Adar : prenons de la hauteur !
Le calendrier juif est loin d’être un simple instrument permettant le suivi du déroulement du temps. Certes, il exerce aussi cette fonction, loin d’être anodine. Toutefois, son avancée éclaire aussi le champ de notre vie et lui apporte son sens particulier au fil des périodes successives. Et nous vivons à présent au cœur du mois d’Adar I. Bien sûr, et cela a d’ores et déjà été abondamment dit, nous aurons cette année deux mois de Adar et celui qui a commencé n’est que le premier. C’est dire que la fête de Pourim et toutes les réjouissances qui l’accompagnent n’arriveront que dans un mois. Cela signifierait-il que ce mois-ci n’est marqué pas rien de remarquable, qu’il se contente de laisser passer ses jours comme une attente ?
Il est clair qu’une telle approche serait profondément erronée car elle retirerait à la période toute tonalité spécifique. Or rien n’existe en ce monde qui ne soit pas porteur d’un enseignement précieux, d’une puissance qui lui est propre, faute de quoi rien ne justifierait sa simple existence. Le mois d’Adar I, même s’il paraît n’être qu’une sorte de répétition avant la grande première à venir, porte déjà en lui l’infini pouvoir de la joie. Le Talmud enseigne : «Quand entre Adar, on multiplie la joie.» Cette sentence ne s’applique pas qu’au second Adar, elle est de pleine actualité dès le premier. Cela signifie que, dès à présent, nous avançons de degré en degré jusqu’à la plus haute des allégresses telle qu’elle s’exprimera le jour de Pourim.
Et ce sentiment est indispensable. Parfois, lorsqu’on regarde le monde autour de soi, on peut se dire que nos actions pèsent de bien peu de poids sur son devenir. On pourrait penser que rien n’incite à l’optimisme. Mais de la joie, il est dit justement qu’elle brise les barrières et que sa seule présence est en soi un facteur de victoire. Il faut donc à présent savoir ressentir qu’un nouveau temps a commencé, qu’il nous entraîne dans ses avancées et que, dans son mouvement, nous pouvons réaliser des prodiges, pour nous-mêmes, ceux qui nous entourent et, plus largement, le monde tout entier. Allons, Adar est là, multiplié par deux cette année et donc pour de presque soixante jours. Puissent notre désir, notre volonté et nos efforts se hisser à sa hauteur.
Vers le luminaire
«Et tu ordonneras aux enfants d’Israël et ils prendront pour toi de l’huile d’olive pure, concassée pour le luminaire.» (Ex. 27:20)
Les travaux forcés en Egypte préparèrent le peuple juif à recevoir la Torah. C’est ainsi que l’exil constitua le « creuset dans lequel le peuple juif se «raffina» afin de parvenir à cet événement. De la même façon en ce qui nous concerne : la situation de «concassé» - oppressés par l’exil - nous amène au «luminaire», aux plus grandes révélations.
Comme la sortie d’Egypte conduisit le peuple juif au Don de la Torah, la sortie de notre exil nous conduira à celui de son sens profond.
(D’après Likoutei Si’hot vol. 2 Parachat Bo)
Tétsavé
Résumé
D.ieu enjoint à Moché de recevoir des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin d’alimenter la «flamme éternelle» de la ménorah qu’Aharon doit allumer chaque jour, «du soir jusqu’au matin». Sont décrits également les habits sacerdotaux que doivent porter les Cohanim (prêtres) durant leur service dans le Sanctuaire. Puis la Paracha donne les instructions détaillées de D.ieu concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils, Nadav, Avihou, Elazar et Itamar, et prescrit la fabrication de l’autel d’or sur lequel seront brûlés les encens.
Le début et la fin de la Paracha mentionnent tous deux l’allumage de la ménorah dans le Sanctuaire. Il est significatif d’observer qu’en conclusion de la lecture de la Torah, l’allumage de la ménorah est associé avec l’offrande d’encens : «Aharon brûlera des encens chaque matin quand il nettoie les lampes. Et il brûlera des encens le soir quand il allume les lampes».
Comme cela a souvent été mentionné, l’utilisation du mot beto’ham (en eux) dans le verset : «Et vous Me ferez un Sanctuaire et Je résiderai en eux» implique que D.ieu réside, non seulement dans les sanctuaires matériels et les Temples que les Juifs ont construits, mais également dans le sanctuaire spirituel qui existe dans le cœur de chaque Juif.
De la même façon, chacune des tâches accomplies dans le Sanctuaire a son équivalent dans notre service divin.
La pertinence de l’allumage de la ménorah et du fait d’apporter des encens, dans le contexte qui précède, peut être saisie en analysant leur place dans la Paracha Tétsavé, presqu’exclusivement consacrée au concept de la prêtrise. Cette Paracha décrit longuement les habits sacerdotaux et les sacrifices apportés par les prêtres lors de leur initiation.
En fait, la mention de ces services, dans cette Paracha précisément, est problématique. Il aurait semblé plus approprié d’évoquer l’allumage de la ménorah dans la Paracha Terouma qui en décrit la structure. Par le même biais, la description de la fabrication de l’autel pour les encens et leur offrande auraient dû également être incluses dans cette Paracha, avec la description de l’Arche Sainte, de la ménorah, de la Table des Pains, de l’autel extérieur et des autres éléments du Sanctuaire.
Ces interrogations peuvent être ainsi résolues : l’autel des encens et ses offrandes sont mentionnés, comme l’élément final de la construction du Sanctuaire et des préparatifs au service, pour mettre l’accent sur leur importance unique. En fait, nous observons que la Présence Divine ne reposa pas dans le Sanctuaire avant que ne soit apportée l’offrande des encens.
Quelle est la raison de ce statut particulier ? Nos Sages expliquent que les sacrifices offerts sur l’autel dans la cour du Sanctuaire sont relatifs au corps du Juif alors que l’offrande des encens apportée sur l’autel intérieur est liée à l’âme du Juif.
Ce concept apparaît également dans les noms hébreux utilisés pour décrire les différentes offrandes. Le mot hébreu pour «sacrifice» est korbane dont la racine se trouve dans le mot karov : «proche». En revanche, le mot utilisé pour «encens», ketorèt, est lié à la racine ketar, le mot araméen pour «lien». En apportant un sacrifice, le Juif se rapproche de D.ieu. Par l’offrande d’encens, le Juif et D.ieu s’unissent dans une fusion totale.
Ainsi, après que la Torah ait décrit les préparatifs nécessaires pour le Sanctuaire, qui permirent à la Présence Divine d’y résider et donc de résider à l’intérieur de chaque Juif, mentionne-t-elle l’offrande des encens qui permet à ce lien fusionnel de s’établir entre eux.
Cette union se réfère plus particulièrement au lien entre l’âme et D.ieu, au niveau de ye’hida, une union essentielle, sans rien de comparable.
Comme cela a été mentionné, l’offrande de l’encens est associée à la ménorah. La ménorah renvoie au Peuple juif, comme on le voit dans le verset : «la lampe de D.ieu est l’âme de l’homme». Et l’âme juive reçoit le potentiel d’étinceler par la Torah et ses mitsvot, comme il est écrit : «Une mitsva est une lampe et la Torah est la lumière».
L’allumage de la ménorah avait pour but d’attirer cette lumière dans le monde en général. C’est ce qui apparaît de la structure des fenêtres du Beth Hamikdach dont le côté intérieur était plus étroit que le côté extérieur. Car le but n’en était pas de faire pénétrer à l’intérieur la lumière venue de l’extérieur mais de permettre à la lumière de la ménorah de rayonner vers l’extérieur. C’est dans le même contexte que nos Sages décrivent la ménorah comme «un témoignage pour tous les habitants du monde que la Présence Divine réside en Israël».
A partir de ce qui précède, nous pouvons saisir le lien entre le fait d’allumer la ménorah, l’offrande des encens et la Paracha Tétsavé. C’est par la ménorah que le lien profond établi par l’offrande des encens rayonne dans le monde entier.
Il en va de même pour la Paracha Tétsavé. Le nom Tétsavé est lié au mot tsvata qui signifie «connexion». Pour insister sur l’importance de disséminer la connexion entre D.ieu et le Peuple juif dans le monde entier, la Paracha Tétsavé commence par la description de l’allumage de la ménorah. Bien que le sujet principal soit les prêtres, en commençant ainsi, l’on attire l’attention, sur le fait que le but essentiel du service des prêtres est de révéler au monde la Présence Divine.
Ces concepts ont leurs parallèles dans le service que nous accomplissons chaque jour. Chaque jour, chacun d’entre nous se réveille comme «une nouvelle création». C’est pourquoi chaque jour, nous renouvelons le lien profond que nous tissons avec D.ieu, ce qu’exprime la récitation de versets relatifs aux offrandes des encens (les ketorèt). Nous y mentionnons également le fait qu’ils étaient apportés lors de l’allumage et du nettoyage de la ménorah.
Cela indique que ce lien que nous entretenons avec D.ieu doit s’étendre à notre monde de la quotidienneté, dans l’esprit de «tous tes actes doivent être accomplis par amour du Ciel» et «dans toutes tes voies, connais-Le».
Après la conclusion des prières matinales, nous concentrons notre attention sur les activités du monde. Il est alors impossible de conserver le même niveau d’attachement à D.ieu que celui que l’on a ressenti au cours de la prière. Néanmoins, au cœur de nos activités concrètes, ce lien essentiel laisse un effet résiduel qui apparaît dans notre conduite. Et c’est ainsi que notre lien des ketorèt avec D.ieu forge avec Lui une union éternelle.
Comment se comporte-t-on le jour du mariage ?
- Le jour du mariage est comparé à Yom Kippour - «un jour de pardon pour tous, une occasion de faire Techouva, de revenir à D.ieu». Les mariés et leurs parents augmenteront leur ferveur dans l’étude de la Torah, la prière et leurs actes de bienfaisance.
- Les mariés liront de nombreux Tehilim (Psaumes) et, si possible, tout le livre de Tehilim. Leurs parents liront aussi au moins un chapitre de Tehilim pour le mérite des mariés.
- Les mariés donneront de leur propre argent soit dans une boîte de Tsedaka soit aux responsables d’une institution de bienfaisance, si possible dès le matin, afin d’assurer le succès de tous les préparatifs de la journée. Les invités donneront aussi de la Tsedaka pour le mérite des mariés.
- Après la prière normale de Min’ha, les mariés réciteront le Vidouï (Al ‘Heth qu’on récite à Yom Kippour).
- L’alliance sera ronde et en or.
- Sous la ‘Houppa, les mariés acceptent sur eux le joug Divin et cela sera bénéfique pour leurs futurs enfants et petits-enfants.
- Réjouir les mariés est une très grande Mitsva qui préfigure la joie éternelle qui caractérisera la venue du Machia’h.
(d’après Eternal Joy - Rav C.B. Wineberg – d’après les enseignements du Rabbi)
Un empêchement venu du Ciel…
J’avais toujours rêvé d’organiser une «Campagne d’Etude de la Torah» dans la Yechiva que je dirige : stimuler les étudiants pour qu’ils étudient davantage et offrir à ceux qui se seraient distingués un voyage chez le Rabbi, à New York, pour le 10 Chevat, une date chère à mon cœur, la date où le Rabbi accepta officiellement de devenir notre Rabbi en 1951. En effet, depuis des années, depuis que j’étais moi-même étudiant de Yechiva, j’avais tenu à me trouver au 770 Eastern Parkway à Brooklyn, dans la synagogue du Rabbi ; et même maintenant, alors que je suis marié et que je m’occupe de la Yechiva, j’essaie de garder cette bonne coutume. Mais, bien entendu, je savais qu’amener tous ces étudiants d’Israël à New York n’était qu’un rêve sur lequel il ne fallait pas s’attarder car une telle organisation demande non seulement de nombreux préparatifs mais surtout… des fonds énormes !
Cette année je me suis rendu à New York après les fêtes de Tichri : en effet, comme je m’occupe de la communauté de la ville de Or Yehouda en Israël, je ne peux pas m’absenter pour les fêtes. J’avais donc décidé d’effectuer un rapide aller-retour, juste pour passer Chabbat Béréchit au 770 : partir jeudi soir, arriver vendredi matin et repartir dimanche après-midi.
Ce fut, comme d’habitude au 770, un Chabbat merveilleux. Le ‘Hazane s’était surpassé, en chantant tour à tour tous les chants ‘hassidiques des différentes solennités du mois : Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot, Sim’hat Torah… Ce fut pour moi comme un lot de consolation ! Tout en priant dans la grande synagogue pleine à craquer, je retrouvais des amis qui vivaient maintenant éparpillés aux quatre coins du monde. J’aperçus surtout un ami très cher dont j’avais entendu qu’il avait fort bien réussi dans la vie comme on dit. Peut-être écouterait-il mes rêves et pourrait-il m’aider à les réaliser ? Mais, d’un autre côté, je pensais que ce n’était pas pour cela que j’étais venu me ressourcer chez le Rabbi.
Dimanche matin, je me rendis à l’aéroport, avec une courte escale, en chemin, au Ohel du Rabbi, à Queens, non loin de l’aéroport JFK. Je suis arrivé un peu en retard à l’aéroport mais, de fait, ce n’était pas trop grave. Oui mais… Quand je suis passé à la sécurité avant l’embarquement, on m’a arrêté. Je n’ai vraiment pas compris pourquoi. On a examiné attentivement mon passeport. Puis mes valises : tous mes livres ont été ouverts méticuleusement, page par page. On a ouvert mon sac à Téfilines et examiné chacun de mes Téfilines, en déroulant les lanières : là, je suis intervenu en précisant que c’était des objets sacrés et qu’il convenait de les traiter avec respect. Bon, ils ont laissé les Téfilines et inspecté un par un tous les autres objets dans ma valise.
Cela a pris un temps fou. J’expliquai que je devais prendre l’avion (après tout, c’était bien la raison de ma présence à l’aéroport…) mais cela ne semblait pas intéresser les fonctionnaires préposés à la sécurité. Ce n’est qu’après qu’ils m’aient «libéré» qu’on a daigné m’informer qu’il existait un nouveau concept : «sélectionné». Les douaniers ont la consigne de « sélectionner » un voyageur au hasard et d’inspecter à la loupe ses bagages : j’avais eu le «privilège» d’être «sélectionné» par l’ordinateur du service de la Sécurité.
Mais ce privilège devait me coûter cher : l’embarquement était terminé ! J’avais couru vers le comptoir de la Turkish Airlines mais les portes de l’avion qui devait m’amener en Israël étaient déjà fermées. On m’informa qu’on m’avait attendu dix minutes supplémentaires mais il était maintenant trop tard, il était absolument interdit de rouvrir les portes de l’avion ! Celui-ci décolla sans moi !
Je compris que je n’avais pas le choix. On me proposa l’avion suivant qui devait décoller à 21 heures mais pour lequel je devais payer… 750 dollars ! J’étais atterré : payer aussi cher pour un retard dont je n’étais pas coupable ! De toute manière, je ne disposais pas de cette somme !
Hébété, je sortis du terminal, cherchai parmi les voyageurs celui qui pourrait peut-être m’emmener en voiture mais ne trouvai aucun Juif dans la file qui attendait un taxi. Je décidai alors de téléphoner à un de mes amis qui accepta avec plaisir de venir me chercher d’ici vingt minutes pour me ramener à Crown Heights. Je retournai dans le terminal et croisai un employé de la Turkish Airlines qui, tout heureux, m’informa qu’on me cherchait partout parce qu’il avait été décidé de me donner gratuitement un autre billet pour le vol de 21 heures ! Je me sentais déjà mieux, pressentant que tout allait s’arranger.
Les vingt minutes s’écoulèrent et mon ami-chauffeur arriva. Il s’excusa : il devait d’abord amener d’autres voyageurs au Ohel et, après un moment passé sur place, il continuerait et m’emmènerait à Crown Heights. Pour moi, c’était parfait car, justement, je n’étais resté que quelques minutes le matin au Ohel à cause du départ prévu. J’aurais ainsi l’occasion de me concentrer davantage sur tout ce que j’avais à demander au Rabbi pour moi-même, ma famille, ma communauté et tout le peuple juif : après tout, peut-être tout cela n’avait-il été qu’un prétexte pour le bon D.ieu pour me permettre de prier plus intensément.
Après les préparatifs qu’on a l’habitude de faire avant d’entrer au Ohel, j’écrivis une longue lettre que je lus puis déchirai près du tombeau. Quand je sortis du Ohel, alors que je montai les quelques marches qui mènent à la grande salle, je l’aperçus… justement l’ami que j’aurais voulu contacter pendant Chabbat !
C’était absolument incroyable ! Je venais de demander au Rabbi de m’aider à concrétiser ce rêve fou et je me trouvais maintenant en face de l’ami qui pourrait être un partenaire solide ! Je n’en croyais pas mes yeux !
«Je suis sûr que j’ai dû rester encore quelques heures à New York uniquement pour te parler ! Un sujet très important pour lequel tu pourras peut-être m’aider…»
L’ami en question était lui aussi très ému de cette «coïncidence» et avait compris que je ne plaisantais pas. Nous sommes allés de côté et je lui confiai mon rêve : «Veux-tu prendre sur toi de financer cette initiative ?». Il demanda à ce que nous établissions ensemble le devis des frais impliqués : le voyage et le séjour de trente ou quarante jeunes gens méritants de la Yechiva (je ne pensais pas qu’il y en aurait davantage). Il réfléchit et… accepta !
Quand je suis rentré en Israël, j’ai raconté cela aux professeurs de la Yechiva mais, au début, aucun d’entre eux ne m’a cru. Mais nous avons tout mis en marche et encouragé les étudiants à étudier le maximum : ils se sont mis à la tâche avec enthousiasme : tous se présentaient à l’heure aux cours, ils apprirent des pages entières de Guemara par-cœur ainsi que des chapitres de Tanya. A tout instant du jour et parfois même de la nuit, on entendait la voix de la Torah et on les voyait réviser très sérieusement. Le résultat ? Alors que nous avions misé sur quarante gagnants, ce fut finalement plus d’une centaine de jeunes gens qui prirent l’avion pour New York !
Celui qui part chez le Rabbi après s’être tellement investi en revient complètement transformé. C’est le Rabbi qui nous a appelés, tout s’est arrangé pour le mieux, depuis le début jusqu’à la fin !
Et le mot le plus en vogue maintenant à la Yechiva, c’est… «sélectionné» !
Rav Hendel – Or Yehouda - Kfar Chabad N° 1642
Traduit par Feiga Lubecki