Vive Pourim !
Etrange fête que celle de Pourim... Un jour qui nous parle d’un drame annoncé, d’une tragédie certaine et qui tourne à la célébration éternelle... Un jour qui devient le symbole de la transformation subite d’une situation désespérée en un début d’une nouvelle espérance... Et tout cela marqué par des manifestations de joie très concrètes et sans exclusive : les cadeaux aux amis, les dons aux pauvres, le banquet de la fête... Disons-le d’une autre manière : Pourim fait irruption dans notre calendrier comme une journée venue d’ailleurs – inattendue, précieuse, infinie – et pourtant vécue par nous, dans notre monde. Elle incarne ainsi une sorte de paradoxe. Peut-être est-ce celui-ci qu’il nous faut interroger ? L’homme se satisfait volontiers de tout ce que lui procure l’habitude : la sensation d’une certaine stabilité, l’ignorance confortable de nouveaux chemins à découvrir, la sérénité d’une vie sans enchantement. C’est parfois ainsi que passe l’existence, comme dans un cocon protecteur, certes à l’abri du dehors mais frappée d’une sorte d’immuabilité qui rend l’idée même de progrès, et a fortiori de changement, impensable. C’est alors que retentit la grande clameur de Pourim ! Elle abat d’abord nos ennemis qui, au fil des siècles, voulurent éteindre notre lumière. Mais elle écarte aussi tout ce qui entend contraindre ou limiter les élans de notre âme. Il est vrai que le monde obéit à des règles. Il est également vrai que toutes les créatures qui le peuplent, parce qu’elles s’y insèrent, s’y conforment. Mais l’être humain a une merveilleuse particularité : il a le pouvoir de faire des choix qui transforment tout, même s’ils sont à l’opposé de ses usages. Il a ainsi la capacité de changer sa vie et le monde. A l’époque de Pourim, les Juifs décidèrent de donner leur vie plutôt que de renoncer à D.ieu, rompant avec des années d’oubli progressif et indolore. En notre temps, la fête nous montre le chemin et nous donne les forces nécessaires pour substituer la lumière de l’avenir à toutes les grisailles du quotidien. Au cœur des coutumes de la célébration, c’est cela qui nous pénètre et nous entraîne. A nous de choisir le sens de la vie, en notre monde !
Haim Nisenbaum
Le troisième jour
Le prophète Osée (6:2) annonce : « Il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour il nous redressera et nous vivrons en Sa Présence. » Les Sages interprètent l’expression « deux jours » comme se rapportant à « ce monde » et au « monde futur ». Quant au « troisième jour », il désigne le « monde de la résurrection » qui suivra la venue de Machia’h. Chacun de ces degrés correspond à un mode de service de D.ieu. « Ce monde » représente l’œuvre spirituelle accomplie par ceux qui exercent une activité profane et mènent leur vie conformément à la Torah. Le « monde futur » représente ceux qui se consacrent exclusivement à l’étude de la Torah. Le « monde de la résurrection » correspond au niveau le plus élevé du service de D.ieu ; il combine les deux précédents. C’est un niveau auquel l’âme et le corps participent avec un égal enthousiasme. C’est le but ultime de la création que la venue de Machia’h concrétisera. (d’après les Iguerot Kodech du Rabbi, vol. IV, p. 462)
Tetsavé : «Concassée pour le luminaire»
«Observez le Tabernacle et faites-en un modèle pour votre vie spirituelle», nous disent les Cabalistes. En étudiant sa structure et son mobilier, nous pouvons en tirer de nombreux enseignements en ce qui concerne la «structure et le mobilier» de notre propre vie. Attardons-nous sur la Menorah, le Candélabre à sept branches qui illuminait le Tabernacle (le Michkan). Le Talmud établit que l’éclat de la Menorah rayonnait même à l’extérieur du Sanctuaire. En fait, elle avait pour but d’éclairer le monde entier. Dans le Tabernacle humain, la Menorah représente le rayonnement intérieur de chaque individu, la lumière de son âme. Cultiver notre lumière intérieure est le travail d’une vie, dont le processus est décrit dans les instructions données par D.ieu pour allumer la Menorah. L’une des clés que nous possédons pour décoder les secrets de la Torah consiste à être sensible aux emplois grammaticaux inhabituels ou irréguliers dans son langage. Chaque fois que la Torah dévie de sa structure linguistique habituelle, cela nous incite à nous plonger plus profondément dans le verset. Moins la terminologie est courante et plus nombreux sont les secrets qu’elle révèle. Quand D.ieu commence à donner les instructions concernant la Menorah, Il dit à Moché : «Et tu commanderas aux Enfants d’Israël qu’ils t’apportent de l’huile d’olive pure, concassée pour le luminaire, pour allumer les lampes» (Exode 27 : 20) La formulation semble assez simple. Mais en y jetant un regard attentif, ce dialogue livre de nombreux secrets. Tout d’abord, quand D.ieu donne des instructions à Moché, Il le fait en ces termes : «Parle (ou «commande») aux Enfants d’Israël…». Or, ici Il dit : «Et tu commanderas aux Enfants d’Israël…» Cette légère modification n’est pas simplement un changement technique mais comporte une implication philosophique. D.ieu désire-t-Il simplement que Moché transmette un message ou veut-Il qu’il endosse un rôle plus actif et plus visible en relayant Ses instructions ? Quel type d’intermédiaire D.ieu attend-Il de la part de Moché ? D’autre part, que signifient les mots «concassée pour le luminaire» ? Ne se serait-on pas attendu que D.ieu s’exprime ainsi «concassée pour illuminer» ? Après tout, l’huile était utilisée pour illuminer le Tabernacle et pas seulement pour être versée en haut de la Menorah, le luminaire? Ces deux détails singuliers fonctionnent comme des drapeaux rouges qui nous signalent que nous devons nous interroger. La signification de la Ménorah Le luminaire représente les profondeurs de l’âme, sa source essentielle de lumière, d’où émergent toutes ses forces et tous ses dons. Tout comme l’adrénaline, cette puissante et essentielle source de lumière est réservée pour les moments de grand besoin et nous n’y avons habituellement pas accès. Mais «concassée pour le luminaire», quand nous sommes dans l’urgence, confrontés à un défi que nous devons surmonter, elle surgit et nous octroie des forces extraordinaires. C’est ainsi que tout au long de leur histoire, les Juifs ont pu conserver leur engagement à la Torah, malgré les terribles dangers que cela impliquait. On peut évoquer, par exemple, le fait que malgré la menace d’Haman d’annihiler la nation juive dans son ensemble, les Juifs ne renoncèrent pas à leur identité, ils ne tentèrent pas même de la cacher. Bien au contraire, ils se réunirent publiquement dans la prière et l’étude de la Torah. Un autre exemple nous est fourni par le grand nombre de ceux qui bravèrent le régime communiste, qui s’accrochèrent à leur identité juive, malgré tous les risques mortels encourus. D.ieu demanda de l’huile d’olive «concassée pour le luminaire». Il décréta des situations écrasantes parce qu’elles sont des opportunités pour développer l’endurance et la croissance, une lumière qui illumine l’environnement. «Et tu commanderas aux Enfants d’Israël» Le mot Tetsavé, «commanderas», possède un autre sens : «attacher». Dans cette acception, le verset se lit : «Et tu (Moché) attacheras les Enfants d’Israël (à D.ieu), et ils t’apporteront de l’huile d’olive». Le «travail» de Moché consistait à rapprocher le peuple de D.ieu. Moché, nous explique la Cabale, est un expert pour cultiver et nourrir la foi en D.ieu. Cela ne signifie pas que, sans lui, nous n’aurions pas foi en D.ieu ! La foi fait partie de la constitution de notre âme. Mais il s’agit plutôt du fait que notre foi a tendance à rester abstraite et ne pas avoir d’impact sur notre vie quotidienne. Le travail de Moché concrétise notre foi, pour qu’elle touche notre conscience et nous fasse agir. Et c’est tout particulièrement vrai lorsque, parlant de l’huile de la Menorah, D.ieu désigne Moché du doigt et dit : «Tu attacheras…» : ton rôle est vital pour attacher la conscience du peuple à son Créateur. Parce que plus notre foi en D.ieu est tangible, plus nous sommes capables de transformer les défis que nous rencontrons en opportunité pour nous développer. Tel est le travail d’un dirigeant juif : nous inspirer pour que nous transformions nos difficultés et leur donnions une réponse extraordinaire. Ce Moché nous attire par la vision d’une vie meilleure, une vie tournée vers D.ieu au point que nous ressentons une profonde insatisfaction, voire un «écrasement» devant ce statu quo. Et puis l’huile commence à s’écouler. L’huile est la plus précieuse, la plus puissante.
Que fait-on à Pourim ?
Cette année, Pourim tombe le dimanche 24 février 2013. Le jeûne d’Esther est avancé au jeudi 21 février 2013. Il débute à 6h14 et se termine à 19h01 (horaires de Paris). Le matin, on récite les Seli’hot et la prière «Avinou Malkenou». Avant l’office de «Min’ha», l’après-midi, on donne trois pièces de cinquante centimes à la «Tsedaka» (charité) en souvenir de l’offrande des trois demi-sicles pour la construction et l’entretien du Temple. Dans la «Amida» de Min’ha, on rajoute la prière «Anénou» et l’on récite le Ta’hanoune puisque cette année le jeûne est avancé. Samedi 23 février, après la fin de chabbat (19h12 heure de Paris), on écoute attentivement chaque mot de la Méguila, le rouleau d’Esther. Pourim, les enfants se déguisent, si possible dans l’esprit de la fête en évitant de se déguiser en «méchant». Dimanche matin 24 février, ou plus tard dans la journée : 1) on écoute à nouveau chaque mot de la lecture de la Méguila. 2) ce n’est qu’après avoir écouté la Méguila qu’on peut procéder aux autres Mitsvot de Pourim : on offre au moins deux mets comestibles à un ami, en passant par un intermédiaire: un homme à un homme, et une femme à une femme: ce sont les «Michloa’h Manot». 3) on donne au moins une pièce à deux pauvres pour leur permettre de célébrer la fête, c’est: «Matanot Laévyonim». 4) dimanche après-midi, on se réunit pour prendre part au festin de Pourim dans la joie. Lundi 25 février, c’est Chouchane Pourim, le Pourim des «villes fortifiées» dont Jérusalem. On ne récite pas les prières de supplication, Ta’hanoune, et on partage la joie du peuple juif où qu’il se trouve. F. L.
Pourim en Alaska
J’avais intégré les forces aériennes des États-Unis comme aumônier et, quand on me demanda de m’installer à Anchorage en Alaska, je refusai car il n’y avait pas de Mikvé (bain rituel). On me répondit : «Nous vous donnerons tout ce dont vous avez besoin !» Six mois plus tard, les travaux commencèrent. Quand j’appris que les ingénieurs de la base avaient rassemblé tous les matériaux nécessaires pour construire un Mikvé, je téléphonai à Rav Gershon Grossbaum, l’émissaire du Rabbi à S. Paul, Minnesota, spécialiste mondial pour tout ce qui concerne le Mikvé et lui suggérai de venir sur place dans deux semaines : ainsi, il pourrait aussi se rendre à Fairbanks et y célébrer Pourim avec la communauté locale. Quelques jours plus tard, je me rendis à l’aéroport international d’Anchorage pour l’accueillir ; je l’informai qu’il rencontrerait le Colonel Brame le lendemain. Bien que les deux hommes aient été depuis quelques semaines en contact téléphonique, le colonel Brame n’avait sans doute aucune idée à quoi ressemblait Rav Grossbaum. J’expliquai d’ailleurs au Rav les règles du protocole de l’Armée : «Quand vous entrez dans une pièce, vous enlevez votre chapeau : comme vous portez une kippa en dessous, vous aurez donc encore la tête couverte comme l’exige le judaïsme ! Dès que vous sortez, vous pouvez remettre votre chapeau !» Il accepta avec le sourire ma proposition. Le lendemain, quand nous sommes entrés dans la base, le Rav salua tous les soldats qu’il rencontrait en posant simplement la main sur son chapeau tout en s’inclinant légèrement. J’étais un peu embarrassé, on nous regardait avec curiosité : la plupart de ces gens n’avaient sans doute jamais vu un rabbin ‘hassidique auparavant. Rav Grossbaum sur cette base militaire d’Anchorage, c’était un peu comme un ours polaire se promenant dans un hôtel de Miami Beach… Quand j’entrai avec Rav Grossbaum dans le bureau du Colonel, j’eus un choc: le colonel Brame se leva et l’embrassa joyeusement ! Le fait est que depuis six mois, ce colonel méthodiste protestant et le rabbin du mouvement Loubavitch s’étaient entretenus au téléphone au sujet de la construction du Mikvé et maintenant ils s’embrassaient comme s’ils se connaissaient effectivement depuis longtemps. Un major et un sergent du corps des ingénieurs étaient présents et observaient la scène avec étonnement. Derrière eux, sur un tableau, étaient dessinés les plans et croquis pour le futur Mikvé. Les ingénieurs expliquèrent dans leur jargon les plans qu’ils avaient mis au point tandis que Rav Grossbaum – le chapeau toujours vissé sur la tête – fit remarquer quelques erreurs. Il prit une feuille de papier millimétré, crayonna des plans et se mit à parler avec des mots techniques que je ne pouvais comprendre. Je remarquai que le colonel Brame était visiblement impressionné. Tandis que Rav Grossbaum continuait d’exposer ce qui ressemblait à une thèse en vue d’obtenir un doctorat en construction de Mikvé, le colonel Brame fusillait du regard ses adjoints pour avoir commis d’aussi grossières erreurs. Quand Rav Grossbaum eut terminé, les ingénieurs ne surent quoi répondre pour s’excuser. Ils contemplèrent ses croquis et posèrent quelques questions. Le colonel Brame se leva et me prit à l’écart en murmurant : «Monsieur l’aumônier ! Il y a quelque chose à propos de ce rabbin dont je voudrais vous parler : voyez-vous, ce rabbin, il a vraiment l’air d’un rabbin, lui !». Aux yeux du Colonel Brame, Rav Grossbaum ne pouvait pas se tromper. Il renvoya avec rudesse les ingénieurs et déclara : «Monsieur le Rabbin ! Vous et moi, nous allons construire ensemble ce Mikvé !» Ce n’est certainement pas un hasard si les travaux pour le Mikvé commencèrent en Adar, le mois juif destiné à être joyeux pour l’ensemble de notre peuple à travers les générations. Voici l’article qui parut dans le journal Anchorage Times la veille de Pourim : «Aujourd’hui, les Juifs du monde entier respectent le jeûne d’Esther qui sera poursuivi ce soir par la fête de Pourim. L’office se tiendra Chapel Number One de Elmendorf Air Force Base. Rav Israël Haber dirigera la prière ce soir et demain matin. Durant cette fête qui dure un jour, les Juifs donnent la charité, offrent des cadeaux de nourriture à des amis et participent à un joyeux festin. Pourim célèbre la victoire des Juifs sur le roi Assuérus qui avait ordonné de tuer tous les Juifs de son royaume. Rav Haber insiste que ce fut un moment de grande joie, de profonde amitié entre tous les Juifs et de charité. Les enfants adorent la fête de Pourim car ils ont le droit d’interrompre la lecture de la Méguila, le rouleau d’Esther, avec des jouets particulièrement bruyants appelés crécelles chaque fois que le nom de Haman, l’ennemi juré des Juifs, est mentionné. A Forth Wainwright Faibanks, ces festivités seront placées sous la conduite de Rav Shalom Gershon Grossbaum, un membre du mouvement Loubavitch. La semaine prochaine il retournera à Anchorage pour diriger les travaux d’un bain rituel appelé Mikvé qui sera situé à Chapel Number Two. Rav Haber déclare que ce sera le tout premier bain rituel d’Alaska». Effectivement, le lendemain de Pourim, Rav Grossbaum fut de retour sur le chantier à Anchorage et les travaux progressèrent à une vitesse remarquable. Comme je fus heureux de le voir, toujours coiffé de son chapeau noir, expliquer aux plombiers, électriciens, charpentiers, maçons et peintres les différentes étapes de la construction. Durant leurs trois années passées au service des Forces de l’Air américaines et par la suite, Rav Haber et sa famille se rapprochèrent du mouvement Loubavitch et du Rabbi ; ils sont d’ailleurs devenus eux-mêmes des émissaires du Rabbi sur les hauteurs du Golan en Israël. Rav Yisrael Haber – L’Chaim n° 810