Editorial
Eloge de la petitesseLe calendrier juif réserve parfois des surprises. Il sait, à l’improviste, retenir notre attention et, tout à coup, nous propulser dans un monde différent. Voici que notre semaine s’est ouverte sur un jour, le 14 du mois de Adar I, qui porte un bien beau nom: Pourim Katan ou le “petit Pourim”. Par ces simples mots, c’est toute une perspective nouvelle qui nous est offerte. Il existe donc un “grand Pourim” que l’on célébrera en son temps, dans un mois environ, le 14 Adar II, avec son cortège de rites, de lois et de coutumes indispensables, et un “petit Pourim” qui en donne à voir une sorte de préfiguration.
Pourtant, chacun sait qu’aucune cérémonie particulière n’a marqué ce jour, que les rites eux-mêmes sont restés bien silencieux et que la joie sans borne, si caractéristique de la période, n’a pas été au-delà de toutes les limites de façon manifeste. Tout porterait à penser que ce Pourim d’avant l’heure est si “petit” qu’il devient presque inexistant. La célébration, pour être réelle, ne doit-elle pas plutôt s’accompagner d’une indispensable grandeur ? Certes, mais le simple fait qu’un nom à part entière, Pourim Katan, désigne le 14 Adar I, indique qu’une idée doit être ici recherchée.
Tout se passe comme si le caractère de “petit” jouait le rôle d’une clé essentielle . De fait, cette notion est au cœur de la réflexion. Le peuple juif est également qualifié de “petit”: n’est-il pas une infinie minorité parmi les nations du monde ? Dans le même sens, certains hommes se considèrent comme “petits” tandis que d’autres prétendent être “grands”. Il n’est pas certains que ces “grands”- là laissent autre chose que des traces infimes à la surface de la terre, vite balayées par l’histoire.
C’est que la notion de “petit” porte en elle une immense richesse. Donnant à l’homme la grande “petite” place qui lui revient, elle sait le lier à D.ieu et ainsi donner un sens à chacun de ses actes. En fait, cette petitesse est bien plus que grande, elle conduit à l’infini. Loin d’être la marque d’un renoncement ou d’un effacement, elle est celle d’une présence, celle de D.ieu. Dans nos sociétés orgueilleuses, c’est sans doute une idée nouvelle. Cela valait bien un Pourim de plus.
Etincelles de Machiah
Tout est entre nos mainsLe Tanya (chap. 37) enseigne : “Cet accomplissement ultime du temps de Machia’h et de la résurrection des morts, qui est la révélation de la Lumière Divine infinie dans ce monde, dépend de nos actions et de notre travail pendant tout le temps de l’exil”.
La période actuelle est celle des “talons de Machia’h”, au sens où elle précède immédiatement sa venue. Ainsi chacun doit ressentir cette idée constamment, dans son service de D.ieu quotidien. Lorsqu’on ressent profondément et sincèrement que l’effort que l’on fait, la Torah que l’on étudie hâtent la venue de la Délivrance et entraînent le monde à son parachèvement en faisant la “résidence de D.ieu ici-bas”, alors il est bien clair que l’on ne peut que redoubler d’enthousiasme afin de mener le processus à son terme aussi vite que possible
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXI, p.18)
Vivre avec la Paracha
Ki Tissa : faute et saintetéAprès le récit que fait la Torah de la Révélation sinaïtique et de l’ascension de Moché sur la montagne pour recevoir de D.ieu la Torah, viennent 16 chapitres, comprenant les sections de Terouma,, Tetsavéh, Ki Tissa, Vayakhel et Pekoudé, dans lesquelles sont relatés :
a) les instructions de D.ieu concernant l’érection du Sanctuaire (Chemot 25-31, couvrant les Parachiot Teroumah, Tetsavéh et la première partie de Ki Tissa) ;
b) la faute du Veau d’Or et le Don des deuxièmes Tables (Chemot 32-34, entièrement dans Ki Tissa) ;
c) les dons du Peuple des matériaux pour le Sanctuaire (Chemot 35) et la construction du Sanctuaire, son érection et sa sanctification (Chemot 36 -40 ; cela comprend les Parachiot de Vayakhel et Pekoudé).
En accord avec la règle selon laquelle “ il n’y a pas de “ plus tôt ” et de “ plus tard ” dans la Torah ”, (c’est-à-dire que la Torah ne relate pas forcément les événements dans leur ordre chronologique), les commentaires bibliques diffèrent dans leur interprétation de la chronologie de ces événements. Il n’y a pas moins de trois versions différentes quant au moment de la construction du Michkan (le Sanctuaire) par rapport à l’érection du Veau d’Or.
Tous tombent d’accord sur la période de presque dix mois sur laquelle courent ces événements :
1) le 6 Sivan (ou le 7 selon Rabbi Yossi), D.ieu Se révéla à tout Israël et proclama les Dix Commandements; le matin suivant, Moché monta sur le Mont Sinaï pour recevoir, de D.ieu, la Torah ;
2) quarante jours plus tard, le 16 Tamouz, le peuple fit le Veau d’Or et se leva le lendemain pour l’adorer. Le 17 Tamouz, Moché descendit de la montagne avec les Tables du Témoignage ; voyant le peuple danser autour de l’idole, il brisa les Tables au pied de la montagne ;
3) le 19 Tamouz, Moché monta sur la montagne pour une nouvelle période de quarante jours afin de plaider pour le pardon d’Israël. A la fin de cette période, D.ieu lui ordonna de sculpter deux nouvelles Tables sur lesquelles Il inscrirait les Dix Commandements pour remplacer les Tables brisées.
4) le 1er Eloul, Moché monta sur la montagne avec les Tables qu’il avait sculptées pour une nouvelle période de quarante jours qui s’acheva le 10 Tichri (Yom Kippour). Ce jour-là, Moché reçut les secondes Tables de D.ieu et D.ieu exprima son pardon entier pour la faute d’Israël ;
5) la construction des composants et des ustensiles du Michkan fut achevée deux mois et demi plus tard, le 25 Kislev (le premier jour de ‘Hanoukah). Mais le Michkan ne fut érigé que trois mois plus tard, le 1er Nissan ( ce qui fut précédé par une semaine d’ “ initiation ”, 23-29 Adar).
Ce qui précède est tiré de l’explication que donne le Talmud du récit de la Torah. Le point de dissension entre les commentateurs concerne les instructions de D.ieu à propos du Michkan et de la donation du peuple pour ses matériaux.
Na’hmanide est d’avis que les événements eurent lieu dans l’ordre dans lequel ils apparaissent dans la Torah. Aussi les instructions de D.ieu à Moché concernant le Sanctuaire (données dans Teroumah et Tetsavéh) vinrent-elles immédiatement après la Révélation de Sinaï, durant les quarante jours passés sur la montagne. Leur réalisation fut néanmoins repoussée par la faute d’Israël et la nécessité pour Moché d’obtenir le pardon de D.ieu et les secondes Tables, de sorte que la donation décrite au début de Vayakhel ( Chemot 35) eut lieu le 11 Tichri, le jour suivant Yom Kippour, et fut suivie de la construction et de l’érection du Michkan.
Rachi (qui suit le Midrach Tan’houma) relève les nombreuses indications de la Torah et du Talmud selon lesquelles le Sanctuaire était une réponse et un pardon pour la faute du Veau d’Or. De la même façon, Rachi est de l’avis que les instructions divines contenues dans Teroumah et Tetsavéh furent communiquées à Moché, à Yom Kippour, après le repentir d’Israël, le pardon de D.ieu et l’octroi des nouvelles Tables à Moché.
Une troisième opinion, celle du Zohar, statue qu’à la fois les instructions de D.ieu et la donation d’Israël des matériaux eurent lieu avant le Veau d’Or. Ainsi, la construction du Michkan ne venait-elle pas comme conséquence du péché d’Israël et de sa repentance mais c’était une Mitsvah déjà commandée et entamée avant l’incident du Veau d’Or.
Le Tsaddik, le Baal Techouvah et le pécheur
En fait, ces trois versions désignent trois différents états du peuple à qui l’on a commandé et donné la puissance de faire une Résidence pour D.ieu.
Selon le Zohar, le commandement de faire un Michkan était destiné à une nation de Tsaddikim, des justes parfaits non entachés de fautes ou de mauvaises actions (d’après l’enseignement talmudique selon lequel au Sinaï le peuple juif venait de naître et était aussi pur de culpabilité ou de passé sombre qu’un nouveau né). Le don des matériaux du Michkan fut également fait par des Tsaddikim.
Selon Rachi, le commandement de faire un Michkan était adressé à des Baalé Techouvah (repentants ou ceux qui “ reviennent ”), des individus qui avaient été la proie des corruptions du matériel mais qui s’étaient redressés de leur dégradation antérieure et avaient forgé un lien plus fort avec D.ieu. En fait, l’implication en est que si le Peuple d’Israël n’avait pas péché en faisant et servant un veau en or, il n’y aurait pas eu la nécessité, ni l’occasion, d’une structure matérielle pour abriter la Présence Divine.
Le dénominateur commun de ces deux approches est que le péché du Veau d’Or ne traversa pas (comme dans le Texte) le commandement de construire le Michkan et le don de ses matériaux par le peuple : selon le Zohar, les deux eurent lieu avant qu’Israël ne serve le Veau d’Or, et selon Rachi, les deux vinrent après. En d’autres termes, les deux approches partagent la notion que le commandement de construire le Michkan n’aurait pas “ survécu ” à la faute d’Israël.
C’est en cela que réside l’originalité de l’approche de Na’hmanide. Selon lui le commandement et la force de construire une demeure pour D.ieu restaient en vigueur même lorsque le peuple adorait une idole d’or. Contrairement à la Torah elle-même, le commandement de construire le Michkan ne fut pas révoqué, et aucune seconde “ édition ” ne fut nécessaire. Cela signifie que la capacité de faire un Sanctuaire pour D.ieu échoit aussi à une nation de pécheurs et transgresseurs de la Volonté Divine !
En d’autres termes, les différentes interprétations du récit de la Torah mises en évidence par Na’hmanide, Rachi et le Zohar tournent autour de la question suivante : “ qui peut faire une résidence pour D.ieu dans le monde matériel ? Le Juste parfait, la personnalité unique du Baal Techouvah ? Ou même l’impie, le Rachah ?
Une approche indique que seul le Tsaddik peut prendre des objets matériels comme l’or, le bois, ou des peaux d’animaux et les transformer en Résidence pour D.ieu. Parce qu’il est éloigné des attaches de la matérialité, il peut découvrir le potentiel spirituel qui se cache dans le “ monde inférieur ” sans être happé par son infériorité. C’est l’approche du Zohar qui voit la construction du Michkan comme rendue seulement possible par les dons des justes parfaits.
Une seconde approche argue que seuls les Baalé Techouvah, qui ont été la proie des corruptions de la matérialité peuvent vraiment exploiter son potentiel divin. Ainsi, poursuit cette ligne de pensée, si Israël n’était pas tombée au plus profond de la corruption matérielle en adorant une idole d’or, la construction d’une Résidence en or pour D.ieu n’aurait pas été possible. C’est là le concept sous-jacent à l’interprétation de Rachi, qui date le commandement divin de construire le Michkan au 10 Tichri, après le retour à D.ieu d’Israël et le renouvellement de l’alliance.
Une troisième approche rejette complètement le concept que faire “ une Résidence pour D.ieu dans le monde matériel ” nécessite un état particulier ou une condition spirituelle propice. N’est-ce pas le but lui-même de la Création du monde ? N’est-ce pas l’essence de la mission de l’homme sur terre ? L’homme ne perd jamais cette capacité car elle fait partie intégrante de son être lui-même. C’est cette conception qui se cache derrière la lecture que fait Na’hamnide des chapitres de la dernière moitié de Chemot, dans laquelle le commandement de construire le Michkan reste une force à travers les hauts et les bas de la relation d’Israël avec D.ieu, même lorsque le reste de la Torah se trouve brisé en morceaux.
Tous ont raison
“ L’un et l’autre sont les mots du D.ieu vivant ” dit le Talmud à propos des divergences dans les interprétations de la Torah par nos Sages. La Résidence de D.ieu sur terre peut et doit être tous les trois : un trône pour D.ieu construit par Ses Justes parfaits, une résidence construite par la force transformatrice de la Techouvah et une habitation divine de chaque effort humain pour Le servir, quelque basse que soit son origine.
En fait, l’Arche dans le Michkan originel contenait les premières Tables brisées aussi bien que les secondes. Aussi abritait-il : a) les premières Tables accordées à une nation de Tsaddikim ; b) mais elles étaient brisées , ce qui représentait la profondeur de l’iniquité dans laquelle Israël était tombée entre temps, et c) les secondes Tables, représentant la force de la Techouvah.
C’est pourquoi le commandement divin de faire une demeure a partir des matériaux de la vie physique s’adresse au Tsaddik, au Baal Techouvah et au Rachah.
Au Tsaddik, il dit : “ tu n’es jamais trop saint, trop spirituel, trop pur pour t’engager dans la tâche de Me faire une Demeure dans les éléments les plus bas de Ma Création. En fait, grâce à ta sainteté, ta spiritualité et ta pureté, toi seul peux créer dans Ma demeure sur terre une certaine dimension.
Au Baal Techouvah, il dit: “quand tu désespères devant tes iniquités ou simplement ton passé négatif (comme tu le devrais) rappelle-toi cela : “ce passé est ce qui fait de toi le constructeur d’une composante essentielle de Mon foyer sur terre. Toi et seulement toi peux parvenir à une réelle transformation de la matérialité en divinité.
Et au Rachah, il dit : quel que distant que soit ton comportement quotidien de Mon programme pour la vie, quel que soit le conflit créé avec Ma volonté quand tu n’accomplis qu’une Mitsvah, ton accomplissement de Mon commandement, même s’il est unique, sera une part de ta vie physique qui deviendra pour Ma présence une Résidence ”.
Le Coin de la Halacha
Peut-on investir de l’argent dans n’importe quelle affaire ?Selon les lois internationales du commerce, une “Société Anonyme” n’est pas un partenariat dans le sens habituel du terme mais une “entité juridique” indépendante de la responsabilité juridique des propriétaires des actions: c’est pourquoi ceux-ci n’ont pas l’obligation de rembourser personnellement les pertes subies par la société, même si elle fait faillite.
Certains décisionnaires de notre génération estiment que, tel est également l’avis de la Torah, car la responsabilité est limitée, ou que, malgré cela, la société est considérée comme une entité réelle dans certains aspects.
C’est pourquoi ils permettent ou au moins trouvent des excuses pour acheter des actions d’une banque qui prêterait de l’argent à intérêt à des Juifs sans avoir recours au “Héter Isskah” (clause de partenariat) ou d’une société qui garderait en sa possession du “‘Hametz” (le levain) pendant la fête de Pessa’h ou encore de sociétés qui ne respecteraient ni le repos du Chabbat ni les lois de la Cacherout. Certains de ces décisionnaires n’interdisent que l’actionnariat avec possibilité de prise de décision sur la bonne marche de l’affaire.
Cependant, dans une lettre, le Rabbi de Loubavitch estime qu’il est évident que les propriétaires d’actions sont des partenaires associés à tous les points de vue. Effectivement, dans la plupart des sociétés, les actionnaires profitent des bénéfices, même si ceux-ci ont été acquis en violant les lois de la Torah (Chabbat, fêtes, interdiction de prêter à intérêt à un Juif etc…)
Il est donc recommandé de n’investir que dans les sociétés régies par un contrôle rabbinique strict qui garantit que toutes les transactions ont été faites dans le respect de la Hala’ha.
F. L. (d’après Rav Yossef Guinzbourg)
De Recit de la Semaine
Le train virtuelUn groupe d’étudiants de Yechiva étaient, comme d’habitude, en tournée le vendredi après-midi pour aider des Juifs à mettre les Téfilines. Ils rencontrèrent un groupe d’immigrants de l’ancienne Union Soviétique.
Soudain un homme âgé de ce groupe leur demanda: “Vous êtes Loubavitch? Alors j’ai une histoire à vous raconter:
Quand j’étais jeune, j’avais l’habitude d’assister aux réunions ‘hassidiques qu’organisaient en secret les Loubavitchs. D’ailleurs je priais dans leurs “synagogues” clandestines et je fréquentais leurs cours, tout ceci dans le plus grand secret à cause du communisme et de l’antisémitisme ambiant.
Je me souviendrai toujours d’une de ces réunions: le thème de la conversation avait été le désir de revoir le Rabbi de l’époque, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn qui s’était installé à Brooklyn. Nous chantions la fameuse chanson: “Chers frères, que D.ieu nous accorde la bonne santé et la vie et nous serons à nouveau réunis avec notre Rabbi!”. Cette attente était si intense qu’on pouvait presque la toucher et elle augmentait de minute en minute.
En plein cœur de l’action, certains des ‘Hassidim se levèrent tout à coup et décidèrent de “passer à l’action”. Ils saisirent des chaises, les retournèrent à l’envers et les disposèrent en une seule rangée comme pour simuler un train… Imaginez la scène: des adultes se conduisant comme au jardin d’enfants, s’asseyant sur des chaises retournées et faisant semblant de tourner le volant d’un train pour partir chez le Rabbi qui, ne l’oublions pas, se trouvait à des océans de là !!
La plupart d’entre nous, moi inclus, nous les regardions avec pitié. Nous avons bien ri de leur action puérile et nous leur avons répété qu’ils étaient devenus fous. Comme tout cela semblait, enfantin, ridicule !
Mais vous devez savoir une chose, conclut l’homme encore stupéfait à l’évocation de ce souvenir. Peu de temps après, tous ces ‘Hassidim qui avaient pris place dans “le train” reçurent, d’une manière ou d’une autre, la permission du gouvernement de quitter l’Union Soviétique ! Et bien sûr, ils partirent rejoindre le Rabbi avec leurs enfants, qui sont, par la suite, devenus des émissaires du Rabbi.
Tandis que nous, qui nous considérions comme normaux, nous sommes restés coincés derrière le rideau de fer. Comme vous le voyez, nous n’avons pas eu la force de maintenir un style de vie ‘hassidique, et nos enfants non plus; ce n’est que maintenant que nous tentons de rattraper ce retard… Puisse le Rabbi aider nos enfants à trouver le droit chemin!”
Rav Zalman Notik – Jérusalem
traduit par Feiga Lubecki