Editorial
Au bonheur de PourimSon nom danse comme un éclat de pure joie. Il allume notre âme d’un feu d’allégresse. Pourim est là, à l’orée de la semaine qui vient, et toutes les formes du malheur des hommes s’effacent. La période, dans son ensemble, en est comme enchantée. Sans doute est-ce la raison pour laquelle Pourim est une fête que l’on ressent si proche de soi, à la fois d’une solennelle éternité et d’une étonnante modernité. N’est-il pas, en effet, surprenant de voir la célébration faire se dérouler devant nos yeux les tours et les détours d’une histoire de l’antique Babylone en lui donnant la tonalité d’un événement de notre temps? A telle enseigne que celui qui en lirait le texte comme un simple rappel du passé n’aurait pas spirituellement accompli le rite dans sa plénitude.
L’erreur est certes facile comme il est simple de ne retenir que l’aspect anecdotique de ce qui pourrait porter le titre « Aventures à la cour de Perse » : les fastes de l’empire et le choc des antagonismes. Pourtant, la réalité est bien loin de tout cela. Elle voit un peuple exilé de sa terre qui court le risque de perdre son âme dans un monde devenu étranger. Elle voit ce peuple, sous la conduite de Morde’haï et d’Esther, revenir à lui-même, retrouver, avec la confiance en D.ieu, sa vocation et ainsi découvrir les voies de sa survie dans l’instant et de son maintien dans l’avenir.
Histoire d’exil, donc, que celle de Pourim mais surtout histoire d’espoir. Elle nous donne à comprendre la grandeur d’un peuple qui jamais ne renonce, qui, même au bord de l’abîme, sait toujours se souvenir pour poursuivre son long chemin. Alors que Babylone et Suze sont retombées en poussière et que les puissants d’alors n’ont que l’éternité vide et figée des mausolées déserts, Pourim pétille de joie, année après année, de génération en génération.
La fête nous unit, bien au-delà du temps et de l’espace, dans un infini du bonheur qui n’est autre que celui de la célébration. Ecoutant la lecture de la Meguila, pratiquant les commandements du jour, affirmant ainsi notre sens de l’unité et de la solidarité, nous devenons les acteurs d’un jour différent. C’est ainsi que la vie et la conscience l’emportent sur tous ceux qui veulent les éteindre.
Aujourd’hui, ces idées prennent un relief peut-être encore plus grand. Lorsque l’obscurité semble grandir, n’est-il pas temps de faire entrer la plus puissante et la plus belle lumière ?
Etincelles de Machiah
L’esprit et le cœurLa ‘Hassidout explique les gains spirituels immenses de notre descente en exil. C’est ainsi qu’il est écrit (Isaïe 12 : 1) : «Je Te remercierai D.ieu car Tu as été en colère contre moi». Lorsque Machia’h viendra, les Juifs remercieront D.ieu de les avoir envoyés en exil car, alors, ils verront toutes les élévations spirituelles que cela aura permis.
Cependant, en même temps, cette conscience ne doit pas atténuer notre profond désir de quitter cet exil. Pour cela, il faut proclamer, avec la plus grande sincérité, «car dans Ton salut nous espérons tout le jour».
En fait, ce sont ces deux attitudes, l’une de conscience et l’autre d’émotion, qu’il nous faut avoir en parallèle constamment.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,veille d’Hochana Rabba 5744) H.N.
Vivre avec la Paracha
Tetsavé : Diriger pour tous et ressentir individuellementPour le Peuple Juif, le passé, le présent et le futur sont inextricablement liés. La Torah décrit les détails du service dans le Temple qui, bien que celui-ci ait été détruit il y a plus de deux mille ans, restent toujours la réalité profonde de la conscience juive. Le Temple appartient au passé mais il existera dans le futur, si bien qu’il nous éclaire sur le présent.
Une partie du service du Temple consistait en ce que le Grand Prêtre pénétrait chaque jour dans le Vestibule sacré où brillaient les lumières de la Menorah (Candélabre) d’Or. La Torah décrit les vêtements particuliers qu’il portait à cette occasion et cela nous offre, entre autres, une leçon sur la nature de ce qu’est un dirigeant juif.
Le Gand Prêtre était le représentant spirituel de tout le Peuple Juif. C’est pour lui qu’il pénétrait dans le Temple où était révélée la Présence de D.ieu. Nos Sages nous expliquent que ses habits exprimaient son lien profond avec tous les autres Juifs.
Sur chacune de ses épaules, il portait une pierre d’onyx sertie d’or. Sur ces pierres étaient gravés les noms des Douze Tribus, six sur chaque pierre. Une chaîne d’or partant de chaque pierre d’onyx sur l’épaule portait le «Pectoral de Justice» qui reposait sur son torse. Sur ce pectoral étaient disposées douze pierres précieuses différentes. Sur chaque joyau était inscrit le nom d’une des douze tribus.
Cela signifie que le Grand Prêtre portait sur lui les noms des douze tribus, c'est-à-dire de la totalité du Peuple Juif. Quand il pénétrait dans le Temple, cela agissait comme une supplique devant D.ieu, pour qu’Il se rappelle Son peuple et qu’Il le juge avec faveur.
Ce rappel ne concernait-il que les Juifs pieux qui se dévouaient à exprimer les nobles traditions de leur peuple ? Non. Les Sages avancent l’explication que le Grand Prêtre se liait avec tout un chacun. Aussi portait-il également une robe bleue sur laquelle étaient accrochées des «grenades» faites de laine colorée, contenant des clochettes. Quand il marchait, les clochettes teintaient, faisant peut-être entendre le même son que celui de la couronne que l’on pose sur le Séfer Torah.
Le Talmud nous dit que ces «grenades» sont le symbole de ces gens qui s’imaginent complètement éloignés du Judaïsme. Ils peuvent se considérer ainsi mais les Sages précisent que «même le plus vide parmi vous est plein de bonnes actions tout comme la grenade est pleine de grains». Quand le Grand Prêtre entrait dans le Saint Sanctuaire, il portait avec lui ces Juifs également, en compagnie de tous les autres, invoquant pour eux les bénédictions de D.ieu et éveillant chez eux tous le sentiment d’être unis à D.ieu.
Par-delà les générations, c’est cela qu’a toujours été la fonction du dirigeant juif : demander à D.ieu de bénir le Peuple Juif et rappeler à chacun de nous que nous possédons une grande puissance spirituelle.
C’était là le rôle de Morde’haï, durant les temps éprouvants commémorés par Pourim. De nombreux Juifs dans le vaste Empire Perse s’étaient profondément assimilés. Néanmoins, Morde’haï put les éveiller face à la menace d’Haman et leur faire clamer leur identité juive. Ils avaient la possibilité d’échapper à la menace d’extermination en se convertissant à la religion d’Haman, s’inclinant devant lui et le déifiant. Morde’haï, soucieux de chaque juif, fut capable de tous les inspirer. Il put leur faire reconnaître que, bien qu’ils puissent parfois se sentir complètement étrangers au Judaïsme, la véritable nature de chaque personne est la «partie de D.ieu» qu’elle renferme en elle. Cette reconnaissance suscita la réponse divine décrite dans le Rouleau de la Meguila, le renversement miraculeux de situation grâce auquel fut sauvé le Peuple Juif.
La dimension privée
Tout à fait à la fin de notre Paracha, est décrit l’Autel d’Or sur lequel le Grand Prêtre offrait des encens, deux fois par jour, chaque matin et chaque après-midi. Il était placé dans le Sanctuaire intérieur, près de la Menorah en or.
Nos Sages s’interrogent sur le fait qu’une partie si importante du Sanctuaire ne soit évoquée que tout à fait à la fin. Pourquoi ne fait-elle pas partie de la Paracha de la semaine passée dans laquelle étaient décrits tous les autres composants du Sanctuaire ?
L’une des réponses proposées est que l’Autel d’Or est réservé pour la fin parce qu’il exprime la raison d’être du Sanctuaire dans son ensemble. C’est son apogée.
En effet, le service de l’Autel d’Or était fait de façon solitaire. Tous les autres services du Temple étaient publics. Le Talmud de Jérusalem (Yoma 5 :2) statue que lorsque que le Prêtre pénétrait dans le Sanctuaire pour offrir des encens sur l’Autel d’Or, il était seul avec D.ieu.
Cela met l’accent sur la dimension personnelle, intime de toute l’observance juive.
A cause de la chaleur sociale de la vie juive, nous oublions parfois la joie et le sentiment d’accomplissement qu’elle peut nous procurer en tant qu’individus. Chaque Mitsva constitue, en fait, un lien personnel avec D.ieu.
Il se peut que l’on accomplisse cette Mitsva seul ou avec un groupe de gens. Il n’en reste pas moins qu’elle comporte toujours une dimension personnelle et intime. L’éclairage particulier porté à l’Autel d’Or nous rappelle que par la pratique juive dans notre monde du quotidien, chacun d’entre nous peut pénétrer l’atmosphère parfumée du Sanctuaire et offrir des encens à D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Pourim ?Cette année, Pourim tombe le dimanche 28 février 2010.
Jeudi 25 février 2010, on jeûne du matin au soir, c’est le jeûne d’Esther. Le matin, on récite les Seli’hot et la prière « Avinou Malkenou ». Avant l'office de Min'ha, l'après-midi, on donne trois pièces de cinquante centimes d’euro à la Tsedaka (charité) en souvenir de l'offrande des trois demi-sicles pour la construction et l'entretien du Temple. Dans la Amida, on rajoute la prière « Anénou ».
Samedi 27 février, après la prière du soir, on écoute attentivement chaque mot de la Méguila, le rouleau d’Esther.
Pourim, les enfants se déguisent, si possible dans l'esprit de la fête en évitant de se déguiser en « méchant ».
Dimanche matin 28 février, ou éventuellement plus tard dans la journée :
(1) on écoute à nouveau chaque mot de la lecture de la Méguila.
(2) ce n’est qu’après avoir écouté la Méguila qu’on peut procéder aux autres Mitsvot de Pourim : on offre au moins deux mets comestibles à un ami, en passant par un intermédiaire : un homme à un homme, et une femme à une femme : ce sont les « Michloa'h Manot »;
(3) on donne au moins une pièce à deux pauvres pour leur permettre de célébrer la fête, c'est : « Matanot Laévyonim ».
(4) dimanche après-midi, on se réunit pour prendre part au festin de Pourim dans la joie.
Lundi 1er mars, c’est Chouchane Pourim, le Pourim des « villes fortifiées » dont Jérusalem. On ne récite pas les prières de supplication, Ta’hanoune, et on partage la joie du peuple juif où qu’il se trouve.
F. L.
De Recit de la Semaine
Le Rabbi a dit « Gracias »Le jour de Pourim 1988, après avoir passé la journée à distribuer les Michloa’h Manot (les cadeaux de nourriture) ainsi que les Matanot Laévyonim (dons aux pauvres), nous étions enfin assis pour le festin de la fête. Soudain une sirène retentit : le signal était clair, cela signifiait que le Rabbi allait probablement distribuer des dollars à remettre à la Tsedaka (charité) en l’honneur de Pourim. Mes invités se précipitèrent à l’extérieur pour courir vers le 770 Eastern Parkway, la synagogue du Rabbi. Comme nous étions des habitants locaux, nous nous demandions s’il était judicieux de nous présenter nous aussi devant le Rabbi : d’habitude nous ne prenions notre tour dans la queue que pour des événements particuliers : anniversaires, naissance, Bar Mitsva, mariages…
Mon mari jeta un coup d’œil sur les enfants : ils étaient déguisés – selon la coutume – et mon mari estimait qu’ils n’étaient pas vêtus correctement pour passer devant le Rabbi (nous avions toujours revêtu nos habits de Chabbat pour ces occasions spéciales). Par contre, moi je pensais que le Rabbi serait heureux de voir les enfants respecter cette coutume ancestrale. Après tout, c’était le jour de Pourim ! Finalement mon mari accepta mon raisonnement et nous aussi, nous nous sommes précipités vers le 770. Je tenais à la main mes trois plus jeunes enfants mais la porte de la synagogue venait de se fermer. Nous avons décidé d’attendre un peu et, effectivement, au bout de quelques minutes, le secrétaire du Rabbi rouvrit la porte : le Rabbi avait demandé que d’autres Juifs se présentent et avait insisté pour qu’il laisse entrer les retardataires.
Dobie – âgée de 10 ans – était déguisée en Mexicaine et arborait fièrement un énorme sombrero : quand elle passa devant le Rabbi, elle le remercia pour le dollar et le Rabbi la regarda en répondant : « Gracias ! » avec un grand sourire.
Quand nous sommes sorties, Dobie me demanda ce qu’avait dit le Rabbi : « Le Rabbi t’a répondu « merci » en espagnol puisque tu es déguisée en Mexicaine ! Maintenant tu vas devoir apprendre l’espagnol ! »
Mashie – âgée de sept ans – s’était déguisée en soldat avec un grand emblème de « Tsivot Hachem », (le mouvement de jeunesse fondée par le Rabbi) sur son calot « militaire ». Le Rabbi lui tendit un dollar et la salua en levant sa main vers son chapeau ! Quand nous sommes sorties, j’expliquai à Mashie qu’en la saluant, le Rabbi lui avait certainement donné d’incroyables forces pour réussir plus tard dans une Chli’hout, pour devenir son émissaire et « conquérir » des communautés entières.
Agée de 5 ans, Rivkie avait choisi un déguisement de clown. Quand le Rabbi lui tendit un dollar, il lui adressa un large sourire. Nous avons décidé que cela signifiait que son mari serait certainement doté d’un grand sens de l’humour.
Effectivement, 22 ans plus tard, les faits sont là. Dobie s’est mariée avec Rav Shea Rubinstein d’Argentine qui parle couramment l’espagnol et s’occupe principalement des Juifs qui parlent l’espagnol à Bar Harbour en Floride.
Mashie s’est mariée avec Rav Lévi Hazan, un « général dans l’armée de Tsivot Hachem » et ils habitent à Milan, en Italie, où ils accomplissent des merveilles au sein de la jeunesse, encourageant de nombreux jeunes à se rapprocher d’une vie de Torah.
Rivkie s’est mariée avec Rav Chaim Lipsker qui est doué d’un grand sens de l’humour. Ils habitent à Orlando, en Floride et s’occupent avec succès des étudiants.
Alors, cela valait-il la peine d’emmener les enfants déguisés pour prendre un dollar le jour de Pourim ? Vous pensez bien que nous ne l’avons pas regretté ! Le Rabbi avait aidé par ses bénédictions mes enfants en ce qui concernait leurs futurs mariages et leur avait donné toutes les forces nécessaires pour leur mission dans la vie !
Et tout ceci grâce à leurs déguisements de Pourim !
Henya Laine
N’Shei Chabad Newsletter n°7003
traduite par Feiga Lubecki