Joyeuse Loi !
Voici donc qu’une fois encore nous avons vécu Chavouot, le Don de la Torah. Une fois encore, les mots solennels ont retenti «Je suis l’Eternel ton D.ieu…» Puis, après la fête, la vie quotidienne a repris. Ce n’était pas une surprise, on sait que, dans la vision juive, les fêtes sont comme autant d’élans spirituels qui ont pour vocation de conduire à un retour au monde matériel chargé de plus de force et de plus de sens. Pourtant, dire que l’univers a changé parce que nous venons de recevoir une Loi peut sembler bien prétentieux. Certes, l’existence même de la Loi est une notion essentielle, en tant que volonté de D.ieu révélée et aussi en tant qu’instrument civilisateur des hommes. Mais cela est-il de nature à soulever un tel enthousiasme ? En un temps où c’est le concept de norme qui est bien souvent remis en cause, ce choix de grandeur de la Loi paraît résonner d’étrange manière.
C’est que la Loi dont il est question ici n’est pas simplement une règle sociale, mise en place pour donner aux hommes un cadre général dont on espère qu’il fera obstacle aux dérives les plus graves et qui, en tout état de cause, évoluera avec les attentes du moment, flexible contrainte. Cette Loi n’est pas non plus la seule expression d’un idéal inaccessible, comme une vision merveilleuse mais si éloignée des réalités du monde. Elle est d’abord en prise directe sur la vie. Il ne saurait en être autrement. Donnée par le Créateur à Sa création, elle en forme à la fois le contour et la profondeur. Pour cette raison, même si elle définit des règles, celles-ci ne sont pas un carcan mis à la liberté humaine mais bien davantage son chemin privilégié de mise en œuvre. Aussi, elle est d’abord un motif d’allégresse : enfin la vie prend une forme durable qui correspond à sa nature propre.
Retrouver le quotidien après la fête n’est pas ici une sorte de régression qui ne pourrait laisser à celui qui la subit qu’un goût de nostalgie. C’est bien à la concrétisation de cette liberté que nous sommes passés lorsque les célébrations se sont terminées. Et notre chemin se poursuit. Les routes de l’histoire sont parfois longues mais la liberté portée par la Loi de vie nous accompagne. Mieux, sa joie nous entraîne jour après jour. Nous savons que nous ne nous arrêterons pas, Juifs conscients, jusqu’au sommet.
La victoire de la vérité
La Michna (Baba Metsia 1:8) enseigne : dans le cas où deux personnes réclament la propriété d’un bien et que le tribunal n’est pas en mesure de trancher, « l’objet restera en dépôt (auprès du tribunal) jusqu’à ce que vienne Elihaou (le prophète Elie annonciateur de la venue du Machia’h). »
Il arriva qu’un ‘hassid, qui enseignait aux enfants, leur apprit cette Michna. Un des élèves demanda alors : « Mais Eliahou, cela ne fait qu’un seul témoin, et on ne tranche pas un différent avec un témoin unique ?! »
Le professeur répondit : « Quand le prophète Elie viendra, la vérité éclairera dans le monde et celui qui, aujourd’hui, a des prétentions mensongères, celui-là même criera que c’est l’autre partie qui a raison. »
(D’après les notes de Rav Yo’hanan Gordon)
Chela’h: Choisir notre mission
Un pilier de notre foi
Le Rambam écrit (Hil’hot Techouvah 5 :2-3) : «Chaque personne est capable d’être juste comme Moché notre Maître, ou impie comme Yerovam… Personne ne l’oblige, ne prononce à son propos de décret ou ne le dirige dans l’une de ces deux voies. Mais c’est de sa propre initiative et par sa propre pensée qu’il désire… Ce principe constitue un concept fondamental et un pilier (sur lequel repose) la Torah et ses commandements, comme il est écrit : «Voici ! J’ai placé devant toi, en ce jour, la vie (et le bien, la mort et le mal)…» Toutes les autres existences sont gérées par les lois de la nature. L’homme, par contre, a le pouvoir de contrôler sa conduite et d’agir selon sa propre initiative.
Deux types de choix
L’exercice du libre-arbitre réside donc au cœur de notre service divin. Nous avons l’option d’accomplir la volonté de D.ieu ou de l’ignorer, à D.ieu ne plaise. Notre défi consiste à «choisir la vie», vivre notre vie comme Il désire que nous le fassions. Deux types de choix positifs, en particulier, sont attendus de notre part :
- L’obéissance aux Mitsvot de la Torah. Parfois, faire les actes requis ou respecter les interdictions qui nous sont imposées suscite en nous un conflit intérieur car cela va à l’encontre de nos tendances et désirs naturels. Notre liberté de choix nous permet d’annihiler tous les obstacles qui empêchent l’accomplissement de la volonté divine.
b) Façonner notre caractère pour nous conformer à la volonté divine, même lorsqu’aucun commandement explicite ne le requiert. Il existe un domaine entier d’activités auquel l’on se réfère comme au rechout, «ce qui est permis». On ne nous dit pas ce qu’il faut faire ni ce dont nous devons nous abstenir. Ici, l’initiative nous revient. Nous devons aspirer à découvrir la volonté de D.ieu et former notre caractère dans ce sens.
Prendre l’initiative
La tâche de former son propre caractère est une expression plus complète de notre potentiel de libre-arbitre. Quand nous est enjoint un commandement, nous avons l’option de nous y soumettre ou de ne pas le faire. Mais le fait que D.ieu nous en ait donné l’injonction nous incite à l’obéissance. De plus la volonté de D.ieu est explicite, le choix auquel l’homme est confronté est clair.
Mais par contre, quand D.ieu n’a pas donné d’ordre explicite et qu’il revient à l’individu de s’élever et de se raffiner jusqu’à apprécier ce qui est attendu de lui, le défi et le choix sont beaucoup plus abstraits.
Une nouvelle phase
Cette approche du service divin représente une nouvelle dimension que nous livre la Paracha de cette semaine. Elle commence par les mots : Chela’h Le’ha, «envoie pour toi…» Rachi explique que le peuple s’était rendu auprès de Moché avec la requête qu’il envoie des éclaireurs explorer la Terre d’Israël et que, Moché ayant transmis cette demande à D.ieu, Il avait répondu : «Cela dépend de toi. Je ne te commande rien. Si tu le désires, envoie-les».
Cet échange représente une nouvelle phase dans la relation de notre peuple avec D.ieu. Auparavant, la Torah avait relaté les commandements que D.ieu avait ordonnés à Moché pour diriger le Peuple Juif. Ici, pour la première fois, D.ieu lui laisse le libre choix.
Construire la résidence de D.ieu
Cette nouvelle approche du service divin, où l’initiative est laissée à l’homme, est associée à l’objectif de la mission des explorateurs : l’entrée de notre peuple en Terre d’Israël. Le but de la vie y est de construire une demeure pour D.ieu, dans les réalités de l’expérience quotidienne. Et cette demeure doit plus particulièrement être édifiée par l’initiative humaine. Car ainsi l’homme transforme sa propre volonté, et sur la base de cette métamorphose intérieure, se met à transformer son environnement. Alors, D.ieu vient résider dans son existence.
Affronter l’échec
Puisque l’on évoque l’initiative humaine, il existe une possibilité d’erreur. Dans notre Paracha, c’est effectivement de cela qu’il s’agit. A leur retour, les explorateurs semèrent la panique au sein du Peuple Juif, les faisant redouter l’entrée en Israël.
Comme l’indique le texte, cependant, cette erreur peut être corrigée par la Techouva, un retour sincère à D.ieu. Dans ce contexte également, l’accent est mis sur l’initiative humaine. Car la Techouva requiert de la personne qu’elle rassemble ses forces intérieures pour resserrer son lien avec D.ieu. Elle peut même arriver alors à surpasser son précédent niveau. Comme nous l’enseignent nos Sages (Bra’hot 34b) : «Les Tsadikim (Justes) parfaits ne peuvent se tenir devant un Baal Techouva (repentant)».
La possibilité de la Techouva existe également même en l’absence de faute. Comme le déclarent également nos Sages : «Machia’h motivera les Justes à se tourner (vers D.ieu) dans la Techouva». C’est dire que ce que l’on gagne par la Techouva peut être obtenu par des efforts, sans même qu’il y ait eu de faute préalable. Telle est l’expression ultime de la puissance de l’homme : s’engager par sa propre initiative, accomplir son objectif et se tourner vers D.ieu dans le lien transcendant établi par la Techouva.
La mission de notre peuple
Le nom de la Paracha, Chela’h, fait allusion à ces concepts. Chela’h signifie «envoie», indiquant que chaque personne, et dans un sens plus large, le Peuple Juif comme entité, est envoyé. Il quitte son environnement naturel, chargé d’une mission qui permet, à l’individu comme à tout le peuple, d’atteindre une plus grande élévation.
Au sens individuel, il s’agit de la mission de chaque âme, envoyée des royaumes spirituels pour se revêtir d’un corps physique. C’est «une descente pour parvenir à une élévation» car en utilisant des entités matérielles dans des buts spirituels, l’âme atteint un niveau supérieur à celui qu’elle a quitté.
Dans un sens plus large, il s’agit de la mission du Peuple Juif de faire de ce monde une résidence pour D.ieu. «Envoyé» de continent en continent, de pays en pays, notre peuple a œuvré pour atteindre son objectif durant des millénaires, apportant au monde un contenu spirituel, par l’observance de la Torah et des Mitsvot. Aujourd’hui, nous nous tenons au seuil de la Rédemption, à quelques instants de la fin de notre tâche qui se traduira par la venue de Machia’h. Nous mériterons alors l’accomplissement complet de la promesse de notre Paracha : «Je les mènerai (là) et ils connaîtront la terre». Que cela ait lieu dans l’immédiat !
Comment se prépare-t-on à un voyage ?
Avant de partir en voyage, il est nécessaire de se munir de Tseda Ladérè’h, de provisions pour la route et pour le séjour – si on n’est pas sûr de trouver des aliments cachères à l’arrivée. Même si la compagnie d’aviation s’engage à fournir des repas cachères, il est nécessaire d’emporter à manger et à boire pour le voyage car il n’est pas rare que se produise un «oubli» ou que le voyage soit plus long que prévu. Il est aussi conseillé d’emporter un Kéli, un récipient grâce auquel on pourra se laver les mains rituellement avant de manger du pain.
Tseda Ladérè’h, ce sont aussi les provisions «spirituelles» : ainsi on emportera ses Téfilines et son Talit et on ne comptera pas sur ceux des autres. D’ailleurs, on garde Talit et surtout Téfilines avec soi dans l’avion et on ne les met pas dans les valises qui seront dans la soute à bagages, de crainte de perdre les valises. Le Rabbi recommandait d’introduire d’abord le Talit et les Téfilines dans les bagages et, éventuellement, de les en sortir pour les mettre dans un autre sac mais c’est par eux qu’il faut commencer. Dans le sac qu’on gardera avec soi en permanence, on mettra (de façon respectueuse) des livres de prières, des Psaumes, des livres d’étude de la Torah, une boîte de Tsedaka (charité) : tous ces objets représentent une protection et une garantie de succès (et devraient d’ailleurs toujours être disponibles dans une voiture). On emportera également des brochures de Torah et des Guides pour les Mitsvot qu’on pourra distribuer en cours de route à des Juifs désireux d’en apprendre davantage.
On a la coutume de donner de l’argent à celui qui part en voyage afin qu’il le donne à une cause charitable quand il arrive : ainsi il est considéré comme Chalia’h Mitsva, un émissaire à qui rien de fâcheux ne devrait arriver. Il est recommandé de donner la Tsedaka avant de partir.
(à suivre)
(d'après Rav Shmuel Bistritzky – Hamitsvaïm Kehil'hatam)
Vous avez dit spiritualité ?
J’ai été élevé dans un milieu libéral, dans une famille qui connaissait Pessa’h, qui connaissait Yom Kippour mais rien d’autre sur le judaïsme. Et comme j’ai grandi dans les années 60, durant l’engouement psychédélique, j’étais un produit de cette contre-culture. Comme nombre de mes camarades de cette époque, j’étais attiré par les philosophies orientales : plus elles étaient ésotériques, plus elles me plaisaient.
A un moment donné, j’adhérai à la Société Vedanta, une secte issue de l’hindouisme. Selon sa philosophie, n’importe qui pouvait être l’homme sage de sa génération. Et quand je décidai d’accrocher un portrait sur le mur de ma chambre, devinez qui je choisis ? Le chef du christianisme, si vous arrivez à comprendre jusqu’où je m’étais fourvoyé.
Mais alors, il m’arriva quelque chose qui devait bouleverser ma vie. Alors que j’étudiais à l’université, je partis en randonnée avec des camarades dans le New Hampshire et, avec un ami, nous nous sommes perdus. Nous avons passé quatre jours dans le blizzard avant d’être secourus : je m’en sortis avec des gelures qui me forcèrent à rester au lit.
Quand mes parents vinrent me chercher pour me ramener à la maison, mon père aperçut le portrait accroché au mur et poussa un cri. Il réalisa alors mon degré d’assimilation et décida : «Nous devrions peut-être t’emmener à la synagogue !». Mais je savais que ce n’était pas la réaction et la réponse qui me convenaient.
Durant ma convalescence, je lus un livre intitulé «Neuf Mystiques et demi : la Kabbala aujourd’hui». L’auteur, le rabbin (libéral) Herbert Weiner y décrivait le mouvement ‘hassidique : j’en avais le souffle coupé. Je n’avais jamais associé le judaïsme avec une quelconque spiritualité et là, j’apprenais qu’il signifiait une richesse de pensée dont j’ignorais l’existence et la profondeur. Cela m’amena à assister à une conférence de Rav Avraham Shemtov du Centre Loubavitch de Philadelphie et j’en fus bouleversé intérieurement. Celui-ci réussit à me convaincre de participer à un week-end pour étudiants juifs et j’en fus fortement impressionné. Mais l’expérience qui changea vraiment ma vie fut ma rencontre avec le Rabbi de Loubavitch à un Farbrenguen (réunion ‘hassidique). Je me souviens avoir observé ces milliers de ‘Hassidim et pensé : «C’est extraordinaire ! Et cela se produit chaque semaine ?». Puis on me poussa à l’avant et je me retrouvai face à face avec le Rabbi. Il me souhaita «Lé’haïm» en me regardant intensément et ce regard… Comment expliquer… J’ai entendu dire qu’une personne qui retourne à la Torah ressemble à quelqu’un qui marche dans l’obscurité quand, soudain, une porte s’ouvre devant lui et, dans cette pièce, il découvre un trésor. Ce fut le Rabbi qui ouvrit cette porte pour moi et qui, par son regard, changea toute ma vie.
Ce regard eut un effet domino qui se prolonge jusqu’à ce jour sur mes enfants et mes petits-enfants, dans toute ma famille si ‘hassidique alors que j’étais à l’époque si éloigné de toute tradition.
La route ne fut pas vraiment directe ; c’est à la Yechiva University que je rencontrai celle qui devint mon épouse. Nous nous sommes fiancés en 1976 et nous avons sollicité une entrevue avec le Rabbi. Effectivement, quand nous sommes arrivés sur place au 770 Eastern Parkway, de nombreuses personnes attendaient leur tour. On me conseilla de n’écrire sur un papier que mon nom et celui de ma mère : le Rabbi nous bénirait et c’était tout. C’est donc ce que je fis mais, sur un autre papier, j’écrivis les questions qui me taraudaient, en espérant qu’au cours de l’entrevue, je pourrais laisser ce papier sur la table du Rabbi. Mais ce n’est pas ainsi que cela se passa : quand j’entrai, le Rabbi – de lui-même – me demanda : «Avez-vous des questions ?». Je répondis que j’en avais deux ; la première était : la marijuana est-elle un moyen correct de parvenir à une conscience religieuse ? Et la seconde : mon ancien style de vie représentait pour ma future épouse le summum de ses plus terribles cauchemars : comment pourrions-nous atteindre une certaine compatibilité ?
Le Rabbi demanda : «Ce sont vos seules questions ?». Et je répondis oui. Alors il sourit – et ce sourire illumina la pièce. Il continua : «Alors vous formerez un couple très heureux !».
Je poussai un soupir de soulagement.
Puis il répondit : la marijuana est une substance qui vous donne une fausse sensation de quelque chose. Mais une fois l’expérience originale passée, quand vous essayez de la saisir et de la définir, cette sensation vous échappe et retourne dans le domaine de l’illusion. Ceci, parce qu’elle ne vient pas de l’intérieur, elle vient de l’extérieur. C’est pourquoi ce n’est pas un moyen légitime de parvenir à une sensation religieuse.
Quant à la question de compatibilité, il expliqua que mon épouse et moi-même devions avoir un but commun. Nous devions nous renforcer mutuellement dans le domaine de la Torah et des Mitsvot. Pour cela, nous devions étudier ensemble : il suggéra que nous étudions le Kitsour Choul’hane Arou’h (Code de lois juives) en anglais. Si nous nous engagions dans ce but commun de nous fortifier mutuellement, nous serions capables de transmettre notre idéal à nos enfants.
Telles furent les réponses du Rabbi à mes questions. Il nous bénit pour réussir en cela et ses bénédictions se sont réalisées à 100 %.
Shmuel Abramson – Monsey – JEM
Traduit par Feiga Lubecki