Samedi, 8 mars 2025

  • Tetsavé
Editorial

 Un réel pouvoir de changement

La semaine dernière, cet éditorial était consacré à la grandeur du mois d’Adar et il y était notamment souligné à quel point celui-ci porte le pouvoir de tout transformer. L’idée est évidemment essentielle : il s’agit de prendre conscience que nous sommes à présent entrés dans un temps littéralement nouveau et que, de notre côté, nous ne pouvons/devons pas rester les mêmes. Cependant, cette idée ne s’applique pas qu’à l’homme face à lui-même, dans ce qu’il fait ou ce qu’il est. Elle a aussi pour cadre le monde dans son ensemble ; c’est lui tout entier, dans toutes ses composantes, qui connaît ce qui dépasse le simple renouveau. Nous devons donc attendre de voir une réalité nouvelle, dont le caractère positif ne sera en rien démenti. C’est de joie, de bonheur, de réussite qu’il est uniquement question, et c’est pourquoi vivre un tel mois est comme un privilège pour chacun.

Pourtant, force est de constater que la période ne renvoie pas particulièrement des échos d’allégresse. Elle semble, au contraire, décliner bien des formes du malheur des hommes. Toute la planète semble revenue à une situation de violence et d’instabilité que l’on n’avait plus connue depuis longtemps. Les guerres s’enchaînent et la paix semble plus éloignée que jamais. La justice est souvent rangée parmi les rêves ou les regrets et les précieux équilibres qui fondent les civilisations sont remis en cause. Est-ce là le mois d’Adar que nous attendions ? Et comment agir ? Ce sont sans doute là des questions légitimes.

En fait, la propriété particulière du mois nous donne la réponse. Il met à notre disposition une arme prodigieuse : la joie. Celle-ci, est-il enseigné, « brise toutes les limites ». Elle est ce sentiment qui emporte chacun au-delà de soi et écarte les obstacles. Bien sûr, cela ne signifie pas vivre dans l’illusion, faire semblant de ne rien voir ni rien savoir mais, au contraire, en pleine conscience, écarter les tentations de désespérance ou d’abandon. Avoir confiance dans la puissance de chacun, donnée par notre Créateur. Les perspectives du monde paraissent peu encourageantes ? C’est le moment de leur donner un nouveau sens, comme une nouvelle direction ! Le mois d’Adar a commencé, entrons-y de plain-pied. Il nous conduira plus loin et plus haut que nous l’imaginons !

Etincelles de Machiah

 L’esprit et le cœur

La ‘Hassidout explique les gains spirituels immenses de notre descente en exil. C’est ainsi qu’il est écrit (Isaïe 12 : 1) : « Je Te remercierai D.ieu car Tu as été en colère contre moi ». Lorsque Machia’h viendra, les Juifs remercieront D.ieu de les avoir envoyés en exil car, alors, ils verront toutes les élévations spirituelles que cela aura permis.

Cependant, en même temps, cette conscience ne doit pas atténuer notre profond désir de quitter cet exil. Pour cela, il faut proclamer, avec la plus grande sincérité, « car dans Ton salut nous espérons tout le jour ».

En fait, ce sont ces deux attitudes, l’une de conscience et l’autre d’émotion, qu’il nous faut avoir en parallèle constamment.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,veille d’Hochana Rabba 5744)

Vivre avec la Paracha

 Tétsavé

D.ieu demande à Moché d’obtenir de la part des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin de nourrir la « flamme éternelle « de la Menorah qu’Aharon allume chaque jour, «depuis le soir jusqu’au matin ».

Les habits sacerdotaux portés par les Cohanim (Prêtres), lorsqu’ils servent dans le Sanctuaire, font l’objet d’une description. Tous les Cohanim portent :

  • le Ketonet, une longue tunique de lin, 2) les Mi’hnassayim, des pantalons de lin, 3) le Mitsnéfèt ou Migbaat : un turban de lin, 4) l’Avnèt, une longue ceinture nouée au-dessus de la taille.

En outre, le Cohen Gadol (Grand Prêtre) porte : 5) le Ephod : un habit, semblable à un tablier, fait de laines teintes en bleu, rouge et violet, avec des fils de lin et d’or, 6) le ‘Hochène : un pectoral contenant douze pierres précieuses sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël, 7) le Méil : un manteau de laine bleue, bordé de clochettes d’or et de grenades décoratives, 8) le Tsits, une plaque d’or, portée sur le front, sur laquelle est écrite l’inscription « sanctifié pour D.ieu ».

Tétsavé comporte également les instructions détaillées concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils : Nadav, Avihou, Elazar et Itamar, et la fabrication de l’autel d’or sur lequel était brûlées les Ketorèt (encens).

Souviens-toi d’Amalek

Nous lisons cette semaine (en plus de la Parachat Tétsavé) la Parachat Za’hor, au sujet de laquelle de nombreuses autorités hala’hiques affirment que c’est un commandement positif d’en écouter la lecture.

Lorsqu'un peuple se prépare à entrer en guerre, il évalue les ressources de son adversaire et organise ses moyens d'attaque en conséquence. La tactique adoptée pour combattre un ennemi dépend de sa nature spécifique. Par conséquent, la stratégie employée par le Peuple juif contre Amalek différait de celle utilisée dans d'autres conflits. De manière similaire, dans le cadre de notre lutte spirituelle intérieure, c'est-à-dire notre confrontation avec le Yétser Hara (inclination au mal), il existe une distinction dans nos réponses face aux divers stratagèmes qu’il emploie. Nos modes de réponse dépendent de la nature spécifique du défi.

Le défi spirituel posé par Amalek est singulier. Il attaqua Israël après la sortie d'Égypte, ayant entendu parler des miracles survenus dans ce pays. Par conséquent, il ne pouvait pas s'adresser au Peuple juif en arguant que ces miracles n'avaient pas eu lieu, car ils avaient été témoins des événements miraculeux de leurs propres yeux - au point qu'ils avaient « cru en Hachem et en Moché Son serviteur ». En outre, Amalek ne pouvait pas inciter le Peuple juif à « s'endormir », à devenir laxiste dans leur service de D.ieu, puisqu’ils étaient « en route » vers le Mont Sinaï. Ils passaient de l'exode d'Égypte au Don de la Torah et n'étaient nullement disposés à être détournés ou ralentis. Dès lors, Amalek devait concevoir une approche distincte. Il soutint : « Certes, des miracles ont eu lieu et vous devez sans aucun doute recevoir la Torah, mais pourquoi tant d'empressement ? Pourquoi est-il nécessaire d'éprouver autant de sentiments et d'excitation ? »

L'arme d'Amalek est la froideur ; il atténue l'enthousiasme du Peuple juif.

Si l'on argumente avec Amalek en affirmant que le service divin doit être empreint d'un grand zèle, comme l'illustre Avraham qui « se leva tôt le matin » pour se rendre à l'Akéda (la ligature d’Its’hak), Amalek répondra : « Certes, mais asseyons-nous et déterminons soigneusement quelles sont les questions véritablement importantes qui doivent susciter une réaction enthousiaste. Après tout, vous êtes un penseur ; il convient d’aborder chaque chose avec une rigueur intellectuelle. Réfléchissez profondément et considérez pleinement cette question ».

Nos Sages enseignent qu'Amalek doit être confronté par un service du cœur, comme le stipule le Talmud (Méguila 18a) : « ‘N’oublie pas (Amalek)’, cela doit être accompli avec son cœur ». Il est impératif d'aborder le Mont Sinaï et le Don de la Torah en mobilisant nos émotions, plutôt qu'en nous appuyant uniquement sur notre intellect. Ce n'est que lorsque nous sommes animés par des sentiments profonds que nous serons en mesure d’avancer avec chaleur et enthousiasme.

L'intellect exige un état de paix intérieure et une sérénité corporelle. Nous devons pouvoir méditer dans un état de détente. Cependant, un voyage vers la Torah pourrait perturber cette dynamique. Par conséquent, notre intellect pourrait tempérer notre enthousiasme à avancer vers le Don de la Torah. En revanche, le mouvement est inhérent au cœur, qui est par nature animé et dynamique. Ainsi, il est impératif que le cœur exerce une influence prépondérante dans notre voyage vers le Don de la Torah.

Après qu'Amalek eut refroidi les esprits, il adopta une autre stratégie visant à détourner le Peuple juif du chemin menant à la Torah. Il déclara : « Il est certain que des miracles existent ; les événements qui transcendent les limites de la nature sont orchestrés par D.ieu. Cependant, la nature, ce schéma ordinaire selon lequel le monde évolue, n'est pas sous Son contrôle ». Amalek soutenait que D.ieu intervient dans les événements d'une grande importance, mais non dans les détails insignifiants. Il était conscient que le Peuple juif ne remettrait pas en question le contrôle divin sur le monde. Néanmoins, il espérait les éloigner d'une foi absolue.

Il est essentiel qu'un Juif croie que D.ieu gouverne même les aspects les plus insignifiants de la création. Le Baal Chem Tov nous enseigne que le mouvement d'une feuille dans le vent est un résultat direct de la Volonté divine.

Le concept mentionné ci-dessus (selon lequel la Hachga’ha Pratit, ou « Providence Divine », s'applique même aux aspects les plus insignifiants de notre existence) est d’une importance capitale pour notre croyance en D.ieu et constitue une extension de notre foi simple en Lui. Deux des principes essentiels de notre foi stipulent que D.ieu est le Maître du monde et que

« D.ieu est exalté au-dessus de toutes les nations » ; ainsi devant Lui, les grands et les petits sont égaux. Dans cette perspective d'égalité devant Lui entre les grands et les petits, il serait inapproprié d'affirmer qu'il y a davantage de Hachga’ha Pratit dans des affaires qualifiées de « grandes » par rapport à celles considérées comme « petites ». Nos définitions de ce qui est « grand » et « petit » ne s'appliquent pas en relation avec Lui. L'opinion selon laquelle Il ne contrôle pas les affaires « petites » implique également que les affaires jugées « grandes » échappent à Son influence.

Ainsi, nous devons conclure qu'Il exerce une maîtrise totale sur tout et que chaque événement, aussi minime soit-il, revêt pour Lui l'importance d'un miracle.

Notre réponse à Amalek se décline en deux volets. Le service du cœur, à lui seul, se révèle insuffisant. Ainsi, nos Sages ont ainsi expliqué que la Mitsva « Souviens-toi d'Amalek » doit être accomplie par le biais de notre parole. Bien que chaque Juif possède des sentiments innés de foi, il est essentiel qu'il exprime ces sentiments « par la bouche ». En d’autres termes, il doit les traduire en actions, comme l'ont commenté nos Sages : « le mouvement des lèvres constitue un acte ». Cependant, cet acte isolé ne s’avère pas suffisant. Les actions liées à la Torah ne doivent pas devenir routinières, dépourvues de sentiment et d'enthousiasme. Nous devons nous engager émotionnellement et nous enthousiasmer pour notre service de la Torah.

Ce qui précède devrait conduire à une intensification de nos efforts pour établir des horaires fixes d'étude de la Torah et organiser des cours publics d'étude de la Torah. Cela revêt une importance particulière lors de Pourim, période durant laquelle « ils (les Juifs) confirmèrent ce qu'ils avaient entrepris longtemps auparavant (lors de la Révélation de la Torah) ». En s’efforçant au mieux de ses capacités pour « effacer le souvenir d'Amalek » (Deutéronome 25 :19), un Juif prépare le monde à la destruction d'Amalek par D.ieu (Exode 17 :14), avec l'avènement du Machia'h dans un avenir proche.

Le Coin de la Halacha

 Souviens-toi d’Amalek : Qui est Amalek ?

Amalek était un descendant d’Essav et, comme son grand-père, vouait une haine implacable au Peuple juif. Après que celui-ci fut sorti d’Égypte à la suite de miracles éclatants (les Dix Plaies, la traversée de la mer des joncs…), Amalek qui vivait dans le désert du Néguev n’a pas hésité à traverser tout le désert du Sinaï pour attaquer ces anciens esclaves qui ne le menaçaient nullement. Par la suite, le Peuple juif a encore rencontré plusieurs fois les hordes d’Amalek au cours de son histoire, parvenant à l’affaiblir mais pas à l’exterminer complètement, malgré l’ordre divin.

De nos jours, la nation d’Amalek a - comme les autres peuplades du proche orient - été déplacée et s’est fondue parmi les autres : on ne peut donc pas exécuter l’ordre de détruire Amalek physiquement. Cependant, tout peuple qui entreprend de tuer les Juifs, uniquement pour ce qu’ils sont, mérite d’être considéré comme descendant d’Amalek et ne mérite aucune pitié.

Selon la ‘Hassidout, Amalek représente le doute, l’effronterie, le mal absolu qu’on ne peut pas convaincre avec des arguments logiques mais uniquement par la passion pour la sainteté, par une volonté farouche de s’attacher à D.ieu et à augmenter le bien dans le monde.

Il est une Mitsva de rappeler le souvenir d’Amalek le Chabbat avant Pourim (car Haman, l’ennemi combattu à Pourim, était un de ses descendants) en lisant dans la Torah la portion nous enjoignant d’effacer son souvenir et en prenant la ferme résolution d’agir avec détermination pour la Torah.

 (d’après Hassidout.org)

Le Recit de la Semaine

 La nappe

Jeune marié, il venait d’être nommé rabbin d’une ancienne synagogue de Brooklyn. Avec son épouse, il arriva sur place un vendredi de février et, quand il entra dans le bâtiment, il ne put s’empêcher de remarquer que l’endroit était dans un piteux état. Or, tout devait être prêt pour Pourim. Ils se mirent immédiatement à l’œuvre, réparèrent les vieux bancs, peignirent les murs, arrangèrent les prises électriques etc. Le 8 Adar, ils avaient bien avancé et considéraient avec satisfaction tout ce qu’ils avaient entrepris mais, deux jours plus tard, une terrible tempête de neige paralysa toute la ville. Après deux autres jours passés en se calfeutrant chez eux, le rabbin retourna à la synagogue, le cœur battant : la neige avait dégouliné du toit et endommagé une grande partie du mur, juste derrière l’estrade. Le rabbin nettoya les gravats par terre mais, ne sachant pas comment gérer les dégâts, il décida de rentrer chez lui.

En route, il remarqua une sorte de marché aux puces improvisé sur un trottoir et y jeta un coup d’œil. Un des objets proposés était une nappe brodée à la main, couleur ivoire, avec de délicats motifs crochetés et surtout, un grand Maguen David (étoile de David) au centre. Elle avait apparemment la taille de la tache sur le mur de la synagogue et il l’acheta pour un prix dérisoire. Heureux de sa trouvaille, il retourna hâtivement sur ses pas mais la neige recommençait à tomber. Une vieille dame courrait dans la direction opposée, essayant d’attraper un bus mais elle le rata. Gentiment, le rabbin l’invita à attendre le prochain bus, quarante-cinq minutes plus tard, dans la synagogue bien chauffée. Elle accepta et s’assit sur un banc sans prêter attention au jeune rabbin qui allait et venait, poussait une échelle, prenait des clous et une tringle pour attacher la nappe et ainsi cacher les dégâts. Le résultat était effectivement magnifique, la nappe avait exactement la bonne dimension et produisait le plus bel effet.

Puis il remarqua que la dame s’était levée et regardait fixement la nappe. Elle était soudain devenue très pâle et avait du mal à s’exprimer : « Monsieur le rabbin, demanda-t-elle avec un léger accent, d’où vient cette nappe ? ». Il expliqua qu’il venait de l’acheter. Elle lui demanda de vérifier si, dans le coin en bas à droite, il y avait les lettres EBG crochetées. Elles y étaient effectivement. « C’était mes initiales ! J’avais crocheté cette nappe il y a des années avant mon mariage en Pologne ! ». Elle eut du mal à comprendre comment il venait de l’acquérir dans un marché aux puces de Brooklyn.

Elle raconta qu’avant la guerre, son mari et elle étaient bien installés en Pologne. A l’arrivée des nazis, elle fut forcée de s’enfuir, son mari prévoyait de la suivre une semaine plus tard. Mais il fut arrêté, déporté dans un camp et elle ne le revit jamais. Bouleversé, le rabbin voulut lui remettre la nappe mais elle refusa et exprima sa satisfaction que cette nappe soit utilisée dans une synagogue. Il insista alors pour la raccompagner chez elle, c’était bien la moindre des politesses, estimait-il. Elle habitait à l’autre bout de Staten Island et n’était venue à Brooklyn que pour des courses dans la journée.

La veille de Pourim arriva et la synagogue se remplit comme par enchantement. A la fin de l’office, le rabbin et sa femme saluèrent tous les fidèles et nombre d’entre eux promirent de revenir le lendemain écouter encore une fois la Meguila comme il se doit. Un vieil homme que le rabbin connaissait du quartier restait pensivement assis sur un banc et le rabbin se demandait pourquoi il ne partait pas. De fait, il contemplait la nappe et raconta que sa femme avait crocheté une nappe absolument identique avant la guerre en Pologne : comment se pouvait-il que deux nappes brodées se ressemblent tellement ? Quand les nazis étaient arrivés trente-cinq ans auparavant, il avait forcé sa femme à s’enfuir et avait prévu de la rejoindre mais il fut déporté et ne revit jamais ni sa femme ni sa maison.

Le rabbin respira profondément et lui demanda s’il lui permettait de l’emmener dans sa voiture. Ils se rendirent alors à Staten Island, là où il avait déposé la vieille dame trois jours plus tôt. Il aida le vieil homme à monter les trois étages, frappa à la porte et… assista à la réunion la plus émouvante qu’il ait pu imaginer pour un soir de Pourim…

D.ieu œuvre vraiment de façon cachée et mystérieuse…

Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki