Samedi, 4 mars 2017

  • Téroumah
Editorial

 Adar et la confiance

Cette fois, c’est de plain-pied que nous sommes entrés dans le mois d’Adar. Voici bien une période qu’il n’est guère nécessaire de présenter ; la présence de Pourim la met en pleine lumière. L’idée peut paraître étonnante : la fête de Pourim ne dure qu’une journée – et nous n’y sommes pas encore – et pourtant, le mois qui commence en serait comme magnifié ? C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit, à telle enseigne que nos Sages ont recommandé à celui qui aurait une affaire devant un tribunal de la faire juger en Adar ! Comme si ce simple hasard calendaire suffirait à assurer une issue heureuse…

Ce mois a donc bien des secrets à nous livrer. Certes, il est celui de la naissance et de la mort de Moïse, le 7, à une semaine de Pourim. Mais cela explique-t-il tant de confiance dans la période ? Justement, peut-être est-ce dans ce terme même que tient la réponse. De fait, la confiance, comme l’espoir, est un élément difficile à maîtriser. Elle n’obéit pas à des règles claires et établies. Capricieuse, elle change souvent de sens et de camp. Il faut faire effort pour la préserver. Mais, quand on la détient, quand on s’emplit de sa présence sereine, elle donne une autre portée à la vie.

Savoir avec assurance que le mal est appelé, par nature, à disparaître. Savoir que la victoire ultime appartient éternellement au bien et que le reste n’est qu’illusion. Tout cela, c’est avoir confiance. Il est vrai que nous vivons un temps où rien ne paraît aller de soi. C’est une époque où des principes qui semblaient bien établis, incontestables, peuvent être mis en cause du jour au lendemain. L’instabilité des valeurs humaines est toujours un signe de faiblesse. Reste-t-il alors une place pour la confiance ?

Mais c’est ainsi qu’elle joue son plein rôle ! Elle est ce garde-fou qui maintient une société civilisée car elle autorise l’espoir et donc l’avenir. Adar nous apporte ce message. Dans la lointaine Babylonie des temps jadis, les Juifs surent ne jamais la perdre. Elle fut ainsi leur arme précieuse et la clé de leur victoire. Sachons qu’en notre temps, elle attend, frémissante, qu’on fasse appel à elle.

Etincelles de Machiah

 Comme le lever du soleil

C’est un verset explicite dans la Torah : « Par Ma vie, la gloire de D.ieu emplira toute la terre ». D.ieu promet qu’à la fin, le jour viendra où Sa gloire emplira le monde entier. Nous devons y croire avec la même foi que nous mettons à croire au lever du soleil chaque matin. Car, à la fin, le Royaume des Cieux sera établi. Mais il nous appartient d’attendre avec impatience ce jour.

(D’après Midbar Kdémot du ‘Hida) 

Vivre avec la Paracha

 Teroumah

Il est rappelé au Peuple d’Israël, les treize matériaux qu’ils doivent apporter en contribution : de l’or, de l’argent et du cuivre ; de la laine teinte en rouge, bleu, violet ; du lin, des poils de chèvre, des peaux animales, du bois, de l’huile d’olive, des épices et des pierres précieuses, à partir desquels, dit D.ieu à Moché, « ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux ».

Moché reçoit, au sommet du Mont Sinaï, les instructions détaillées sur la façon de construire cette résidence pour D.ieu, de manière à ce qu’elle puisse être immédiatement démantelée, transportée et réassemblée, au cours du voyage du peuple dans le désert.

Dans la chambre la plus intérieure du Sanctuaire, derrière un rideau tissé avec art, se trouvait l’Arche contenant les Tables de la Loi, gravées des Dix Commandements. Sur le couvercle de l’Arche, se tenaient deux anges enlacés, en or pur. Dans la chambre extérieure, s’élevait la Menorah à sept branches et était dressée la table sur laquelle étaient disposés « les pains de proposition ».

Les trois murs du Sanctuaire étaient fixés à partir de quarante-huit planches de bois. Chacune d’elles était plaquée d’or et soutenue par une paire de socles en argent. Le toit était constitué de trois couvertures : a) des tapisseries de lin et de laine multicolores, b) une couverture de poils de chèvre, c) une couverture de peaux de taureau et de Ta’hach. Devant le Sanctuaire était tendu un écran brodé, tenu par cinq piliers.

Autour du Sanctuaire et de l’autel de cuivre, placé devant, des rideaux de lin pendaient, soutenus par soixante piliers de bois, avec des crochets et des garnitures en argent, renforcés par des piquets en cuivre.

La lecture de la Torah commence par les mots : « Et vous me ferez un Sanctuaire et Je résiderai en lui », commandant au Peuple juif d’établir un lieu où la Présence Divine sera manifeste. A l’origine, ce commandement fut accompli par la construction du Sanctuaire qui accompagna les Juifs dans le désert. C’est ce que relatent notre Paracha et celles qui suivent.

Par la suite, quand les Juifs entrèrent en Terre Sainte, ils construisirent plusieurs Sanctuaires intermédiaires, jusqu’à ce que, finalement, le Temple fût construit sur le Mont Moriah, à Jérusalem. Depuis, il est interdit d’édifier un temple pour D.ieu, dans tout autre lieu, comme il est écrit : « Tel est le lieu où Je résiderai, à tout jamais ». C’est pour cette raison, que, malgré le fait que le Temple soit aujourd’hui détruit, la Sainteté de D.ieu réside toujours sur le Mont du Temple. De la même façon, nos Sages interprètent la prophétie : « Je ruinerai vos Sanctuaires » comme signifiant que « bien qu’ils aient été dévastés, leur sainteté perdure ».

Cependant, nos Sages expliquent que même après la destruction du Premier Temple, la Présence Divine accompagna les Juifs en exil. Aussi, avancent-ils, la construction des synagogues à Babylone n’avait pas pour seul but de donner aux Juifs des lieux où prier, mais de donner à D.ieu une résidence, comme si ces synagogues étaient « des sanctuaires microcosmiques » où la Présence Divine résidait de manière réduite.

Dans un sens plus large, le terme « sanctuaire microcosmique » est utilisé en référence à chaque foyer juif. Dans la plupart des maisons, les fenêtres sont construites de telle manière qu’elles laissent pénétrer la lumière. Mais dans le Temple, les fenêtres avaient été façonnées pour irradier la lumière vers l’extérieur, pour permettre la dissémination de la lumière du Temple dans le monde. Par le même biais, lorsqu’un Juif fonde un foyer, il ne s’agit pas seulement d’un lieu d’habitation pour lui et sa famille, mais d’un phare, illuminant tout son environnement de la conscience de D.ieu.

Dans un sens plus profond, l’intervention Divine mentionnée dans le verset ne se réfère pas uniquement à la manifestation de la Présence Divine dans le Temple ou dans des « sanctuaires microcosmiques » variés mais dans le cœur de chaque Juif. En fait, il y est fait allusion dans le verset cité ci-dessus : « Et vous Me ferez un Sanctuaire et Je résiderai en lui ». Car le terme qui signifie « en lui » est écrit au pluriel, indiquant que la présence de D.ieu ne résidait pas seulement dans le Sanctuaire mais dans chaque individu en particulier. Chacun de nous possède une étincelle Divine qui réside dans notre cœur.

De fait, de nombreux commandements de la Torah expliquent comment les différents ustensiles, les structures et les services du Temple sont parallèles aux relations avec D.ieu et nos prochains.

Quelle vision révolutionnaire de nous-mêmes ! Nous ne sommes pas des êtres humains limités, consumés dans le drame de la réalité de la vie. Nous sommes des sanctuaires pour la sainteté de D.ieu, avec la mission de répandre, dans notre environnement, la lumière de D.ieu. Quand nous prenons conscience de ce potentiel en nous et que nous le réalisons, l’atmosphère de notre foyer change et se transforme en « sanctuaire microcosmique ». Et ce concept continue de se développer, envoyant des ondes dans notre environnement et permettant l’existence d’un point central où la présence de D.ieu est manifeste.

Perspectives

Etudier les lois du Temple n’est pas un exercice d’histoire ou même, comme nous l’avons vu, un guide qui établit un parallèle avec notre propre développement spirituel. C’est le début du processus qui conduira à la véritable reconstruction du Temple. Et cela s’applique à chacun de nous au présent, même si nous ne vivons pas en Terre d’Israël.

Quand les Juifs furent exilés en Babylonie, D.ieu révéla les détails de la structure du futur Temple au prophète Yé’hézkiel. Nos Sages rapportent que le prophète répondit : « Maître de l’Univers ! Pourquoi me demander de décrire à Israël la structure du la Maison ?... En ce moment, ils sont en exil, entre les mains de nos ennemis. Peuvent-ils faire quoi que ce soit ? Laisse-les jusqu’au retour de l’exil. Et alors, j’irai les informer ».

D.ieu répondit : « La construction de Ma maison devrait-elle être ignorée parce que Mes enfants sont en exil ? ...L’étude de la Torah (de la description du Temple) est considérée comme équivalente à sa construction effective… Et, en récompense de leur étude… Je la considérerai comme s’ils avaient réellement construit le Temple ! »

Accomplir le commandement de la construction du Temple à travers l’étude nous donne ainsi l’opportunité d’en faire une construction réelle.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que la ‘Halla ?

A l’époque où le Beth Hamikdach, le Temple, se dressait à Jérusalem, on avait l’obligation de donner une partie de la pâte («‘Halla ») au Cohen car les Cohanim (prêtres descendants de Aharon) n’avaient pas reçu de terres puisqu’ils étaient employés pour le service du Beth Hamikdach.

De nos jours, les Cohanim ne sont plus en état de pureté rituelle et ne peuvent donc pas manger la ‘Halla. C’est pourquoi on effectue le prélèvement mais le morceau de pâte (de la taille d’une grosse olive) est brûlé.

Dès qu’on pétrit une pâte composée d’eau et au minimum de 1,200 kg de farine – quels que soient les autres ingrédients – on prélève la ‘Halla (s’il y a moins d’ 1,200 kg de farine, on ne prélève pas la ‘Halla). Si on pétrit plus de 1,650 kg de farine, on prononcera la bénédiction :

«Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehafrich ‘Halla».

«Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné de prélever la ’Halla».

La Mitsva de prélever la ‘Halla revient en priorité à la maîtresse de maison. Cependant elle peut confier cette Mitsva à un garçon de plus de treize ans ou une fille de plus de douze ans.

On prélève la ‘Halla sur une pâte à pain mais aussi sur une pâte à gâteau, si elle contient la quantité minimum de farine. Si la pâte à gâteau est liquide, on prélèvera la ‘Halla une fois que le gâteau est cuit.

(d’après le Kitsour Choul’hane Arou’h)

Le Recit de la Semaine

 Un voyage dangereux

Je suis né en Hollande, de parents qui avaient réussi à se cacher pendant la Shoah, qui se rencontrèrent et se marièrent après la guerre. En 1964, quand Rav Its’hak Vorst introduisit le mouvement Loubavitch aux Pays-Bas, il me persuada d’approfondir mes connaissances de Torah et ‘Hassidout et je partis donc étudier à la Yechiva de Brunoy, près de Paris.

Après mon mariage, je cherchais un travail : on me proposa d’ouvrir une boucherie cachère en Allemagne ou encore de devenir directeur d’une école de filles en France ou d’ailleurs de retourner en Hollande – comme me le conseillaient vivement mon père et Rav Vorst : mais je n’avais reçu aucune proposition de travail là-bas.

J’écrivis au Rabbi pour lui demander conseil. Quand il me répondit : « Parlez-en à vos connaissances », je compris que mes « connaissances » (en l’occurrence mon père et Rav Vorst) ne feraient que me répéter de retourner en Hollande. Mais pour y faire quoi ? Cette fois, le Rabbi répondit que je devais travailler dans l’institution qui m’offrirait « les meilleures conditions ».

Le fait est qu’il n’y avait qu’un seul endroit en Hollande prêt à m’offrir « des conditions » quelles qu’elles soient (inutile de penser aux meilleures !). Et ce travail s’avéra enrichissant à un point que je n’aurais jamais pu imaginer.

Le rabbin de la petite ville d’Amersfoort était décédé et je devais le remplacer. Mais il s’agissait d’un « package » : je devais aussi devenir l’aumônier de l’hôpital psychiatrique qui, de fait, était l’unique hôpital psychiatrique juif d’Europe. Au départ, cette perspective ne m’enchantait guère mais, depuis presque quarante ans que j’y officie, je ne cèderais ma place ici pour rien au monde. C’est une telle bénédiction de pouvoir rendre service à des gens qui souffrent de sérieux problèmes : des rescapés de la Shoah ayant perdu la raison, des enfants aux capacités limitées, des victimes innocentes de maladies mentales ou génétiques. Pour moi, ce sont « les meilleures conditions » tant cette tâche est devenue une part intégrante de ma vie.

Alors que je m’occupais de ma communauté depuis déjà quelques années, Rav Mendel Futerfass vint nous rendre visite. Rav Mendel – comme tout le monde le surnommait affectueusement – avait miraculeusement obtenu la permission de sortir d’Union Soviétique après avoir purgé des années de travaux forcés en Sibérie pour ses activités clandestines en faveur du judaïsme. Il observa dans la rue d’Amsterdam un petit garçon juif qui roulait à bicyclette : sa Kippa s’était envolée avec le vent et l’enfant ne s’était pas arrêté pour la ramasser, il continuait à rouler ! Ceci scandalisa Rav Mendel, lui qui s’était tant sacrifié pour l’éducation juive en Union Soviétique. Il déclara tout de go que ce dont la Hollande avait besoin, c’était une école juive dans laquelle les enfants apprendraient les valeurs et les traditions depuis leur plus jeune âge. Nous avons donc immédiatement commencé avec une demi-douzaine d’enfants et je fus chargé de collecter les fonds. Je contactai un homme connu pour aider les causes juives. Son organisation s’appelait Toda Rabba (« merci beaucoup ! ») et organisait des voyages en Israël pour toutes sortes de gens influents : magistrats, banquiers, politiciens – juifs et non-juifs. Ces voyages étaient devenus très appréciés car, à part les bienfaits apportés à l’image et l’économie israéliennes, ces personnes tissaient entre elles des réseaux d’influence, concluaient des affaires, échangeaient des adresses…

En 1983, l’organisateur m’invita à me joindre à eux, pour prononcer des discours ; de plus, cela me permettrait de nouer des contacts utiles pour récolter des fonds. Bien entendu, je demandai au Rabbi si je devais accepter et il me donna sa bénédiction : ce fut un voyage très intéressant à tous points de vue, en particulier pour la levée de fonds.

Quatre ans plus tard, on m’invita à nouveau à participer à un tel voyage. Une fois de plus, j’écrivis au Rabbi mais ne reçus pas de réponse. Cela m’étonnait puisque j’avais obtenu sa bénédiction la fois précédente. J’écrivis à nouveau puis une troisième fois : toujours pas de réponse ! Peut-être le Rabbi estimait-il que le moment était mal choisi (juste avant Pourim) ou que je ne devais pas quitter ma femme et mes enfants pour trop longtemps. Finalement, je téléphonais à New York au secrétariat du Rabbi et j’entendis distinctement le Rabbi déclarer au secrétaire que je ne devais pas m’associer à ce voyage. Pourquoi ? Je n’en avais aucune idée mais j’obéis.

Quelques temps plus tard, je reçus un coup de téléphone du plus grand journal du pays, Der Telegraph : le journaliste me demandait si j’avais participé à ce récent voyage et je répondis que non. Je compris un peu plus tard à quelle terrible aventure j’avais échappé : deux ou trois de ces « hommes d’affaire au-dessus de tout soupçon » se retrouvaient en prison ! Ils avaient profité de ce voyage « de bienfaisance » - sans que l’homme qui l’organisait le sache - pour établir toutes sortes de contrats au noir ; par exemple, un des politiciens avait accepté un pot-de-vin de 50.000 guider pour accorder un permis pour construire un hôtel dans une forêt protégée par l’Etat, ce qui, à l’évidence, était illégal et passible de condamnations très graves. Si j’avais participé à ce voyage, ma réputation aurait été sérieusement entachée, j’aurais dû me disculper, affronter l’opprobre publique et je n’aurais jamais été nommé Grand Rabbin de Hollande !

Le Rabbi avait vu loin - une fois de plus !

Rav Binyamin Jacobs - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

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