frère : «Si tu continues à causer tant de peine à nos parents, alors moi aussi je ne t’adresserai plus la parole !»
Vous l’avez compris, les deux frères ne s’étaient plus parlé depuis pratiquement vingt ans ! Et par le plus grand des «hasards» - ces deux jeunes gens se rencontraient pour la première fois à Crown Heights : des cousins germains qui, jusque-là, avaient même ignoré l’existence l’un de l’autre !
Tous deux décidèrent que cette querelle de famille n’avait que trop duré. Ils décidèrent d’agir concrètement. Matt informa Sasha que son grand frère allait se marier d’ici quelques mois : «Ce sera le moment idéal ! Viens au mariage, je t’invite !»
Le vendredi soir précédant le mariage, la famille avait prévu d’inviter les amis et les proches à passer Chabbat ensemble au Beth ‘Habad. Juste avant que la prière ne commence, cette jeune fille de dix-neuf ans entra dans le Beth ‘Habad, se dirigea vers une vieille dame assise sur une chaise roulante et dit : «Grand-mère ! Je suis ta petite-fille Sasha !»
Soudain, de l’autre côté de la Me’hitsa (la paroi qui sépare les hommes des dames) j’entendis des sanglots. Des pleurs déchirants. Une vieille dame avait le bonheur d’embrasser sa petite-fille pour la première fois de sa vie ! C’est un des moments les plus émouvants auxquels il m’a été donné de participer.
Au cours des dix mois qui suivirent cette mémorable rencontre, les deux branches de la famille ont pris les mesures qui s’imposaient, ont resserré leurs liens : mère et fils, frère et frère etc… D.ieu soit loué, tout est revenu en ordre !
Un Chalia’h (émissaire du Rabbi) en Caroline du Nord, un Chalia’h en Arizona, un Chalia’h en Californie, un Chabbat plein à Crown Heights… Tel est le réseau en action…
Le Rabbi nous demande de sortir et d’apporter à d’autres Juifs de l’inspiration… Souvent nous agissons en ignorant l’implication de ce à quoi nous touchons… Tout ce que nous savons, c’est que nous devons contribuer au grand Hakhel, contacter encore un Juif et encore un autre. Les bénédictions et les miracles suivent !

Rav Moshe Bryski
Extrait de son discours prononcé lors du Congrès des Chlou’him
traduit par Feiga Lubecki