Semaine 26

  • Chel’ah
Editorial

A la rencontre de l’été

L’été revient. Il est même, à présent, notre perspective
immédiate. Il amène avec lui un cortège d’images et d’émotions
coutumières. Pour l’homme contemporain, le soleil
ennoblit le temps qui passe et donne les couleurs du bonheur
à chaque instant. Il est vrai que, très bientôt, un terme
unique va suffire à résumer la vie et que, pour beaucoup, il
constitue une sorte d’accomplissement: les vacances.
Dans nos sociétés satisfaites, la période, dit-on souvent,
est à l’individualisme. Une telle approche finit par fonder
une vision de la perfection qui se limite à l’immédiat et au
visible, à un certain culte de l’aspect physique vécu comme
l’horizon de la conscience. Dans un tel cadre, les vacances,
au-delà de l’attente sociale qu’elles incarnent, ne peuvent
être rien d’autre que l’expression de cette recherche.
Certes, l’homme est un être matériel. Aussi, le confort, la
détente, la reconstruction de soi que permet cet espace de
loisirs sont des acquis précieux. Qui ne rêve de liberté
lorsque le rythme du quotidien devient trop fort ou trop
rapide? Cependant, les vacances ouvrent également un
autre champ. Car, si l’aspect physique ne doit pas être
négligé, la dimension spirituelle, morale, intellectuelle ne
saurait pas plus l’être tant il est vrai que l’être humain est
un équilibre complexe et délicat entre le corps et l’âme.
Les vacances sont l’occasion de cette découverte. Elles
peuvent ne pas être exclusivement la période consacrée à
l’éphémère. Elles possèdent un pouvoir capable de nous
porter plus loin et plus haut.
Elles sont cette marge d’une inestimable liberté, lorsque
s’allègent les contraintes sociales. Elles sont cet espace de
tous les possibles. Redécouvrir la tradition juive, rouvrir le
chemin de l’étude du judaïsme et en retrouver le goût profond
et éternel. Vivre le judaïsme avec le même bonheur
qu’un éclat de soleil sur un paysage de rêve. A présent, tout
cela va être à no tre portée. Nous pou vons faire des
vacances un grand rendez-vous, avec soi-même, sa famille,
ses amis et notre tradition commune. Les lieux existent,
les opportunités sont partout offertes. Sachons ne pas les
manquer.
H. Nisenbaum

Etincelles de Machiah

Il est temps d’être joyeux

Dans l’un des psaumes qui traitent du retour final des exilés en Israël, il est écrit (126:
2-3): “Alors ils diront parmi les nations: ‘D.ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci’.
D.ieu a fait de grandes choses pour nous; nous étions joyeux”.
Un des Maîtres polonais a commenté ces mots de la façon suivante:
“Alors ils diront parmi les nations”: quand Machia’h viendra, les nations du monde
diront,
“D. ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci”: D.ieu a fait des merveilles pour le
peuple juif.
Nous répondrons à ces propos:
“D.ieu a certes fait de grandes choses pour nous”.
Quelle en est la raison? “Nous étions joyeux!”
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch) H.N.

Vivre avec la Paracha

Un agent libre

Et D.ieu parla à Moché en ces termes:
“Envoie pour toi des hommes
qui espion neront la terre de
Canaan que Je donne aux Enfants
d’Israël. Un homme, un homme par
tribu tu enverras, chacun prince
parmi eux...” (Bamidbar 13 :1-2)
Et vous m’avez tous approché et
m’ avez dit: “envoyons des
hom mes en av a nt pour qu’ils
explorent la terre et nous établissent
un rapport concer na nt le
chemin que nous emprunterons et
les villes que nous pénétrerons”.
Et la chose m’a paru bonne; et j’ai
pris douze hommes parmi vous,
un homme par tribu...
(Dvarim 1 :22-23)
Les com mentateurs récon ci l ient
ces deux récits de l’envoi des
Explorateurs en ex pl iqua nt que
l’initiative vint en réalité du peuple
d’Is ra ë l. Mo ché consu lta alor s
D.ieu Qui lui dit: “ Envoie pour toi
des hommes...”, impliquant par là:”
Envoie-les selon ce que te dictera
ta compréhension. Je ne te dis pas
quoi fa i r e. Fais com me tu le
jugeras”. Aussi la miss ion des
Explorateu r s, bien qu ’ aya nt été
consentie par D.ieu, était-elle une
entreprise purement humaine, née
du désir du peuple et accomplie
parce que “la chose était favorable”
aux yeux de Moché.
Le résultat en fut le retard tragique
du cours de l’histoire ju i ve. Les
Explorateurs ramenèrent un rapport
des pl us désesp é ra nts qu i
aboutit en la perte de confiance du
peuple dans la promesse de D.ieu
de leur donner la terre d’Israël en
h é r itage éternel. La génération
entière fut alors déclarée incapable
de recevoir la terre promise
et il fut décrété qu’ils finira ient
leur vie dans le désert. Ce ne fut
que quarante ans plus tard que le
successeur de Moché, Yehochoua,
conduisit une nouvelle génération
au- delà du Jou rda i n, en Ter r e
promise (Yehochoua et Calev, les
deux ex plorateurs qui av a ient
parlé en termes favorables de la
conqu ê te de la terre furent les
deux seuls de leur génération à
entrer en Israël).
Cependa nt, jusque là D. ieu avait
toujours donné à Moché et au peuple
d’Israël des directives spécif
iques qui guida ient chacun de
leurs pas. Le cas des Explorateurs
fut la première occasion où D.ieu
dit “Je ne te dis pas quoi faire, fais comme tu le
jugeras”. Cela n’aurait-il pas du susciter le doute
dans l’esprit de Moché?
Et c’est bien ce qui eut lieu. Nos Sages relatent
que Moché envoya Yehochoua avec la bénédiction:
“que D.ieu te délivre de la conspiration des
Explorateu r s”. Da ns ce cas-là, pou r quoi les
envoya-t-il? Et si, quelle qu’en soit la raison, il
jugea nécessaire de les envoyer, pourquoi ne les
bénit-il pas tous comme Yehochoua? Ce qui est
encore plus étonnant est le fait qu’une génération
plus tard, alors que le peuple Juif se trouvait prêt
( pour la deu x i è me fois) à pénétr er le pays,
Yehochoua lui-même envoya à son tour des explorateu
r s. Ce tte foi s- ci, il n’y eut pas de conséquences
néfastes, mais pourquoi initialisa-t-il à
son tour un processus qui s’était achevé si tragiquement
dans le passé?
Le choix
L’un des éléments essentiels de notre mission
dans la vie est celui du choix. Si D.ieu avait créé
l’homme comme une créature qui ne peut faire le
mal, Il aurait alors pu aussi créé d’emblée un
monde parfait ou pas de monde du tout. Le but
essentiel du désir de D.ieu dans la création est
qu’il existe un monde imparfait et que nous choisissions
de le perfectionner. C’est précisément
notre possibilité de faire des erreurs qui donne
leur sens à nos entreprises.
Le concept du choix s’applique à deux niveaux.
Quand D.ieu nous donne des directives précises,
nous avons tout de même le choix de défier Son
commandement. Cependant, il s’agit ici d’un choix
plus restreint. Car, par essence, notre âme est “littéralement
une parcelle de D.ieu En Haut” et, profondément,
elle ne possède qu’un désir unique:
accomplir la volonté divine. Selon les mots de
Rabbi Chnéour Zalman de Liadi: “un Juif ne veut ni
ne peut se séparer de D.ieu”. Lorsque l’on accède
à ce niveau de l’âme, chacun d’entre nous ne
désire qu’accomplir le bien, comme il est défini
dans la volonté de D.ieu. Le seul “choix” que nous
possédions consiste à supprimer notre volonté
profonde ou à l’exprimer dans notre vie quotidienne.
Jusqu’à l’épisode des Explorateurs, c’était là le
seul choix proposé au peuple Juif. D.ieu donnait
des instructions claires et sans équivoque pour
chaque problème rencontré dans la vie. Ils avaient
le choix de désobéir mais cela aurait été en opposition
avec leurs instincts les plus profonds.
Le second niveau de choix fut introduit par la
r é ponse de D. ieu à Moché à propos des
Explorateu r s. Quand Mo ché entend it D. ieu dire
“fais comme tu le jugeras”, il comprit que D.ieu
ouvrait une nouvelle dimension de choix, plus profonde
et plus vraie, dans la vie de l’homme. En
créant un domaine où Lui, le Créateur et Maître
absolu du monde statuait: “Je ne te dis pas quoi
faire”, D.ieu donnait un sens plus profond aux
actions humaines. Ce n’est alors et seulement
alors que le choix est bien réel; ce n’est qu’alors et
seulement alors que rien ne nous oblige, dans
quelque direction que ce soit.
Qua nd nous pénétrons da ns cette arène, les
risques sont bien plus grands: la possibilité d’errer
est sup é r ieure et les cons é quen ces de nos
er r eurs sont pl us tragiques. Mais quand nous
réussissons à découvrir, sans en avoir été instruits
et renforcés par En Haut, la meilleure manière
d’ “entrer en Terre Sainte” et d’actuali-ser la volonté
divine, nos actes prennent alors d’autant plus
de signification et de valeur.
La personnalité de Yehochoua
C’est la raison pour laquelle Moché envoya les
Explorateurs, pleinement conscient des risques
de leur mission, sans même une bénédiction pour
les pr é server des er r eurs du comportement
humain. S’il les avait bénis, en leur donnant une
part de sa propre dimension spirituelle pour réussir
leur mission, il aurait miné l’occasion unique
donnée par D.ieu en consentant à ce que l’action
soit décidée en fonction d’un jugement humain.
Le but en était qu’à la fois Moché (en décidant de
les envoyer) et les Explorateurs (en accomplissant
leur mission) soient entièrement responsables,
ayant pour seuls guides et forces, leur propre
compréhension et leur propre humanité.
Le seul à recevoir la bénédiction de Moché fut
Yehochoua qui était le fidèle “serviteur ne quittant
jamais la tente [de Moché]” La relation unique qui
les liait est décrite dans le Talmud avec la parabole
suivante: “ Le visage de Moché était comme la
face du soleil; le visage de Yeho choua était
comme la face de la lune”. A première vue, cette
parabole expr i me la supérior ité de Mo ché sur
Yehochoua, ce dernier n’étant qu’un pâle reflet de
la lumière du premier. Mais plus profondément,
cela fait allusion à la profondeur du lien entre le
plus grand des maîtres et le plus dévoué de ses
d i sci ples. De même que la lune n’a aucu ne
lumière par elle-même mais reçoit toute sa luminosité
du soleil, Yehochoua avait fait totalement
abnégation de son ego devant son maître, de
sorte que tout ce qu’il était, il l’avait tiré de Moché.
Pour Moché, bénir Yehochoua n’était pas lui donner
quelque chose qu’il ne possédait pas au préalable:
tout le moi de Yehochoua était Moché. Armé
de la bénédiction de Moché, Yehochoua était véritablement
et entièrement lui-même, c’était là son
essence et son moi plutôt que quelque chose qui
lui avait été imposé de l’extérieur.
C’est pourquoi ce fut Yehochoua qui put négocier
heu r eusement da ns l’arène du véritable choix
indépendant, ce fut lui qui conduisit le peuple
d’Israël en terre de Canaan, car la conquête de
cette terre et sa transformation en “Terre Sainte”
représente l’entrée de l’homme dans un milieu où
il n’existe pas de directives divines clairement
énoncées pour distinguer le bien du mal, et sa
découverte autonome de la manière de sanctifier
son environnement et d’en faire une résidence
pour D.ieu.

Le Coin de la Halacha

Est-il souhaitable de discuter avec ses élèves de problèmes théologiques?

A propos du verset: "La croyance s'est perdue, elle a été coupée
de leurs bouches" (Jérémie 7. 28), Rabbi Zouché d'Anipoli
explique: "Pourquoi ont-ils perdu leur croyance (en D.ieu)? Parce
qu'elle a été coupée de leurs bouches!"
Il faut enseigner et expliquer aux élèves les bases de la croyance
en D.ieu et ne pas se contenter de belles phrases toutes faites.
Supposer qu'une telle discussion risque d'éveiller des doutes
dans l'esprit des jeunes n'est plus valable de nos jours.En effet, les
élèves perçoivent de toute manière ces questions par l'ambiance
de la rue, les médias etc., il est donc essentiel de leur fournir de
solides éléments de réponse. Il serait bon que dans les écoles
secondaires, des conférenciers compétents discutent avec les professeurs
et avec les élèves de ces questions.
Le Rabbi de Loubavitch dit qu'on doit enseigner des concepts
fondamentaux tels que "Tu nous as choisis" ou l'importance de la
Providence divine dans tous les détails de la vie en soulignant que
ce sont des préalables.
S'il y a des questions,on y répondra avec sincérité et clarté, sans
les esquiver.
Même si le professeur ne connaît pas la réponse à chacune des
questions posées, il enseignera cependant le point de vue de la
Torah tel quel, sans être embarrassé. En effet, la Torah énonce des
vérités définitives alors que les théories élaborées par l’homme
sont, par définition, relatives.
F. L. (d'après Rav Yossef Guinzbourg)

De Recit de la Semaine

La cicatrice

Le petit Chlomo était le dernier-né d'une
famille de neuf enfants. Il avait le sourire
facile et des yeux pétillants d'intelligence.
Ce qu'il préférait, c'était le vendredi aprèsmidi,
quand sa mère allumait les bougies
de Chabbat. Les flammes dansant sur les
chandeliers d'argent soigneusement frottés
le fascinaient.
Mais un vendredi soir, alors que sa mère
couvrait ses yeux de ses mains pour réciter
la bénédiction, une des bougies tomba sur
le bras de Chlomo qui fut sérieusement
brûlé. On l'amena à l'hôpital, il fut soigné et
se remit au bout de quelques jours. Mais il
garda une vilaine cicatrice sur le bras, en
quelque sorte un souvenir indélébile de l'incident.
Puis la seconde guerre mondiale éclata.
La Pologne fut conquise par les Allemands.
Dans le cadre de la "solution finale", tous
les Juifs de la ville furent rassemblés et
emmenés dans des camps d'exter m i nation.
Reb Avraham, le père de Chlomo, fut
séparé de force de sa famille et conduit
dans un camp de travaux forcés. Malgré de
terribles épreuves, il survécut et se retrouva,
sans l'avoir voulu, en Union Soviétique.
Il éta it ma i ntena nt seul au monde.
Physiquement marqué et épuisé, il tenta
néanmoins de surmonter son chagrin. Il se
jeta dans l'étude de la Torah, la prière et
l'enseignement du judaïsme à des enfants
qui n'en av a ient aucu ne notion. Non
content de diriger secrètement une école
juive, il était également "Mohel" (circonciseur).
La petite synagogue était presque
devenue sa demeure.
Bien entendu, toutes ces activités étaient
tout à fa it illéga les. Mais Reb Avraham
considérait qu'il n'avait rien à perdre après
tout ce qu'il avait enduré.
Fi nalement il décida de pr é senter aux
autorités de l'OVIR une demande de visa
pour quitter l'U.R.S.S. Contre toute attente,
celui-ci lui fut accordé facilement. Bien qu'il
fût très heureux de pouvoir quitter le pays,
il ressentait néanmoins une sourde inquiétude
au su jet des Juifs qu'il la i ssera it
désormais sans instituteur, sans "Mohel",
sans éducation juive...
Maintenant que l'heure du départ pour la
Terre Sainte approchait, il prenait moins de
précautions. Un jour, alors qu'il était resté
seul dans la synagogue, il alluma des bougies
pour le souvenir de sa femme et de ses
enfants décimés par la Shoah; emporté par
l'émotion, il se mit à lire les Psaumes, avec
toujours plus de ferveur, jusqu'à ce que le
son de sa voix s'entende dans la rue...
A cet instant, Natichka, un jeune agent du
K.G.B. passait justement par là. Intrigué, il
entra dans la synagogue et à la vue du
vieux rabbin chantant sa douleur, il fut pris
d'une rage folle, retroussa ses manches et
s'apprêta à le frapper sérieusement pour
qu'il cesse ses activités "bigotes et moyenâgeuses".
Reb Avraham ne s'émut pas outre mesure.
Il avait déjà été si souvent battu! Et il
s'écria: "Chema Israël..." Car il se savait au
seuil de la mort.
C'est alors qu'il remarqua que l'avant-bras
de Natichka portait une cicatrice inhabituelle...
"Chlomo, mon fils!" s'écria-t-il...
Le visage du jeune communiste devint
pâle tandis que sa main levée s'immobilisait
dans l'air. Inexplicablement, il se sentait
attiré par les flammes des bougies...
comme si des souvenirs longtemps refoulés
réapparaissaient... La gorge serrée, il
sentit les larmes couler de ses yeux et
em brassa le vieux rabbin en pleu ra nt
comme un enfant.
" Papa! Papa!" disa it-il inlassablement,
"Pardonne-moi, je t'en prie!"
Père et fils tombèrent dans les bras l'un
de l'autre, trop heureux de cette extraordinaire
rencontre.
Peu de temps après, ils émigrèrent tous
deux vers Is ra ë l. Depuis lor s, chaque
semaine, ils contempl è r ent les flammes
des bougies de Chabbat, en revivant cette
émotion intense qui les avait enfin réunis.
Traduit par Feiga Lubecki