Pour les forces de la vie
La période que nous vivons porte un nom, elle se dénomme «entre les limites» et celles-ci sont bien visibles, donnant un tour tragique aux jours qui passent. De fait, cet espace de trois semaines a commencé par le 17 Tamouz – jour de la première brèche faite par l’ennemi dans la muraille de Jérusalem – et se terminera par le 9 Av – jour de la destruction du premier puis du second Temple. Jours de souvenir à la coloration obscure. Jours porteurs de drame selon la tradition juive. Et les événements récents, de massacre et d’inhumanité, en soulèvent comme un sombre écho.
Pourtant, dans notre histoire comme aujourd’hui, il n’est pas question de seulement subir. Il n’est pas concevable que tout cela ne fasse que prendre sa place dans nos mémoires attristées sans qu’aucun changement, gage de meilleur avenir, n’intervienne. Certes, devant de telles catastrophes, nous nous sentons sans doute bien impuissants, presque écrasés par une supposée fatalité, précisément pris «entre les limites» perçues comme infranchissables. Il faut le redire et le méditer avec courage et obstination : une telle attitude de renoncement n’est pas juive. Lorsque nos ancêtres connurent les horreurs de la destruction le 17 Tamouz et le 9 Av, lorsqu’ils durent partir sur les chemins de l’exil, ils ne renoncèrent pas. Lorsque nous affrontons la barbarie meurtrière au quotidien, en Israël ou ici même, nous ne renonçons pas.
Reste à se demander quoi faire. Il est clair que les réponses matérielles doivent exister, elles sont toujours nécessaires. Mais, quant à nous, nous le savons – et notre propre histoire en est la plus claire illustration – d’autres moyens d’action sont à notre portée. Ils sont, comme notre nature profonde, ancrés dans le spirituel. Ceux qui assassinent, aujourd’hui comme hier, veulent détruire la lumière ; il nous revient de la construire, d’en élever encore la grandeur. L’étude est la clé. Etudier les lois relatives au Temple dans le traité talmudique Midot, dans le Michné Torah de Maïmonide – tout ces textes existent en traduction française. Reconstruire le Temple, la maison de D.ieu, par l’esprit, faire se dresser de nouveau ce grand phare des consciences par les mots, c’est bannir d’entre les hommes les fauteurs de mort. C’en est la période : à nous de soutenir les forces de la vie.
Quand le figuier criera
Le Midrach enseigne que, au temps de Machia’h, si un homme s’approchera d’un figuier pour en arracher un fruit pendant le Chabbat, l’arbre s’exclamera : «C’est Chabbat aujourd’hui !»
Ce changement radical a une raison : en ce nouveau temps, la Divinité sera totalement révélée. Ainsi, dans toute la création, seule Son existence apparaîtra de telle sorte que le monde matériel lui-même, y compris le végétal ou le minéral, ressentira que D.ieu est l’unique réalité.
(D’après Likoutei Si’hot vol. 11 parachat Bechala’h 3)
Pin’has
Résumé
Le petit-fils d’Aharon, Pin’has, est récompensé de son acte zélé qui l’a fait tuer le prince Zimri, de la tribu de Chimon, et la princesse de Midian avec laquelle il avait gravement fauté. D.ieu lui accorde une alliance de paix et la prêtrise.
Un recensement du peuple dénombre 601 730 hommes de vingt à soixante ans.
Moché reçoit les instructions concernant le partage de la terre entre les tribus et les familles d’Israël, sous forme de tirage au sort.
Les cinq filles de Tsélof’had demandent à Moché le droit d’hériter de la terre de leur père, mort sans laisser de fils. D.ieu accepte leur demande et l’incorpore dans les lois d’héritage.
Moché habilite Yehochoua pour lui succéder et mener le peuple vers la Terre d’Israël.
La Paracha se conclut avec une liste détaillée des offrandes quotidiennes et des offrandes additionnelles apportées le Chabbat, Roch ‘Hodèch (le premier jour du mois) et lors des fêtes de Pessa’h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, Soukot et Chemini Atsérèt.
* * *
La lecture de la Paracha commence par la déclaration de D.ieu : «Pin’has, fils d’Elazar… a détourné Ma colère… par le zèle (qu’il a manifesté) pour Moi». Nos Sages identifient ce zèle au messirout néfèch, don de sa propre personne, un acte de dévouement à l’égard de D.ieu qui ne connaît ni limites ni retenue. Quand bien même sa propre vie est en danger, comme ce fut le cas pour Pin’has qui risqua la sienne pour préserver la moralité du peuple, on est prêt à courir ce risque au nom des principes et des valeurs que D.ieu nous a donnés.
Dans un sens plus profond, le sacrifice de soi transcende les limites de la raison et de la logique. Chacun d’entre nous possède certaines valeurs et certains principes dont il reconnaît la validité et qu’il voudrait appliquer dans sa vie et voir se refléter dans la communauté qui l’entoure.
Travailler pour faire valoir ces valeurs et ces principes n’implique pas de messirout néfèch. Bien au contraire, l’on est heureux et satisfait de faire ce qui est nécessaire pour atteindre son but. Aucune pression, aucun défi ne sont ici impliqués.
Mais à certaines occasions, les exigences de la Torah nous forcent à dépasser le cadre de l’engagement que nous sommes prêts à investir. Et à d’autres moments, c’est notre environnement qui crée des défis qu’il semblerait raisonnable de ne pas relever. Certes, il est important de s’en tenir à nos principes et à nos valeurs mais jusqu’à quel point ? Combien sommes-nous prêts à sacrifier pour les respecter ? Dans la plupart des cas, nous estimons que notre vie, et peut-être même nos possessions sont trop importantes pour les mettre en danger.
Cela met en lumière la force extraordinaire du messirout néfèch et du zèle dont fit preuve Pin’has. Même lorsque la raison et la logique n’exigeaient pas de lui une telle implication, il n’hésita pas.
Où se trouve la source d’un tel engagement ? S’il ne naît pas dans l’esprit, d’où vient-il ? Pourquoi une personne est-elle prête à prendre de tels risques et à faire de tels sacrifices ?
La ‘Hassidout explique que dans le tréfonds de chacun réside une âme, «réelle partie de D.ieu». Cela représente un niveau encore plus profond que les pensées et les sentiments. C’est ainsi qu’il est prêt à s’engager pour D.ieu même lorsque sa logique et sa raison lui dictent le contraire. Son véritable moi, son intériorité Divine s’identifient avec la volonté de D.ieu et le poussent à faire ce qui est nécessaire pour l’accomplir, quels que soient les risques ou les sacrifices impliqués.
D’un côté, cela semble témoigner d’un niveau admirable. Mais dans la vie quotidienne, cela peut paraître problématique. Puisque nous évoquons un engagement qui dépasse la logique et la raison, comment cela peut-il être distingué d’un fondamentalisme fanatique, tellement présent dans de nombreuses couches de la société contemporaine ? En quoi ce message diffère-t-il de ce que de nombreux cultes religieux répandent en disant à leurs adeptes de renoncer à tout, pour le lien avec D.ieu que promet le culte ?
La réponse à ces questions réside dans le fait que les valeurs et les principes pour lesquels le Judaïsme préconise le messirout néfèch sont ceux-là mêmes qui ont caractérisé la vie juive depuis plus de trois mille ans. Nous ne parlons pas de nouveaux idéaux qui viennent d’éclore mais d’un système éthique et moral qui est mis en pratique depuis des siècles. Le messirout néfèch d’un Juif est l’extension de l’Histoire qui a prouvé son intégrité au fil du temps. Ce sacrifice de soi continue la chaîne d’or de dévouement pour laquelle notre peuple a vécu, et est mort, pour D.ieu et Sa Torah.
Perspectives
Nos Sages identifient Pin’has avec le prophète Elie, messager de la Rédemption. Elie est également caractérisée par le zèle, un engagement qui va au-delà de toutes limites. Puisqu’à l’ère de la Rédemption, le fond Divin qui se trouve à l’intérieur de chaque personne et de chaque entité se révélera, le messager de la Rédemption doit être quelqu’un qui a révélé sa propre intériorité Divine.
Nos efforts pour révéler la Divinité qui réside à l’intérieur de nous-mêmes et du monde suscitent une initiative symétrique de la part de D.ieu, Le poussant à révéler des énergies essentielles, normalement inexploitées.
D’une manière générale, il y a un ordre et un modèle dans la révélation Divine et Son essence n’est pas dévoilée. A l’Ere messianique, «ton Maître ne sera plus caché» et ces révélations essentielles se manifesteront ouvertement.
Qu’est-ce qui suscitera ce changement ? Un changement similaire à l’intérieur de nous-mêmes. En allant à la recherche de notre moi intérieur et en révélant notre essence Divine, nous inspirons un processus parallèle de la part de D.ieu.
Quand commencent «les neuf jours» ?
A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année vendredi 5 août 2016), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem.
On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).
On évite de passer en jugement.
Ces 9 jours durent jusqu'à après le jeûne de Tichea Beav, cette année dimanche soir 14 août.
Qu’est-ce qu’un «Siyoum» ?
Un «Siyoum» est une fête qu’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un «Siyoum» pendant chacun des «neuf jours» puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum en écoutant chaque jour sur radio J à 14h 30 une personne qui achève l’étude d’un traité du Talmud. Le Rabbi demandait à ce que l'on poursuive ces Siyoumim jusqu'au 15 Av, cette année vendredi 19 août 2016. Restez à l’écoute !
Cacherout et guérison
En 1976, Rav Yekutiel Farkash, décisionnaire bien connu de Jérusalem, eut la douleur de perdre sa fille de sept ans après une longue maladie. Les médecins de l’hôpital Hadassah Ein Kerem avaient fourni tous les efforts pour sauver sa vie et adoucir ses derniers instants.
Après les sept jours de deuil, Rav Farkash souhaita rencontrer un des médecins en particulier, pour le remercier de son dévouement. Quand le Rav entra dans son bureau, il embrassa le praticien et annonça : «Je ne peux pas vous payer pour tout ce que vous avez fait pour ma fille parce que tout l’argent du monde n’y suffirait pas mais je peux vous donner ce que le bon D.ieu m’a donné en cadeau : je peux étudier la Torah avec vous !».
Rav Farkash savait très bien à qui il s’adressait : ce médecin avait émigré d’Afrique du sud et n’avait jamais eu le moindre contact avec le monde juif pratiquant. De fait, il représentait déjà la troisième génération qui s’était éloignée du judaïsme. Pourtant le docteur accepta la proposition et, ensemble, ils décidèrent d’étudier le Tanya. Chaque semaine, le lundi à 18 heures, Rav Farkash se rendait dans la luxueuse villa du médecin dans le quartier cossu de Rassco et ils étudiaient très sérieusement. L’homme était décidé à comprendre et argumentait : ceci mena à des discussions animées et une intense réflexion sur la pratique effective des Mitsvot.
Le Tanya possède une lumière qui peut pénétrer l’âme et l’illuminer. Peu de temps après, le docteur demanda à Rav Farkash de lui acheter une paire de Téfilines, de lui montrer comment les mettre et il s’engagea à les mettre chaque jour. Au fur et à mesure de leur étude, le médecin se mit à accomplir davantage de Mitsvot.
Ce n’était pas toujours très facile. Quand il se mit à progresser dans le domaine religieux, sa femme s’y opposa fermement. Finalement, ils arrivèrent à une sorte de compromis : il était libre de se conduire comme il le voulait mais il n’était pas question qu’il impose des changements à sa famille. Tous les arguments pour tenter de la convaincre échouèrent, elle refusait de changer quoi que ce soit dans sa façon de vivre.
Deux ans passèrent ainsi. Juste avant la nouvelle année juive, en septembre 1977, Rav Farkash se rendit comme d’habitude au domicile du docteur mais, à peine était-il entré qu’il remarqua qu’il y avait un problème. La maison était obscure, les volets étaient fermés… Le médecin était tendu et très triste.
- Que se passe-t-il ? demanda le Rav, très surpris.
- Un véritable cauchemar ! répondit l’homme. Depuis plusieurs jours, ma femme ressent des contractions musculaires qui la font terriblement souffrir au point qu’elle ne parvient plus à dormir. Depuis plusieurs jours, elle ne dort plus et ne s’assoupit que quelques instants. Bien entendu, elle s’affaiblit à vue d’œil… Nous avons effectué tous les examens possibles, j’ai utilisé mes relations avec tous mes collègues spécialistes dans différents domaines et nul ne parvient à trouver la raison de son mal mystérieux ou à la soulager.
- Si ce cas est tellement spécial et que les médecins ne savent pas en trouver la cause, proposa Rav Farkash, je suggère que vous écriviez au Rabbi de Loubavitch : vous avez besoin de sa bénédiction !
- Je ne pense pas que je peux entreprendre pareille démarche sans l’accord de ma femme, soupira le médecin en hochant tristement la tête. Je suis presque sûr qu’elle refusera. Vous la connaissez…
- Dans ce cas, laissez-moi lui parler !
Rav Farkash, avec beaucoup de tact envers cette femme au bord de l’épuisement, lui expliqua doucement les grandes capacités spirituelles du Rabbi, la force de ses bénédictions qui engendraient des miracles et son amour de tout le peuple juif. Comme prévu, la dame refusa tout d’abord :
- Le Rabbi connaît-il mon dossier médical ? demanda-t-elle d’une voix lasse.
- De nombreuses personnes se sont tournées vers le Rabbi, continua Rav Farkash et ont vu leur situation s’améliorer dans toutes sortes de domaines.
Elle accepta finalement. Dès son retour chez lui, Rav Farkash écrivit une lettre au Rabbi, téléphona à New York et lut sa lettre à l’un des secrétaires qui la réécrivit et la transmit au Rabbi (qui se souvient qu’il n’existait pas alors les moyens modernes de communications… ?)
La réponse du Rabbi ne tarda pas : «Cacherout des aliments et des boissons. Je le mentionnerai auprès du tombeau de mon beau-père, le Rabbi (Yossef Its’hak) ».
Rav Farkash savait combien il serait difficile de convaincre cette dame de s’engager à manger cachère exclusivement. Néanmoins, il se rendit le soir même chez le docteur et, bien qu’il fût très tard, frappa à la porte et rapporta fidèlement le message du Rabbi. La fatigue de cette dame était telle qu’elle accepta plus facilement que prévu.
Dès le lendemain, une équipe de jeunes gens experts dans ce domaine se rendit chez elle avec un chalumeau pour cachériser sa cuisine. Le lendemain, Rav Farkash téléphona et ce fut la dame elle-même qui décrocha :
- Rav Farkash ! C’est incroyable ! Je ne ressens plus aucune contraction musculaire. J’ai dormi huit heures d’affilée sans plus ressentir de douleur !
Par la suite, elle déclara : «Le Rabbi est un homme très intelligent ! Il ne m’a pas demandé de devenir pratiquante mais m’a juste conseillé de manger cachère !».
Rav Farkash lui expliqua patiemment que le Rabbi «n’inventait pas de Mitsvot pour apporter la guérison» mais donnait des conseils qui apportaient un soulagement physique et spirituel. Il continua à l’encourager à respecter les lois de la cacherout malgré les difficultés d’adaptation du début.
Sa maladie mystérieuse avait complètement disparu, la famille devint de plus en plus pratiquante et, aujourd’hui, les enfants et petits-enfants le sont à 100%.
L’histoire ne s’arrêta pas là.
Le fils de Rav Farkash se trouve être Chalia’h (émissaire) du Rabbi à Buenos Aires. Un jour, alors qu’il faisait ses courses dans une épicerie cachère et que l’épicier l’appelait par son nom, un autre client sursauta :
- Vous êtes Rav Farkash ? Je veux dire le fils de celui qui raconte dans la vidéo comment il lui était arrivé un miracle du Rabbi avec la femme du docteur, comment il avait réussi à la persuader de manger cachère ? Écoutez : je m’appelle Israël (Miguel) Rhine, j’habite à Asunción, au Paraguay. L’année dernière, j’étais très malade et les médecins désespéraient de ma guérison. En surfant sur YouTube, je visionnais cette vidéo qui m’impressionna tant que je l’ai regardée plusieurs fois. Je me suis dit que c’était peut-être ce qu’il me fallait et j’ai décidé de manger cachère. J’en ai parlé au Loubavitch de ma ville qui a accepté de venir cachériser ma cuisine et j’ai guéri progressivement. D’ailleurs je suis venu à Buenos Aires uniquement pour remplir ma valise de produits cachères ! Je vous en prie, dites à votre père de ma part que je n’ai pas assez de mots pour le remercier !
Menachem Ziegelboim - JEM
Traduit par Feiga Lubecki