Editorial
Demain, la libertéLa semaine s’est ouverte sur un jour d’une lumière infinie : celui de Pourim. Certes, sa grandeur, sa brillance, sa puissance aussi ont été déjà abondamment décrites. De cette journée, différentes de toutes, nous savons, d’année en année, tirer l’essentiel avec une force accrue. Surtout, ces heures privilégiées ne nous abandonnent jamais. Il est clair que ce commencement de semaine éclaire tout son déroulement mais, au-delà du cycle hebdomadaire, l’expérience vécue ne perd rien de son actualité ni de sa pertinence.
La fête de Pourim nous parle de délivrance, de libération, de la fin d’un ennemi implacable qui, en un temps d’exil, annonce que la liberté complète, même si elle reste à venir, est proche et certaine. Nos Sages l’ont exprimé en une phrase qui a marqué les siècles : “de la libération de Pourim à la libération de Pessa’h”. Le propos pourrait paraître étonnant. On sait que les évènements commémorés à Pessa’h eurent pour cadre l’Egypte antique en un temps où Babylone, cadre de l’histoire de Pourim, n’existait pas encore. Pourtant, sans souci chronologique et conscients qu’il s’agit bien de deux époques différentes dont l’ordre d’apparition est inversé, les Sages entendent nous faire passer ainsi d’une libération à l’autre. C’est que cette double libération dépasse largement le simple souvenir historique.
Bien sûr, nos ancêtres furent effectivement délivrés de leurs ennemis à Pessa’h, dans l’Egypte pharaonique, et à Pourim, dans l’empire perse. Mais l’élan qui conduit, au fil des générations, un peuple vers la liberté ne s’interrompt jamais. Il se joue des temps et des lieux. Il avance de libération en libération et fait chanter dans le cœur de chacun un espoir indomptable. Car la liberté dont il s’agit ici n’est pas celle qui se soumet aux caprices des hommes. Elle est celle que chacun réalise d’abord en soi, imprégnée de mémoire et de fidélité, construite par les actes de chaque jour, porteuse d’un avenir éternel. Elle est celle aussi qui grandit et s’étend jusqu’à devenir la liberté majeure qui s’attache à l’ensemble du peuple juif pour déferler sur le monde entier. Cette liberté à laquelle les prophètes surent donner un nom : la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Le secret de la paixMaïmonide conclut le Michné Torah en citant le fameux verset (Isaïe 11 :9) qui annonce qu'au temps de Machia'h "le monde sera plein de la connaissance de D.ieu comme l'eau recouvre le fond des mers". On observe, par ailleurs, que le Talmud (traité Ouktsin 77b) se termine par les mots du verset (Psaumes 29 :11) : "D.ieu bénira Son peuple par la paix".
Ces deux conclusions, loin d'être étrangères l'une de l'autre, se complètent. En effet, la paix véritable et parfaite règnera avec la venue du Machia'h car, à ce moment, les oppositions - les ennemis de la paix - n'existeront plus. Il ne peut en être autrement car "le monde sera empli de la connaissance de D.ieu".
Les deux textes nous indiquent cette similitude en se terminant par la même lettre en hébreu: le "Mêm" final.
Vivre avec la Paracha
Parchat Para: la mère du veauLe chapitre le plus ésotérique de la Torah est sans doute constitué par les lois de la “ Vache Rousse ” (Parah Adoumah), ordonnées par D .ieu à Moché dans le chapitre 29 des Nombres, comme antidote de l’impureté rituelle engendrée par le contact avec la mort. Le Midrach décrit la façon dont le Roi Salomon “ le plus sage des hommes ” resta confus devant ces lois, et comment Moché, le véhicule même de la communication de la Torah par D.ieu à l’homme, pâlit en rencontrant la perspective de devenir contaminé par la mort et trouva tout à fait incompréhensible le processus de sa purification, s’écriant devant D.ieu : “ Maître de l’Univers ! Cela, une purification ?! ”
Il ne s’agit pas simplement du fait que la loi de la Vache Rousse ne peut s’expliquer logiquement ; en fait, il existe une entière catégorie de Mitsvot, appelées ‘Houkim
(“ décrets ”), dont les critères de définition sont qu’ils transcendent la compréhension humaine. Ce qui est unique en ce qui concerne la Vache Rousse est qu’alors que les autres ‘Houkim suivent au moins en eux-mêmes une logique interne, les lois de la Vache Rousse sont emplies de paradoxes. Pour ne citer que quelques exemples :
a)Les cendres de la vache Rousse enlevaient la plus sévère des impuretés et en même temps, tous ceux qui étaient impliqués dans leur préparation devenaient eux-mêmes impurs.
b)La vache Rousse devait être complètement rousse (un aussi petit nombre que deux poils de couleur différente la disqualifiait), une couleur qui possède des connotations de fautes et de déficience dans la Torah et la loi de la Torah ; et pourtant elle devait aussi être “ parfaite sans aucun défaut ”.
c)Le commandement de la Torah indiquait qu’elle soit abattue en dehors des enceintes de la sainte ville de Jérusalem (en contraste avec tous les autres Korbanot (sacrifices) qui devaient être abattus dans la cour du Temple). Par ailleurs, elle devait être abattue dans un lieu visible du Saint Temple et son sang aspergé “ en direction du Saint des Saints ” ; selon une opinion, elle devait l’être par le Cohen Gadol (Grand Prêtre) lui-même, habillé des “ vêtements blancs ” réservés pour le service de Yom Kippour dans le Saint des Saints (le lieu le plus saint de tout le Beth Hamikdach (Temple).
d)Les deux composantes de la mixture purificatrice, des cendres et de l’eau de source, représentent deux forces contradictoires : le feu qui représente la force de s’élever vers le haut, et l’eau qui exprime la stabilité et la satiété.
C’est pourquoi les lois de la Vache Rousse sont introduites dans la Torah par le mot “ Voici le ‘Hok de la Torah ”, comme pour nous dire que voici le véritable ‘Hok de la Torah, la Mitsva qui démontre de la façon la plus claire l’aspect supra-rationnel de ses commandements divins.
Le mystère de la mort
En fait nous explique le Rabbi, (dans un discours prononcé lors de la conclusion des Chlochim - période de 30 jours de deuil - après le départ de son épouse) la plus incompréhensible des expériences humaines, le phénomène de la mort, ne peut être sublimé que par la plus incompréhensible des Mitsvot divines, les cendres et l’eau de la Vache Rousse.
Physiquement et biologiquement, la mort est tout à fait compréhensible (en fait, c’est le phénomène de la vie qui défie toute explication). Et pourtant, nous tous, même un homme tel que Moché, trouvons la mort absolument incompréhensible, déchirant complètement notre sens de la réalité. Malgré toutes les “ preuves ” du contraire, quelque chose de profond en nous affirme avec insistance que la vie est l’état de l’être humain axiomatique, et que sa cessation est une violation de la loi de l’existence la plus élémentaire.
Car telle est, en réalité, la nature fondamentale de l’homme. Il est vrai que le corps humain est fait de chair physique, et en tant que telle, partage la nature éphémère de tout objet physique. Mais il est animé par une âme qui est une “ étincelle du Divin ” et fortifié par l’éternité et l’indestructibilité de sa Source. Dans son essence, la vie humaine est éternelle.
De fait, le premier être humain fut créé pour vivre éternellement. Mais quand il viola le Commandement Divin, il s’éloigna par là-même de Sa source et introduisit le phénomène de la mort dans l’expérience humaine.
Nos Sages nous disent que lorsque les Enfants d’Israël se tinrent au Mont Sinaï pour recevoir la Torah de D.ieu, leur fut restaurée la perfection originelle par laquelle le premier homme fut créé. La Torah réinstalla le lien originel, inaltéré entre D.ieu et l’homme, de telle sorte que l’homme fut une fois de plus assuré d’être libéré de “ l’Ange de la Mort ”.
Mais cette fois-ci aussi, l’état de parfaite relation avec D.ieu ne dura que brièvement. Quarante jours après l’expérience sinaïtique, le Peuple d’Israël transgressa le décret divin : “ tu n’auras pas d’autres dieux devant Moi ” en adorant le Veau d’or. La mort, introduite dans le monde par le péché d’Adam et bannie au Sinaï, fut réintroduite par la faute du Veau d’or.
Cela explique le rapport entre la Vache Rousse et le Veau d’or exprimé dans la parabole midrachique :
Un jour, l’enfant d’une servante salit le palais royal. Le roi dit : “ que sa mère vienne nettoyer les saletés de son fils ”. De la même façon, D.ieu dit : “ Que la Vache apporte le pardon pour les méfaits du Veau ” (Midrach Tan’houma, ‘Houkat 8)
Dans notre monde présent, l’imperfection de notre relation avec D.ieu trouve son expression la plus nocive dans le phénomène de la mort. Le contact avec elle apporte donc la forme la plus sévère d’impureté spirituelle, qui ne peut être relevée que par la mère du Veau d’Or, le plus irrationnel de tous les décrets divins : la Vache Rousse.
C’est là la réponse de D.ieu au cri de Moché “Maître de l’Univers ! Cela, une purification ?!” “ Moché, dit D.ieu, c’est un ‘Hok, un décret que J’ai édicté ”. D.ieu affirme ainsi : “Certaines choses sont si incompréhensibles pour Mes créatures qu’elles ne peuvent être surmontées que par une soumission à un commandement absolu émanant d’une autorité absolue. C’est pourquoi J’ai commandé des lois pour t’instruire de ce qu’il faut faire quand vos vies sont touchées par la mort. Ce sont des lois supra-rationnelles, voire irrationnelles car seules de telles lois peuvent faciliter votre guérison. Ce n’est que par la force d’un décret divin absolument incompréhensible que vous pouvez vous remettre d’une telle dévastation qui s’abat sur un être vivant”.
Toutefois, en dernier ressort, viendra un jour où le lien originel entre l’homme et D.ieu sera restauré une fois encore. Ce jour-là, nous promettent nos Prophètes, ne pourra plus être touché par la faute car D.ieu “ abattra le penchant vers le mal ” dans le cœur de l’homme et “ enlèvera l’esprit d’impureté de la terre ” avec pour résultat que “ la mort cessera pour toujours ”.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 'Hametz ?Durant Pessa'h, on n'a le droit ni de posséder ni de consommer du 'Hametz. Il faudra donc avant le lundi 5 avril 2004 se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d'hygiène.
C'est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc... avant Pessa'h, afin d'éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du 'Hametz à Pessa'h, on remplira une procuration de vente, qu'on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le 'Hametz à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyé par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa'h, dimanche soir 4 avril 2004.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa'h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le 'Hametz et la vaisselle 'Hametz qu'on n'utilisera pas durant Pessa'h mais qu'on pourra « récupérer » une heure après la fête, mardi soir 13 avril 2004.
F. L.
De Recit de la Semaine
Les lumières de LublinElle tentait de ne pas pleurer. Mais que pouvait-elle faire d’autre alors que Chabbat arriverait dans quelques heures et qu’elle ne possédait pas l’argent nécessaire pour acheter les bougies de Chabbat ?
L’épouse du ‘Hozé de Lublin (Rabbi Yaakov Yts’hak) avait vérifié dans tous les tiroirs et toutes les poches. Pas un zloty ! Et le temps passait. Elle sortit dans la rue pour partager sa peine avec le vent et la pluie.
A ce moment, un carrosse passa près d’elle. Le jeune homme juif qui se trouvait à l’intérieur ne se souvenait que vaguement des bougies qui brillaient sur la table de Chabbat de ses parents. Lui, il préférait les lumières aveuglantes des tavernes et des casinos. D’ailleurs il se rendait justement chez ses amis de beuverie pour avoir du bon temps. Anticipant déjà le bon moment qu’il allait passer, il souriait en regardant par la fenêtre tandis qu’il apercevait une vieille femme juive qui pleurait doucement. Il fit arrêter son carrosse et demanda à la femme quel était son problème.
- « Je n’ai pas un sou pour acheter mes bougies de Chabbat ! » répondit-elle.
- « Oh, ce n’est qu’une question d’argent ? Tenez, voici de quoi acheter vos bougies et passez un bon Chabbat ! » dit-il, le cœur joyeux en refermant sa fenêtre.
- « Attendez, attendez ! cria la femme tandis que le carrosse s’ébranlait déjà. Vous avez accompli une Mitsva merveilleuse ! Que D.ieu vous bénisse et fasse briller dans votre cœur une lumière éternelle ! » Il sourit et partit.
Elle se dépêcha d’acheter ses bougies, rentra chez elle et les alluma juste à temps. En récitant la bénédiction avec une ferveur encore plus intense que d’habitude, elle sentait son cœur déborder d’une joie et d’une gratitude infinies.
Pendant ce temps, son mari, le saint Rabbi de Lublin, celui qu’on appelait le « ‘Hozé » (« celui qui voit au loin ») chantait les prières de Chabbat à la synagogue. Lui aussi, comme d’habitude pourrait-on dire, ressentait chaque mot et son âme dansait intérieurement en s’élevant de plus en plus haut vers les sphères supérieures. Mais soudain il remarqua que les êtres célestes pointaient vers lui un doigt accusateur.
« N’est-il pas déjà scandaleux que vous, le Rabbi, vous bénissiez toutes sortes de gens de peu de valeur et, comme vous êtes un Tsadik, un Juste, nous sommes obligés de veiller à ce que vos bénédictions se réalisent ? Mais de plus, maintenant, c’est votre épouse qui déverse des bénédictions ! » Et « on » l’informa de l’existence de ce jeune homme qui avait généreusement permis à la Rabbanit d’allumer les bougies de Chabbat, comment elle lui avait souhaité d’avoir toujours une lumière divine qui illuminerait son cœur : « Comment peut-on accorder une bénédiction aussi magnifique à un Juif qui ne célèbre aucunement le Chabbat ? » se plaignait-on.
Le ‘Hozé répliqua : « C’est vrai qu’actuellement le jeune homme ne mérite peut-être pas cette bénédiction. Mais que puis-je dire si ma chère épouse a vu, elle, la précieuse étincelle de D.ieu qui fait vivre son âme ? Donnons-lui une chance ! Qu’une lumière divine le guide pendant une demi-heure et nous verrons si elle parvient à l’influencer positivement. Sinon, je serais bien obligé d’être d’accord avec vous et vous serez dispensé d’accomplir la bénédiction de mon épouse ». Le Tribunal divin accepta.
Dans le carrosse qui était déjà sorti de Lublin, le jeune homme se sentit soudain bizarre. Il regarda autour de lui comme s’il voyait le monde pour la première fois. Tout devenait clair dans son esprit auparavant si embrouillé. Il réfléchissait à ce qui lui était arrivé. Quelque chose d’inexplicable le forçait à retourner dans cette ruelle de Lublin, là où il avait rencontré cette femme qui avait sûrement déjà allumé ses bougies. Il ordonna à son cocher de faire demi-tour.
Dès qu’il arriva près de la maison du ‘Hozé, il descendit du carrosse et regarda par la fenêtre : il vit la Rabbanit, le visage rayonnant, qui récitait ses prières avec un enthousiasme désarmant tandis qu’elle attendait le retour de son mari de la synagogue.
Le jeune homme faillit toquer à la porte, mais il se retint : il ne voulait pas déranger la ferveur de la Rabbanit. Elle terminerait sans doute bientôt. Les minutes passaient…
Dans le Tribunal céleste, on observait la scène. La demi-heure serait bientôt terminée.
La Rabbanit avait achevé sa prière. Le jeune homme s’apprêta à toquer à la porte, mais s’arrêta : « Que fais-je donc ici ? » se demandait-il.
Incapable de bouger, de se décider, il se secoua finalement et tourna les talons pour rejoindre son carrosse. Mais, dans un dernier regard, il aperçut les bougies de la Rabbanit, les flammes qui dansaient gaiement.
Le vent sembla soudain rugir de plaisir quand, du Ciel, on s’aperçut qu’il frappait enfin à la porte, à la trentième minute exactement.
La Rabbanit fut ravie de revoir son bienfaiteur. Le Rabbi qui était rentré l’invita évidemment pour ce Chabbat et pour de nombreux Chabbat par la suite. Avec le temps, il devint un disciple du Rabbi de Lublin et aida de nombreux autres Juifs à retrouver la flamme divine qui brille dans le cœur de chacun.
Traduit par Feiga Lubecki