Adar : enfin la révolution !
Il suffit parfois d’un jour pour que tout change. La veille, on pouvait se sentir désemparé, soumis à la grisaille ambiante – climatique ou morale – comme la proie d’un monde désenchanté. Brusquement, sans que l’on sache véritablement pourquoi, une joie immense chasse tous les vents mauvais. En un instant, le soleil perce les nuages qui paraissaient jusqu’ici être le seul horizon. On s’interroge alors : que s’est-il passé ? Les choses sont-elles devenues différentes ? Et on se prend à penser : peut-être est-ce soi-même qui a changé ? Peut-être tout tient-il d’abord dans notre regard ? Il y a, dans tout cela, quelque chose de vrai. De fait, un changement s’est produit et nous avons changé également. C’est – faut-il le dire ? – que le mois d’Adar est arrivé.
Etrange mois que celui-là ! La tradition juive le présente comme celui de la joie sans limite, sans restriction. Certes, la fête de Pourim, déjà en perspective, et sa tonalité d’allégresse sans frein, n’y sont pas pour rien. Le Talmud ne va-t-il pas jusqu’à énoncer la sentence définitive : « Quand entre Adar, on multiplie la joie » ? N’est-ce pas surprenant ? Ainsi nous sommes invités à cesser de considérer le monde comme l’habitude nous y conduit trop souvent. Nous sommes invités à y voir un lieu de nouveauté, un endroit où seule règne la joie. Quelles que soient les éventuelles difficultés rencontrées, quels que soient les bouleversements suscités par la vie, en dépit même des soubresauts du monde, voici qu’il convient d’y voir, et par conséquent d’en faire, autant de victoires – merveilleuses, héroïques, éternelles. D’une certaine façon, ce changement profond nous dépasse, il nous entraine dans son avènement car, né du calendrier, il s’impose à nous comme un bonheur assumé.
On le disait : il a suffi du passage d’un jour. La veille, le mois précédent, celui de Chevat, nous illuminait de sa grandeur et nous nous efforcions de le vivre à sa hauteur. Aujourd’hui nous sommes en Adar et ce seul fait nous porte vers des élévations inespérées. Car la joie n’est pas une émotion simple, faite d’oubli des soucis légitimes et d’une apparence de contentement. Profonde, immense, elle ouvre les brèches dans les murailles du quant à soi. Elle rapproche les hommes, elle ouvre le monde à ce qui le dépasse. En un mot, la joie est l’arme absolue de la victoire dans l’éternel combat spirituel que chacun mène au quotidien. Un vieil adage ‘hassidique dit que, lorsqu’une armée marche au combat, elle y va en chantant et que ce chant-là – la joie qu’il exprime – est le signe de sa victoire à venir. Le mois d’Adar commence et, jour après jour, la joie grandit. Nous en sommes les porteurs et aussi les bénéficiaires. Il suffit que nous nous en saisissions pour qu’enfin nous soyons les acteurs et les témoins de son triomphe éternel.
Chaque prière est un progrès
Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.
Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.
(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17)
Terouma
Il est rappelé au Peuple d’Israël les treize matériaux qu’ils doivent apporter en contribution : de l’or, de l’argent et du cuivre ; de la laine teinte en rouge, bleu, violet ; du lin, des poils de chèvre, des peaux d’animaux, du bois, de l’huile d’olive, des épices et des pierres précieuses, à partir desquels, dit D.ieu à Moché, « ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux ».
Moché reçoit, au sommet du mont Sinaï, les instructions détaillées sur la façon de construire cette résidence pour D.ieu, de manière à ce qu’elle puisse être immédiatement démontée, transportée et réassemblée, au cours du voyage du peuple dans le désert.
Dans la chambre la plus intérieure du Sanctuaire, derrière un rideau tissé avec art, se trouvait l’Arche contenant les Tables de la Loi, gravées des Dix Commandements. Sur le couvercle de l’Arche, se tenaient deux anges enlacés, en or pur. Dans la chambre extérieure, s’élevait la Menorah à sept branches et était dressée la table sur laquelle étaient disposés « les pains de proposition ».
Les trois murs du Sanctuaire étaient constitués de quarante-huit planches de bois. Chacune d’elles était plaquée d’or et soutenue par une paire de socles en argent. Le toit était constitué de trois couvertures : a) des tapisseries de lin et de laine multicolores, b) une couverture de poils de chèvre, c) une couverture de peaux de taureaux et de Ta’hach. Devant le Sanctuaire, était tendu un écran brodé, tenu par cinq piliers.
Autour du Sanctuaire et de l’autel de cuivre, placé devant, des rideaux de lin pendaient, soutenus par soixante piliers de bois, avec des crochets et des garnitures en argent, renforcés par des piquets en cuivre.
La Paracha Terouma concerne la construction d’un Sanctuaire qui sera la « Résidence » de la Che’hina, un lieu central pour la Présence Divine, d’où la Divinité rayonnera dans le monde entier et l’inspirera.
D.ieu, la Divinité, est totalement spirituel. Cependant, le Michkan, le Sanctuaire doit être une structure matérielle, construite selon des mesures précises, indiquées par la Torah. Toutes sortes de matériaux sont utilisées dans son édification : de l’or, de l’argent, du cuivre, diverses peaux, du bois, etc.
Ces matériaux devaient être donnés par le peuple. Le montant obligatoire de certaines contributions était équivalent pour tout le monde pour que tous puissent avoir une part égale dans la construction du Sanctuaire. Mais d’autres contributions étaient volontaires, chacun apportant librement son offrande « selon la générosité de son cœur ».
C’est ainsi qu’on peut lire, au début de la Paracha : « Veyik’hou Li Terouma… », « et qu’ils prennent pour Moi une Terouma… », selon ce que leur cœur sera enclin à donner.
Le mot hébreu « Li », « pour Moi », semble superflu. Il aurait suffi de simplement dire : « Veyik’hou Terouma », « qu’ils prennent une Terouma ». Qu’apporte cette addition ?
Nos Sages suggèrent un certain nombre de significations. Rachi explique que « Li », « pour Moi », signifie Lichmi, « par amour pour Moi », impliquant ainsi que les gens doivent avoir à l’esprit qu’ils font cette contribution comme une Mitsva, par amour du Ciel et non pour des motivations personnelles, de quelque ordre qu’elles soient. En d’autres termes, bien que cette Mitsva, comme toutes les Mitsvot, apporte de nombreux bienfaits, quand on l’observe, elle doit être accomplie non pas pour ou parce ce qu’on peut en gagner mais pour la Gloire de D.ieu.
Il s’agit d’un principe général qui s’applique à toute la Torah, à toutes les Mitsvot : il faut les accomplir « Lichmo », « pour Son nom », par reconnaissance pour le bien qu’elles recèlent, pour elles-mêmes, pour D.ieu, sans autres motifs personnels.
Contribuer à la Tsedaka, à des œuvres de charité, Li, Lichmi, exclusivement par amour de la Mitsva et sans aucune considération pour la réduction d’impôts, la gloire personnelle, par exemple, n’est pas toujours facile. Se départir de possessions que nous pourrions utiliser pour notre propre bénéfice en donnant à notre vie plus de confort, plus de luxe, ou simplement pour se permettre certains plaisirs personnels, peut nous plonger dans un conflit intérieur difficile. C’est pourquoi la Torah nous indique ici la manière de surmonter cette bataille qui se mène à l’intérieur de nous-mêmes.
En effet, le mot « Li » peut se prêter à une interprétation alternative. « Li », « pour moi » implique également « ce qui est à moi », « ce qui m’appartient ».
Notre verset initial se lit alors différemment :
« Parle aux Enfants d’Israël pour qu’ils prennent une offrande Li, de Moi », de ce qui M’appartient.
Quand nous acquérons des biens, très souvent nous n’appréhendons pas la vérité et la réalité de ce qui se passe. Nous avons tendance à penser que c’est seulement grâce à nos propres aptitudes, nos propres efforts que nous avons pu accumuler cette richesse. Et c’est pourquoi nous la considérons comme notre propre fortune, comme des possessions qui nous appartiennent et dont nous pouvons disposer comme bon nous semble. Nous oublions que notre vie, notre existence, notre santé, notre énergie, tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, tout vient du Tout-Puissant, du Créateur de l’univers et de tout ce qu’il renferme. Ainsi, tout ce que nous possédons appartient-il en réalité à D.ieu et pas à nous.
C’est pourquoi la Paracha déclare : « D.ieu parle à Israël et dit : ‘offrez des contributions généreuses et construisez le Sanctuaire. Ne pensez pas ou ne dites pas que vous donnez quelque chose qui vous appartient car tout est à Moi’. Ainsi, Veyik’hou Li : prenez et donnez de quelque chose qui est à Moi ».
Le roi David abonde également dans ce sens : « Car toute chose vient de Toi et c’est de ce qui T’appartient que nous Te donnons ».
On peut retrouver le même principe dans les Pirké Avot (Les Maximes de nos Pères) : « Donne-Lui (c’est-à-dire à D.ieu) de ce qui Lui appartient car toi et tout ce qui est à toi est (en fait) à Lui »
Cette attitude fondamentale, qui consiste à reconnaître que nous dépendons de D.ieu, nous empêche, d’une part, de tomber dans l’arrogance et la prétention. Par ailleurs, elle assure que nous accomplirons nos obligations à l’égard de D.ieu et de nos prochains. Elle nous permet de reconnaître la valeur inhérente du Bien pour lui-même et d’agir dans cette perspective.
Comment s’occuper d’un malade Chabbat
C’est une Mitsva de profaner le repos du Chabbat pour sauver la vie d’une personne - même s’il existe un doute que la vie soit en danger. De plus, il est recommandé de réagir le plus vite possible pour prendre les mesures nécessaires.
Si le médecin estime que la vie de la personne risque d’être en danger ou que sa situation risque de se détériorer si elle n’est pas traitée le jour même du Chabbat, on doit être prêt à profaner le Chabbat pour elle.
Si la personne elle-même pense que sa vie est en danger, on profane le Chabbat pour elle – même si le médecin estime que ce n’est pas le cas.
Si un jeune enfant est enfermé derrière une porte, est tombé dans un trou, a disparu ou est retrouvé errant dans la rue dans un état douteux et qu’on ignore où se trouve sa famille, on profane la sainteté du Chabbat pour lui.
On donne au malade tout médicament ou traitement susceptible de le guérir ou, au moins, d’empêcher que la situation n’empire – même si ce n’est qu’une vague possibilité et qu’on n’est même pas certain que cela aidera.
On peut tout faire pour alléger les souffrances du malade, pour le renforcer ou le rafraîchir même si cela n’a pas de relation avec sa guérison. Par exemple, on peut chauffer de l’eau s’il a besoin d’une boisson chaude. Si un non-Juif est disponible pour cela, on lui demandera de chauffer l’eau.
On peut prendre des médicaments pour diminuer la douleur si celle-ci est si violente qu’elle empêche d’apprécier le Chabbat.
Il convient de préparer avant Chabbat tout ce qui risque d’être nécessaire en cas d’urgence (accouchement etc.).
(d’après Chemirat Chabbat Kehil’hata - N’shei Chabad Newsletter N° 7601)
Science-fiction ?
« J’ai grandi dans le quartier hassidique de Crown Heights (New York) dans les années 40 et j’ai eu la chance et le grand privilège de connaître le Rabbi. Il marchait dans la rue, me parlait et me dit de l’appeler « Mister Mena’hem » parce que je n’arrivai pas à retenir son nom de famille (Schneerson). Ce n’est que lorsque j’ai vu une photo de lui dans les années 50 que je réalisai que mon cher « Mister Mena’hem » était devenu officiellement le Rabbi.
J’avais sept ans et il m’avait demandé quels livres je lisais. Je venais de découvrir à la bibliothèque municipale des livres de science-fiction, entre autres ceux de Robert Heinlein et d’Isaac Asimov. Il était intrigué à l’idée d’enseigner les sciences à de jeunes enfants au travers de romans de vulgarisation. Je lui suggérai de les lire et qu’il les aimerait lui aussi mais il répondit qu’il ne lisait que des livres juifs.
Un an plus tard à peu près, en 1948, je lui racontai avoir lu le livre Foundation d’Isaac Asimov. Il évoque une fondation secrète créée par un « psycho-historien » nommé Hari Saldon. Le but de cette psycho-histoire et de la Foundation était de parfaire l’univers, du moins c’est ce que je lui exposai, en insistant pour qu’il le lise.
Par la suite, « Mister Mena’hem » me dit qu’il avait lu le livre – ce qui m’enchanta – et me conseilla de me concentrer sur Asimov et non sur Heinlein. (Et il avait raison). Il continua et me dit qu’il avait écrit à Asimov et avait reçu une réponse. J’étais en admiration du fait qu’il avait reçu une lettre de ce célèbre auteur (sans réaliser lequel des deux devait s’estimer le plus honoré… Je vous ai dit que je n’avais aucune idée de l’identité de l’homme à qui je parlais si librement ni surtout combien il deviendrait célèbre !).
Puis il me demanda ce que je pensais de l’idée d’établir une Fondation. Je trouvais l’idée épatante et le lui dis. Il m’annonça alors qu’il allait justement établir une Fondation : j’en fus si excitée que je me mis à sauter de joie en le suppliant de m’y intégrer. Il accepta et, effectivement, je participai un certain temps à son initiative. Il s’agissait d’envoyer des Chlou’him, des émissaires partout dans le monde pour aider les Juifs à retrouver leurs racines juives. Peut-être d’autres choses dont je ne me souviens pas ? Qui sait ?... »
Amicalement
Ne’hama Cohen – Tamiment, PA
Telle fut la lettre que reçut Rav Simon Jacobson il y a quelques années et que moi, (David Boas) j’ai racontée plusieurs fois. Dernièrement quelqu’un m’a demandé de lui prouver que cette histoire était vraie. J’étais à Jérusalem et demandai à un de mes contacts à Brooklyn d’en vérifier les détails. Il en parla avec Rav Simon Jacobson qui confirma avoir reçu cette lettre en 1996. Mais mon contact ne parvenait pas à localiser la dame en question. Comme il travaillait pour JEM (Jewish Educational Media, qui enregistre des témoignages de personnes ayant connu le Rabbi), il estima que Ne’hama Cohen serait certainement une personne très intéressante à interviewer et il persévéra. Finalement il parvint à découvrir son adresse en Pennsylvanie. Durant deux semaines, il lui téléphona tous les jours mais personne ne décrochait.
Finalement lundi 27 janvier 2014, quelqu’un décrocha le combiné. Une voix d’homme. Il s’avéra que c’était un policier qui informa l’homme de JEM que Ne’hama Cohen venait de décéder à l’âge de 74 ans à l’hôpital. Le policier était venu dans son appartement pour déterminer si elle avait de la famille qui s’occuperait des funérailles. Mais quand il avait découvert qu’elle vivait seule et n’avait pas de famille, il s’apprêtait à suivre les procédures légales dans ce cas-là, c’est-à-dire à procéder à son incinération (D.ieu préserve !).
L’homme de JEM, en entendant cela, contacta immédiatement le Chalia’h local, l’émissaire du Rabbi dans cette ville. Celui-ci procéda aux coups de téléphone nécessaires pour organiser un enterrement juif traditionnel pour la défunte qui avait eu l’honneur de connaître « Mister Mena’hem » plus d’un demi-siècle auparavant.
Le Rabbi avait veillé jusqu’au bout à cette petite fille, lui évitant au dernier moment l’incinération et veillant, par l’intermédiaire de ses émissaires, à lui assurer les derniers honneurs.
Yerachmiel Tilles - Ascent - Safed
Traduit par Feiga Lubecki