Samedi, 6 décembre 2014

  • Vayichla’h
Editorial

 Jour de vie

Les grands événements ont ce point de commun de changer de nature au fil des années. Lorsqu’ils interviennent, leurs contemporains en perçoivent avec force toute la grandeur, le caractère exceptionnel et l’importance pour chacun. Puis arrive le premier anniversaire et tous revivent les péripéties – et parfois les vicissitudes – traversées et conviennent qu’une telle commémoration était nécessaire. Année après année, comme inéluctablement, les sentiments les plus vrais des hommes sincères finissent par s’user. La commémoration se maintient donc beaucoup par sens du devoir, un peu par habitude. Et vient le temps où l’on entend qu’il s’agit là d’histoire ancienne, que cela eut une importance évidente en son temps mais qu’il faut maintenant y lire, y comprendre autre chose. Les temps n’ont-ils pas changé ? De fait, tel est le destin des hommes et de leur mémoire – comme, du reste, de toute chose créée – l’éternité ne leur appartient pas.

Pourtant, voici que vient le 19 Kislev. Un jour de célébration comme les autres dira-t-on ? L’anniversaire de la libération de prison, dans la Russie tsariste, de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, l’auteur du Tanya, le fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad au dix-neuvième siècle, déclaré Roch Hachana de la ‘Hassidout, précisera-t-on ? Cependant, voici qu’il revient non comme la commémoration obligée d’un jour jadis grandiose mais bien comme la fête de notre temps, la plus belle, celle du cœur et de l’esprit unis dans une célébration de liberté. Tout se passe comme si le passage des années n’avait pas de prise sur elle, plus encore, comme s’il ne faisait qu’y ajouter sens et puissance pour des couleurs d’émotion toujours plus fortes et une énergie de la pensée toujours plus grande.

Il est loisible de s’interroger. Pourquoi un tel jour n’en vient-il pas à vieillir ? Pourquoi chacun peut-il le vivre avec toute la solidité du passé, la certitude de l’instant présent et l’assurance de l’avenir ? Peut-être la réponse tient-elle en un mot ? La ‘Hassidout. Domaine d’étude et chemin du service de D.ieu, sens profond et essentiel de la Torah, véritable et puissante énergie apte à révéler profondément celle de l’âme, elle ne se plie pas aux catégorisations faciles de moderne ou d’ancien. Elle se contente d’être cette lumière sur le chemin, cette flamme qui nous guide et nous anime, cet écho dans un chant ‘hassidique ou cet enthousiasme au cœur du rite et de l’étude. Elle est l’héritage de tous et une clé : celle du temps de toute Sagesse, le temps de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 La voix et les mains

Le texte de la Torah (Gen. 27 : 22) enseigne : «La voix est celle de Jacob et les mains sont celles d’Esaü ». Sachant que Jacob représente le peuple juif et que Esaü est l’ancêtre de l’empire romain, les Sages donnent à cette phrase un sens plus profond. Quand on entend la «voix de Jacob», celle de la Torah, disent-ils, alors les «mains d’Esaü», sa force matérielle, n’ont aucun pouvoir. Mais, quand la voix de la Torah s’affaiblit, les mains d’Esaü peuvent l’emporter.

Cette idée se concrétisa à l’époque de la destruction du Temple. C’est ce que dit le prophète Jérémie : «Pourquoi la Terre a-t-elle été perdue ? Car ils ont abandonné Ma Torah». En notre temps, par l’étude renforcée de la Torah, nous pouvons donc annuler la cause de l’exil et ainsi amener la Délivrance.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. III – Parachat Toledot) 

Vivre avec la Paracha

 Vayichla’h 2014: Soyez un chalia’h 

Lors du Chabbat Vayichl’ah 5747 (1986), le Rabbi décrivit la vie de notre patriarche Yaacov en termes de chli’hout, l’envoi d’un émissaire pour remplir une mission qui lui est assignée et qui, à son tour, désignera d’autres envoyés pour disséminer, encore plus loin dans le monde, la volonté de D.ieu.

Les émissaires de Yaacov devaient se rendre jusqu’au champ d’Essav, l’endroit extérieur le plus éloigné pour accomplir leur mission. Et Yaacov, quant à lui, estimait que puisqu’il avait accompli son travail, il était prêt à faire un pas de géant et faire venir Machia’h.

Dans nos missions présentes, nous devons également ne pas nous satisfaire de nos propres objectifs et encourager et permettre à d’autres d’accepter la chli’hout et de sortir raffiner le monde. Nous devons être tout à la fois des «envoyés» et des «expéditeurs», surmontant notre égo limité et soumettant nos désirs personnels au service de D.ieu. Tel est le double rôle du délégué qui délègue.

Nous devons investir tous nos efforts dans notre travail et une fois cela accompli, attendre Machia’h, tout comme le fit Yaacov.

 

Chabbat, Youd Tèt Kislèv, doubles auspices

Ce Chabbat précède Youd Tèt Kislev (19 Kislev) et possède donc un lien très profond avec ce jour propice puisqu’il célèbre la libération des prisons russes de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi. Ce jour correspond au «Roch Hachana» de la ‘Hassidout et depuis le Chabbat qui le précède, se déversent encore plus de bénédictions.

Tout cela souligne la nature exceptionnelle de ce Chabbat et sa relation avec Youd Tèt Kislev.

Vayichla’h : envoie des messagers à l’ « extérieur ».

Plusieurs thèmes de la Paracha se concentrent sur les points communs entre ce Chabbat et la fête ‘hassidique qui vient. Il s’agit tout d’abord du thème général de la Paracha comme le présente son nom : Vayichla’h (et Yaacov envoya des messagers).

Rabbi Chnéor Zalman fut libéré de prison le jour de Youd Tèt Kislev et il se dévoua immédiatement à la tâche de disséminer les sources de la  ‘Hassidout à l’ «extérieur». Le lien avec Vayichla’h est clair car cette Paracha évoque le fait d’envoyer des gens en mission et l’accomplissement ultime de la dissémination des fontaines de la ‘Hassidout aboutira lorsque la mission atteindra «le champ d’Edom dans la région de Séir» (Beréchit 32 :1).

«Yaacov» représente et inclut toutes les âmes du Peuple Juif.

Dans le Tanya, nous pouvons lire :

L’âme d’Israël Sava (littéralement Israël le Patriarche ou Israël l’ancien, Yaacov) qui (est) composée de toutes les âmes (Igérèth Hakodèch, ch. 7).

Tel est précisément le rôle du Nassi de la génération, puisque le mot Nassi est un acrostiche de la phrase «une étincelle de l’âme de notre père Yaacov». Il est l’esprit et la tête qui incorpore la génération entière et «le Nassi est tout» (Rachi, Bamidbar 21 :21).

Le sens caché de ce verset : «Yaacov envoya des messagers devant lui… jusqu’au champ d’Edom dans la région de Séir» (Beréchit, 32 :1) nous indique qu’il envoya ses messagers partout, même dans le lieu le plus bas, le champ d’Edom à Séir, un endroit terriblement «extérieur», pour y répandre la Torah, le Judaïsme, la Loi et les fontaines de la ‘Hassidout.

Puis, sa mission réussie, Yaacov arriva sauf à proximité de Che’hem (ibid. 33 : 18).

Comme l’ajoute Rachi, «intègre dans son corps… entier en ce qui concerne ses possessions… et parfait dans sa connaissance de la Torah…

Cette entièreté appliquée à lui-même comme à son travail avec les hommes de l’extérieur, constituait la première étape dans la rectification des forces d’Essav qui sera complétée avec la venue de Machia’h. Ce n’est qu’alors que Yaacov put s’installer en paix : Avec facilité et paix tu seras sauvé (Yichayahou 30 :15).

 

Le Baal Chem Tov : disséminer la ‘Hassidout
fait venir Machia’h

Quand le Baal Chem Tov posa sa célèbre question à Machia’h : «quand le Maître viendra-t-il ?», il reçut en réponse : «Quand tes enseignements seront révélés… et que les sources de tes enseignements jailliront à l’extérieur». Nous pouvons en déduire qu’en disséminant les enseignements de la ‘Hassidout, nous faisons venir Machia’h.

Tout le monde peut être un chalia’h (émissaire) du Nassi de la génération et s’impliquer dans la diffusion de la Torah, du Judaïsme et des sources de la ‘Hassidout vers l’extérieur. Ces efforts achèveront le raffinement du monde matériel. Alors, «des envoyés monteront sur le Mont Sion pour juger le Mont d’Essav et la royauté sera celle du Seigneur» (Ovadiah 1 :21).

 

Faire son travail et attendre Machia’h

Ainsi, celui qui est envoyé dans un lieu particulier pour s’impliquer dans une responsabilité spécifique doit se concentrer sur sa mission et quoi qu’il arrive ailleurs ou à d’autres, il doit considérer que rien d’autre n’existe au monde en dehors de sa mission. Cela doit être si imprégné dans son esprit qu’il doit être persuadé que, dès que sa mission sera accomplie, Machia’h viendra pour délivrer le monde entier.

Nous mériterons alors d’assister à l’allumage de la Menorah à sept branches du Saint Temple de Jérusalem et même avant cela, puissions-nous mériter de célébrer Youd Tèt Kislev avec notre juste Machia’h et connaître la joie parfaite d’entendre sa harpe à huit cordes !

D’après une si’ha du Rabbi : Vayichla’h 5747 (1986)

Le Coin de la Halacha

 En quoi consiste l’obligation d’étudier la Torah ?

Chacun doit étudier la Torah autant que possible, au moins quelques instants par jour ainsi que la nuit. La Torah protège et sauve. Même celui qui craint d’oublier ce qu’il a étudié doit savoir qu’«il n’y a pas d’oubli devant le Trône de Ta Gloire» et la Torah qu’il a étudiée (même s’il l’a oubliée) se tient devant D.ieu et lui est comptée comme un mérite.

Il serait bon que chacun s’efforce d’apprendre par-cœur des passages de Torah afin qu’ils soient gravés dans sa mémoire.

Même celui qui travaille et ne dispose pas de beaucoup de temps doit se concentrer et consacrer du temps, en quantité et en qualité, à l’étude de la Torah. Ceux qui peuvent se consacrer à l’étude toute la journée doivent bien entendu donner l’exemple et «se fatiguer» dans la compréhension, avec joie et enthousiasme.

Le père a l’obligation d’enseigner la Torah à son fils ; dès que celui-ci commence à parler, le père lui enseigne le verset : «Torah Tsiva…», «La Torah que Moché (Moïse) nous a enseignée est un héritage pour l’assemblée de Yaakov (Jacob)» (Devarim – Deutéronome 11) ainsi que le verset : «Chema Israël…».

Les femmes et filles ont l’obligation d’étudier les lois qu’elles doivent appliquer, c’est-à-dire toutes les Mitsvot négatives («ne fais pas») ainsi que les Mitsvot positives qui ne sont pas limitées par le temps, en particulier les Mitsvot spécifiques des femmes comme la Cacherout, les lois de pureté et de modestie et le Chabbat. Comme les femmes sont astreintes à connaître, aimer et craindre D.ieu, elles doivent aussi étudier la ‘Hassidout.

F.L. (d’après Rav Shmuel Bistritzky – Hamitsvaïm Kehil’hatam)

Le Recit de la Semaine

 Quarante ans depuis que j’ai pleuré pour la dernière fois…

Ouri Amit était un homme d’affaires dynamique et prospère en Israël. Au fur et à mesure de ses voyages à l’étranger, il se rendit compte qu’il devait améliorer ses connaissances en anglais. Il engagea donc un professeur particulier.

Celui-ci était en fait un professeur américain à la retraite qui vivait maintenant à Haïfa et donnait des cours pour arrondir ses revenus. Par ailleurs, il avait de vastes connaissances générales qu’il intégrait dans ses cours.

Durant l’un de ces cours, la conversation tourna autour de la religion et du judaïsme en particulier. Quand il évoqua les Juifs orthodoxes, le professeur d’ordinaire si courtois ne cacha pas sa désapprobation et utilisa tous les poncifs habituels et méprisants qu’on entend parfois dans la société israélienne à l’égard de ces citoyens pratiquants.

Bien qu’Ouri ne fût lui-même pas très pratiquant, il fut choqué des termes employés et remarqua : «Ce n’est pas tous les Juifs orthodoxes qui se comportent ainsi. Justement, j’en connais beaucoup qui sont différents et qui sont même remarquables !».

Profitant d’un vide dans la conversation, Ouri raconta : «Il y a quelques années, je me suis rendu chez le Rabbi de Loubavitch un dimanche matin alors qu’il distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité). Quand mon tour approcha, on interrompit la queue dont je faisais partie et on fit passer les femmes. J’eus donc tout le temps d’observer le Rabbi pendant ce temps. J’aperçus alors une femme que je connaissais, la belle-mère d’un vieil ami : j’étais très surpris parce que je connaissais ses opinions quant à la religion. Elle n’avait jamais caché son anti-religiosité et attaquait toujours violemment le judaïsme et ceux qui le pratiquaient méticuleusement. Je fus d’autant plus surpris quand j’entendis distinctement le Rabbi lui dire : «Vous devez commencer à allumer les bougies de Chabbat !».

Sa réaction me stupéfia : elle éclata littéralement en sanglots et, quand elle quitta la queue, elle s’évanouit ! Les gens se précipitèrent autour d’elle pour l’aider à se relever et l’aider à s’asseoir.

Après que j’aie reçu mon dollar de la main du Rabbi, je me suis précipité vers cette dame et lui ai demandé de m’expliquer sa réaction.

- Vous savez, dit-elle, je suis une rescapée de la Shoah. Après tout ce que j’ai subi, j’ai cessé de croire en D.ieu et me suis complètement éloignée de tout ce qui est religion. J’étais venue à New York pour rendre visite à ma fille et, quand elle m’a informée qu’elle se rendait chez le Rabbi, j’ai refusé d’aller avec elle. Mais elle a tellement insisté que je l’ai finalement accompagnée.

Quand je me suis trouvée face au Rabbi et qu’il m’a demandé pourquoi je n’allumais pas les bougies de Chabbat, je me suis soudain souvenue de ma mère – que D.ieu venge son sang ! Telle avait été sa dernière requête avant que les Nazis ne nous séparent à jamais : «Ma fille ! Veille à toujours allumer les bougies de Chabbat !». Voilà pourquoi j’ai été submergée par l’émotion et je me suis évanouie ! »

Ouri conclut son histoire : «Cette femme est maintenant décédée. Mais je n’oublierai jamais cette rencontre !».

Soudain le professeur éclata lui aussi en sanglots. Il pleura de façon incontrôlée pendant quelques minutes sans qu’on puisse le raisonner. Ouri se leva et partit de la maison, laissant le vieil homme seul avec ses émotions.

Le lendemain, quand Ouri revint pour son cours habituel, le professeur s’excusa pour son attitude de la veille.

- Vous devez comprendre ! Je me souviens très bien moi aussi de cette femme. Elle m’avait une fois raconté sa vie ou plutôt ses mille morts dans les camps et comment sa propre mère lui avait demandé d’allumer les bougies de Chabbat.

La voix brisée, il ajouta : «Cela fait maintenant plus de quarante ans que je n’ai pas pleuré. Vous devez comprendre : cette femme était ma mère !».

The Avner Institute

Traduit par Feiga Lubecki

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