Enfin libres !
Cette fois, nous y sommes ! Tout ‘Hamets chassé, autant du cœur que de la maison, la fête de Pessa’h est présente. Et, sur son chemin, nous rencontrons le 11 Nissan, l’anniversaire de la naissance du Rabbi. Car, entre ces dates, il y a une grande idée en commun et celle-ci porte un beau nom : la liberté. Liberté de tout un peuple acquise à Pessa’h avec la sortie d’Egypte, quand la servitude s’efface devant la volonté Divine. Liberté de chacun qui entrouvre la porte le 11 Nissan, une date qui marque comme le commencement d’une nouvelle ère où le bonheur d’être juif devient une réalité de tous les instants.
L’époque nous le commande donc : c’est le contenu et le sens de la liberté qu’il faut ici entreprendre de mieux cerner. Car si le mot est puissant, il recouvre des idées très diverses. Comment parler de liberté si on ne sait pas ce que cela implique ? Comment se réjouir de son émergence, y compris dans le calendrier du judaïsme, si on ne sait d’elle que ce sentiment d’émerveillement qu’elle dégage immanquablement ? Et si la liberté devait d’abord être vécue au plus près pour produire son œuvre ? Et si elle devait d’abord nous ressembler pour incarner nos rêves ? De fait, l’homme libre ne peut supporter nulle contrainte, même légitime, sauf celles qu’il accepte parce qu’elles expriment profondément ce qu’il est, qu’elles sont liées à sa nature propre. Dans ce sens, dire la liberté c’est affirmer sa propre existence, la capacité à mettre en œuvre sa propre volonté dans un souci de recherche d’harmonie collective et de bonheur individuel assumés.
L’entreprise est bien ambitieuse. La célébration de Pessa’h, la date du 11 Nissan nous ouvrent ici des voies ; nous pouvons y parvenir. Avec la sortie d’Egypte, en effet, ce fut à la chute d’un tyran, le pharaon, que notre peuple assista. Un tyran chassé par l’intervention de D.ieu Qui vient chercher Son peuple, c’est un spectacle qui marque l’histoire et la pensée des hommes. Avec le 11 Nissan, c’est la tyrannie d’un temps et d’un monde oublieux, sûrs d’eux-mêmes, qui est écartée pour laisser place au choix d’hommes et de femmes. Et ceux-ci refusent les modèles que certains voudraient leur imposer. Dans ces deux cas, l’histoire s’est chargée de trancher le débat : le peuple juif est libre et il se souvient de ce qu’il est pour vivre pleinement son avenir. La liberté est donc acquise, sachons la préserver ou mieux la renforcer. Elle sera aussi un aboutissement majeur : celui du temps messianique.
Délivrance et révélation
Il n’existe pas de degré plus haut qu’à présent. Quand Machia’h viendra, se révèlera alors ce qui est caché aujourd’hui. C’est en cela que résidera l’élévation.
(D’après Séfer Hasi’hot 5704 p. 93)
DALET - PESSA’H
Le dessin
Le dalèt est la quatrième lettre de l’alèph-bèt. Le Talmud (Chabbat 104 a) indique que le dalèt représente le pauvre. C’est ainsi qu’il est dit : gomèl dalim : «le bienfaiteur qui donne au bénéficiaire».
Le Talmud explique également que lorsque nous observons la forme du dalèt, son pied unique se tend vers la droite, en direction de la lettre hébraïque qui le précède, le guimel. Cela nous enseigne que le pauvre doit se rendre réceptif à la charité du bienfaiteur. De la même façon, la petite extension, vers la droite, de la barre horizontale, ressemble à une oreille car le pauvre doit toujours veiller à la présence d’un homme riche. Cependant, le côté gauche de cette barre ne fait pas face au guimel, le bienfaiteur, mais se tend vers la lettre hé qui suit et qui représente D.ieu. Cela nous enseigne que nous devons donner la charité discrètement et ne pas embarrasser le pauvre. Quant à lui, il doit remettre sa foi entre les mains de D.ieu Qui est le Bienfaiteur ultime de l’univers.
La Michna (Chekalim 5 :6) nous dit que dans le Temple se trouvait une pièce appelée «la Pièce Silencieuse ». L’on y pénétrait seul et l’on fermait la porte directement derrière soi. Dans cette chambre était déposée une grande boîte. On avait le choix soit d’y mettre de l’argent ou d’en prendre. Bien sûr, le riche donnait sa contribution et après lui, également seul, arrivait le pauvre qui, lui, prenait de l’argent. Tout cela était mené dans la plus grande discrétion. Le riche ne pouvait pas savoir à qui il donnait la charité et le pauvre ignorait de qui il la recevait.
La ‘Hassidout propose une seconde approche pour expliquer le dessin du dalèt. Elle souligne que cette lettre est composée d’un réchet d’un youd.Quelle est la différence entre le dalèt et le réch ? Un youd. Si l’on appose un youd au coin supérieur droit du réch, il devient un dalèt. Le youd, une très petite lettre, représente l’humilité. C’est elle qui fait la différence. La mezouza sur le montant de notre porte contient le célèbre paragraphe du Chema qui déclare : «Ecoute Israël, l’Eternel notre D.ieu, l’Eternel est Un ». Le mot é’had, «un», comme dans «D.ieu est Un», s’épelle avec les lettres alèf, ‘hèth, dalèt. Que se produit-il si le youd disparaît du dalèt qui devient alors un réch ? Le mot n’est plus é’had mais a’hèr, qui signifie «autre». Si une telle erreur venait à être commise, à D.ieu ne plaise, ce verset se traduirait alors par «Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est autre (c’est-à-dire d’autres dieux)». Cet aspect du youd, l’humilité, est si important dans la foi en l’unicité de D.ieu que son omission peut mener à rejeter D.ieu et à croire en l’existence de forces omnipotentes dans l’univers. Le Midrach dit que celui qui intervertit le réch pour le dalèt, détruit tous les mondes.
Guematria
La Guematria, ou valeur numérique de la lettre hébraïque, du dalèt est 4. Le 4 représente les Matriarches : Sarah, Rivka, Ra’hel et Léah. Il représente aussi les 4 mondes créés, comme l’explique la Cabale : Atsilout, Briah, Yetsirah et Assiyah. En outre, le dalèt renvoie aux quatre éléments essentiels : le feu, (l’énergie), l’air (le gaz), l’eau (le liquide) et la terre (le solide). Le 4 représente également la fête de Pessa’h : les 4 coupes de vin, les 4 enfants, les 4 questions.
Pourquoi boit-on quatre coupes de vin à Pessa’h ?
Il existe quatre expressions de la Rédemption dans la Torah. Quand D.ieu fit sortir le Peuple Juif d’Egypte, Il dit : «Je vous ferai sortir », «Je vous sauverai», «Je vous libérerai» et finalement, «Je ferai de vous une nation pour Moi» (Chemot 6 :6-8). Les trois premières expressions impliquent une intervention de D.ieu Lui-même dans le fait de sortir le Peuple Juif d’Egypte. Les Juifs eux-mêmes restaient passifs. Mais la quatrième, devenir le peuple de D.ieu, requiert une action à la fois personnelle et collective des Juifs.
Que signifie devenir le peuple de D.ieu et comment nous y préparons-nous ?
En nous purifiant. Le Zohar nous dit qu’à la période de l’Exode, les Juifs étaient au quarante-neuvième degré d’impureté. S’ils n’étaient restés en Egypte qu’un moment de plus, ils seraient tombés dans le cinquantième et plus bas niveau et auraient été perdus à tout jamais. Ce ne fut pas par leurs mérites ou leur bonté qu’ils méritèrent d’être sauvés. Mais ce fut par la bienveillance de D.ieu : «Je vous ferai sortir», «Je vous sauverai», «Je vous libérerai». Mais comment D.ieu sauva-t-Il finalement le Peuple Juif ? En en faisant Son peuple, en leur donnant Sa Torah. Ce quatrième terme de Rédemption ne se produisit qu’au Don de la Torah, quarante-neuf jours après le départ de l’Egypte. Car durant quarante-neuf jours, nous nous préparâmes à devenir Son Peuple. Pendant les trois premières étapes de la Rédemption, nous étions passifs et non méritants. Nous devions donc gagner le quatrième niveau.
La différence entre les trois premières expressions et la quatrième s’exprime dans la différence entre la Matsa et le vin. La Matsa est un aliment qui ne possède pas de goût. Selon la hala’ha (la loi juive), la Matsa utilisée au Séder doit être confectionnée en mélangeant simplement de la farine et de l’eau. Elle est appelée «le pain du pauvre ». Quand D.ieu nous sortit d’Egypte, nous étions dans un statut de pauvreté spirituelle et ne méritions pas la Rédemption. Nous étions comparables à la Matsa ; sans goût. Mais au cours des trente-neuf jours qui suivirent, nous fîmes un travail sur nous-mêmes. Nous commençâmes à comprendre et intérioriser ce qui constitue le Judaïsme et la Torah. Nous nous élevâmes du quarante-neuvième degré d’impureté vers les quarante-neuvièmes degrés de compréhension. Nous reconnûmes D.ieu. Et une fois que nous saisîmes ce que représente le Judaïsme, une fois que nous saisîmes ce que signifie devenir le Peuple de D.ieu, nous fûmes emplis de joie. C’est pour cette raison que nous buvons du vin, car il est dit : «Il n’y a pas de chant sans vin». Nous buvons du vin pour pouvoir reconnaître pleinement notre Rédemption d’Egypte et chantons des louanges à D.ieu avec une grande allégresse.
La Matsa représente les trois premières expressions, l’intervention de D.ieu pour le Peuple Juif alors «plat», passif. Les quatre coupes de vins représentent la quatrième expression : le fait de devenir un peuple, le rôle actif et l’engagement des Juifs.
Qu’est-ce que le compte du Omer ?
C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (samedi soir 4 avril 2015) jusqu’à la veille de Chavouot (samedi soir 23 mai 2015 inclus). Si on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.
Quelles sont les lois de cette période du Omer ?
Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de «travaux» (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24 000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfaradim respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (vendredi 8 mai 2015) ; les Achkenazim depuis le 1er Iyar (lundi 20 avril 2015) jusqu’au 3 Sivan au matin (jeudi 21 mai 2015) à part la journée de Lag Baomer (jeudi 7 mai 2015).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année vendredi matin 22 mai 2015).
Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa premier coupe de cheveux à Lag Baomer (jeudi 7 mai 2015) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (vendredi 22 mai 2015).
Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.
Une boîte de Matsot et une autre…
Un rassemblement en l’honneur des trente jours depuis le décès prématuré du regretté Rav Daniel Moscowitz, Chalia’h (émissaire) du Rabbi à Chicago se tint juste quelques jours avant Pessa’h de l’année dernière. Un donateur avait offert plusieurs boîtes de Matsot Chmourot à distribuer – en l’honneur de Rav Moscowitz – à des personnes qui, autrement, ne s’en seraient pas procuré pour la fête.
Esther, mon adorable ado, était présente et, décidée, prit une boîte qu’elle s’engagea à offrir à son professeur de piano, une femme juive qui venait d’immigrer de Russie. Quelques jours plus tard, à environ cinq heures du matin, nous nous sommes mis en route de Chicago pour passer la fête à New York. Juste avant notre départ, Esther se souvint qu’elle avait oublié de donner la boîte de Matsot à son professeur. Il était évident qu’à cette heure-ci, nous ne pouvions pas décemment la réveiller pour lui apporter ces Matsot et lui en expliquer l’importance. J’assurai Esther que nous trouverions une autre façon de faire parvenir des Matsot à cette dame et, en attendant, Esther emporta la boîte, avec l’espoir de trouver d’ici Pessa’h un autre Juif à qui offrir ces Matsot.
Mon beau-frère, Rav Mendel Slavaticki qui était resté à Chicago, fut très heureux de remplacer Esther et de se rendre chez la professeure de piano pour lui apporter une boîte de Matsot : cette dame fut très touchée de l’attention et de la sensibilité de sa jeune élève (et de son oncle). Elle promit de les manger le soir du Séder.
Dans la soirée, nous nous sommes arrêtés sur une aire de repos dans le New Jersey afin d’y prendre notre dîner. Esther s’approcha du gardien et lui demanda s’il était juif. Oui, il l’était et accepta avec plaisir la boîte de Matsot avec les prospectus expliquant le sens et la pratique de la fête à venir. Il nous raconta que sa mère était juive mais qu’elle était décédée dans un accident de voiture quand il n’avait que deux ans. Ce fut donc son père non-juif qui l’éleva et ne manqua pas de lui rappeler que sa mère biologique avait été juive. L’enfance et la vie de cet homme avaient été difficiles, ballotées entre différentes familles. Il avait enfin trouvé à se stabiliser avec cet emploi de gardien de l’aire de repos.
Je lui demandai s’il avait déjà mis les Téfilines. Non, répondit-il et d’ailleurs il n’en avait jamais vus et d’ailleurs il ne savait pas du tout ce que c’était. Je lui expliquai que chaque garçon juif les met la première fois pour célébrer sa Bar Mitsva à l’âge de treize ans (ou un peu avant) et continue à les mettre tout au long de sa vie, quotidiennement. L’homme accepta l’idée et nous l’avons même pris en photo (avec les Téfilines et la boîte de Matsot) afin qu’il se souvienne de sa «Bar Mitsvah» - même si celle-ci avait dû n’être célébrée qu’à l’âge adulte. Certainement sa défunte mère – de là où elle se trouvait – devait elle aussi être heureuse de cette étape importante dans la vie de son fils. Nous avons promis de rester en contact et de lui envoyer de temps en temps des prospectus et de la «nourriture pour la réflexion» afin de l’accompagner dans son retour progressif à la foi de ses ancêtres.
C’est ainsi qu’une boîte de Matsot en l’honneur de Rav Moscowitz circula entre la professeure de piano et ce Juif du New Jersey qui, en même temps, devint Bar Mitsva en mettant les Téfilines pour la première fois de sa vie.
Alors que je racontai cette histoire le lendemain (Youd Aleph Nissan, le jour anniversaire du Rabbi), j’eus soudain l’idée de distribuer des Matsot à encore une autre personne : effectivement, je pensai à cet immigrant russe qui amenait nos enfants à l’école juive tous les matins. Je téléphonai à Rav Sholom Ber Halberstam qui était resté à Chicago et, ensemble, nous avons trouvé le moyen de faire parvenir à cet homme une boîte de Matsot Chmourot pour le soir du Séder.
Le mérite de Rav Moscowitz continue d’influencer la ville de Chicago où l’avait envoyé le Rabbi et où il avait magnifiquement fait prospérer la vie juive.
Rav Eli Nosson Silberberg – Chicago – N’shei Chabad Newsletter – Tamouz 5774
Traduit par Feiga Lubecki