Derrière les masques
Pourim, la superbe fête, la joie sans limites, le bonheur de tous, le rire des enfants… Tout – ou presque – a été dit sur le sujet. Et même si c’est un thème qu’on ne saurait épuiser, chacun a l’impression plus ou moins confuse qu’il en fait le tour. Mais si la réalité était que nous n’avions fait qu’effleurer l’événement ? La coutume veut que, en ce jour, les enfants se déguisent. C’est ainsi que, dans les rues, se multiplient les rois et les reines, les héros et les sages – tous ces personnages qui servent bien souvent de modèles à nos consciences ensommeillées. En ce jour, nombreux sont donc les porteurs de masque et leur habileté les rend souvent quasi méconnaissables. Il y a certes là marque d’allégresse et c’est bien loin d’être négligeable. Mais, derrière le déguisement, il y a toujours quelqu’un qui emplit cette enveloppe finalement superficielle, quelqu’un qui vit. D’une certaine façon, ce n’est que lorsqu’on a découvert qui se cachait ainsi qu’on est parvenu au but. C’est d’ailleurs, profondément, le symbole qu’entend incarner cette tradition : de même que les enfants avec leurs déguisements, D.ieu Se « masque » dans l’histoire de Pourim, interprétable comme une suite d’événements rationnels et prévisibles alors que ses véritables ressorts se trouvent sous la surface des choses.
N’en est-il pas ainsi, plus généralement, de l’ensemble de notre existence ? Les jours se suivent dans leur quotidienneté et, avec toute la légitime fierté de la modernité, nous avons la certitude de comprendre – à défaut de les maîtriser – les tenants et les aboutissants de toutes choses. Même si tout ne nous satisfait pas, nous pensons que la réalité se limite à ce que nous sommes capables d’en percevoir. Il est clair que D.ieu a remis le monde entre nos mains et nous a fait l’infini cadeau de la liberté. De ce fait, il nous revient de décider de notre avenir et d’agir pour que nos espoirs se concrétisent. Cependant, comme sous l’écume qui recouvre la vague, il y a la profondeur de la mer, ainsi, derrière tout cela, la Présence Divine est constamment dans le monde qu’Elle a créé. Cela n’exonère de rien mais voici que notre force en est comme grandie. Cela signifie que l’univers a un sens et que, si nous sommes les acteurs de notre vie, un Guide nous en désigne les voies. Pourim est la fête joyeuse par essence. N’est-ce pas là une perspective bien heureuse ? Retirer le masque, regarder la réalité telle qu’elle est, profondément, aller ainsi au bout de soi-même et découvrir enfin la liberté avec la venue de Machia’h.
La voix et les mains
Le texte de la Torah (Gen. 27 : 22) enseigne : « La voix est celle de Yaacov et les mains sont celles d’Essav ». Sachant que Yaacov représente le Peuple juif et que Essav est l’ancêtre de l’empire romain, les Sages donnent à cette phrase un sens plus profond. Quand on entend la « voix de Yaacov », celle de la Torah, disent-ils, alors les « mains d’Essav », sa force matérielle, n’ont aucun pouvoir. Mais, quand la voix de la Torah s’affaiblit, les mains d’Essav peuvent l’emporter.
Cette idée se concrétisa à l’époque de la destruction du Temple. C’est ce que dit le prophète Jérémie : « Pourquoi la Terre a-t-elle été perdue ? Car ils ont abandonné Ma Torah ». En notre temps, par l’étude renforcée de la Torah, nous pouvons donc annuler la cause de l’exil et ainsi amener la Délivrance.
(D’après Likoutei Si’hot, vol. III – Parachat Toledot)
Ki Tissa
Chaque membre du Peuple juif reçoit l’injonction d’apporter la contribution précise d’un demi-chékel d’argent pour le Sanctuaire. Des instructions sont également données concernant la fabrication du bassin d’eau du Sanctuaire, de l’huile d’onction et des encens. Les artisans « au cœur sage », Betsalel et Aholiav sont chargés de la construction du Sanctuaire et une fois encore le peuple reçoit le commandement d’observer le Chabbat.
Moché ne redescend pas du Mont Sinaï quand le Peuple l’attend et celui-ci fabrique un veau d’or et l’adore. D.ieu propose alors de détruire cette nation pécheresse mais Moché intercède en sa faveur. Il descend de la montagne, portant les Tables de la Loi sur lesquelles sont gravés les Dix Commandements. Quand il voit le peuple danser autour de son idole, il brise les Tables, détruit le veau d’or et fait mettre à mort les principaux instigateurs. Il retourne alors vers D.ieu pour Lui dire : « Si Tu ne leur pardonnes pas, efface-moi du livre que Tu as écrit ».
D.ieu pardonne mais dit que le résultat de ce péché sera ressenti pendant de nombreuses générations. Au début, D.ieu propose de leur envoyer Son ange mais Moché insiste pour que D.ieu Lui-même accompagne Son peuple vers la Terre Promise.
Moché prépare de nouvelles Tables et, une fois de plus, il grimpe sur la montagne où D.ieu écrit de nouvelles Tables de l’Alliance. Sur la montagne, Moché perçoit également une vision des « treize attributs de miséricorde ». A son retour, le visage de Moché irradie d’une telle lumière qu’il doit le cacher derrière un voile qu’il n’enlève que pour parler à D.ieu et enseigner Ses lois au peuple.
Une dévotion indestructible
L’une des scènes les plus dramatiques de notre histoire est celle de Moché descendant du mont Sinaï, portant les Tables de la Loi. Il aperçoit alors son peuple adorant un Veau d’or, il jette les Tables qui brisent en mille morceaux l’alliance entre le Peuple juif et son D.ieu.
Les commentateurs offrent de multiples interprétations pour expliquer pourquoi Moché brisa les Tables. L’une d’entre elles veut que Moché tenta d’épargner la nation de la colère de D.ieu en détruisant le contrat qui contenait le pacte saint que Son peuple était ouvertement en train de trahir.
Rachi explique (à propos de Chemot 34 :1) : cela peut être comparé à un roi qui est parti à l’étranger et a laissé sa fiancée avec ses servantes. A cause du comportement immoral des servantes, elle a acquis une mauvaise réputation. Son « garçon d’honneur » [la personne désignée pour défendre la fiancée en cas de problème] se lève et déchire son contrat de mariage. Il dit : « si le roi a décidé de la tuer, je lui dirai : ‘Elle n’est pas encore ta femme’ ».
Mais en brisant les Tables, Moché essayait peut-être aussi d’imprégner l’esprit de son peuple d’un message essentiel qui resterait avec lui pour l’éternité.
Moché disait aux Juifs qu’à cause de leur grave faute, « le contrat » avec D.ieu avait été violé et était donc rompu. D.ieu était désormais libéré de tout engagement à leur égard.
Et pourtant Moché voulait qu’ils voient et comprennent que bien que les Tables aient été brisées, D.ieu ne les abandonnerait pas. Même sans aucun « contrat », ils resteraient Son peuple élu. Le lien de D.ieu à l’égard du Peuple juif est au-delà des accords contractuels, au-delà des circonstances et des mauvais choix, au-delà de la logique elle-même.
C’est un lien indestructible d’amour, en tout temps et en tous lieux.
Et peut-être, agissant ainsi, Moché suppliait-il son peuple d’agir de même, en se dévouant à nouveau à D.ieu pour toujours, comme Son peuple élu, même quand cela devenait extrêmement difficile. Même dans des circonstances où cela ne paraissait pas rationnellement bénéfique… même s’il semble qu’Il ne respecte pas Ses promesses à notre égard, même si cela requiert un code moral plus strict, même si les nations du monde nous haïssent et même si cela implique d’aller chercher profondément dans notre âme pour accéder à une petite braise de la flamme vacillante de notre âme.
Notre peuple comprit la leçon de l’acte dramatique de Moché. Elle se grava dans la texture de notre être. Et c’est ce message qui nous a aidés à répondre de la même façon à D.ieu même durant les moments les plus éprouvants.
La pièce de feu
Dans la Paracha de cette semaine, Ki Tissa (Chemot 30 :11-34 :35), nous voyons D.ieu ordonner à chaque membre du Peuple juif de donner un demi-Chékel comme « une offrande de rachat pour leurs âmes », pour avoir participé au péché du Veau d’Or. L’argent allait être utilisé pour faire « les supports des fondations » du Tabernacle (le Sanctuaire portable que les Hébreux construisirent dans le désert).
Le Midrach relate que lorsque Moché prit connaissance de cette offrande, « il fut troublé et eut un mouvement de recul », se demandant comment une simple pièce d’un demi-chékel pouvait compenser le grave péché du Veau d’Or. En réponse, « D.ieu montra à Moché une pièce de feu qu’Il avait prise sous Son Trône de Gloire et dit : ‘une semblable, ils donneront’ ».
Pourquoi ce commandement du demi-Chékel laissa-t-il Moché si perplexe ? Comment la « pièce de feu » que D.ieu lui montra répondit-elle à son interrogation ? Et que peut-on apprendre de ce commandement dans notre rôle de parents quant aux « offrandes » à attendre de nos enfants ?
Tous les autres dons effectués par le Peuple juif pour le Tabernacle étaient faits, comme la Torah n’a de cesse de le souligner, uniquement parce que « leurs cœurs les inspiraient à donner ». Les hommes, les femmes, les jeunes et les vieillards, de chacune des différentes tribus, donnaient volontairement et contribuaient avec enthousiasme, autant qu’ils le pouvaient, aux nombreux matériaux utilisés pour fabriquer le Tabernacle.
Par contre, le don du demi-Chékel était obligatoire et le même montant était requis de chacun, qu’il soit riche ou pauvre.
Moché ne pouvait saisir comment une offrande obligatoire pouvait apporter le pardon. Si le don individuel n’était pas fait de tout cœur, de la propre initiative du donateur et au mieux de ses capacités, comment cela pouvait-il être considéré comme une « offrande » ? Et plus encore, comment cette contribution obligatoire pouvait-elle obtenir le pardon pour une faute si grave que celle du Veau d’Or ?
Pour expliquer tout cela, D.ieu montra à Moché une pièce de feu. D.ieu faisait allusion au feu de l’âme. Chaque âme prend son origine sous le Trône de Gloire de D.ieu et est guidée par un désir ardent d’être liée à sa Source. Chaque âme est continuellement et éternellement liée à D.ieu et toutes les actions positives d’un individu sont un résultat direct des tiraillements de son âme pour le motiver.
D.ieu montrait à Moché que même un Juif obligé de donner ce demi-Chékel désire le donner. Bien que ses actions paraissent forcées, elles sont en réalité suscitées par sa quête intérieure et enflammée pour se lier à D.ieu.
En tant que parents, vous êtes-vous déjà entendus vous demander quel bénéfice y a-t-il à forcer votre enfant à faire ce qui est bien quand il ne le fait que parce qu’il ne vous désobéit pas. Ressentez-vous, qu’à moins qu’il ne se porte spontanément volontaire, ses actions n’ont pas beaucoup de valeur ? Considérez-vous futile d’exiger des excuses, non sincères alors, pour une mauvaise action ?
L’épisode du demi-Chékel nous rappelle le bien essentiel qui se trouve dans chaque individu. La vie est semée d’embuches et de situations séduisantes qui risquent de nous détourner de notre voie authentique. Mais le désir qui est ancré profondément en chacun de nous est de nous lier à notre Créateur.
En tant que parents, rappelez-vous que votre enfant a été créé avec une âme ardente, émanant du Trône de Gloire de D.ieu, qu’il désire profondément faire ce qui est bien. Si votre enfant s’égare, votre rôle parental consiste à le ramener aux désirs profonds de son âme. Des enfants différents peuvent avoir besoin d’approches différentes pour les aider à surmonter des tentations extérieures mais votre attitude à son égard doit être basée sur le postulat de base qu’il veut faire le bien.
Guidez votre enfant en anticipant les difficultés pour l’aider à agir correctement même si certaines de ses actions se feront de manière forcée. Parce que malgré les pressions extérieures, les rappels et les règles émanant des parents, la véritable motivation pour votre enfant pour faire ce qui est juste est son ardente âme divine. Même si vous et lui n’en êtes pas conscients.
Qu’est-ce que le ‘Hamets ?
Durant Pessa’h, il est interdit de posséder et de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le mercredi 5 avril 2023 à 11h 30, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard l’avant-veille de Pessa’h, cette année mardi 4 avril 2023.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra « récupérer » une heure après la fête qui se termine le jeudi 13 avril 2023 à 21h 29 (horaires valables en Ile-deFrance).
« Que chacun parle la langue de son peuple… » (Meguila 1 : 22)
Le Tsar Nicolas (1868 - 1918) était un terrible antisémite qui cherchait par tous les moyens à convertir les Juifs au christianisme. Mais plus ses décrets étaient impitoyables, plus les Juifs s’accrochaient à leurs coutumes et croyances.
Un jour, un de ses ministres eut une idée « géniale » : « Vous n’arriverez jamais à convertir les Juifs tant qu’ils restent entre eux et parlent une langue différente de la nôtre. Ils ne parlent que yiddish et non le russe. Si vous parvenez à ce que leurs enfants fréquentent les écoles du gouvernement et apprennent notre langue, ce sera bien plus facile pour vous de les persuader de changer de religion ! ».
Cette brillante idée plut au Tsar qui émit un décret, instituant dans tout le pays des écoles qui dispenseraient des cours de russe gratuits. Pour mieux « vendre » son plan, le Tsar embaucha un Juif allemand, un professeur brillant, qui parlait plusieurs langues, le Docteur Lilinthal afin qu’il persuade les communautés juives d’adhérer à son idée.
Mais la tâche s’avéra difficile. A Vilna, « la Jérusalem de Lituanie » comme on l’appelait à l’époque, Dr Lilinthal demanda à tous les notables juifs de la ville de se rassembler dans la synagogue pour l’entendre vanter cette nouvelle possibilité d’apprendre gratuitement à lire et parler le russe.
Tous l’écoutèrent poliment puis quelqu’un se leva et remarqua : « Je me demande pourquoi le gouvernement s’engage à une telle dépense pour nous enseigner sa langue alors que la vaste majorité de ses sujets ne savent même pas écrire leurs noms, alors que tous les enfants juifs savent lire et écrire ! Mais le gouvernement russe ne se préoccupe pas des paysans et autres simples citoyens qui n’ont reçu aucune éducation. Pourquoi vous acharnez-vous à convaincre les Juifs et non les autres habitants du pays ? Pourquoi – si ce n’est pour les convertir ? ».
Embarrassé, Dr Lilinthal choisit d’esquiver la question et de tenter une autre tactique. Il réalisait qu’il avait devant lui une assemblée d’érudits, versés dans la Torah et le Talmud : il allait donc se servir de la logique si particulière de la Guemara pour appuyer son argument.
- Ecoutez-moi bien, mes frères. Nous savons que Morde’haï avait entendu deux serviteurs du roi A’hachveroch, Bigtan et Térech, comploter d’empoisonner le roi. Ces deux serviteurs étaient turcs et ignoraient que Morde’haï, membre du Sanhédrine (le tribunal rabbinique) connaissait 70 langues. C’est ainsi qu’il put révéler au roi ce que ces félons tramaient contre lui. Alors mes frères, voici la preuve que, dans l’intérêt de son peuple, Morde’haï avait bien agi en apprenant toutes ces langues ! Sinon, il n’aurait pas pu sauver la vie du souverain, Haman se serait emparé du trône et aurait pu mettre en œuvre son sinistre projet de tuer tous les Juifs du royaume, à D.ieu ne plaise ! Il est donc évident qu’il est important d’apprendre au moins la langue du pays en plus d’autres langues !
Triomphant, Dr Lilienthal toisait son auditoire avec la satisfaction de celui qui a convaincu ses adversaires. Mais Reb Avraham Efron se leva :
- Vous vous trompez, tout docteur et professeur que vous êtes. De votre histoire, nous pouvons déduire exactement le contraire ! Si Bigtan et Térech avaient su que Morde’haï et tous les Juifs connaissaient entre autres leur langage, ils n’auraient pas osé comploter contre le roi en sa présence. Comme ils étaient certains que les Juifs n’essayaient pas d’apprendre une autre langue et restaient fidèles à la langue de leurs ancêtres, ils ne se méfièrent pas et c’est grâce à cela que les Juifs furent sauvés !
Dépité, Dr Lilinthal quitta Vilna sous les quolibets. Il se dirigea vers Minsk mais les foules réunies à sa demande ne l’écoutaient pas davantage ; humilié, il ne lui resta plus qu’à offrir au Tsar sa démission.
« Et pour les Juifs il y eut lumière et joie, allégresse et honneur… »
Rav Chalom Klass (zal) – Jewish Press
Traduit par Feiga Lubecki