Le rendez-vous
Une date : 14 décembre ; un lieu : les salons Equinoxe ; un événement : le gala annuel du Beth Loubavitch. Le mot «gala» évoque des idées très diverses. Si l’on en faisait la liste rapide, on y trouverait sans doute, parmi bien d’autres, celles de rituel obligé, de nécessité communautaire, de solidarité ou de soutien actif. Pourtant, au fil des années, il existe des cérémonies de ce type qui, peu à peu, perdent de leur éclat. Est-ce l’usure du temps, la lassitude des participants ? Le fait est que, dans bien des cas et malgré les efforts méritoires des organisateurs, la splendeur d’antan semble bien lointaine. Pourquoi le gala du Beth Loubavitch échappe-t-il donc à la règle ? Pourquoi donc chacun ressent-il à la fois comme une joie et un devoir d’y être présent ? Pourquoi les participants y sont-ils, chaque année, plus nombreux et aussi plus heureux que jamais ? Comme s’ils se rendaient à une grande fête attendue et jamais décevante.
Certes, il ne faut pas mésestimer le fait que tous sont parfaitement conscients des enjeux. L’action du Beth Loubavitch, au service de tous dans la région parisienne, fait tant partie du paysage communautaire que ses avancées sont décidément celles de tout un chacun et ses réussites, un motif de satisfaction générale. Il est vrai que toute la communauté se sent ainsi partie prenante dans ces accomplissements et chacun sait pouvoir en bénéficier quand et où il en a besoin. Cela suffirait sans doute à expliquer, au moins dans une certaine mesure, le succès jamais démenti de ce gala.
Pourtant, il y a encore autre chose : un élément impalpable, profondément attachant, une atmosphère que les mots peinent à exprimer. Car ce gala est aussi, et peut-être surtout, un temps précieux, un moment de retrouvailles, de joie. N’ayons pas peur des mots : c’est, au plein sens du terme, un moment de bonheur. Cela semble-t-il paradoxal ? Sans doute mais c’est ainsi que chacun vit cette soirée aux côtés de sa famille et de ses amis, la chaleur au cœur. C’est peut-être d’ailleurs là que tient tout le secret. Au dehors, il fait froid. L’hiver est parmi nous et les hommes ont trop tendance à s’enfoncer avec complaisance dans cette ère de glaciation des âmes et des esprits. Mais ici, au gala du Beth Loubavitch, le temps est à la chaleur qui rapproche les hommes, crée le bonheur et en assure la pérennité.
Le gala du Beth Loubavitch ? Beaucoup plus qu’un rendez-vous comme les autres, une expérience profonde que personne ne veut manquer.
La vraie grandeur
Quand Machia’h viendra, chacun reconnaîtra l’immense valeur de la hodaah – la reconnaissance de D.ieu enracinée dans la foi pure – et de la Temimout – la parfaite sincérité avec lesquelles tous les Juifs croient en D.ieu et accomplissent Ses commandements.
En effet, l’étude de la Torah est fondamentalement un objet de compréhension, ce qui est toujours limité même au plus haut degré. Au contraire, la reconnaissance de D.ieu qui prend source dans la foi est un sentiment infini. C’est Machia’h qui en montrera toute la supériorité.
(d’après Hayom Yom, p.9)
Vayichla’h : une femme portée vers l’extérieur
Et Dinah, la fille de Léah, qu’elle avait donnée à Yaakov, sortit pour voir les filles du pays. Et Ch’hem fils de ‘Hamor le ‘Hivit, prince du pays, la vit ; et il la violenta… (Béréchit 34: 1-2)
Dans le trente-quatrième chapitre de Béréchit, nous lisons le viol de Dinah, le complot de ses frères pour rendre invalide le peuple de Ch’hem, son sauvetage et la destruction de la ville.
Nos Sages remarquent que dans le verset qui ouvre ce récit, la Torah introduit Dinah comme la fille de Léah. Elle n’est pas appelée «la fille de Yaakov» ni «la fille de Yaakov et Léah» ni même «la fille de Léah et Yaakov», mais «la fille de Léah qu’elle avait donnée à Yaakov». Rachi explique :
Parce qu’elle sortait, elle est appelée «la fille de Léah».Car [Léah] aussi sortait, comme il est écrit «Et Léah sortit pour l’accueillir» (Béréchit 30:16). En ce qui la concerne, il a été dit «telle mère telle fille».
A première vue, cela paraît une condamnation du comportement de Léah et de Dinah. La qualité de la femme juive est sa Tsniout, la discrétion dans la tenue vestimentaire et dans le comportement, comme l’exprime le verset (Psaumes 45: 14) : «Toute la gloire de la fille du roi est à l’intérieur». Une fille juive, semble dire Rachi, ne se doit pas de sortir pour rendre visite aux filles d’une terre païenne, elle ne se comporte pas comme la fille de Yaakov, mais comme sa mère qui est connue pour être, en certaines occasions, sortie toute seule. Car pour la fille du roi, quitter son sanctuaire intérieur, c’est s’exposer à toutes sortes de rencontres néfastes, comme le démontre tragiquement l’histoire de Dinah.
Pourtant, ce n’est pas ici l’intention de Rachi car cela irait à l’encontre de ce qu’il écrit dans son commentaire d’un verset précédent.
Quelques chapitres plus tôt, alors que Yaakov se prépare à rencontrer son frère impie Essav, nous lisons :
Et [Yaakov] prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze fils et il traversa le gué de Yabok (Beréchit 32: 23).
Rachi demande : Qu’en est-il de sa fille ?
Où était Dinah ? Yaakov l’avait placée et enfermée dans une caisse de peur que Essav pose ses yeux sur elle. C’est pour cette raison que Yaakov fut puni car s’il ne l’avait pas ôtée à la vue de son frère. Peut être aurait-elle pu le ramener sur le droit chemin. [La punition fut] qu’elle tomba entre les mains de Ch’hem.
En d’autres termes, ce fut l’isolement dans lequel Yaakov mit Dinah, et non le fait que Dinah et Léah sortaient qui causa le malheur de Dinah. Elle n’aurait pas dû être cachée à Essav. Sa rencontre avec le monde n’aurait pas dû être évitée. En fait, elle aurait été bienvenue. Yaakov craignait qu’elle ne soit corrompue par son oncle. Il aurait dû réaliser qu’avec sa fermeté morale et son intégrité inébranlable, elle aurait certainement exercé sur Essav une influence positive.
C’est là le sens profond de l’adage «telle mère telle fille» cité par Rachi. Nos enfants héritent non seulement de nos caractéristiques visibles mais aussi de nos potentiels latents. Physiquement, une mère aux yeux marrons peut transmettre à son enfant le potentiel d’yeux bleus qu’elle a hérité de sa propre mère, mais qui dort dans ses gênes. Spirituellement, un parent peut transmettre à son enfant la capacité de parvenir à ce qui est, pour le parent, rien de plus qu’un subtil potentiel enfoui dans les recoins les plus reculés de son âme.
Ainsi, le fait que Dinah sorte pour faire connaissance avec les filles du pays était-il en accord parfait avec ses dons exceptionnels et ceux de sa mère. S’exposer à un environnement étranger n’aurait pas affecté négativement sa féminité juive, sa gloire intérieure de fille du roi. Bien au contraire, elle était née pour tenir le rôle d’une femme d’extérieur qui sert à illuminer son entourage sans compromettre sa pudeur et son intériorité. C’est plutôt la tentative de Yaakov de l’enfermer qui invita le désastre. En se rendant vers «les filles du pays», Dinah était assurément la fille de Léah dans le sens positif. Elle n’était pas la fille de Yaakov car Yaakov avait hésité à donner à sa nature véritable l’occasion de s’exprimer.
A l’intérieur, à l’extérieur
C’est là que réside un message pour les femmes de toutes les générations :
La Torah voit l’homme et la femme comme ayant reçu de leur Créateur des caractéristiques et des rôles différents. L’homme est un conquérant chargé d’affronter et de transformer un monde souvent hostile. A cette fin, il a été doté d’une nature extravertie et agressive, une nature qu’il doit appliquer constructivement dans la guerre de la vie, la guerre pour combattre et supprimer le négatif et libérer les occasions et les éléments positifs, captifs dans les coins les plus spirituellement désolés de la Création de D.ieu.
La femme lui est diamétralement opposée. Sa nature intrinsèque refuse la confrontation, elle est introvertie et discrète. Pendant que l’homme combat les démons de l’extérieur, la femme cultive la pureté de l’intérieur. Elle est le pilier de son foyer, la mère nourricière et l’éducatrice de la famille, le gardien de tout ce qui est saint dans le monde de D.ieu. Toute la gloire de la fille du roi est à l’intérieur.
Mais « à l’intérieur » ne signifie pas nécessairement dedans. La femme joue également un rôle qui s’étend au-delà du foyer, vers les filles les plus étrangères et les pays les plus païens. Une femme dotée du talent d’influencer ses sœurs peut et doit «sortir» laissant pour un moment son havre de sainteté pour aller vers ceux qui ont perdu le sens et la direction de leur vie.
Et quand elle le fait, elle n’a besoin ni ne doit prendre la démarche guerrière d’un homme. La confrontation et la conquête ne sont pas les seules armes pour agir sur le monde extérieur, il existe également une approche féminine faite de gentillesse, de discrétion et de compassion pour extraire le bon du mal qui fait rage à l’extérieur.
La confrontation est souvent nécessaire mais elle est aussi souvent inefficace voire nuisible. Même la bataille la plus féroce a besoin de la touche de la femme qui va vers l’extérieur.
Qui doit enseigner la Torah ?
Le père a l’obligation d’enseigner la Torah à ses enfants. Dès que l’enfant commence à parler, on lui apprend le verset «Torah Tsiva Lanou Moché Moracha Kehilat Yaakov» - «La Torah que Moché (Moïse) nous a enseignée est un héritage pour la communauté de Jacob» (Deutéronome 33, 4). Puis on lui fera aussi répéter (ou chanter) les onze autre versets et citations talmudiques sélectionnés par le Rabbi de Loubavitch.
L’école embauchera des professeurs conscients de la Présence de D.ieu («Yirat Chamayim») afin que les enfants soient imprégnés d’une atmosphère pure. On commencera l’étude du ‘Houmach (Pentateuque) avec la première Paracha de Vayikra (Lévitique), décrivant les sacrifices : «Que viennent les (enfants qui sont) purs et qu’ils s’occupent des (sacrifices qui sont) purs !».
Le professeur aura à cœur d’utiliser chaque moment pour enseigner aux enfants : «On ne laisse pas les enfants négliger l’étude de la Torah, même pas pour qu’ils participent à l’édification du Temple !». L’enseignant ne sortira pas de la classe pour un motif futile, ne téléphonera pas et ne mangera pas ( ! )… pendant le cours. Il ne punira pas excessivement les élèves mais aura à cœur de développer au maximum le potentiel de chacun.
Même celui qui n’a encore que peu de connaissances dans la Torah peut – et doit – déjà enseigner ce qu’il sait : «Dès qu’on sait lire le Aleph, on peut déjà l’enseigner à un autre Juif même si on ne connaît pas encore le «Beth» ! (Bien entendu, on se hâtera d’apprendre le reste de l’Aleph-Beth - et bien plus que cela !)
Les femmes ont également l’obligation d’étudier la Torah :
1) pour connaître les lois qu’elles doivent appliquer, y compris l’amour et la crainte de D.ieu.
2) pour enseigner la Torah à leurs enfants et les encourager dans son étude.
Les enseignants devront suffisamment manger et dormir afin de pouvoir enseigner correctement.
F. L. (d’après le Kitsour Choul’han Arou’h)
Au secours ! Tchernobyl !
Rav Yaakov Biderman est un Chalia’h, l’émissaire du Rabbi en Autriche.
Peu après la terrible catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1988, Rav Biderman reçut un coup de fil urgent de New York : un des secrétaires du Rabbi, Rav Leibel Groner lui transmit un appel du Rabbi. Non loin de là où habitait Rav Biderman – en Ukraine exactement – la centrale atomique de Tchernobyl avait explosé, libérant dans l’atmosphère à des kilomètres à la ronde, des radiations nucléaires cent fois plus puissantes que la bombe d’Hiroshima. Tous les habitants de cette région étaient en danger de mort, particulièrement les enfants en pleine croissance.
«Rav Biderman ! Le Rabbi m’a dit de vous appeler pour que vous agissiez le plus vite possible : vous devez évacuer un maximum d’enfants juifs de la région de Tchernobyl et les faire émigrer en Israël. Le Rabbi précise que c’est une question de vie ou de mort. Chaque minute qui passe, ce sont des vies qui sont perdues ! Faites tout ce que vous pouvez pour les sauver ! Chalom ! »
Et le secrétaire raccrocha.
Pétrifié, Rav Biderman essayait de comprendre ce qui lui arrivait : pourquoi le Rabbi faisait-il appel à lui ? Comment pouvait-il, lui qui venait à peine de s’installer à Vienne pour répandre le judaïsme, dans un environnement apathique, sauver des milliers d’enfants en Ukraine ? Mais surtout : contrairement à d’autres émissaires du Rabbi, il n’avait absolument aucun contact avec l’URSS ou Israël ! Il ne savait même pas par où commencer !
Ce soir-là, il devait se rendre à un mariage important avec son épouse. Mais perturbé par le coup de fil qu’il venait de recevoir, il n’avait même pas envie d’y aller. Cependant, il ne pouvait se permettre cet impair.
Assis à la table d’honneur, il ne parvenait pas à apprécier la musique, les plats élaborés, l’atmosphère joyeuse…
«Que se passe-t-il, Monsieur le Rabbin ? lui demanda l’un des convives. Vous ne vous sentez pas bien ? C’est pourtant une Mitsva de réjouir les mariés !»
L’homme d’affaires prospère qui lui parlait l’avait souvent aidé avec des dons significatifs pour ses activités communautaires.
Soudain, Rav Biderman eut une idée. Une idée folle…
«Dites-moi, Monsieur R… Si je vous disais qu’un train bondé d’enfants juifs roulait vers Auschwitz, vers une mort certaine et que vous pouvez les sauver, que feriez-vous ?»
L’homme regarda Rav Biderman, comme pour comprendre s’il était sérieux ou non puis répondit : «Ce que je ferais ? Je donnerais tout ce que je possède pour empêcher cette horreur ! C’est terrible !»
«C’est exactement ce qui se passe actuellement, avec tous ces enfants juifs de Tchernobyl qui sont en danger de mort ! Vous pouvez agir pour les sauver !»
Ce soir-même, l’homme promit de donner un million de dollars (!) pour commencer à sauver les enfants de cette région sinistrée.
La même nuit, Rav Biderman téléphona à des amis en Israël et bien vite on le mit en relation avec la personne capable de mener à bien cette entreprise : Rav Yossef Its’hak Aharonov, directeur de la Jeunesse Loubavitch en Terre Sainte.
Bravant toutes les difficultés (financières, bureaucratiques, sanitaires…), le mouvement Loubavitch israélien a réussi à ce jour à faire évacuer vers Israël des milliers d’enfants juifs de la région de Tchernobyl. Dans le village de Kfar ‘Habad, on a créé des institutions scolaires à leur intention. Là, ils reçoivent également les soins nécessaires pour leur guérison ainsi que la nourriture saine qui leur avait fait cruellement défaut.
Petit à petit, les parents rejoignent leurs enfants.
Mais ce n’est que la première partie de l’histoire.
Depuis que le mouvement Loubavitch répand des émissaires à travers le monde, la coutume a été instituée que si l’un d’entre eux obtient un don important pour un autre, celui-ci doit rendre un tiers de la somme pour le premier émissaire, pour ses projets éducatifs.
C’est ainsi que Rav Aharonov informa Rav Biderman que trois cent mille dollars lui revenaient de droit. C’était une somme importante que Rav Biderman saurait certainement utiliser pour son école en Autriche.
Mais Rav Biderman n’hésita pas.
«Je ne veux pas d’argent ! Je veux une bénédiction du Rabbi ! Rav Aharonov, je veux que vous demandiez au Rabbi une bénédiction pour mon Beth ‘Habad. Ce sera mon salaire ! Dites au Rabbi que je ne veux pas de pourcentage mais une bénédiction pour un succès miraculeux, au-delà de toutes prévisions !»
Rav Aharonov appela le secrétariat du Rabbi, exposa la requête tout à fait inhabituelle de son collègue en Autriche et, quelques heures plus tard, reçut une réponse du Rabbi qui accordait sa bénédiction.
A partir de ce jour, il sembla qu’un nouveau monde s’était ouvert devant Rav Biderman, comme si tous les obstacles qu’il rencontrait auparavant s’étaient évanouis. Il se lança dans un projet énorme : une université juive à Vienne ! C’était ce qu’il fallait pour retenir les étudiants juifs prêts à s’assimiler dans les facultés et grandes écoles de l’Etat. Rav Biderman était prêt à tout pour sauver encore d’autres jeunes Juifs.
Avant la bénédiction du Rabbi, cela avait semblé impossible. Mais maintenant c’était différent. Dès qu’il exposa son idée en public, les fonds et les aides affluèrent de toutes parts. Des gens que, dans ses rêves les plus fous, il n’aurait pas sollicités lui offraient spontanément leur aide ; même des personnalités auparavant hostiles à sa personne et au judaïsme orthodoxe qu’il représentait s’intéressaient à son projet et intercédaient en sa faveur auprès des autorités. Le regretté Simon Wiesenthal l’aida activement.
C’est ainsi que Rav Biderman a pu construire un complexe universitaire juif d’une valeur de plusieurs millions de dollars dans le cœur de Vienne.
En s’adressant à Rav Biderman, le Rabbi avait sauvé non seulement les enfants de Tchernobyl mais aussi ceux d’Autriche.
Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki