Semaine 7

  • Tetsavé
Editorial
Du ciel à la terre

Vivre la tête dans les étoiles et les pieds sur terre, c’est un peu toute l’histoire du peuple juif. Témoin d’un au-delà du monde que tous ne perçoivent pas, il est aussi partie prenante de tous les thèmes qui préoccupent la planète. Un de ses outils essentiels, dans cette double perspective, est sans doute son calendrier. Toutes les sociétés antiques ont construit des mécanismes qui permettaient de suivre l’avancée du temps. Dire les semaines, les mois et les années était alors perçu comme une manière de les maîtriser, une véritable fonction sacerdotale. Certes, aujourd’hui les hommes ont tendance à ne plus y voir qu’une nécessité technique pourtant le calendrier n’est-il pas toujours ce qui matérialise le tissu de nos jours, le défilement du temps ? Les ennemis du peuple juif ne s’y sont guère trompés. Quand les occupants romains du royaume d’Israël interdirent le calendrier, c’est bien qu’ils visaient quelque chose d’essentiel. Perdre le sens de son temps propre, c’était, pensaient-ils, se soumettre à celui de l’autre.
Justement, le calendrier juif présente une particularité et il nous est donné de l’observer concrètement dans cette période. Nous sommes entrés dans le mois hébraïque de Adar, premier du nom. En effet, cette année 5711 compte treize mois et nous aurons donc un deuxième Adar dans lequel tombera la fête de Pourim qui se trouve, pour ainsi dire, repoussée de trente jours. Cette insertion d’un mois supplémentaire est due à une raison bien connue : dans le calendrier juif, les mois correspondent aux phases de la lune tandis que les années suivent le cycle solaire. Un décalage s’introduit obligatoirement entre ces deux décomptes, qui, au bout de deux à trois ans, devient assez important pour faire un mois entier. On l’introduit donc à présent.
Sans entrer dans les subtilités de tels calculs, comment ne pas relever que nous remettons en accord deux rythmes astronomiques dissemblables, ceux du soleil et de la lune. Précisons aussi que, traditionnellement, le soleil représente celui qui donne tandis que la lune est celle qui reçoit. C’est ici deux fonctions spirituelles qui s’unissent. Comme pour signifier que nous sommes les acteurs de cette harmonie renouvelée et que c’est vers son établissement universel que le monde avance.
Etincelles de Machiah
L’éducation juive et la venue de Machia’h
Décrivant le temps de Machia’h, D.ieu dit (Isaïe 44:3) : « Je déverserai Mon esprit sur ta descendance et Ma bénédiction sur tes générations ». Dès la première lecture du verset, il est clair que sont ici désignés les enfants.
Or, on connaît le principe selon lequel toutes les révélations de ces temps futurs dépendent de nos actions et de notre effort d’aujourd’hui (Tanya chap. 37). C’est dire à quel point l’éducation juive assurée aux enfants est un impératif pour chacun.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
Chabbat Parchat Vayikra 5740)
Vivre avec la Paracha
Tétsavé : Moché disparaît

La Torah consiste en cinq livres, subdivisés en cinquante-quatre Parachiot. Ils sont communément appelés les «Cinq Livres de Moché».
A priori, ce nom semble quelque peu inadéquat. Il est vrai que c’est Moché qui les transcrivit et encore plus vrai que c’est lui le personnage principal de tout le récit. Cependant, ne s’agit-il pas de la Torah de D.ieu ? Le Talmud s’étonne ainsi devant la proclamation du prophète (Mala’hi 3 :22) «Rappelez-vous de la Torah de Moché, Mon serviteur!» : est-ce donc la Torah de Moché ? Le Talmud répond par l’affirmative : «Parce qu’il lui donna sa vie, elle est appelée par son nom».
Il n’existe aucune mention de Moché dans le premier Livre, Beréchit (la Genèse). Cela est compréhensible, il n’était pas encore né. Le nom de Moché n’apparaît qu’à quelques reprises dans le cinquième Livre, Devarim (Deutéronome). Cela s’explique également, tout Devarim est le long discours de trente-sept jours que Moché délivre au Peuple d’Israël avant sa disparition. Cependant, tout au long des onze chapitres de Devarim, nous entendons sa voix : «A cette époque, D.ieu me dit…». « Et puis nous poursuivîmes notre voyage…» (En opposition avec le reste de la Torah écrit à la troisième personne : «Et D.ieu parla à Moché…», «Et Moché monta sur la montagne…» etc.).
Dans les trois autres livres, le nom de Moché est très fréquemment présent dans chaque Paracha, souvent des douzaines de fois dans une seule page. Dans toutes ces Parachiot, à l’exception d’une seule : notre Paracha, Tétsavé (Exode 27 :20-30 :10), ne contient aucune mention du nom de Moché.
Le commentaire du Baal Hatourim sur la Torah explique ce phénomène comme étant une conséquence des propos de Moché à D.ieu lors du péché du Veau d’Or. Quand le Peuple Juif brise son alliance avec D.ieu, tout juste quarante jours après avoir reçu la Torah au Mont Sinaï, D.ieu lui dit qu’Il a l’intention de détruire la nation errante et de fonder un nouveau peuple, meilleur, à partir des descendants de Moché. Ce dernier supplie, argumente en faveur du peuple et finalement déclare à D.ieu : «Maintenant, si Tu pardonnes leur péché… Mais si Tu ne le fais pas, efface-moi de Ton Livre que Tu as écrit» (Chemot 32 :32). C’est la raison pour laquelle, conclut le Baal Hatourim, le nom de Moché est absent de la Paracha Tétsavé.
Néanmoins, un certain nombre de points restent à éclaircir.
Finalement, D.ieu ne détruisit pas le Peuple d’Israël et n’effaça pas le nom de Moché de la Torah. Pourquoi alors fut-il enlevé de Tétsavé ? Est-ce une sorte de punition ou de «répercussion» pour ses mots audacieux ou bien y a-t-il un sens plus profond à cette forme de réalisation partielle ?
Quel était le but de Moché ? Etait-ce une sorte de menace pour forcer la main de D.ieu ? L’effacement du nom de Moché de la Torah aurait-il pu, en quelque manière que ce soit, sauver le Peuple d’Israël ?
Pourquoi, parmi toutes les cinquante-quatre Parachiot de la Torah, est-ce précisément dans Tétsavé que ne figure pas le nom de Moché ? En fait, le récit du péché d’Israël et de l’«ultimatum» de Moché n’apparaît que dans la Paracha suivante : Ki Tissa !
Le Zohar décrit D.ieu, la Torah et le Peuple d’Israël comme «les trois liens interdépendants… chacun consistant en un niveau au-dessus d’un autre niveau, caché et révélé».
Que sont ces niveaux «cachés» et «révélés» dont parle le Zohar ? La ‘Hassidout explique qu’il existe deux niveaux dans lesquels D.ieu, la Torah et Israël sont liés. Au niveau «révélé», la Torah est le lien entre D.ieu et Israël. D.ieu est infini et insaisissable et nous sommes des êtres mortels et finis. Mais D.ieu nous a donné Sa Torah, décrétant qu’elle sera Sa sagesse et Sa volonté. Quand nous étudions la Torah et accomplissons ses préceptes, nous établissons une connexion avec D.ieu.
Cependant, à un niveau plus profond, le lien s’établit dans l’autre sens. Les âmes d’Israël sont ce qui lie la Torah à D.ieu. A ce degré, l’âme est une étincelle de l’essence divine et la Torah, le produit de cette unicité. D.ieu tel qu’Il est en Lui-même est au-dessus du fait de posséder une «sagesse» et une «volonté». Il ne les acquiert que comme outils qu’Il utilise pour exprimer son lien profond avec nous.
En d’autres termes, au niveau «révélé», le Peuple Juif qui rejette la Torah, à D.ieu ne plaise, perd son lien avec D.ieu. Au niveau «caché», c’est la Torah qui «a besoin» de nous pour se lier avec le Tout-Puissant.
Désormais, nous pouvons comprendre ce que Moché obtint en insistant pour que D.ieu «efface son nom» de la Torah.
Le nom d’une personne est le «moi», l’aspect extérieur de sa personne, qu’elle présente au monde, sous lequel se cache un aspect de son être plus profond, qui dépasse toute appellation ou description. C’est ainsi que nos Sages nous disent que «toute la Torah est Noms de D.ieu», c'est-à-dire la manière dont Il se rend perceptible pour nous.
Quand D.ieu dit à Moché que l’abandon de la Torah par Israël avait détruit son lien avec Lui, Moché comprit que cela signifiait que D.ieu établissait maintenant avec eux une relation au niveau de Son «Nom», au niveau révélé de leur lien, celui où la Torah constitue le lien entre D.ieu et Israël. Il savait que pour sauver le Peuple d’Israël, il fallait évoquer sa relation «cachée» avec D.ieu, le lien profond qu’aucune transgression ne peut ébranler. Ainsi il dit à D.ieu : «Efface mon nom de la Torah».
«La Torah est ma vie», affirmait Moché. Bien plus, c’est la substance de ma relation avec le peuple que j’aime : je suis leur maître, celui qui leur transmet Ta sagesse. Mais ma relation avec eux va plus loin encore, à tel point que je désire enlever mon nom de la Torah. Car tant que je définis mon rôle dans leur vie comme la source de la Torah, le fait qu’ils l’abandonnent aura pour conséquence que je ne serai plus lié avec eux».
Les actes des Justes ont un effet intéressant sur D.ieu : Il agit comme eux. Les mots de Moché incitèrent D.ieu à Lui aussi assumer Sa relation «cachée» et «sans nom» avec Son peuple : le lien qui transcende la Torah et constitue en fait la source et la raison d’être de la Torah. (Si bien qu’en dernière analyse, Moché ne sauva pas seulement le Peuple Juif mais il sauva également la Torah.)
La Paracha de Tétsavé sert de célébration glorieuse à l’acte exceptionnel de Moché et à ce qui en résulta. Car bien que son nom en soit absent, son essence l’imprègne encore plus, justement par cette absence. Cela peut se discerner dès le premier verset de Tétsavé qui rappelle les mots de D.ieu à Moché : «Et tu ordonneras aux enfants d’Israël…» Dès Le premier mot : veata: «et tu», Moché est là. Non par son nom mais par ce qui est bien au-dessus, son être profond : «tu».
Pourquoi Tétsavé ? Le 7 Adar, jour anniversaire de la naissance et de la disparition de Moché, tombe toujours à proximité de la semaine où est lue cette Paracha, rendant ce moment tout à fait approprié pour nous introduire à l’aspect le plus profond de la personnalité de Moché, son «tu».
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que les laitages cachères ?

Toute nourriture dérivée du lait (yaourts, beurre, fromage…) doit provenir d’un animal cachère (vache, chèvre…).
Les produits laitiers doivent bénéficier d’une surveillance rabbinique afin de s’assurer de cette provenance cachère. On appelle le lait ainsi surveillé depuis la traite : lait «Chamour».
Il est interdit de mélanger de la viande (ou un de ses dérivés) à un produit laitier cachère. C’est pourquoi le fromage ne peut être produit que sous la stricte surveillance d’un rabbin (ou d’un de ses délégués) afin d’éviter qu’on introduise de la présure, de la gélatine ou tout autre additif non-cachère.
De nombreux produits sont susceptibles de contenir du lait ou de la poudre de lait (gâteaux, friandises, purées en flocons, céréales…) et il convient donc de se montrer très vigilant à ce sujet.
On réserve une vaisselle spéciale pour les laitages ainsi que des éponges, nappes, bassines… afin de ne pas les mélanger avec la viande.
On attend six heures après la consommation de la viande avant de consommer des laitages.

F. L. (d’après le Kitsour)
De Recit de la Semaine
Mechouga ? Vous avez dit Mechouga ?

C’était Chabbat matin et il n’y avait que neuf hommes dans la synagogue « Bais Simcha » de Sunshine en Floride.
Chaque fois que la porte s’ouvrait, neuf paires d’yeux étaient attirées comme n’importe quel fidèle à la sortie de Yom Kippour serait attiré par un sandwich et une canette. En l’absence de dix Juifs, on ne peut pas sortir la Torah. Sans le Minyane, on ne peut répéter la Amida avec la Kedoucha. Sans dix Juifs, Michael Fein, le Juif le plus riche de la ville et président de la synagogue ne pourrait réciter le «Kaddich» en mémoire de sa mère chérie.
Le temps passait, il était 11h00 et Michael Fein se demandait si D.ieu n’écouterait pas leurs prières avec juste neuf hommes… Et la mère de Michael, comment ressentirait-elle le fait qu’il n’ait pas récité le Kaddich pour elle ?.
A 11h15, alors que Rav Levi allait donner le signal du départ, la porte s’ouvrit soudain et… entra un grand gaillard, dans les trente ans, vêtu d’un jeans, d’une chemise qui avait été blanche et d’une Kippa. Enfin le dixième homme !
«Sortez la Torah!» s’écria Rav Levi.
Mais l’homme ressortit !
Huit paires d’yeux se tournèrent, désespérés, vers Rav Levi : «Que fait-on?»
L’homme revint avec une dynamique fillette de deux ans qui se mit à courir vers Rav Levi. Elle portait une robe rose tâchée, une seule chaussette blanche et des sandales qui avaient vu des jours meilleurs mais seule la femme de Rav Levi avait remarqué ces détails, pas les hommes préoccupés seulement par le Minyane.
- Y a-t-il un Cohen ? demanda Rav Levi.
Michael Fein s’approcha de la Torah. Non, il n’était pas Cohen mais seulement Levi : en principe, le Cohen est appelé en premier à la Torah, un grand honneur, mais comme il n’y avait pas de Cohen à Sunshine, c’était lui, le Levi qui était normalement appelé le premier.
- Je suis Cohen ! déclara l’étranger.
Michael Fein était stoppé net dans son élan.
- Quel est votre nom hébraïque ? demanda Rav Levi.
- Moché Ben Aharon Hacohen !
L’adorable petite Mindy en profita pour se coucher par terre à côté de son père en criant de toutes les forces de ses petits poumons, ce qui résonnait relativement agréablement…
Moché Ben Aharon récita la bénédiction mais nul – sauf Rav Levi qui était à côté de lui – ne put répondre à cause des cris de Mindy. Et nul ne put entendre la lecture de la Torah.
Moché Ben Aharon se rassit, prit sa Mindy sur les genoux et lui donna un bonbon blanc qu’elle recracha aussitôt avec une force surprenante puisqu’il atterrit sur Chlomo Feinberg, le doyen de la synagogue, 82 ans, qui s’essuya sans un mot.
Rav Levi appela Michael Fein à la Torah mais Mindy avait trouvé un autre passe-temps : elle claqua la porte une fois, deux fois, dix fois…
« Ne pouvez-vous pas contrôler votre fille ? » finit par s’écrier Michael Fein. Elle rend tout le monde Mechouga (fou) !
Moché Ben Aharon se leva d’un bond, prit Mindy dans ses bras et sortit !
De nouveau, neuf hommes seulement !
Ennuyé, Rav Levi décréta : «Nous allons finir la lecture de la Torah puisque nous avons déjà commencé mais Michael ne pourra pas réciter le Kaddich pour sa mère!»
- Comment ? Ma mère qui a travaillé seize heures par jour pour payer mes études d’avocat ? Je dois réciter le Kaddich pour elle ! s’emporta Michael Fein.
- Alors, si c’est important pour vous, allez à la recherche de notre dixième homme et excusez-vous ! Peut-être acceptera-t-il de revenir !
Michael Fein avait sa fierté : il dirigeait la plus grande firme d’avocats dans la région. Il n’avait à s’excuser auprès de personne.
- Monsieur le rabbin ! Ce serait mieux si vous alliez vous excuser !
- Mais Michael ! Ce n’est pas moi qui ai interpellé Moché Ben Aharon, ce n’est pas moi qui ai utilisé le mot Mechouga !
Michael Fein dut réfléchir rapidement : si quelqu’un n’allait pas rapidement s’excuser auprès de Moché Ben Aharon, il ne pourrait pas réciter le Kaddich pour sa mère ! Et s’il s’agissait de sa mère, Michael Fein était prêt à tout, même à s’excuser auprès d’un père Mechouga qui gâtait son adorable petite fille tout aussi Mechouga qui rendait toute l’assemblée Mechouga.
Après la lecture de la Torah, Michael Fein prit une longue inspiration, enleva son Talit (châle de prière) et sortit.
Cinq minutes, dix minutes, vingt minutes, les autres fidèles s’impatientaient, Rav Levi suppliait chacun de rester même si certains grognaient que Michael Fein ne s’était jamais déplacé quand eux-mêmes devaient réciter le Kaddich pour leurs parents disparus…
A exactement midi, à l’heure où le Minyane aurait dû s’achever, Michael Fein revint, portant Mindy sur ses épaules, suivi de Moché Ben Aharon. Michael Fein babillait avec Mindy, parlait d’un petit train qui faisait Tchou Tchou et d’oiseaux qui pépiaient…
Puis il rendit Mindy à son père, remit son Talit et regarda Rav Levi.
- D’accord ? Nous sommes bien dix maintenant ! Je peux réciter le Kaddich pour ma chère Maman !
C’est alors que Rav Levi comprit que ceux qui avaient institué les règles du Minyane tant de siècles auparavant avaient sûrement été très sages. Grâce à ces lois, tout Juif qui participait à un Minyane, qu’il soit riche ou pauvre, avocat ou SDF, devenait un ami bienvenu.
Et quand il vous manque un dixième, cela rend chaque dixième – quel qu’il soit – votre meilleur ami, même s’il est un peu Mechouga, lui ou son enfant et même s’ils rendent tous les autres Mechouga.

Zalman Velvel
www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki