A la découverte du soleil
Nous entrons, peu à peu, dans la période la plus chaude de l’année. Le mois de Tamouz, qui commence dans un peu plus d’une semaine, est celui où le soleil apparaît dans toute sa puissance. C’est certes là un phénomène climatique analysé de longue date par les spécialistes de la question et qui, s’il rythme notre existence, ne semble pas porter au-delà des simples considérations météorologiques. Pourtant, et c’est un des principes de base de la vision juive du monde, ce que nous observons dans le monde matériel est essentiellement l’écho d’une réalité spirituelle plus profonde qui en est, à la fois, la source et le soutien. En d’autres termes, l’éclat du soleil, même de saison, est aussi l’expression d’un autre niveau. Il faut aller à sa découverte tandis que sa lumière brille.
Pour ce grand et nouveau voyage, un verset des Psaumes nous sert de guide : «Le soleil et son bouclier, c’est l’Eternel D.ieu». Au-delà des interprétations mystiques – nombreuses – de cette phrase étonnante, il faut entendre ici que le soleil et sa lumière sont comme une figure de la lumière Divine qui rayonne sur la création. C’est dire que, lorsque son éclat est plus manifeste, cela doit s’interpréter aussi comme une plus claire et plus sensible présence de D.ieu. Nous voici devant une proposition bouleversante : l’été est ce temps précieux où la lumière plus forte est essentiellement celle du spirituel, du Divin.
L’idée est belle mais quelque chose dérange ici. Face à la vie quotidienne, la vie réelle et concrète des hommes et des femmes de notre temps, une telle vision ne paraît guère avoir de pertinence. Où est son actualité quand, justement, c’est bien autre chose que le plus grand nombre voit dans l’éclat renouvelé du soleil ? S’il est question d’une plus grande présence de D.ieu, comment celle-ci peut-elle rester sans effet notable ? Le Talmud répond à cette interrogation par une observation cruelle de véracité : «L’âne, au plus chaud de Tamouz, a froid». En hébreu, le mot «âne» a une parenté étymologique évidente avec le terme «matériel». C’est ici que le message est important : sachons faire en sorte que la matière ne nous enchaîne pas, qu’elle ne nous fasse pas ressentir le froid quand règne la chaleur et le chaud dans la stérilité des déserts glacés. Regardons le monde tel qu’il est et pour ce qu’il est : une création divine. Notre liberté est à ce prix.
Plus élevé que Moïse
Machia’h a une certaine supériorité même sur Moïse. Commentant la phrase du début de la Torah (Gen. 1:2) «et l’esprit de D.ieu planait…», les Sages enseignent (Béréchit Rabba 2:4) : «Cela fait référence à l’esprit de Machia’h». Le verset poursuit : «…sur la surface des eaux» ; cela représente un degré supérieur à celui de Moïse, ainsi nommé (Ex. 2:10) «parce que je t’ai tiré des eaux».
C’est pourquoi cet exil est si long – pour permettre de parvenir à cette élévation.
D’après les Maamarim de l’Admour Hazakène sur les Paracha p.237
Penser au possible
Chaque individu doit affronter des tâches et des défis. La dimension juive de la vie nous aide à y faire face et parfois se présente elle-même comme une partie du défi. Les devoirs d’étudier, de trouver un emploi, de se marier, de faire naître une famille, d’aider sa communauté, d’épauler ceux qui sont dans le besoin, sans parler des problèmes qu’affronte le peuple juif en tant qu’entité, tout cela est guidé par les enseignements juifs. On y trouve à la fois des «fais» et des «ne fais pas». Ils apportent tous une stabilité et pourtant quelquefois, ils paraissent rendre les choses plus compliquées.
Pouvons-nous équilibrer toutes les demandes auxquelles nous devons faire face ? Comment les envisager ? Dans la Paracha de cette semaine, Chela’h, la Torah nous donne le récit du Peuple Juif placé devant le défi de pénétrer en Terre d’Israël, la terre qui leur avait été promise par D.ieu depuis des générations. Leur tâche consistait à transformer le Canaan impur en la Terre sacrée d’Israël, le centre spirituel du Peuple Juif et en dernier ressort du monde entier. Une immense tâche les attendait. Cependant cette péripétie sert également de métaphore à la tâche qui attend chaque Juif dans sa vie de tous les jours. Nous devons changer les voies ordinaires du monde en quelque chose de saint.
Au commencement de la Paracha, D.ieu demande d’«envoyer des gens pour explorer la Terre». Nos Sages expliquent que cette injonction venait en réponse au fait que le Peuple Juif lui-même désirait cette exploration. Il leur semblait naturel de vouloir explorer la terre et D.ieu répondit : «Envoyez [des explorateurs] !»
En d’autres termes, explique le Rabbi, si vous avez une tâche qui vous attend, mettez tous vos efforts et votre énergie dans la recherche de la manière de l’accomplir le mieux possible. Parfois, les gens se laissent porter par le courant sans réfléchir, sans se poser de questions. Par contraste, la Paracha nous dit ici de rechercher et de penser par nous-mêmes. Alors, que se passa-t-il donc ? Pourquoi la mission des douze explorateurs se solda-t-elle par un désastre ?
Parce qu’au lieu de rechercher la meilleure manière de pénétrer en Terre d ‘Israël, les explorateurs déclarèrent que cette entreprise était impossible. Le message qu’ils rapportèrent était : «mission impossible…» Au lieu de dire : «nous aurons à faire face à tel ou tel problème», ils affirmèrent : «abandonnez tout le projet !»
C’était là leur erreur. Mais elle ne doit pas être la nôtre. Nos enquêtes sur les tenants et les aboutissants de l’entreprise qui nous attend, basées sur les enseignements de la Torah, ne doivent pas aboutir à la déclaration : «mission impossible» et à l’abandon de la tâche. Si nous y portons un regard positif, sachant que D.ieu nous aide, nous verrons devant nous se dérouler le chemin qui nous mènera au succès optimal.
Il est vrai que nous devons réfléchir attentivement pour trouver l’approche qui correspond le mieux à une situation spécifique et prendre en compte chaque facteur. Mais les éléments qui nous guident à la base dans l’implication dans l’action sont les instructions que nous donne D.ieu par l’intermédiaire de la chaîne des enseignements de la Torah. C’est seulement ainsi que nous pouvons affronter et surmonter, avec sagesse et ténacité chaque défi, de la façon la plus réussie et finalement, avec la venue de Machia’h, la sainteté latente dans le monde entier se révélera.
Pour commencer : la force du commencement
C’est une caractéristique de la vie universelle : «le commencement». Le commencement de la vie constitue le thème qui ouvre toute la Torah. Mais la Torah met également l’accent sur un «commencement» d’un genre différent. Elle évoque le fait d’établir un «commencement» durant le processus de la fabrication du pain.
Après avoir pétri la pâte, et d’habitude avant de la former en pains, une portion de la pâte en est séparée. Il s’agit du prélèvement de la ‘Halla. Cette opération nous apporte un enseignement à propos du commencement, pas seulement celui de la confection du pain mais de tout dans la vie ;
A l’époque du Temple, une quantité significative de la pâte de la ‘Halla était donnée au Cohen (prêtre). Aujourd’hui, l’on n’en prélève qu’un petit morceau (30 grammes) que l’on brûle. Les lois du prélèvement de la ‘Halla figurent dans notre Paracha : «les prémices du bol de pétrissage, vous les donnerez à D.ieu comme offrande : cela s’applique à toutes vos générations».
Les enseignements de la ‘Hassidout révèlent une interprétation plus profonde de cette loi, basée sur une subtilité de la langue. Le terme hébraïque pour «bol de pétrissage» est Arissa. Mais Arissa possède deux sens. Cela signifie à la fois «bol de pétrissage» et «lit» ou «berceau».
Selon nos Sages, ce double sens n’est pas dû au hasard. Comme tout dans la Torah, il nous apporte un enseignement. La loi du prélèvement de la ‘Halla signifie qu’au tout début de l’activité de la confection du pain, nous faisons un acte qui exprime une reconnaissance de D.ieu. Prélever la ‘Halla signifie dédier quelque chose au Divin ; et cette étape a lieu dès le commencement.
La signification double cachée dans les mots de la Torah n’évoque pas seulement le bol de pétrissage mais également le berceau, le lieu du commencement de la vie humaine. Le tout début doit se marquer par l’acte d’«offrande à D.ieu». Comment parvenir à dédier un enfant juif à D.ieu ? Par l’éducation juive. Chaque moment passé à enseigner à un enfant sa proximité avec D.ieu, à lui parler de la beauté de la Torah et de la vie juive tisse un lien précieux avec le passé et le futur. Ces moments passés au début de la vie aident à assurer que les années futures, les «générations» mentionnées dans le verset, seront remplies de réussite, conduisant vers un réel accomplissement. C’est là le sens général.
Une autre leçon concerne une autre sorte de «commencement» : le début de chaque jour. Les enseignements de la Torah recommandent que là aussi, nous devrions commencer par un moment où l’on se dédie à D.ieu : la prière du «Modé Ani», du Chéma, les Tefilines. C’est là la ‘Halla, donnée à D.ieu. Alors, le reste du jour, les «générations», sera heureux, sain et rempli, semblable à la chaleur du pain fraîchement cuit.
Comment occuper les vacances des enfants ?
- On veillera, avant les vacances, à rappeler aux enfants (garçons et filles) l’importance de la Tsniout (pudeur, retenue) aussi bien dans le domaine vestimentaire que dans la parole et le comportement. Dans la rue, l’enfant ne courra pas dans tous les sens, ne criera pas et ne se fera pas remarquer par une conduite désagréable.
- On les encouragera à apprendre par-cœur des passages de la Torah : les Douze Versets et Paroles de nos Sages, des Michnayot, des passages du Tanya et autres. Ainsi, ils contribueront à la purification spirituelle de l’air ambiant et se procureront un bagage qui les accompagnera toute la vie. De plus, cela leur donnera de quoi réfléchir dans les moments libres (évitant ainsi par la suite des pensées futiles ou même négatives).
- Puisqu’on est libéré des heures d’études ‘Hol (profane) pendant les vacances, on peut augmenter la quantité d’études Kodech, dans une atmosphère plus calme et plus propice à la concentration.
- On organisera des groupes d’étude de la Michna, de la lecture des Tehilim (Psaumes), de réunions le Chabbat après-midi (Messibot Chabbat)… Les enfants y seront encouragés avec des concours, des friandises et des systèmes de points avec de petits cadeaux. Les enfants eux-mêmes pourront animer ces réunions pour les plus petits.
- Les paroles échangées avec un maître durant une promenade ou un jeu en plein air ont souvent plus d’impact que celles prononcées en classe durant l’année. Le professeur gardera donc le contact avec ses élèves même pendant les vacances. Il veillera néanmoins à préserver sa dignité tout en participant à ces activités à l’extérieur afin de continuer à donner l’exemple d’une vie de Torah en toutes circonstances.
(d’après Rav Yosef Hartman – Ketsad Ne’hanè’h eth Yaldenou)
Le meilleur remède
Rav Chalom Ber Gordon qui représentait le mouvement Loubavitch à Maplewood (New Jersey) était un homme au caractère indomptable. Son sens du leadership, ses actions de bienfaisance exemplaires suscitaient l’affection de tous ceux qui le connaissaient. Durant ses dernières années, alors que la maladie l’avait beaucoup affaibli physiquement, il ne cessait cependant d’œuvrer pour accomplir sa Chli’hout (la mission que lui avait confiée le Rabbi) autant que possible. Il s’impliquait essentiellement dans la Mitsva de mettre les Téfilines aux Juifs qu’il rencontrait et se décrivait avec humour comme un «drogué de la campagne des Téfilines».
Lors de l’été de sa dernière année, il était déterminé à se rendre auprès de la tombe du Rabbi aux alentours du 3 Tamouz. Sa famille décida de l’y conduire la veille de ce jour car la foule qui se presserait sur place le jour même serait trop dense et représenterait pour sa santé une épreuve bien trop importante. La justesse de cette décision se vérifia rapidement car il se trouvait déjà beaucoup de monde sur place. De plus, les embouteillages sur la route du New Jersey semblaient également inextricables. Il était presque 17 heures quand il arriva enfin chez lui, absolument exténué.
Durant sa maladie, ses enfants – y compris ceux qui étaient déjà eux-mêmes en Chli’hout – s’étaient relayés à son service.
C’était moi qui conduisait la voiture ce jour-là, rappelle Rav Yossi Gordon et je sentais qu’il était agité. Je pensais que c’était à cause de sa maladie. Mais, après qu’il se soit reposé un peu à la maison et bien qu’on puisse constater combien il était épuisé, il me demanda de le conduire à l’hôpital où il servait d’aumônier.
« Il est maintenant 18 heures, expliqua-t-il comme pour s’excuser du service qu’il me demandait, et je n’ai mis les Téfilines à aucun Juif aujourd’hui !».
Son extrême fatigue due aux traitements et à la maladie qui le rongeait n’avait pas d’importance pour lui face à sa détermination à aider un autre Juif à mettre les Téfilines. Et surtout durant ses derniers mois dans ce monde-ci, il était fermement résolu à ce qu’il ne se passe pas un jour sans qu’il mette les Téfilines à au moins un Juif.
Je le conduisis jusqu’au parking de l’hôpital, dans la partie destinée au personnel : il possédait un permis spécial pour s’y garer et, vu sa faiblesse, il était absolument nécessaire qu’il se gare près de l’entrée. C’était l’heure des visites et le parking était rempli. Imaginez mon inquiétude quand je constatai que le permis ne se trouvait pas dans la voiture, un de mes frères l’avait sans doute mis dans sa poche par inadvertance quelques jours auparavant. Je n’avais donc plus le choix et tentai de me frayer un passage pour finalement trouver une place de parking – mais très loin de l’entrée de l’hôpital. Mon père sortit avec beaucoup d’efforts du véhicule et soudain, venu de nulle part, un homme apparut près de la voiture, prêt à m’aider à le soutenir.
- Comme je suis content de vous voir, Rav Gordon, s’exclama-t-il. Je ne vous ai pas vu depuis un certain temps mais je voudrais que vous le sachiez : depuis que vous m’avez aidé à mettre les Téfilines, je le fais tous les jours de semaine !
Une dose de morphine n’aurait pas pu mieux calmer mon père qui, subitement, semblait ne plus ressentir la douleur.
Mais ce ne fut pas tout.
L’homme qui comprit immédiatement la gravité de son état de fatigue, comprit aussi comment lui venir en aide : il connaissait la détermination de mon père et insista pour qu’il n’ait pas besoin de marcher davantage :
- J’ai ici quelques amis qui seraient heureux de mettre les Téfilines avec vous ! Restez sur place, je vais les appeler !
Effectivement, il revint très vite avec cinq personnes, des médecins et infirmiers à qui mon père put mettre les Téfilines. Puis il m’aida à guider mon père quelques mètres plus loin et là, il put encore mettre les Téfilines à deux «clients» supplémentaires.
C’est ainsi que Rav Gordon put mettre les Téfilines la veille du 3 Tamouz à sept hommes en moins d’une demi-heure. Et ce n’est qu’après cela qu’il accepta de rentrer chez lui…
Que son souvenir soit une bénédiction pour tous ceux qui l’ont connu et qui se sont inspirés de son exemple !
Malka Touger - « Excuse me, are you Jewish ? »
Traduite par Feiga Lubecki