Jour d’étape
Le mois d’Adar a commencé et, bien sûr, la lumière de Pourim l’éclaire avec une intensité croissante. Sur le chemin qui nous conduit au grand rendez-vous avec cette joie et cette confiance en D.ieu inébranlables, un jour marque comme une étape : le 7 Adar. Jour au double visage. Il est rapporté que, à l’époque historique de Pourim, à Babylone, Haman, notre ennemi éternel tira au sort pour trouver le mois qui serait le plus favorable à la réalisation de ses plans de destruction du peuple juif. Il tomba sur le mois d’Adar et en fut très satisfait. « C’est en ce mois que mourut Moïse ! » pensa-t-il. C’est au 7 Adar qu’il faisait référence. Mais les commentateurs d’ajouter : « Il avait oublié que c’est aussi en ce mois que naquit Moïse. » C’était également un 7 Adar. Jour de deux événements très dissemblables donc mais, sous un autre angle, jour entièrement lié à Moïse.
C’est un moment propice pour se souvenir de ce qu’il fut. Moïse est celui qui porte le beau titre de « berger fidèle ». Ce nom contient en lui deux sens. Le premier est clair : Moïse fut celui qui sut conduire le peuple juif avec constance et amour. Le second porte loin : l’expression araméenne traduite ici par « berger fidèle » peut aussi être comprise comme « berger de la foi ». En effet, le rôle du berger est de nourrir son troupeau, plus concrètement de faire absorber profondément la nourriture par les créatures sous sa garde. Dire de Moïse qu’il fut le « berger de la foi », c’est signifier que son rôle fut de faire pénétrer la foi au plus profond du cœur de chacun, jusqu’à parvenir ainsi à transformer la vie de tous.
Ne commettons pas l’erreur de penser qu’il s’agit ici d’une ancienne histoire et que le 7 Adar ne fait que nous rappeler la grandeur d’un homme, il est jour porteur de puissance. Car Moïse fit pénétrer en nous ce lien profond par la Torah qu’il nous transmit. Il en fit l’héritage de chacun pour l’éternité. Alors que cette date revient, tout cela prend encore plus de présence. Il revient à l’homme de rétablir en lui l’indispensable attachement. Au jour de sa naissance et de son accomplissement final, Moïse nous donne la force spirituelle nécessaire. A nous de ne pas limiter ce champ des possibles qui s’ouvre. A nous de vivre et faire vivre. N’est-ce pas là l’effet de la Torah que de savoir faire comprendre et acquérir la vie ? La Torah et la joie : tout un programme…
L’éducation juive et la venue de Machia’h
Décrivant le temps de Machia’h, D.ieu dit (Isaïe 44:3) : « Je déverserai Mon esprit sur ta descendance et Ma bénédiction sur tes générations ». Dès la première lecture du verset, il est clair que sont ici désignés les enfants.
Or, on connaît le principe selon lequel toutes les révélations de ces temps futurs dépendent de nos actions et de notre effort d’aujourd’hui (Tanya chap. 37). C’est dire à quel point l’éducation juive assurée aux enfants est un impératif pour chacun.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch Chabbat Parchat Vayikra 5740)
Tetsavé
D.ieu demande à Moché d’obtenir de la part des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin de nourrir la « flamme éternelle » de la Menorah qu’Aharon allume chaque jour, « depuis le soir jusqu’au matin ».
Les habits sacerdotaux portés par les Cohanim (Prêtres), lorsqu’ils servent dans le Sanctuaire, font l’objet d’une description. Tous les Cohanim portent :
- le Ketonet, une longue tunique de lin, 2) les Mi’hnassayim, des pantalons de lin, 3) le Mitsnéfèt ou Migbat : un turban de lin, 4) l’Avnèt, une longue ceinture nouée au-dessus de la taille.
En outre, le Cohen Gadol (Grand Prêtre) porte : 5)le Ephod : un habit, semblable à un tablier, fait de laines teintes en bleu, rouge et violet, avec des fils de lin et d’or, 6) le ‘Hochène : un pectoral contenant douze pierres précieuses sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël, 7) le Meïl : une longue « robe » de laine bleue, bordé de clochettes d’or et de grenades décoratives, 8) le Tsits, une plaque d’or, portée sur le front, sur laquelle est écrite l’inscription « sanctifié pour D.ieu ».
Tetsavé comporte également les instructions détaillées concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils : Nadav, Avihou, Elazar et Itamar, et la fabrication de l’autel d’or sur lequel étaient brûlés les Ketorèt (encens).
La Paracha Tetsavé s’intéresse à la description des habits sacerdotaux que portaient les Cohanim, pendant leur service dans le Beth Hamikdach, et notamment de ceux du Cohen Gadol, le Grand Prêtre.
Parmi ces habits est évoqué le Meïl, la longue « robe » qu’il portait. Son extrémité inférieure était décorée de divers objets : les Rimonim, boules rondes de laine teintée et également les Paamonim, clochettes d’or dont le tintement jouait un rôle essentiel dans le service du Cohen Gadol. Le texte précise que leur son doit être entendu quand il pénètre dans le Sanctuaire et quand il le quitte afin de prévenir une mort soudaine. Sans ces clochettes au bas de sa robe, il serait passible de la peine de mort.
La question a été soulevée de savoir pourquoi ces clochettes jouent-elles un rôle si important dans le service du Cohen Gadol ?
De plus, nous constatons que le jour de Yom Kippour, jour le plus saint de l’année, le Cohen Gadol ne porte pas ces Paamonim. Il est vêtu de tous les autres vêtements et son service se fait de manière silencieuse. Pourquoi donc, tout le reste de l’année, cet habit bordé de clochettes est-il si essentiel dans son service ?
L’enseignement ‘hassidique explique la différence entre le service divin d’un Tsaddik, quelqu’un qui ne s’est jamais rendu coupable d’aucune iniquité, et celui d’un Baal Techouvah qui a commis des transgressions dont il se repent et qui revient à D.ieu.
La différence entre les deux services tient à ce qui est principalement ressenti lorsque l’individu sert D.ieu. Sent-il qu’il se rapproche de D.ieu, en s’élevant de plus en plus haut dans son service et sa proximité avec D.ieu, ou bien ressent-il qu’il y a encore quelque chose de négatif qu’il fuit, des influences négatives dont il essaie de se débarrasser ?
Le Baal Techouvah éprouve tout d’abord la distance qui le sépare de D.ieu et c’est pourquoi quand il fait Techouvah, il s’enfuit de ces éléments indésirables comme il fuirait un danger imminent qui le menace. Il fuit en faisant beaucoup de bruit, dans son « affolement ».
Le Baal Chem Tov utilisa un jour ce concept pour expliquer pourquoi ses ‘Hassidim, quand ils priaient, bougeaient tellement, voire même sautaient. Il apporta l’exemple de quelqu’un qui serait en train de se noyer dans l’océan et qui fait des mouvements dans tous les sens pour se débattre dans les eaux et tenter de ne pas couler. Celui qui assiste à cette scène ne se moque pas de ces mouvements et comprend que le pauvre homme essaye de sauver sa vie et de ne pas périr dans l’eau.
Il en va de même pour les ‘Hassidim qui, dans leur prière, faisaient aussi ces mouvements pour tenter de fuir leurs traits inhérents indésirables. Quand bien même il ne s’agissait pas à proprement parler de véritables péchés, tant qu’ils ressentaient des désirs indésirables émanant de leur âme animale, ils devaient lutter pour y échapper. Et c’est pourquoi cette fuite, cette Techouvah, se faisait dans une activité intense et avec beaucoup de bruit.
Quand le Grand Prêtre pénétrait dans le Sanctuaire, il était le porte-parole du Peuple juif dans son intégralité, non seulement des Tsaddikim mais de tous les niveaux des membres du peuple, même de ceux qui avaient désespérément besoin de faire Techouvah.
Et c’est pour que son service les inclut également qu’il avait besoin de Paamonim, de ces clochettes sonores, pour représenter le service des Baalé Techouvah, qui fuyaient leurs penchants négatifs en faisant beaucoup de bruit comme ces clochettes.
Et cela constituait une partie si importante de son service que s’il n’avait pas possédé ces clochettes, il aurait été passible de la peine de mort pour ne pas avoir rempli sa mission de représenter la totalité du le Peuple juif.
Cela concerne le service de l’année entière. Mais quand vient Yom Kippour, tous les Juifs atteignent le niveau des Tsaddikim. En effet, grâce au service de Yom Kippour, nous sommes comparés à des Mala’him, des anges, et nous sommes bien loin, bien supérieurs à ces niveaux où il nous faut fuir tout penchant négatif.
Ainsi, tout comme le service d’un Tsaddik se fait de façon silencieuse, il ne fuit pas le mal mais au contraire ne fait que s’élever dans le bien, que se rapprocher de D.ieu, le service de Yom Kippour s’accomplit sans qu’il ne soit besoin que le Cohen Gadol porte ces clochettes.
La nécessité de porter des clochettes sur le bord de l’ourlet est quelque chose qui est capital dans notre génération. Comme cela ressort des signes donnés à la fin du traité du Talmud Sotah, nous sommes aux « talons de Machia’h », la dernière génération avant l’avènement de l’Ere Messianique, et ainsi semblables au bas de la robe qui devait comporter ces clochettes.
Le Rabbi souligne que puisque nous sommes comparables à ce « bas de la robe », les limites extrêmes avant la venue de Machia’h, il ne suffit pas de diffuser la Torah de façon silencieuse mais il faut le faire dans un Raach Gadol, « un grand tumulte », en accomplissant beaucoup d’activités et en déployant beaucoup d’énergie.
Et cet aspect des Paamanim, ces clochettes représente un niveau de Techouvah qui n’est pas seulement aussi élevé que celui du Tsaddik à Yom Kippour mais bien supérieur encore. Comme le déclare le Talmud : « là où se tient un Baal Techouvah, un Tsaddik parfait ne peut pas se tenir ». Cela tient au fait que les multiples activités et la grande énergie suscitées par la Techouvah montent plus haut encore que le niveau qu’atteint un Tsaddik.
Que fait-on à Pourim (cette année mercredi soir 28 février et jeudi 1er mars 2018) ?
Mercredi 28 février, c’est le jeûne d’Esther qui débute à 6h02 (horaire de Paris) et s’achève à 19h11. Dans l’après-midi, avant la prière de Min’ha, on donne trois pièces de Ma’hatsit Hachékel (50 centimes) à la Tsedaka ; on ajoute le passage Anénou dans la Amida.
Mercredi soir 28 février, on écoute attentivement la lecture de la Méguila. On n’est pas quitte avec une lecture entendue partiellement, par téléphone, magnétophone, Internet ou à travers un poste de radio.
Jeudi 1er mars, dans la journée, on écoute encore une fois la lecture de la Méguila. Quand le ‘Hazane (lecteur) prononce les bénédictions, on pense à se rendre quitte également des autres Mitsvot du jour.
Michloa’h Manot : On distribue à au moins une personne deux mets comestibles cachères, si possible en passant par un intermédiaire.
Matanot Laévionim : On distribue à au moins deux pauvres une pièce (ou un billet ou plusieurs billets…).
Michté : dans l’après-midi, on prend un bon repas, le festin de Pourim.
Les enfants se déguisent dans l’esprit de la fête. Les adultes mettent les vêtements de Chabbat pour écouter la Méguila.
On ajoute le passage « Veal Hanissim » dans la Amida et le Birkat Hamazone.
Le « bouffon » de Catherine la Grande
C’était à l’époque de Catherine la Grande de Russie. Connue pour sa tyrannie impitoyable, elle était néanmoins relativement juste avec ses sujets juifs. La ville de Shklov avait appartenu à la Lituanie puis la Pologne mais avait été cédée à la Russie. De nombreux Juifs y habitaient. Ils étaient d’habiles commerçants et certains étaient même assez riches. Sauf Nahumka. Son père Chaoul Wohl avait été un grand érudit. Mais lui-même était plutôt ce que sa femme ne se privait pas de lui rappeler : un chlemil (malchanceux) ! Comme le disait non sans humour Rabbi Abraham ibn Ezra : si je devenais croque-mort, les gens cesseraient de mourir ! Mais Nahumka gardait sa bonne humeur et, quand il entrait dans une pièce, les gens souriaient de bon cœur. Et même les bébés… Quand Catherine annexa Schklov, elle nomma un général pour diriger la ville ; - en récompense de ses actions héroïques pendant la guerre, Mais cet homme était cruel, surtout envers les Juifs. Il leur imposa de lourds impôts : celui qui ne pouvait pas payer était emprisonné ou fouetté en public. Ce gouverneur restreignait aussi le commerce et toute l’économie de la ville en souffrait. Un jour on apprit que le premier ministre allait se rendre dans la ville pour constater que tout s’y déroulait correctement. On avisa la population que chacun pourrait présenter ses condoléances. Cependant le vicieux général annonça qu’il ne laisserait aucun Juif se présenter car il craignait évidemment qu’ils se plaignent de lui. Les Juifs se rassemblèrent pour trouver une solution et, étrangement, quelqu’un suggéra de faire appel à Nahumka : si quelqu’un peut se glisser à travers une porte verrouillée, c’est Nahumka ! Tous conclurent que l’idée était excellente. On l’informa de l’urgence de la situation et il répondit : je suis flatté de votre proposition et je suis conscient des dangers impliqués. Je prie D.ieu de m’aider. Si j’échoue, je vous demande de prendre en charge la vie de ma femme et de mes six enfants !
Quand le premier ministre arriva, le général organisa une grande parade pour l’accueillir. Des personnalités de toute la ville se présentèrent avec des requêtes pour la reine. Ils faisaient la queue ; et chacun pouvait donner une lettre ou dire quelques mots.
A la fin de la queue apparut un homme habillé comme un paysan. Le premier ministre lui demanda ce qu’il voulait ; l’homme s’inclina en tremblant puis remit une enveloppe scellée.
Le premier ministre l’ouvrir et s’exclama : « Ce n’est qu’une feuille de papier vide ! »
Le paysan reprit le papier et se lamenta : « Oh ! Cette requête demandait la confidentialité mais les lettres se sont envolées ! Si votre Honneur veut bien m’attendre, je vais retrouver les mots Et les remettre sur le papier ! »
Il se mit à genoux comme pour chercher par terre des lettres ! Tous le regardaient avec surprise. Finalement il se releva : « Que pourrais-je dire aux gens qui m’ont envoyé ? Tout est perdu ! Les mots étaient sans doute trop timides et se sont enfuis quand ils ont vu des gens si importants ! »
Le général éclata de rire devant la bizarrerie de cet argument. Mais le premier ministre regarda le paysan droit dans les yeux et comprit : « Suivez-moi dans mes appartements privés ! »
Laissant tous les officiels, brisant toutes les règles du protocole, le premier ministre entraîna le fermier dans sa chambre. « J’ai compris que vous voulez me parler en privé. Que se passe-t-il ? »
« Soyez béni ! Vous êtes aussi intelligent qu’on le dit ! Je suis un Juif et les Juifs de la ville m’ont envoyé vous expliquer combien ils souffrent à cause du général. Celui-ci ne voulait pas laisser les Juifs vous parler ! Voici la vraie lettre que je voulais vous remettre ! ». Il lui tendit alors une autre lettre et le premier ministre remarqua : « Je me demandais pourquoi aucun Juif n’était venu me saluer ! Le général avait prétendu que les juifs étaient trop occupés à tricher et truander pour s’amuser à me parler ! »
Le fermier qui n’était autre que Nahumka expliqua au premier ministre combien le général faisait souffrir les Juifs, comment il extorquait l’argent et le gardait pour lui sans le remette à la reine tout en accusant les Juifs de ne pas payer leurs impôts ! »
Le premier ministre étudia tous les documents que lui remit Nahumka et déclara : « Tu es un homme intelligent puisque tu as réussi à me parler en privé car le général t’aurais certainement mis à mort s’il avait vu que tu me remettais ces papiers ! Je vais remédier à la situation ! »
Le lendemain le premier ministre quitta la ville. Quelques jours plus tard, le général fut convoqué au palais, durement réprimandé puis envoyer s’occuper d’un village en Sibérie.
Les Juifs de Schklov célébrèrent l’événement et remercièrent D.ieu de les avoir sauvés des griffes malfaisantes de ce nouveau Haman ! Tous les juifs de Russie révérèrent le nom de Nahumka et conclurent qu’il existe certainement une place pour tous les « bouffons » au Gan Eden…
Yerachmiel Tilles - Ascent - Safed
Traduit par Feiga Lubecki