Samedi, 2 mars 2018

  • Ki Tissa
Editorial

 Alors, joyeux ?!

Comment pourrait-on ne pas vivre avec Pourim ? Ce jour, différent de tous les autres, éclaire le mois depuis son début. Il en fait ce temps où tout « fut transformé », où la tragédie annoncée se mue en une explosion de joie, où, après la menace de mort, seul subsiste le bonheur d’une célébration légitime. Disons-le : prononcer le mot « Pourim », c’est non seulement parler d’une fête, c’est d’abord affirmer l’allégresse.

Alors que Pourim est là, sans doute est-il opportun de revenir sur cette idée si simple et si complexe à la fois : la joie. Simple, elle l’est sans conteste. Chacun peut éprouver ce sentiment, sans même y avoir investi d’efforts préalables. Chacun peut ressentir ce frémissement de vie qui le traverse et lui donne comme une conscience renouvelée du bonheur de chaque jour. Mais c’est aussi une chose bien complexe. « La joie brise les barrières » nous est-il enseigné. Elle a ainsi un pouvoir gigantesque. Lorsqu’on affronte des obstacles apparemment insurmontables, voici que la joie les renverse. Un mot ‘hassidique observe : « quand une armée part au combat, les soldats entonnent un chant de joie. » Pourtant l’instant est grave, la lutte sera peut-être terrible mais la joie les porte et les entraîne. Dans un certain sens, elle est même, d’ores et déjà, gage de victoire.

C’est de tout cela que nous parle Pourim. Parfois, dans un monde qui semble souvent bien obscur, la nuit des âmes paraît si profonde que nul ne peut parvenir à la percer et moins encore à la vaincre. La pesanteur des choses rend l’obstacle si fort que l’on se prend à s’interroger : parviendrons-nous à le dépasser ? C’est à ce moment que Pourim et sa joie infinie prennent le relais. Ce n’est plus une question de puissance, de compréhension ni même de conviction. La joie pure et parfaite entre dans le monde et nous pénètre. Et elle change totalement la donne.

Pourim s’adresse à chacun. Commandements et traditions de la fête appartiennent à tous, pour les vivre et vivre par eux. Devenir les porteurs de la joie qui éclaire tout ce qu’elle touche, c’est bien plus qu’un rêve. Aujourd’hui, c’est une réalité et elle s’appelle Pourim. A nous de nous en saisir !

Etincelles de Machiah

 La valeur d’un homme simple

Dans la tradition juive, l’étude de la Torah est sans doute la valeur suprême, à telle enseigne que l’érudition est considérée comme une marque évidente d’élévation spirituelle. Cette idée, d’une légitimité incontournable, ne doit toutefois pas faire oublier la valeur de l’homme simple, de celui qui s’attache à D.ieu de tout son cœur avec la plus absolue sincérité.

A ce sujet, le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, dit un jour que le Machia’h se réjouirait dans la compagnie de ces Juifs simples. Alors, précisa-t-il, une pièce leur sera réservée et les plus brillants érudits les envieront. Ainsi apparaîtra la vraie grandeur de ces Juifs qui servent D.ieu à l’infini.

(d’après une lettre du précédent Rabbi de Loubavitch,

Iguerot Kodech, vol. IV, p. 148)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tissa

Chaque membre du Peuple juif reçoit l’injonction d’apporter la contribution précise d’un demi-chékel d’argent pour le Sanctuaire. Des instructions sont également données concernant la fabrication du bassin d’eau du Sanctuaire, de l’huile d’onction et des encens. Les artisans « au cœur sage », Betsalel et Aholiav sont chargés de la construction du Sanctuaire et une fois encore le peuple reçoit le commandement d’observer le Chabbat.

Moché ne redescend pas du Mont Sinaï quand le peuple l’attend. Ils fabriquent alors un veau d’or et l’adorent. D.ieu propose de détruire cette nation pécheresse mais Moché intercède en sa faveur. Il descend de la montagne, portant les Tables de la Loi sur lesquelles sont gravés les Dix Commandements. Quand il voit le peuple danser autour de son idole, il brise les Tables, détruit le veau d’or et fait mettre à mort les principaux instigateurs. Il retourne alors vers D.ieu pour Lui dire : « Si Tu ne leur pardonnes pas, efface-moi du livre que Tu as écrit ».

D.ieu pardonne mais dit que le résultat de ce péché sera ressenti pendant de nombreuses générations. Au début, D.ieu propose de leur envoyer Son ange mais Moché insiste pour que D.ieu Lui-même accompagne Son peuple vers la Terre Promise.

Moché prépare de nouvelles Tables et une fois de plus, monte sur la montagne où D.ieu écrit de nouvelles Tables de l’Alliance. Sur la montagne, Moché perçoit également une vision des « treize attributs de miséricorde ». A son retour, le visage de Moché irradie d’une telle lumière qu’il doit le cacher derrière un voile qu’il n’enlève que pour parler à D.ieu et enseigner Ses lois au peuple.

Pourim : l’unité du Peuple Juif

Dispersion et dissension

Bien que chaque individu soit unique, nous partageons tous le point commun d’appartenir à une entité indivisible. Au cours des générations, même lorsque les dangers nous menaçaient, c’est précisément cette unité qui a soutenu notre nation.

L’unité juive est tout particulièrement pertinente à Pourim. Haman chercha à « tuer, annihiler… tous les Juifs, jeunes et vieux, enfants et femmes, en un jour ». Il ne s’intéressa pas à chaque Juif comme individu mais considéra la nation entière, dans sa collectivité. Ce qui va encore plus loin est le fait que les événements qui conduisirent au décret de détruire le Peuple juif et l’annulation de ce décret se réfèrent tous deux à l’unité juive.

Nos Sages expliquent que, dans la Meguila, certaines références à A’hachvéroch, le roi de Perse, peuvent être interprétées comme des références à D.ieu.

Ainsi, la requête, que lui adressa Haman de détruire le Peuple juif peut se comprendre comme une accusation, dans la Cour Céleste, contre le Peuple juif. C’est pour cela que la raison invoquée par Haman pour détruire les Juifs : « il y a une nation éparpillée et dispersée parmi les peuples... et ce n’est pas bon pour le roi de les tolérer » peut être interprétée comme une description tant spirituelle que physique de l’état du Peuple juif, à cette époque. Ils n’étaient pas géographiquement éparpillés mais étaient divisés dans le domaine des relations humaines. Et c’est cette dissension qui permit que la requête d’Haman soit acceptée par le véritable Roi.

La force dans l’unité

Tant que notre peuple reste uni, il ne peut être détruit par ses ennemis. Nos Sages interprètent le verset : « Ephraïm s’est uni dans l’idôlatrie: qu’il en soit ainsi » comme signifiant que lorsque le peuple d’Israël est rassemblé dans un lien d’unité, même s’ils adorent des idoles, leurs péchés ne les atteindront pas. Ils mèneront des guerres et seront victorieux. Dès lors que leur unité se fracture, un décret appelé pour les détruire peut être émis dans le Ciel.

Par le même biais, c’est la restauration de l’unité juive qui mena à l’annulation du décret d’Haman. Avant qu’Esther n’aborde A’hachvéroch, elle demanda à Morde’haï : « Va rassembler tous les Juifs ». Elle prit conscience qu’elle ne pourrait réussir dans son intervention en leur faveur, tant qu’ils ne seraient pas unis pour permettre d’endiguer le flot spirituel qui avait mené au décret de destruction.

La Torah comme outil d’unité

Dans notre monde, l’unité ne peut naître que comme résultat d’une connexion avec D.ieu. Chaque créature est une entité unique : ce n’est que par la révélation de l’unité ultime de D.ieu que tous les éléments disparates de la création peuvent être perçus comme formant un tout. Puisque « la Torah et D.ieu forment Un », la Torah est l’intermédiaire qui permet à cette unité de se révéler dans le monde.

Bien que l’étude de la Torah soit une discipline intellectuelle et que les hommes diffèrent dans leurs manières de penser, l’étude de la Torah unifie plutôt qu’elle ne renforce nos différences individuelles. Pourquoi ? Parce que la dimension intellectuelle de la Torah ne représente qu’un aspect limité de sa véritable nature. L’essence de la Torah a ses racines dans un niveau de Divinité qui transcende toutes les limites et surpasse totalement les limites de l’intellect.

Parmi tous les aspects de l’étude de la Torah, cette caractéristique se reflète complètement dans la Hala’ha, le domaine légal de la Torah qui régente notre conduite. Toutes les approches différentes de l’étude de la Torah soulignent les différences entre chaque érudit. Cependant, ce qui concerne la Hala’ha, il n’y a aucune différence entre les individus dans son application. Avant que ne soit tranchée la loi finale régissant un problème particulier, il y a de nombreuses différences d’opinions. Mais une fois que l’on arrive à une conclusion, la loi s’applique universellement.

Cette unité dans la Torah permet l’unité dans le Peuple juif.

« Une nation » même « éparpillée et dispersée »

Cette idée nous permet de comprendre la description du Peuple juif citée plus haut : « il y a une nation éparpillée et dispersée parmi les peuples », sous une lumière positive. Même lorsqu’ils sont coupés les uns des autres et séparés par les différentes cultures et pratiques de leurs terres d’adoption, les Juifs sont identifiés comme « une nation ». En dépit des différences extérieures qui existent entre un Juif et un autre, ils peuvent, grâce à l’influence de la Torah, expérimenter une véritable unité profonde.

Nous pouvons dès lors comprendre que l’unité à laquelle les Juifs parvinrent à Pourim était même supérieure à celle qu’ils avaient vécue au Mont Sinaï.

Quand ils reçurent la Torah, la nation entière était réunie dans un lieu unique. Plus encore, ils vivaient dans le désert et n’étaient donc pas importunés par les tracas de la vie quotidienne. Peu de facteurs pouvaient interférer dans l’établissement d’une unité du peuple.

A l’époque du miracle de Pourim, par contre, ils étaient disséminés dans le monde civilisé. Ils durent affronter les difficultés de la vie en exil et, après le décret d’Haman, la menace de mort. Et pourtant, ils furent capables de surmonter leurs différences personnelles et se joindre dans une unité parfaite.

 Une véritable expression d’unité

Le concept de l’unité juive affecte directement notre observance de la fête de Pourim. Deux des commandements associés à Pourim : Michloa’h Manot (dons d’aliments à des amis) et Matanoth Laévyonim (dons de charité aux pauvres) sont des manifestations claires d’amitié et de souci pour l’autre.

En fait, Matanot Laévyonim exprime encore davantage ce principe de l’unité juive. Car ce principe implique de l’amour pour chacun, même pour ceux que nous ne connaissons pas personnellement. En général, on donne les Michloa’h Manot à nos amis et à nos proches. Mais en allant chercher de pauvres gens pour les aider, des gens que nous n’avons peut-être jamais vus, nous montrons que nos relations avec les autres ne sont pas limitées à nos sentiments personnels. Nous exprimons le lien essentiel et inconditionnel qui unit tout notre peuple, sans différentiation.

Que la célébration de Pourim nous aide à intensifier notre prise de conscience de ce lien. Et, comme au temps d’Esther et de Morde’haï, où la délivrance de notre peuple fut suscitée par l’unité juive, que nos efforts pour répandre l’amour et l’unité dans notre peuple nous permettent aujourd’hui de « joindre une rédemption à l’autre » et d’avancer de la délivrance de Pourim à la Délivrance ultime, rapidement et de nos jours.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le vendredi 30 mars 2018 à 11h30, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.

Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année jeudi 29 mars 2018.

Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.

Durant tout Pessa’h, on mettra de côté, dans des placards fermés à clé, tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra « récupérer » une heure après la fête qui se termine le samedi 7 avril 2018 à 21h19 (horaires valables pour Paris et sa région).

Le Recit de la Semaine

 Une dette payée à Pourim

J’ai déjà vécu de nombreux Pourim dans ma vie mais celui-ci restera gravé dans ma mémoire bien davantage que tous les autres. Non pas qu’il ait été plus joyeux que les autres mais parce que j’ai pu vraiment ressentir ce qu’il y a de si spécial dans la Mitsva de Michloa’h Manot, les traditionnels cadeaux de nourriture qu’on offre ce jour-là.

En 1950, j’avais treize ans et j’étudiais à la Yechiva ‘Habad de Tel-Aviv. Les repas étaient préparés par un certain Matitiahou Israelchik. C’était un homme charmant, d’environ 45 ans, qui travaillait de façon rapide et efficace. Il œuvrait en silence et ne parlait pas beaucoup avec les élèves qu’il servait.

Rien ne le touchait sauf… le gaspillage de nourriture. Quand il voyait que des élèves mettaient de côté la croûte un peu dure du pain, il ne le supportait pas et ne se privait pas de le leur reprocher.

Un jour, je m’enhardis et lui en demandai la raison : pourquoi s’énervait-il tellement quand on laissait un peu de pain sur la table ? Il me lança un regard sérieux :

- Si nous avions disposé de ces morceaux de pain à Auschwitz, nous aurions été si heureux !

- Raconte-moi comment c’était là-bas… demandai-je timidement.

Son visage changea instantanément d’expression. Il baissa les yeux sans doute pour s’empêcher de pleurer puis il se reprit et me regarda :

- Tu veux tout savoir ? Si D.ieu me prête vie, quand tu grandiras et si je suis encore en vie, je te raconterai peut-être…

Les années passèrent. Entretemps, je me suis marié et j’ai eu des enfants. Nous habitions à Kfar ‘Habad. Un peu avant Pourim 1968, j’appris que Matitiahou et sa femme s’étaient eux aussi installés dans le Kfar.

A l’approche de Pourim, je préparai un joli panier garni d’aliments appétissants et, avec mon fils âgé de trois ans, je me suis dirigé vers la maison de Matitiahou. La maison était plongée dans le calme le plus parfait et je compris que personne n’avait apporté de Michloa’h Manot à ses habitants, encore nouveaux venus et qui ne connaissaient sans doute pas grand monde.

Quand il m’ouvrit la porte, je pus constater combien il avait vieilli mais il arbora un grand sourire en me reconnaissant ; en même temps, il semblait agréablement surpris qu’on lui rende visite le jour de Pourim. Il nous invita à entrer et je lui rappelai :

- Je suis venu demander le remboursement de la dette ! annonçai-je sur un ton enjoué.

- De quelle dette parles-tu ? s’étonna-t-il. Je n’ai pas l’habitude d’emprunter de l’argent !

- Il y a dix-huit ans, vous m’aviez promis de me raconter…

- Ah ! murmura-t-il.

Il ouvrit un placard, sortit une bouteille de vodka et deux petits verres puis nous avons pris place autour de la table. Un petit verre puis un autre petit verre de Le’haïm et il se mit à parler comme il ne l’avait sans doute jamais fait auparavant, sans qu’il soit possible de l’arrêter.

C’est ainsi que j’appris qu’il venait du village de Porissov, près de Lublin. Sa famille était honorablement connue dans la région et son oncle était le Rabbin de Porissov. Avant la guerre, il était marié et avait sept enfants. Tous furent tués par les Nazis. Il fut déporté à Auschwitz en 1941 et y fut détenu tout au long de la guerre. Il survécut à la faim, au froid, aux épidémies, au travail harassant, aux humiliations et, finalement, à la terrible Marche de la Mort.

Quelque chose m’intriguait vraiment : comment avait-il pu survivre à tout cela ?

- D.ieu m’a accompagné, alors j’ai survécu, répondit-il simplement.

- Mais de quelle manière ? C’est inimaginable !

Regardant un point invisible au loin, Matitiahou raconta :

« Dans notre bloc, il y avait un Juif hollandais complètement assimilé. C’était un psychologue de métier. Au début de son « séjour » dans le camp, il tournait en rond parmi nous, complètement hébété par ce qui lui arrivait : « Mais qu’est-ce que je fais là ? se demandait-il sans arrêt. Depuis des années, j’ai oublié que j’étais juif ! Ce sont ces maudits Allemands qui me l’ont rappelé – et de quelle manière ! ».

Au bout d’un certain temps, il se reprit et décida qu’il devait se rendre utile. Il nous apprit des systèmes de résistance psychologique (après tout, il avait étudié ce domaine pendant des années) afin de survivre aux terribles conditions du camp.

Selon lui, après qu’il ait étudié de façon approfondie le système pénitentiaire, la faim était le souci essentiel des détenus. Nous recevions une petite tranche de pain, un morceau de sucre et un pauvre bol de « soupe » : nous les avalions en une minute tant nous avions faim. Le résultat, c’est que tout de suite après, la sensation de faim revenait avec encore plus de cruauté. Lui, le psychologue, il avait un conseil à nous donner : « Quand vous tenez le morceau de pain entre vos mains, essayez de vous imaginer que c’est la tranche de ‘Halla (le pain doré, sucré et tressé de Chabbat) la plus succulente que vous ayez jamais goûtée. Dégustez-la miette après miette mais laissez-en quelques miettes dans la poche ! Le morceau de sucre, léchez-le par petites touches et laissez-en un petit morceau dans la poche. Quand vous aurez vraiment très faim au point d’être sur le point de vous évanouir, vous les mangerez. Pareil pour la soupe : imaginez-vous que c’est le plat le plus délicieux que vous ayez jamais aperçu ; appréciez-en chaque gorgée et faites-la durer aussi longtemps que possible ! ». Effectivement nous avons suivi ses conseils et, au bout de quelques jours, les détenus de notre bloc ont pu relever la tête et se sentir un peu mieux. Les gardiens s’en sont aperçus et, grâce au Kapo qui nous surveillait, ont compris d’où venait notre résistance physique assez remarquable. Ils ont emmené le psychologue : nous ne l’avons jamais revu. Mais avec de nombreux autres détenus, nous avions déjà appris à agir selon ses conseils et c’est ainsi que nous avons réussi à survivre ».

Matitiahou me raconta encore beaucoup d’anecdotes, plus terribles les unes que les autres. Il se faisait tard et je devais me rendre à la synagogue pour la prière de Min’ha puis chez moi pour le festin de Pourim. Il leva encore un verre en ma direction en trinquant Le’haïm, A la vie.

Quand je pris congé, il me remercia profusément : « Je suis si heureux que tu sois venu m’apporter des Michloa’h Manot et que tu m’as permis de raconter mon histoire. Tu m’as déchargé d’un grand fardeau. Le simple fait que nous soyons assis ensemble aujourd’hui, en Eretz Israël et que nous puissions trinquer Le’haïm, c’est la plus grande victoire sur cet ennemi impitoyable qui, comme Haman en Perse il y a plus de deux mille ans, a cherché à nous tuer et nous exterminer… ».

Depuis, chaque année, je veille à apporter des Michloa’h Manot à Matitiahou et à le bénir avec un Le’haïm, la vie dont il n’a dévoilé le secret qu’à moi…

Zvi Rottenberg - Sipour Chel ‘Hag

Traduit par Feiga Lubecki

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