Semaine 29

  • Pin’has
Editorial
L’éternelle victoire

Vive la liberté ! C’est cette exclamation qui peut retentir en cette nouvelle semaine qu’éclaire les 12 et 13 Tamouz, dates de la libération de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, des prisons puis de l’exil soviétiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une liberté retrouvée qui ne concerna pas seulement son bénéficiaire, le Rabbi Précédent, mais qui fit souffler un vent nouveau dont les effets se firent encore sentir bien longtemps plus tard. A cette époque, le pouvoir stalinien avait imaginé que la violence pouvait venir à bout de l’éternel judaïsme. Il avait rêvé d’anéantir une vision par la force de l’arbitraire et le terrorisme des hommes sans morale. De fait, beaucoup crurent que la réussite de son entreprise était inévitable. Beaucoup se dirent qu’une poignée d’hommes ne peut résister durablement à un tel écrasement et que toute la grandeur du Rabbi Précédent ne pourrait rien y faire. Certes, il avait tenu tête à l’intimidation et, malgré la férocité de ses ennemis, avait réussi à maintenir un réseau clandestin d’écoles juives, de bains rituels etc. Mais pour combien de temps ? Son emprisonnement était la conséquence logique de cet entêtement irrationnel, pensa-t-on sans doute.
Le 12 Tamouz apporta sa réponse éclatante. Rien ne résiste à la justice, à la vérité, à la confiance en D.ieu et à l’assurance que tout cela donne. Pas plus que l’obscurité, aussi profonde soit-elle, ne peut espérer vaincre la lumière, la force et la violence ne peuvent espérer l’emporter sur de telles notions. Ce recul de l’immense puissance soviétique d’alors, la reconnaissance des implications de ce recul manifestèrent qu’une nouvelle époque était en train de naître. De fait, le Rabbi Précédent fut libéré de prison, relâché de son exil et autorisé à quitter le pays aux conditions que lui-même posa. Il continua son œuvre outre-atlantique et on sait aujourd’hui les résultats qu’elle produisit.
Cette histoire n’est pas seulement celle d’un héroïsme ancien ou d’une victoire du passé, qui nous intéresserait, au mieux, au titre d’une nostalgie de grandeur. Elle est d’abord, plus qu’un exemple, une leçon pour notre temps. Nous savons que, dans bien des endroits du monde, et particulièrement dans ces régions si chères au cœur du peuple juif, la violence, la barbarie aveugle, l’oppression sont les moyens choisis pour faire entendre leur voix – celle de la terreur – par ces hommes qui renient tout sentiment humain. Parfois on peut légitimement s’interroger : est-il possible de continuer d’être des porteurs de lumière parmi les serviteurs de l’obscurité ? Alors, ne l’oublions pas : la lumière vainc toujours et pour l’éternité.
Etincelles de Machiah
Le prophète Elie

Annonçant la venue de Machia’h, Malachie (3 : 23) prophétise : «Voici que je vous envoie le prophète Elie avant la venue du grand et terrible jour de D.ieu». Ce verset souligne l’implication particulière d’Elie dans l’avènement des temps messianiques. C’est justement ce qui demande à être mieux compris : pourquoi ce rapport spécifique entre lui et le nouveau temps ?

Elie, est-il enseigné, a tant spiritualisé son corps que, lorsqu’il quitta ce monde, son enveloppe physique s’éleva avec lui. Ce caractère est celui qui apparaîtra au temps de la Délivrance. Alors, le corps de chaque être humain est si raffiné que (Isaïe 40 : 5) «toute chair verra que c’est la bouche de D.ieu qui a parlé».
(d’après Likoutei Si’hot, vol. II, p. 610) H.N.
Vivre avec la Paracha
Pin’has

Les lois de l’héritage constituent l’un des sujets de la Paracha de cette semaine, Balak. Ces lois furent révélées à Moché par l’intermédiaire des filles de Tsélof’had.
Les filles de Tsélof’had, Ma’hla, Noa, Haglah, Milca et Tirsa, se tinrent devant Moché et toute la congrégation d’Israël en disant : «Notre père est mort dans le désert mais il ne faisait pas partie du groupe qui se ligua contre D.ieu dans l’assemblée de Kora’h et il n’avait pas de fils. Pourquoi le nom de notre père serait-il effacé de sa famille parce qu’il n’a pas eu de fils ? Donne-nous une part avec les frères de notre père.»
Ainsi Moché porta-t-il leur cas devant D.ieu.
D.ieu parla à Moché en ces termes : «Les filles de Tsélof’had parlent avec justesse. Tu leur donneras assurément une part d’héritage.»
Parle aux Enfants d’Israël en ces termes : «Si un homme meurt et n’a pas de fils, vous transférerez son héritage à sa fille.» (Devarim 27 : 1-8)
Chaque épisode de la Torah nous livre une leçon spirituelle éternelle. Les Maîtres de la Cabbale ont compris cette loi d’héritage comme une métaphore des rôles spirituels des hommes et des femmes.
La «conquête de la terre» n’était pas un commandement qui ne s’adressait qu’à la génération du désert. Chacun de nous est enjoint de «conquérir la terre», de gagner la maîtrise de notre monde matériel et de le transformer en une Résidence convenable et sainte pour D.ieu.
La nature de la matérialité est d’être résistante voire hostile à la Divinité, à la sainteté et à la spiritualité. La manière de «conquérir la terre» a traditionnellement impliqué de battre, soumettre et déraciner l’obscurité et la négativité (que ce soit en combattant les gens ou les régimes hostiles ou en luttant contre les systèmes de valeurs antithétiques à la morale de la Torah).
Nous «combattons» en supprimant la nature matérialiste de notre monde et en y imposant un but et une fonction plus élevés.
Mais il est une autre méthode pour transformer notre monde et en faire une Résidence Divine. Cette approche ne combat pas agressivement la négativité mais plutôt cultive et révèle la positivité inhérente dans chaque création. Dans ce mode, nous ne travaillons pas selon la méthode traditionnelle et linéaire qui consiste à imposer et surmonter mais plutôt d’une manière plus profonde et persuasive, en élevant notre réalité pour la rendre plus divine.
En bref, ces deux méthodes reflètent les modes d’engagement spirituel masculin et féminin. Nous utilisons le mode «masculin» quand nous conquérons, soumettons ou écrasons. Nous employons l’approche «féminine» lorsque nous cultivons, nourrissons et révélons les qualités inhérentes. (Cela ne signifie pas pour autant que chaque homme utilise systématiquement le mode masculin et chaque femme le féminin mais il s’agit ici des énergies masculines et féminines, à l’intérieur de la création).
Les deux rôles sont vitaux afin de rendre notre monde adéquat pour qu’y réside la Divinité. Mais depuis le début des temps, le rôle masculin a été perçu comme supérieur et plus efficace. Et pendant un certain temps, ce rôle était vital. Quand le mal domine, il faut le combattre avec agressivité et de toutes nos forces.
Mais vint un moment où l’humanité était prête à faire la transition des valeurs masculines aux valeurs féminines, de l’autorité au dialogue, de la domination à la persuasion, du contrôle à la nourriture.
Les filles de Tsélof’had comprirent cette réalité. Elles réalisèrent que viendrait un temps et un lieu où «conquérir et s’établir dans le pays» ne serait pas une entreprise exclusivement masculine. Toutes les conquêtes n’aboutissent pas en écrasant son adversaire. Il existe une manière féminine de transformer la matérialité de notre vie pour en faire «une terre sainte».
D.ieu acquiesça à leur vision.
D.ieu ordonna : «Si un homme n’a pas de fils, vous transférerez son héritage à sa fille». Les Maîtres de la Cabbale expliquent ces mots comme signifiant qu’il arrive que les qualités du «fils», la nature masculine, agressive et combative, gagnent à être remplacées par celles de la «fille», le côté réceptif, emphatique et refusant la confrontation.
L’humanité parviendra à un temps où les qualités féminines de réceptivité, de réconfort et d’empathie seront valorisées et revendiquées comme des aptitudes égales, voire supérieures, pour changer la nature-même et l’hostilité de la «terre» et la transformer en une Résidence pour D.ieu.
Les Maîtres ‘hassidiques expliquent que chacune des quarante-deux étapes du voyage de l’Egypte à la Terre Sainte reflète une autre génération et un autre stade de l’histoire du monde. L’incident des filles de Tsélof’had eut lieu lors de la dernière étape de ce voyage. Il reflète la fin de notre voyage cosmique, juste avant notre conquête ultime de le Terre, à l’âge messianique.
Depuis nos Patriarches et à travers toute l’histoire juive, il y a toujours eu des femmes particulières qui ont fait preuve de qualités spirituelles que leurs époux (eux-mêmes, hommes grands et dirigeants d’Israël) ne pouvaient atteindre. Elles étaient des individus qui donnaient un avant-goût de l’Ere Messianique, à leur propre époque. Elles effleuraient le futur, lorsque les valeurs féminines de notre monde s’élèveront au-dessus des masculines.
La génération du désert était également exposée à cette réalité messianique. Les femmes y réparèrent ce que les hommes avaient brisé. Elles refusèrent de participer à la fabrication du veau d’or. Elles refusèrent d’écouter les conseils des Explorateurs qui médisaient contre la Terre d’Israël. Et dans notre Paracha, alors que les hommes ont refusé d’entrer en Terre d’Israël, les filles de Tsélof’had demandent et obtiennent un héritage.
Le Ari zal (Rabbi Its’hak Louria, 1534-1572) explique que la génération de la Rédemption finale est une réincarnation des mêmes âmes qui ont fui l’Egypte. Leurs valeurs féminines extrêmement puissantes se retrouveront dans la dernière étape de notre histoire, suscitant et faisant triompher la Rédemption finale quand le rôle féminin sera valorisé et apprécié.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le 17 Tamouz ?

Cette année, le jeûne du 17 Tamouz est le mardi 19 juillet 2011.
On ne mange ni ne boit depuis le matin (à 3h 45, heure de Paris) jusqu’à la tombée de la nuit (22h 35 à Paris).
C’est en ce jour que Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) brisa les premières Tables de la Loi à la suite du péché du veau d’or. Bien plus tard, le sacrifice quotidien fut interrompu lors du siège de Jérusalem. Une première brèche apparut ce jour-là dans les murailles de la ville sainte. Enfin, Apostomos installa une idole dans le Temple et brûla un rouleau de la Torah, toujours un 17 Tamouz.
Durant les trois semaines suivantes, jusqu’au 9 Av (mardi 9 août 2011), on augmente les dons à la Tsedaka. On évite d’acheter de nouveaux vêtements et on ne prononce pas la bénédiction «Chéhé’héyanou» (par exemple pour un fruit nouveau). On ne se coupe pas les cheveux et on ne célèbre pas de mariage. On évite de passer en jugement.
Suite à l’appel du Rabbi, à partir du 17 Tamouz, nous intensifions l’étude des lois de la construction du Temple (dans le livre d’Ezékiel, le traité Talmudique Midot et le Rambam – Maïmonide).
Durant les neuf jours qui précèdent le 9 Av (à partir du dimanche soir 31 juillet 2011), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin. Par contre, on assistera à un Siyoum (ou on l’écoutera à la radio), ce qui est une joie permise durant cette période.

F. L.
De Recit de la Semaine
Le maire et le menuisier

Une longue queue sur le trottoir, devant la synagogue du Rabbi, 770 Eastern Parkway à Brooklyn. En attendant de passer devant le Rabbi pour recevoir de sa main un billet d’un dollar (dont on donnera l’équivalent à la Tsedaka, charité), on prie, on réfléchit à ses actions passées et futures, on bavarde…
Rav Chalom Duchman, directeur de l’institution Colel Chabad, était venu d’Israël avec le maire de la ville d’Ashkelon, M. Elie Dayan. Celui-ci ne cachait pas son émerveillement devant le nombre de Juifs prêts à patienter plusieurs heures pour avoir le mérite de passer devant le Rabbi et, peut-être, pouvoir échanger avec lui quelques mots, jouir de ses conseils et bénédictions…
Soudain M. Dayan se souvint : «De fait, j’ai déjà eu l’occasion de constater la grandeur du Rabbi et sa vision à long terme. Voici ce qui est arrivé : un jour, à Ashkelon, on nous a proposé de racheter une menuiserie. Un Juif de la ville de Kiriat Mala’hi s’intéressa à cette offre : il contacta le propriétaire, vérifia tous les détails et décida de procéder à l’achat de l’usine. Le vendeur et l’acheteur se rendirent chez le notaire pour finaliser la transaction et signer tous les documents. Mais au dernier moment, le client potentiel déclara : «Un instant ! Je ne signerai pas tant que je n’aurai pas obtenu l’accord et la bénédiction du Rabbi !»
Nous étions interloqués. Une si bonne affaire !
Mais nous savions qu’il était inutile de discuter, chacun avait droit à ses fantaisies…
Nous lui avons simplement demandé de ne pas nous faire attendre plus qu’un jour ou deux : d’autres clients potentiels s’étaient manifestés et nous ne pouvions pas nous permettre de repousser leurs propositions indéfiniment.
Un jour s’écoula puis un autre et le client de Kiriat Mala’hi téléphona : «Excusez-moi mais je n’achète pas la menuiserie. J’ai compris d’après la réponse du Rabbi que l’affaire n’était pas pour moi !»
Comment ? Une si belle affaire !
Le lendemain, un incendie accidentel éclata dans l’usine et la menuiserie fut entièrement détruite…
Regardez, expliqua encore M. Dayan, comment le Rabbi a veillé aux possessions de deux Juifs. La menuiserie était assurée mais l’assurance perdait toute sa validité si l’usine passait aux mains d’un autre propriétaire. C’est-à-dire que tant que la transaction n’était pas effective, la police d’assurance était valide.
Si l’homme de Kiriat Mala’hi avait acheté la menuiserie, il n’aurait certainement pas contracté immédiatement une assurance et l’usine n’aurait pas été assurée pendant quelques jours. Tout son investissement aurait été en pure perte, que D.ieu préserve !
Par contre, le propriétaire fut entièrement dédommagé et put monter une autre affaire !

Michpa’ha ‘Hassidit
traduit par Feiga Lubecki