Semaine 23

  • Chel’ah
Editorial

L’unité pour conquête

Des idées à la fois nouvelles et anciennes remontent parfois à l’esprit avec éclat à la faveur des évènements du monde. C’est d’ailleurs là chose bien naturelle : le Baal Chem Tov n’enseigne-t-il pas que tout est message divin ou, en d’autres termes, que tout peut avoir valeur d’enseignement ?
C’est ainsi que les débats de la période – divers et plus ou moins furieux – rappellent, à qui veut y prêter attention, la grandeur d’une notion bien nécessaire : l’unité. Quel que soit le contenu concret que les uns et les autres puissent souhaiter y voir, c’est elle qui brille, par nature, tout au long de tous les parcours et c’est encore vers elle que tendent et tendront, comme par évidence, tous les efforts des hommes. Cette unité est complexe et, de fait, difficile à atteindre. Elle n’implique pas la réalisation d’une unanimité de façade par effacement brutal de toutes les différences. Elle ne vise pas à remplacer la richesse de la diversité par la morne grisaille de l’uniformité. Peut-être est-ce précisément ce qui fait sa force… L’important est que cette unité-là soit vivante, agissante, porteuse d’espoir et de progrès.
Décidément, c’est bien d’une idée nouvelle et ancienne à la fois qu’il s’agit. Car la notion d’unité est sans doute constitutive du peuple juif. Étrange peuple en effet qui, dispersé parmi les nations, disséminé de par le monde, sans contact facile entre ses membres pendant les âges de ténèbre, adoptant peu à peu les habitudes culinaires ou vestimentaires de ses différents lieux de résidence, reste cependant toujours fidèle à son passé, conscient de son présent et dans l’attente impatiente de l’avancée de l’histoire. Voici un peuple constitué d’hommes et de femmes que bien des choses peuvent séparer, d’êtres humains dont le Talmud atteste qu’ils sont tous différents et dont, cependant, l’unité est parfaite à chaque instant de la vie. Est-ce là une leçon ? C’est, en tout cas, une manière de vivre et de considérer le monde. L’unité n’est-elle pas le chemin qui mène au temps éternel de la paix indépassable : celui de Machia’h ?

Etincelles de Machiah

La valeur d’un homme simple

Dans la tradition juive, l’étude de la Torah est sans doute la valeur suprême, à telle enseigne que l’érudition est considérée comme une marque évidente d’élévation spirituelle. Cette idée, d’une légitimité incontournable, ne doit toutefois pas faire oublier la valeur de l’homme simple, de celui qui s’attache à D.ieu de tout son cœur avec la plus absolue sincérité.
A ce sujet, le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, dit un jour que le Machia’h se réjouirait dans la compagnie de ces Juifs simples. Alors, précisa-t-il, une pièce leur sera réservée et les plus brillants érudits les envieront. Ainsi apparaîtra la vraie grandeur de ces Juifs qui servent D.ieu à l’infini.

(d’après une lettre du précédent Rabbi de Loubavitch,
Iguerot Kodech, vol. IV, p. 148)

Vivre avec la Paracha

Chela’h : Mission possible !

Une histoire : le Rabbin Hirsh Altein souffrait de douleurs épouvantables au dos. Après avoir tenté sans succès de nombreux traitements et soins et consulté une multitude de spécialistes, il fut convaincu que la seule issue qui lui restait pour résoudre son problème était de se soumettre à l’opinion unanime des médecins : la chirurgie. Quand il consulta le Rabbi, la réponse qu’il obtint suggérait que l’opération n’était pas nécessaire : il devait exister sur le marché une pommade qui résoudrait tous ses problèmes ! Cependant les médecins continuaient à insister sur le fait qu’ils ne connaissaient aucune autre alternative que la chirurgie.
En dernier recours, le Rabbin Altein consulta le docteur Avraham Selingson (le médecin personnel du Rabbi et un ‘hassid dévoué). Le docteur Selingson, qui n’était pas un rhumatologue, examina le Rabbin et lui prescrivit un onguent pour son dos. Bien évidemment, pendant les vingt années qu’il vécut encore, le Rabbin Altein ne souffrit plus jamais de douleurs au dos.
Quand on demanda au docteur Selingson comment il avait su quelle crème prescrire en particulier, pour obtenir de tels résultats alors que la chirurgie semblait la seule option, il répondit : « Les résultats de mon examen indiquaient qu’il devait se faire opérer… mais le Rabbi avait dit que ce n’était pas le cas. J’ai alors réalisé que le Rabbi désirait simplement un « canal » par lequel rendre manifeste un miracle. Et c’est ainsi que je lui ai prescrit la crème la plus simple et la plus courante sur le marché ! »

La mission de reconnaissance des Explorateurs en Canaan avait pour but de recueillir des renseignements sur l’ennemi. Il leur fut enjoint d’explorer la disposition du pays ainsi que ses défenses naturelles et les fortifications construites par les hommes. Ils devaient faire un rapport sur les forces et les faiblesses de l’ennemi et sur les ressources naturelles qui pourraient les aider au cours de la bataille. Ces informations devaient servir aux officiers de l’armée pour la bataille imminente de la conquête de la Terre Sainte.
Les Explorateurs étaient tous des hommes droits et pieux dont l’intégrité était absolue. Ils se mirent donc fidèlement à la tâche et ce qu’ils virent les fit frémir : les Cananéens étaient une nation extrêmement puissante, des hommes gigantesques d’une force redoutable. Pas moins de trente-et-un rois possédaient des palais royaux défendus par des contingents militaires, sur le territoire cananéen. Il n’y avait aucun moyen, conclurent les Explorateurs, pour que les Israélites parviennent à une victoire naturelle contre cet adversaire surpuissant. « Nous sommes incapables de vaincre ces peuples car ils sont plus forts que nous », déclarèrent-ils.
Et pourtant, cette conclusion honnête eut des résultats désastreux. D.ieu fut extrêmement mécontent de leur rapport et de la réaction qu’il engendra. Cela eut pour effet la mort prématurée de toute la génération qui avait quitté l’Egypte.

En quoi les Explorateurs se conduisirent-ils mal ? Peut-on demander à quelqu’un de faire un rapport puis de le punir parce que ce rapport ne convient pas ? N’est-ce pas là un exemple d’une situation où l’on abat le messager parce que l’on n’aime pas le message ?
Le Rabbi explique que l’erreur des explorateurs résida dans le fait qu’ils estimèrent qu’ils devaient établir une conclusion. Il leur avait été ordonné de se rendre en Canaan et de rapporter de simples faits : la nature de la terre et de sa population, etc. Il ne leur avait pas été demandé d’en tirer des conclusions et de rendre une décision concernant la possibilité de la conquête. D.ieu avait promis aux Juifs une victoire militaire contre les Cananéens et donc il ne s’agissait pas d’un sujet de débat. La question n’était pas de savoir si cela était faisable mais comment cela l’était.
Il en va de même pour notre vie personnelle. Nous avons tous été « envoyés en mission » dans ce monde, pour illuminer notre environnement de la lumière de la Torah et des Mitsvot. Souvent l’opposition semble être insurmontable, les obstacles pour disséminer la Divinité semblent infranchissables. Quand ces pensées pénètrent dans nos esprits, nous devons nous rappeler que si D.ieu nous a chargés de cette mission, il est sûr que nous pouvons l’accomplir. Notre travail consiste seulement à trouver comment le faire.

Le Coin de la Halacha

Doit-on accepter toutes les directives des parents ?

La Mitsva de respecter les parents ne s’applique que si les parents en retirent un bénéfice direct. Ainsi les Sages recommandent à l’enfant de veiller à ce que les parents aient de quoi manger, de quoi se vêtir etc. L’enfant doit aussi honorer ses parents, par exemple en se levant en leur présence.
Selon Rabbi Chnéour Zalman, il n’est pas obligatoire d’obéir à tous les ordres des parents, même s’ils ne sont pas en contradiction avec la Torah. D’autres décisionnaires contestent sa position. Selon toutes les opinions, il existe des cas dans lesquels l’avis des parents n’est pas décisif, par exemple s’ils exigent qu’on se réconcilie avec quelqu’un ou que le fils étudie dans telle Yechiva (académie talmudique) ou qu’il épouse telle jeune fille.

Comment doivent réagir les enfants quand les parents formulent une exigence irrecevable, qu’elle soit contraire à la Hala’ha ou contraire à un Minhag (coutume qu’on a adoptée) ?

Après s’être assuré auprès d’une autorité rabbinique compétente qu’effectivement l’exigence du parent est incompatible avec la Hala’ha ou le Minhag, l’enfant expliquera de façon courtoise, avec tout le respect nécessaire, qu’il lui est impossible – à lui – d’accéder à cette demande. L’enfant devra faire comprendre que le problème vient de lui et non du parent ; il demandera au parent de prendre en compte sa sensibilité et sa façon de vivre.
Si les deux côtés manifestent une bonne volonté, il est possible – dans la majorité des cas – d’arriver à une solution. Il est parfois préférable de recourir à la médiation d’un tiers, un Rav compétent et diplomate par exemple.
Si l’une des deux parties ne fait pas preuve de souplesse et de bonne volonté, si chaque rencontre devient une confrontation, il faudra sans doute espacer ces rencontres et en diminuer la durée.
Rappelons que les réunions de famille ont pour but d’établir de bonnes relations entre les générations et non de devenir des sources de tension.

F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh - Si’hat Hachavoua n°1218)

De Recit de la Semaine

Les bougies et le taxi

Depuis qu’avec mes parents, je suis arrivée à Sumy en Ukraine en tant qu’émissaires du Rabbi, ma mère et moi-même nous rendons dans des familles juives afin d’aider les femmes et les filles à allumer les bougies avant Chabbat.
Un jour, quand j’avais sept ans, nous devions aller chez une dame : on nous avait dit qu’elle était paralysée. Nous avions son nom et l’adresse de son appartement écrits sur un morceau de papier ; nous avions aussi pris avec nous des bougies, des allumettes et des petites ‘Hallot, les pains tressés et dorés de Chabbat qui sortaient du four. Nous avons appelé un taxi pour nous y amener.
Nous sommes parties un peu plus tard que prévu et, au fur et à mesure que le taxi fonçait dans la ville, ma mère réalisa que notre destination était bien plus lointaine que ce qu’elle avait prévu.
Quand nous sommes enfin arrivées, le conducteur du taxi dit qu’il nous attendrait et nous ramènerait à la maison. Nous avons monté les cinq étages, avons frappé à la porte mais ce n’était pas le bon appartement ! Nous avons frappé à toutes les portes de l’étage mais sans succès.
Ma mère téléphona à mon père qui promit de nous rappeler avec le renseignement désiré. Le temps passait et nous ne pouvions pas nous permettre d’attendre plus longtemps puisque nous devions arriver chez nous avant Chabbat pour allumer nos propres bougies. Nous avons commencé à descendre les étages et, une fois que nous sommes presque arrivées au rez-de-chaussée, mon père rappela : l’appartement était situé au 7ème étage ! Ma mère jeta un regard anxieux sur sa montre : «Nous n’avons pas le temps ! Nous reviendrons la semaine prochaine !» Puis elle se ravisa : «Parce que je m’angoisse pour mes propres bougies et que je n’ai pas vraiment envie de grimper sept étages, une femme juive n’allumerait pas ses bougies ? Viens Mouchka ! Nous remontons immédiatement !»
Nous sommes remontées à toute allure et cette fois, nous avons trouvé l’appartement. La femme nous accueillit avec joie : elle était si heureuse de pouvoir allumer les bougies de Chabbat ! Nous nous sommes excusées de ne pas pouvoir rester plus longtemps et nous avons dévalé les escaliers aussi vite que notre souffle le permettait. Le taxi nous attendait et ma mère murmura un des seuls mots de russe qu’elle connaissait : «Bistra ! Bistra !» (Vite, vite !) Effectivement il fonça.
Mais soudain, aux abords d’un grand carrefour, il s’arrêta net : panne d’essence ! Le conducteur sortit prestement de la voiture qu’il poussa vers le côté. Ma mère consulta nerveusement sa montre et appela mon père : «Nous ne parviendrons pas à la maison avant Chabbat ! Je t’en prie ! Allume les bougies à notre place !» Puis, comme lui parlait couramment le russe, elle lui dit de demander au chauffeur de rapporter toutes nos affaires chez nous car, à cause du Chabbat juif, nous n’avions plus le droit de porter quoi que ce soit en-dehors de nos maisons.
«Je suis juste en panne d’essence ! C’est une question d’une demi-heure, ne vous inquiétez pas !» expliqua le chauffeur à mon père. Mais mon père insista : d’ici ce délai, ce serait déjà Chabbat et nous n’aurions plus le droit de rouler en voiture.
Soudain ma mère réalisa que, dans son sac, elle possédait encore quelques bougies que mon père avait préparées «au cas où» nous rencontrerions d’autres femmes juives dans le bâtiment de la vieille dame. Elle compta et découvrit le nombre exact de bougies qu’elle avait l’habitude d’allumer – une pour chaque membre de la famille – plus une pour que moi aussi je puisse allumer. Nous étions émues par cette preuve d’existence de la Providence Divine: D.ieu s’occupait de nous ! Ma mère reprit le téléphone du conducteur (qui tentait encore de convaincre mon père qu’il nous ramènerait à la maison très vite) et l’informa : «Nous avons exactement le nombre de bougies nécessaire !» puis elle rendit l’appareil au chauffeur.
Nous avons posé les bougies sur le trottoir, j’ai allumé ma bougie, couvert mes yeux de mes mains et j’ai récité la bénédiction. Ma mère a posé les cinq autres bougies et fait de même en poussant un gros soupir. Nous avons remarqué que tous les passants observaient le moindre de nos actes. Nous sommes restées immobiles quelques minutes pour contempler nos bougies puis nous avons entamé notre route – à pied – vers la maison. De temps en temps, nous jetions un regard en arrière : les gens avaient même traversé la rue pour regarder nos bougies ! Etions-nous quitte de la Mitsva du point de vue de la loi juive ? Je l’ignore mais il est évident que nos bougies étaient devenues l’attraction à ne pas manquer !
«Qui sait pourquoi nous avons été obligées d’allumer nos bougies exactement à cet endroit ? remarqua ma mère tout en continuant sa route. Peut-être aucune bénédiction n’avait encore jamais été prononcée ici depuis la Création du monde ! Peut-être un des passants ou un des spectateurs qui nous observe de son balcon est-il juif et s’est ainsi souvenu de l’importance du Chabbat ? Ce qui est sûr, c’est que D.ieu voulait que nous allumions nos bougies ce Chabbat justement dans cette rue de Sumy et Il a même veillé à ce que nous soyons en possession des bougies nécessaires !»
Nous avons marché presque une heure. Tandis que nous approchions de notre rue, il faisait alors très sombre, les réverbères se sont soudain allumés – pour nous, certainement ! Le Tout Puissant veillait sur nous à tout instant et nous facilitait la tâche jusque dans les moindres détails.
Quand nous sommes arrivées à la maison, mon père nous apprit que le chauffeur de taxi était effectivement venu rapporter le sac de Maman. Mon père lui avait demandé de prendre dans le porte-monnaie le prix de la course puisque lui-même ne pouvait plus toucher l’argent à cause du Chabbat. Le chauffeur avait été très impressionné et, en prenant congé, avait demandé : «Quelle est cette religion qui est si importante pour vous que vous accordez votre totale confiance à un étranger en lui donnant porte-monnaie et téléphone portable ?»

Mushky Levitansky (11 ans)
L’Chaim n°1122
traduite par Feiga Lubecki

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