Kol Nidré… Tous les vœux que nous pourrions faire, toute interdiction ou sentence d'anathème que nous prononcerions contre nous-mêmes,(…) qu'ils soient tous déclarés non valides, annulés, dissous, nuls et non avenus ; qu'ils n'aient ni force ni valeur …
Kol Nidré commence très doucement. Il est chanté à trois reprises, de plus en plus fort, comme si nous pénétrions dans un Palais spirituel et nous rapprochions du Roi Eternel.
Les mots que nous prononçons lors du Kol Nidré évoquent l’annulation des vœux. Dans l’Espagne médiévale, les Juifs étaient forcés, sous la menace de l’épée, de jurer qu’ils abonnaient le Judaïsme. L’on rapporte qu’à Yom Kippour, ils se rassemblaient et annulaient officiellement de tels serments, passés ou futurs. Ils pouvaient alors prier, en ce jour sacré, avec la conscience tranquille.
Aujourd’hui, personne ne nous force à renier notre Judaïsme. Mais notre faiblesse spirituelle nous incite souvent à ressentir que nous sommes limités, assujettis ou piégés de différentes manières et en conséquence, empêchés de nous accomplir pleinement en tant que Juifs. Nous pouvons ainsi exprimer : «Je voudrais bien observer la Cacherout mais je suis obligé de manger au restaurant avec mes clients» ou bien encore : «Je n’ai tout simplement pas le temps de mettre les Tefilines»…
Ces limites constituent une forme de «vœu», un engagement à ne pas évoluer dans notre Judaïsme. A Yom Kippour, en réponse à notre sincérité, D.ieu fait disparaître toutes ces restrictions. Quels que soient nos engagements apparemment «normaux» à l’égard des valeurs matérielles et profanes, à Yom Kippour nous est donnée la liberté et nous pouvons ouvertement exprimer un amour total et une dévotion entière pour D.ieu.
Et puis, alors que le jour sacré touche à sa fin, tout dépend de nous…
Chema Kolénou : «Ecoute notre voix, Eternel notre D.ieu»
Au lieu de demander à D.ieu d’écouter notre voix, ne devrions-nous pas L’implorer d’écouter nos prières ou nos supplications ?
Un roi avait un fils unique auquel il avait donné une éducation princière, ne le privant de rien. Il l’aimait, l’avait bien élevé et lorsqu’il fut devenu adulte, le maria à une merveilleuse princesse. Le roi espérait que son fils suivrait sa voie de droiture et, au moment venu, prendrait sa succession. Et pourtant, le prince ne suivit pas les conseils de son père. Il s’attacha à de mauvaises fréquentations, des gens qui n’avaient pour but dans la vie que le plaisir et la luxure. Bientôt, il quitta son épouse. Cela jeta ses parents dans un tel désarroi qu’arriva le moment où le père bannit son fils du royaume. Le fils quitta son lieu de naissance et erra de ville en ville, à travers le monde entier. Ses habits furent mis en lambeaux. Les traits de son visage s’altérèrent tant qu’il était devenu impossible de le reconnaître et encore moins d’imaginer qu’il avait pu être un prince.
Les années passèrent. Celui qui avait autrefois été un prince souffrait terriblement. Il commença à réfléchir aux raisons de son exil et de son tourment. Il regretta son comportement et voulut tourner la page. Il décida de revenir chez son père et de le supplier de lui pardonner. Après bien des difficultés, il parvint au palais de son père. Quand il fut proche du roi, il tomba à genoux, sanglotant et implorant le pardon pour ses péchés. Mais son père ne le reconnut pas tant les conditions misérables de sa vie avaient changé ses traits. En désespoir de cause, le fils s’écria : «Père, si tu ne reconnais pas mon visage parce que j’ai changé, tu dois reconnaître ma voix ! Ma voix n’a pas changé !» Le roi écouta attentivement et en effet, il la reconnut. Il eut pitié de son fils unique et le reconduisit au palais.
Il en va de même pour nous. Nous sommes les enfants de D.ieu. Il nous aime et nous apprécie. Il nous a choisis parmi tous les peuples, nous a accompagnés sous le dais nuptial, nous a donné la sainte Torah qui nous enseigne la droiture. Mais nous nous sommes détournés de Ses commandements et avons été exilés de notre terre. La multitude de nos péchés a altéré nos traits et nous sommes devenus méconnaissables. Mais maintenant, les Jours Saints sont arrivés. Nous regrettons sincèrement notre comportement. Nous voulons revenir vers D.ieu. Nous nous exclamons alors : «Ecoute notre voix, Eternel notre D.ieu. Si Tu ne reconnais pas nos traits, nous Te supplions de reconnaître notre voix car nous sommes Tes enfants. Epargne-nous, aie pitié de nous et accepte-nous avec miséricorde et favorablement».
Al ‘Het : «Pour le péché que nous avons commis devant Toi…»
Chaque année, Yom Kippour vient et s’en va. Nous approchons du Jour du Jugement avec appréhension car nous savons qu’en ce jour, D.ieu scellera notre sort pour l’année à venir et qu’il s’agit alors de notre dernière chance pour influer sur la décision du jugement. Mais en réfléchissant, bien que nous ayons pris des résolutions et fait des promesses l’an passé, pouvons-nous affirmer, en toute honnêteté, que cette année a été bien meilleure que la précédente ? Yom Kippour change-t-il réellement la manière dont nous vivons notre vie ? A-t-il un effet permanent ? Malheureusement, pour bon nombre d’entre nous, la réponse est négative. Quel est donc l’intérêt de cet exercice annuel de Yom Kippour ?
Yom Kippour ou Jour du Jugement contient l’un des messages les plus profonds de la Torah : il existe toujours une seconde chance. Aussi loin que nous nous soyons détournés, aussi impies que nous ayons été, se présente toujours une occasion pour tout recommencer. Quand bien même, l’an dernier, nous nous sommes repentis pour exactement les mêmes manquements, notre Père Bienveillant dans les Cieux est toujours prêt à nous accorder Son pardon comme si nous L’implorions pour la première fois.
Nulle part cela n’est plus puissamment exprimé que dans les prières de Yom Kippour. La confession des péchés fait partie intégrante de la liturgie de ce Jour saint. Nous nous y livrons une première fois dans le service de l’après-midi de la veille de Kippour. Pour que nos péchés soient pardonnés à Yom Kippour, nous devons au préalable confesser ce qui a été commis. Ainsi le faisons-nous avant même le commencement du saint Jour.
Cependant, on peut s’interroger sur la raison de la nécessité de répéter cette confession à quatre reprises dans les prières. Une seule confession avant même le début de la fête n’est-elle pas suffisante ?
Il se peut que, par inadvertance, nous ayons péché après l’une des confessions précédentes, si bien qu’il nous est donné l’opportunité de chercher un second pardon.
Le message est fort et clair : quoi qu’il se soit passé plus tôt, D.ieu nous juge sur le présent immédiat. Puisqu’à ce moment précis, nous sommes emplis de remords et confessons nos erreurs, D.ieu nous pardonne. Ce qui est arrivé dans le passé et ce qui peut arriver dans le futur est hors de propos.
Mais pour que notre confession obtienne le pardon, nous devons être sincères. Bien évidemment, il est totalement inadéquat de dire : «Je vais procéder à tout le processus de confessions de Yom Kippour, mais dès son issue, je reviendrai à la vie ‘normale’.»
Et c’est ici qu’apparaît une autre dimension du Jour du Jugement.
Dans le monde au rythme plus que soutenu dans lequel nous vivons, alors que bon nombre d’entre nous n’ont même pas assez de temps à consacrer à leur famille, nous n’avons pratiquement jamais l’occasion de procéder à une introspection, d’examiner si nous nous sommes décemment comportés avec autrui ou si nous avons grandi spirituellement.
Une fois par an, à Yom Kippour, nous sommes obligés de faire face à nos démons intérieurs. Nous devons assumer nos défauts et nous battre contre eux. Nous est alors donnée l’opportunité de ressentir un réel regret, des remords et de prendre des résolutions positives pour l’année à venir. Cette introspection annuelle, assure, tout au moins dans notre subconscient, que nous vivons une vie responsable. Nous savons, qu’une fois par an, nous devons rendre compte de nos actes, non seulement à D.ieu mais également à nous-mêmes. C’est ainsi que Yom Kippour permet d’assurer que nous ne serons pas emportés par la vie au point de perdre la conscience de nos faiblesses. Yom Kippour permet d’assurer que nous entretenons notre santé spirituelle mais aussi notre morale.
Assurons-nous donc de profiter au mieux de notre Yom Kippour annuel et de réserver notre place dans le Livre de la vie de D.ieu mais également dans le nôtre. Rappelons-nous que tout est entre nos mains.