Vous avez dit «miracles» ?
Alors que, dans toutes les maisons juives, c’est Pessa’h qui est sans doute au cœur de toutes les préoccupations, il peut paradoxalement être facile d’oublier l’essentiel. Au milieu de tout cela, il faut savoir se souvenir que nous vivons ce mois d’absolu : Nissan. Le mois de notre liberté, celui de notre naissance en tant que peuple mais aussi – et peut-être surtout – le mois dont le nom s’apparente en hébreu au mot «miracles». Il nous faut donc penser un mois dont les miracles sont la réalité quotidienne, à vivre à chaque seconde, comme l’air que l’on respire ou comme le tissu de l’univers. Des miracles pour tous, à tout instant, dans toute situation… Quelle perspective ! Elle est sans doute assez vertigineuse pour que l’on se demande si elle a quelque chance de se concrétiser vraiment. Et pourtant…
Pourtant, voici qu’une suite d’occurrences nous tire de notre rêverie. Voici que le 11 Nissan, le jour anniversaire de la naissance du Rabbi, nous invite à avancer sur le chemin ouvert, à continuer la grande route de la liberté et, par nos actes, à faire qu’elle nous mène à la Délivrance éternelle. Voici que nous ressentons la grandeur du «Chabbat Hagadol», ce «Grand Chabbat» qui vit la force de l’Egypte – ses premiers-nés – se retourner contre elle-même en un revirement qui laissait présager que la transformation du monde était en marche avant même la sortie du pays d’esclavage. Voici que, tout ‘Hamets chassé, de notre maison et de notre cœur, nous entonnons encore le chant de l’histoire, celui qui ne cesse jamais de murmurer à nos oreilles que notre aventure fait sens, qu’elle est belle et digne d’être vécue. Voici qu’avec la fête de Pessa’h, nous entrons dans un temps nouveau, déjà éclairé par cette lumière – la venue du Messie – qui chasse tous les vestiges d’obscurité encombrant encore la voie des hommes.
Il faut donc, à présent, vivre comme dans une autre dimension. Cela ne signifie pas, bien sûr, ne pas regarder le monde tel qu’il est, avec ses contraintes et ses difficultés, ni s’en créer un par la seule vertu de l’imagination, qui donne l’illusion de satisfaire les désirs inassouvis. Cette nouvelle dimension, à la fois plus haute et plus profonde, est en nous. Noble et grande, elle attend d’être mise en œuvre. La vivre, c’est être libre. La liberté – vraie, complète, absolue – à notre porte, dès qu’on le veut : est-ce un miracle ? Ou simplement le mois de Nissan.
Ne pas se tromper
Quand on arrive dans une gare, on constate que de nombreuses voies s’étirent de tous côtés. Le risque existe de commettre une erreur et de choisir une voie erronée, ce qui pourrait entraîner de graves dommages. Il faut donc veiller à ne pas se tromper.
Dans la période qui précède immédiatement la venue de Machia’h, il semble au regard qu’il existe de nombreux chemins. Il est nécessaire de prendre garde à ne pas sortir de la bonne voie.
(D’après Séfer Hasi’hot 5689 p.63) H.N.
Pessa’h
Le pain du pauvre
Le Maggid, la partie de la Haggadah dans laquelle est relaté l’Exode, commence ainsi : « Ceci (la matsa) est le pain du pauvre que nos ancêtres mangèrent en terre d’Egypte. Que tous ceux qui ont faim viennent et mangent avec nous…».
Il nous faut comprendre un certain nombre de points. Pourquoi l’expression «ceci est le pain… que nos ancêtres mangèrent» est-elle utilisée alors qu’il ne s’agit pas réellement de pain mais plutôt d’un aliment qui ressemble à du pain ? En outre, ce passage semble ne se présenter que comme une invitation, adressée à tous ceux qui sont affamés, de se joindre au Séder de Pessa’h. En quoi cela a-t-il un lien avec le récit de la sortie d’Egypte ?
Une autre question se soulève encore : puisqu’il s’agit du premier passage du Maggid, nous nous attendons à y lire un message crucial concernant l’événement. Que nous enseigne donc ce passage à ce sujet?
Nos Sages nous enseignent (Michnah, Pessa’him 116b) que dans chaque génération et en fait, chaque jour, nous devons nous considérer comme quittant l’Egypte. C’est dans cet esprit que les matsot que nous consommons, cuites avant Pessa’h, sont en fait emblématiques des matsot «qui furent mangées en terre d’Egypte».
Cela explique la raison pour laquelle ce passage ouvre le récit du Maggid car il nous informe que, dans la plus grande mesure du possible, nous ne devons pas nous contenter de raconter le récit de la sortie d’Egypte mais réellement le revivre. Nous sommes ceux qui quittons l’Egypte, nous sommes ceux qui mangeons la matsa cuite avant notre départ d’Egypte, à Pessa’h.
Mais en quoi ce message est-il lié au «pain du pauvre» ? Et comment cela se relie-t-il à l’invitation : «Que tous ceux qui ont faim viennent et mangent avec nous…» ?
Tant qu’un homme continue à conserver une forte conscience de son moi, il doit encore quitter l’Egypte ou Mitsrayim, qui, en langue hébraïque, signifie «contraintes » et «limites». Il lui est donc impossible de véritablement revivre cette libération. Car après tout, des milliers d’années ont passé depuis l’événement originel. Comment donc espérer pouvoir le revivre, à une autre époque et dans des conditions radicalement différentes ?
Pour le pouvoir, il nous faut être capables de transcender les limites du temps et de l’espace dans lesquelles nous évoluons. Ce n’est qu’alors que nous pouvons alors véritablement ressentir que nous quittons l’Egypte.
Et cela n’est possible que lorsque nous prenons conscience de notre insignifiance, que nous réalisons que nous sommes réellement pauvres et que la nourriture que nous consommons, et dont dépend notre existence-même, est «le pain du pauvre». Manger «ce pain» nous permet d’acquérir cette humilité appropriée pour pouvoir revivre la sortie d’Egypte.
C’est aussi par ce concept que nous pouvons comprendre la relation avec le passage dans lequel nous invitons de parfaits étrangers à partager notre repas. Tant que nous considérons que nous-mêmes et nos besoins sommes prioritaires, il est difficile de partager car cela signifie automatiquement que notre part sera diminuée. Mais lorsque nous atteignons le degré d’humilité nécessaire, nous ressentons alors également le besoin de partager notre repas.
Le passage qui a commencé par «ceci est le pain…» se conclut par «cette année, nous sommes ici. L’an, prochain que nous soyons tous sur la terre d’Israël. Cette année, nous sommes encore esclaves. Que l’an prochain nous soyons tous libres».
Quel rapport existe-t-il entre les phrases de conclusion et le commencement du passage ?
Dans la perspective de ce que nous venons d’expliquer, le lien apparaît clairement.
Israël est «une terre qui se trouve constamment scrutée par D.ieu ; les yeux de l’Eternel ton D.ieu sont posés sur elle constamment» (Devarim 11 :12).
Ainsi, ce n’est qu’en parvenant à une humilité semblable à celle qui devient la nôtre lorsque nous consommons «le pain du pauvre» que nous sommes capables d’acquérir la terre d’Israël.
Car tant que l’homme se considère comme une entité, comme «quelqu’un», D.ieu ne peut résider en lui, car «D.ieu ne réside que dans une entité qui est complètement annihilée devant Lui». Ce n’est que lorsque nous parvenons à un état d’abnégation totale, «le pain du pauvre», que nous pouvons permettre à D.ieu de résider en nous, en tous temps, et de parvenir au niveau de la terre d’Israël.
Il en va de même pour la déclaration «que l’an prochain nous soyons tous libres». Tant que l’être humain se confine dans ses propres limites, qu’il ne se dépasse pas, il lui est impossible d’être libre. Mais en parvenant à une entière annulation de sa personne, «le pain du pauvre», il peut s’élever au-dessus de tout ce qui le confine et parvenir à la réelle liberté.
Qu’est-ce que le compte du Omer ?
C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (mardi soir 15 avril 2014) jusqu’à la veille de Chavouot (lundi soir 2 juin 2014 inclus). Si on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.
Quelles sont les lois de cette période du Omer ?
Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de «travaux» (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24 000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfarades respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (lundi 19 mai 2014) ; les Achkenazes depuis le 1er Iyar (jeudi 1er mai 2014) jusqu’au 3 Sivan au matin (dimanche 1er juin 2014) à part la journée de Lag Baomer (dimanche 18 mai 2014).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année mardi matin 3 juin 2014).
Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa premier coupe de cheveux à Lag Baomer (dimanche 18 mai 2014) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (mardi 3 juin 2014).
Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.
«Oui, mon commandant !»
Comme il se sentait seul, Youri, ce soldat juif qui effectuait son service militaire dans une base russe ! Un soir, après une dure journée de manœuvres et d’entraînement, il s’assit avec ses compagnons dans la salle de détente pour regarder la télévision.
Le programme s’arrêta un moment pour les publicités. Cette musique… Youri la reconnut immédiatement : mais oui, c’était «Dayénou», la mélodie familière et familiale, celle qu’on chante joyeusement autour de la table du Séder… La publicité continuait : on annonçait la prochaine fête de «Pascha», de Pessa’h. Rav Dan Krishevski, émissaire du Rabbi et représentant de la Fédération des Communautés juives de CEI à Oufa apparaissait dans un clip et annonçait la prochaine fête de Pessa’h ; il invitait les Juifs à le contacter pour obtenir de la Matsa Chemoura.
Le numéro de téléphone apparut alors brièvement sur l’écran et Youri le mémorisa immédiatement. Dès qu’il eut un moment libre, il téléphona et entra ainsi en contact avec le centre communautaire d’Oufa. Timidement, Youri demanda au rabbin s’il était possible qu’on lui envoie une boîte de Matsot : «Bien sûr ! Avec plaisir !» répondit le jeune rabbin qui accepta de lui faire parvenir les Matsot par courrier spécial de l’armée : il s’en portait personnellement garant.
Youri était enfin heureux. Quelqu’un pensait à lui et allait s’occuper de ses besoins spirituels.
Mais bien vite, sa joie fit place à de l’appréhension : quelle serait la réaction de ses camarades de régiment ? Ils étaient soit russes orthodoxes, soit musulmans : comment pourrait-il manger de la Matsa devant eux ? De plus, Youri s’inquiétait surtout par rapport à son commandant : un officier de carrière rude et strict qui, dès le début de son service, l’avait pris en grippe.
Pessa’h arriva. Nul n’avait procédé à un nettoyage particulier. Nul ne s’activait particulièrement à la cuisine et on n’entendait évidemment pas des enfants chanter à tue-tête «Ma Nichtana». Youri décida que ce soir-là, il n’irait pas manger au mess avec ses compagnons mais il se mettrait seul dans un coin pour manger ses Matsot. C‘est alors que le commandant s’approcha de lui avec son air soupçonneux habituel. Cette fois – Youri en était persuadé – le commandant ne lui ferait pas de cadeau : il lui reprocherait certainement de manger à part ou peut-être de manger de la Matsa… ou les deux… Mais jamais Youri n’aurait pu imaginer la conversation qui allait suivre. Ce commandant qui ne parlait d’habitude que pour aboyer des ordres s’approchait de lui.
«Pourquoi manges-tu cela ?» demanda-t-il, presque tranquillement. Puis il baissa la voix et, comme dans un rêve, Youri l’entendit murmurer : «Ma grand-mère aussi mangeait des galettes semblables… Je ne devrais pas te le dire mais moi aussi, je suis Juif !»
Vraiment cette nuit était différente de toutes les autres. Une telle révélation, de la part d’un officier si haut gradé… Youri proposa au commandant un morceau de Matsa mais celui-ci déclina l’offre poliment. Il regrettait sans doute d’en avoir trop dit et il s’éloigna. Etait-il soulagé d’avoir révélé son secret ou le regrettait-il déjà ? Nul ne le sut jamais mais le reste de la nuit se déroula sans problème.
Surtout… le commandant ne mentionna plus rien de ses origines devant Youri. Et il ne le tourmenta plus non plus.
A la fin de son service militaire, Youri avait eu le temps de réfléchir à tout ce qui lui était arrivé et s’était posé de nombreuses questions sur son identité juive.
Il rentra chez lui à Vladikavkaz, la capitale de la République d’Ossétie du Nord. Il avait été si touché par la gentillesse de Rav Krishevski qu’il se mit au service de la communauté juive de son pays pour organiser un Séder communautaire.
Et chaque année, à l’approche de Pessa’h, Youri n’oublie pas d’envoyer une boîte de Matsot à son ancien commandant, un Juif isolé dans une base militaire de Russie…
La Fédération des Communautés Juives de CEI est à la pointe du combat pour la renaissance du judaïsme dans l’ancienne Union Soviétique. Plus de mille émissaires du Rabbi de Loubavitch s’activent dans 454 villes disséminées dans les 15 Républiques de l’Est.
Le’haïm
Traduit par Feiga Lubecki