Samedi, 8 juillet 2023

  • Pin’has
Editorial

 Gan Israël : pour la vie !

Il existe des mots évocateurs, des termes qui emportent la joie, l’émotion, tout un bonheur de vivre. Il en est un, lié à la même période chaque année, et cette récurrence fait parfois perdre de vue sa beauté et sa grandeur. Cela s’appelle « Gan Israël » et la pratique française dénomme l’entreprise, de façon presque absurdement administrative, « centres aérés ».  Le Gan Israël est cependant bien autre chose et seule l’habitude fait que nous peinions à en percevoir la merveille. Car c’est de vies d’enfants qu’il s’agit. De fait, pendant toute la période, ils sont des milliers d’enfants juifs qui se retrouvent dans ce cadre, partout dans le monde. Venus de tous les horizons familiaux, intellectuels, mentaux, sociaux ou culturels, plus ou moins proches ou lointains de la tradition juive, des plus pratiquants aux plus oublieux, ils vivent là comme une manière de plénitude. Si l’entreprise est certes au « centre » des choses, ce dernier ne se contente pas d’être simplement « aéré » ; il est l’air lui-même. Il est cette source de vie irremplaçable qui assure que demain verra encore grandir le bonheur.

Cela ressemble à un rêve : un lieu où les enfants viennent parce qu’ils le désirent avec force, un lieu où le judaïsme s’apprend naturellement, non comme un objet d’étude mais comme une partie de soi-même, comme un élément chevillé à l’âme. C’est pourtant une réalité sereine. Les centres Gan Israël sont ouverts depuis le début du mois de juillet et souvent au mois d’août. Ils existent partout où ils sont nécessaires, il suffit de se renseigner sur le plus proche de chez soi. Quand on y réfléchit, ils ont un nom bien évocateur. « Gan Israël », cela se traduit littéralement par « jardin d’Israël ». Comme un jardin qui produit des fruits de délice, tout ce qui fait l’agrément et le plaisir du monde.

C’est ainsi que le choix se présente : faire de ce temps un moment d’allégresse ou une période d’ennui, le transformer en un enrichissement ou l’abandonner comme un dépérissement, y retrouver ce que l’on est pour mieux le vivre toute l’année ou... Tout cela dépend finalement, comme bien des choses, d’une simple décision. Il faut savoir la prendre. Les enfants le méritent et le demandent. Et cette demande porte loin. Elle sait ouvrir les Portes du Ciel sans que rien ne puisse s’y opposer. Elle résonne ainsi pure dans l’éternité jusqu’à susciter pour tous des bénédictions infinies, et amener la réalisation de la plus grande de nos espérances : la venue de la Délivrance.

Etincelles de Machiah

 Une prière spontanée

Deux vieux ‘Hassidim racontaient, un jour, ce qu’ils avaient eu l’occasion de voir chez les Rabbis qu’ils avaient connus. Un groupe s’était formé autour d’eux, buvant littéralement leurs paroles. Une longue discussion s’engagea alors et déboucha sur une question : comment serait le monde quand Machia’h viendrait ?

Un des vieux ‘Hassidim entreprit d’y répondre : « Quand Machia’h viendra, un Juif se lèvera le matin pour se préparer à prier – et sa prière coulera spontanément. De même, pendant toute la journée, chaque instant sera utilisé pour l’étude de la Torah et le service de D.ieu. Et tout viendra naturellement, sans effort ».

(d’après la tradition orale)

Vivre avec la Paracha

 Pin’has

Le petit-fils d’Aharon, Pin’has, est récompensé de son acte zélé par lequel il a tué le prince Zimri, de la tribu de Chimon, et la princesse de Midian avec laquelle il avait gravement fauté. D.ieu lui accorde une alliance de paix et la prêtrise.

Un recensement du peuple dénombre 601 730 hommes de vingt à soixante ans.

Moché reçoit les instructions concernant le partage de la terre entre les tribus et les familles d’Israël, sous forme de tirage au sort.

Les cinq filles de Tsélof’had organisent une pétition où elles demandent à Moché le droit d’hériter de la terre de leur père, mort sans laisser de fils. D.ieu accepte leur demande et l’incorpore dans les lois de l’héritage.

Moché habilite Yehochoua pour lui succéder et mener le peuple vers la Terre d’Israël.

La Paracha se conclut avec une liste détaillée des offrandes quotidiennes et des offrandes additionnelles apportées le Chabbat, Roch ‘Hodèch (le premier jour du mois) et lors des fêtes de Pessa’h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot et Chemini Atsérèt.

Le véritable Pin’has s’affirmera-t-il ?

A la fin de la Paracha de la semaine passée, la Torah relate la façon dont Pin’has commet l’ultime acte de zèle : il tue un dirigeant juif, Zimri, et la princesse de Midian, Kozbi, avec laquelle il était lié. La toile de fond de cet événement avait été tendue par le déferlement de femmes midianites venues séduire les Juifs et les conduire à des actes idolâtres et immoraux. La conséquence de cette tragique décadence de la communauté juive est une terrible plaie qui décime des milliers de Juifs. Pin’has prend alors une initiative et exécute les profanateurs. Son zèle pour D.ieu lui vaut d’être récompensé par le Tout-Puissant : lui-même et ses descendants gagnent la Prêtrise, pour toujours.

Les commentateurs s’interrogent sur le fait que l’histoire de Pin’has ait été divisée entre deux Parachiot. L’histoire elle-même de son acte de zèle est relatée dans la Paracha de la semaine dernière : Balak. En revanche, la promesse que lui fait D.ieu fait partie de la Paracha de cette semaine : Pin’has.

Pourquoi l’épisode n’est-il pas rapporté dans son intégralité dans l’une de ces deux sections ? Cela ressemble à une tentative de parler de Pin’has dans deux contextes différents.

Pour étayer encore davantage la thèse des « deux Pin’has », nous pouvons citer la façon dont Pin’has est mentionné ici : « Pin’has, fils d’Élazar, fils d’Aharon le Prêtre ». N’avons-nous pas déjà lu précédemment, dans la Paracha de la semaine passée, que Pin’has était le fils d’Élazar et le petit-fils d’Aharon le Prêtre ? Pourquoi répéter sa généalogie ? On peut en déduire que le Pin’has dont il est question dans cette Paracha n’est pas le Pin’has spirituel de la semaine passée. Comment expliquer cette dualité ?

Une double identité

Il est sûr que Pin’has était zélé. Mais en fait, il commit un terrible acte de violence. Ainsi, si la Paracha précédente s’était conclue par l’acte de Pin’has et la récompense qui lui fut attribuée, nous nous serions toujours souvenus de Pin’has pour son zèle, et non pour la paix et l’unité qu’il cherchait à restaurer ainsi.

Plus encore, bien que l’acte de zèle puisse être un acte positif quand il est accompli dans l’intérêt de sauver des vies, ce n’est pas un trait de caractère que nous désirons perpétuer. Nous n’élevons pas nos enfants avec l’intention qu’ils déracinent et éradiquent toute trace de mal dans le monde. Combattre le mal est une mesure nécessaire pour la sécurité et la préservation du bien en notre sein mais ce n’est pas, en soi, une valeur intrinsèque. Ce n’est pas un trait de caractère que nous voulons instiller en nos enfants.

« Une alliance de paix »

Ce que nous cherchons à inculquer à nos enfants et à perpétuer à la postérité est l’« alliance de paix ». Ce qui finira par se perpétuer sont les valeurs positives du Judaïsme alors que le combat contre le mal cessera avec la venue du Machia’h et la Rédemption finale où « les glaives se transformeront en socs de charrue. »

En divisant l’histoire de Pin’has en deux, la Torah transmet un message crucial : malgré la nécessité d’un acte zélé comme celui de Pin’has, ce n’est pas cela qui le caractérise, pas plus que la portion qui porte son nom. Mais c’est son lien avec Aharon, celui qui aime la paix.

La Paracha de cette semaine déclare que l’on doit se souvenir de Pin’has comme de la continuité d’Élazar et d’Aharon, le chantre de la paix. Le fait qu’il ait donné la mort à Zimri et Kozbi n’était pas motivé par la haine ou par une prédisposition latente à la violence. Mais sa violence était une émanation de son amour passionné pour le bien du Peuple juif. Et c’est cette passion qui dure éternellement.

Deux approches à la discipline

L’on peut appliquer ce qui vient d’être dit à la discipline. Deux approches sont possibles à la discipline : utiliser des mesures sévères, avec la motivation sous-jacente d’agir par amour et par intérêt pour l’enfant ou l’étudiant, ou bien utiliser ouvertement la chaleur et l’amour.

Rabbi Chnéor Zalman, dans le Tanya (chapitre 32), discute de ces deux approches et trace une différence significative entre elles. S’il utilise des critiques acerbes et qu’il échoue dans sa tentative de changer l’autre, il ne reste rien au maître. Le résultat est négatif et l’ensemble du processus l’a essentiellement été également. Il n’y a de valeurs positives dans ce qui est fait que si cela donne naissance à des résultats positifs.

En revanche, quand une personne utilise l’amour pour changer l’autre, quand bien même cela ne donne pas de résultats positifs, elle a toutefois accompli la Mitsva d’aimer l’autre comme soi-même. La méthode elle-même renferme une valeur intrinsèque.

La leçon qui s’applique à nous aujourd’hui est évidente. Nous vivons au seuil de l’Âge Messianique où il n’y aura plus de mal à détruire. Même à l’époque de Pin’has, des milliers d’années avant l’Ère où le mal sera totalement détruit, la Torah souhaite séparer Pin’has de son acte violent, de sorte d’imprimer en nous la nécessité de minimiser le rôle de la violence même dans un combat contre le mal et de promouvoir le rôle prééminent de la bonté et de la paix.

A quel point est-il encore plus essentiel pour nous aujourd’hui, alors que nous nous tenons si proches de l’Ère ultime de paix et de bonté absolues, de mettre l’accent sur la nécessité de faire régner l’amour et l’unité et de minimiser l’emphase sur la nécessité de la violence dans la lutte contre le mal !

Nos Sages déclarent que Pin’has est également le prophète Elie. Et concernant Elie qui initiera l’Age Messianique, il est dit dans le livre de Malakhi que son rôle consistera à ramener le cœur des pères vers leurs enfants et les enfants vers leur père. En d’autres termes, Pin’has le zélé se métamorphosera en le plus grand émissaire de la paix et de l’harmonie.

Le Coin de la Halacha

 Comment réagir face à l’antisémitisme ? (D’après les enseignements du Rabbi)

1) Nous devons garder à l’esprit que D.ieu nous protège, nous a protégés à travers les siècles et continuera à le faire.

2) Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires de sécurité, personnelles et communautaires.

3) Exerçons notre influence de façon discrète, diplomatique mais sans perdre de vue nos principes. Conservons notre fierté juive, continuons de vivre selon les commandements de notre judaïsme sans éprouver le besoin de nous en excuser.

4) Il est contreproductif d’affronter quelqu’un en prouvant qu’il ou elle est antisémite. Au contraire, quand c’est possible, engageons la discussion de façon courtoise et polie.

5) Tentez de bâtir des relations avec les leaders plutôt que d’établir la liste des méfaits de leurs partisans.

6) Ne perdez pas votre énergie à répondre à des attaques spécifiques individuelles contre les Juifs : ce ne sont souvent que des prétextes pétris de contradictions.

7) Insistez sur le fait que nous sommes tous créés à l’image de D.ieu ; insistez sur les points communs à toute l’humanité.

8) Rappelez l’impact des Juifs sur le bien-être global de l’humanité.

Elkanah Shmotkin - chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

Le Recit de la Semaine

 Le couloir de la mort

« Rav Goldstein, saviez-vous que dans une prison du Texas se trouve un Juif, Fred Davidson, condamné à mort pour plusieurs crimes ? »

Je suis aumônier des prisons dans cet état américain qui compte plus de 150 000 détenus mais je n’ai de contact qu’avec ceux qui sont intéressés par une visite de ma part. Apparemment, ce Fred Davidson (nom d’emprunt) ne figurait pas sur cette liste.

Je me suis penché sur son dossier et j’ai découvert qu’il avait eu une enfance très difficile qui avait affecté son état mental. Il avait commis de nombreux meurtres. Son seul contact avec le judaïsme était un ancien correspondant épistolaire de New York qui vendait des amulettes kabbalistiques. Fred avait demandé à ce que son corps soit incinéré après son exécution. Troublé, je téléphonai à sa mère pour lui expliquer combien il est terrible pour l’âme que le corps soit brûlé mais elle ne pratiquait aucune forme de judaïsme et cela n’avait pour elle aucune importance.

J’obtins de la direction de la prison la permission – exceptionnelle – de pouvoir parler pendant vingt minutes avec ce détenu. J’emmenai Rav Mendy Traxler et nous avons pu parler à Fred qui était lourdement enchaîné.

- Messieurs les rabbins, merci pour votre visite mais je vous préviens : le judaïsme ne m’intéresse pas et si c’est la raison de votre présence, vous pouvez repartir.

Je savais qu’il avait grandi à Dallas – comme moi – et j’ai donc proposé de parler de sport. Dès que j’essayai de glisser des allusions au judaïsme, il me coupait la parole, tapait du poing sur la table et hurlait :

- J’avais mis une condition ! Pas de judaïsme !

- Ah oui, excusez-moi.

Nous avons continué de parler, comment il était arrivé en prison et il racontait d’un air détaché les circonstances de ses crimes atroces.

Les vingt minutes étaient presque finies mais le gardien de l’autre côté de la fenêtre s’était endormi, j’en profitai pour tenter un dernier essai :

- J’ai compris que vous ne voulez pas parler de judaïsme mais j’ai entendu que vous avez un ami passionné par la Kabbala.

- Ah oui, j’adore la Kabbala, surtout l’alphabet hébraïque !

- Et quelle est votre lettre favorite ?

- Chimou ! s’écria-t-il, enchanté d’étaler ses connaissances, en levant trois doigts : Chimou !

- Ah, vous voulez dire : le Chine ! Et pourquoi ?

- J’ai lu que le roi David avait un Chine sur son bouclier. Le roi David était un bon guerrier et donc j’aime le roi David !

- Voulez-vous devenir un guerrier puissant comme le roi David, Fred ?

Il écarquilla les yeux. J’ouvris mon sac et en sortis les Téfilines de la tête :

- Vous voyez la lettre gravée sur le boîtier ?

- Oui, c’est un Chine ! s’exclama-t-il tout excité.

- Exactement Fred ! Comme le roi David ! Voulez-vous mettre les Téfilines ?

- Ok !

Je fis le tour de la table qui nous séparait et commençai à enrouler les lanières autour de son bras tatoué et retenu par des chaînes. Il répéta la bénédiction et le Chema après moi, mot à mot, avant d’éclater en sanglots incontrôlables. C’était absolument surréaliste de voir un colosse aussi intimidant qui avait tué sans sourciller, de sang-froid, des gens innocents et qui maintenant pleurait comme un enfant. Nous avons continué et récité le Vidouy, la confession des péchés comme à Yom Kippour.

Le moment était venu de parler de la suite et je lui expliquai combien il est important dans le judaïsme de se faire enterrer et non incinérer.

- Vous savez, moi cela ne m’intéresse pas, lança-t-il en haussant les épaules. Si pour vous, c’est si important, je dirai à ma mère qu’elle vous en parle.

Le gardien s’était réveillé et fit signe que l’entrevue était terminée.

- Fred, je ne sais pas si nous nous reverrons. Mais je vous souhaite d’être fort et que D.ieu soit avec vous !

Et je l’ai embrassé.

Trois jours plus tard, la mère de Fred me téléphona. Je pensais qu’elle n’avait pas apprécié que j’ai expliqué à son fils la gravité de l’incinération mais elle m’appela pour une autre raison :

- Monsieur le rabbin ! Fred croupissait depuis huit ans dans le couloir de la mort en attendant son exécution. Durant tout ce temps, il avait toujours été maltraité et méprisé par tous. Vous êtes le seul à lui avoir parlé, à avoir manifesté de la compassion envers lui et même à l’embrasser. J’ai compris que vous étiez sincèrement préoccupé par lui et je signerai tous les papiers que vous voulez pour qu’il soit enterré comme vous l’estimez.

Après une vie d’errance et de crimes, Fred a néanmoins mérité d’être enterré dignement dans un cimetière juif.

Rav David Goldstein – Houston (Texas) - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki