Semaine 11

  • Ki Tissa
Editorial
De délivrance en délivrance

Nous vivons une semaine que la fête de Pourim éclaire plus qu’on ne saurait le dire. Elle est justement cette célébration qui a tout transformé alors que les Juifs, au plus noir de l’exil, étaient soumis à la domination d’un peuple puissant et impitoyable qui avait détruit le Temple et les avait chassés de leur terre. De fait, le temps de Pourim aurait pu être celui du désespoir, pourtant il devint celui de l’allégresse. Brutalement, alors que les nuages s’amoncelaient, un brillant soleil les dispersa. Certes, soulignent les commentateurs, l’exil ne disparut pas pour autant mais, en tout état de cause, ses couleurs changèrent. Nous nous souvenons aujourd’hui de cette histoire et nous nous interrogeons : comment cela est-il possible ? Comment tout peut-il ainsi se transformer ?
C’est là une interrogation d’autant plus légitime que rien ne peut être regardé comme le simple fait du hasard ou le résultat d’une fatalité imaginaire. C’est dire que la référence aux actions des hommes, à leur conscience et à leur détermination est indispensable pour comprendre le sens des choses. Que firent donc les Juifs en ce temps-là, devant la menace de leurs ennemis ? Ils ne renoncèrent pas. Ils refusèrent de plier. A l’instar de Mordé’haï, «ils ne se courbèrent ni ne se prosternèrent». A chaque instant, ils restèrent fidèles à eux-mêmes, à leur héritage, à leur identité. Ce ne fut pas facile. La menace planait et chacun le savait, la tentation du renoncement pouvait être grande. Il fallait, pour y résister, un élément particulier que la tradition juive dénomme «le don de soi». C’est une force infinie que chacun possède, chevillée à son âme. C’est elle qui s’exprima et cette puissance-là écarta tous ceux qui voulaient notre perte.
L’histoire de Pourim n’est pas un récit du passé, une histoire d’héroïsme comme notre peuple en connut de nombreuses. C’est un récit de notre temps. N’évoque-t-il pas, par bien des côtés, des situations que nous côtoyons plus souvent qu’il ne faudrait ? Lorsqu’il parle d’exil et de menaces, d’ennemis et de complots, cela ne nous rappelle-t-il rien ? A ces questions, la réponse est éternellement semblable: le courage d’être soi-même. La délivrance de Pourim est alors aussi notre délivrance, l’avant-goût de celle de Pessa’h, le prélude à celle de Machia’h. C’est une délivrance conduite par la joie et qui a le bonheur pour horizon. L’allégresse est notre partage.
Etincelles de Machiah
La joie comme clé

On raconte, à propos d’un des Maîtres de la ‘Hassidout polonaise, que, lorsqu’il était encore un jeune enfant, il demanda une pomme à son père. Celui refusa de lui donner le fruit. L’enfant était intelligent ; il prononça la bénédiction requise sur la pomme et obligea ainsi son père à la lui donner pour lui éviter de l’avoir dite en vain.

Nous vivons une situation semblable. Lorsque les Juifs se réjouissent, dès à présent, de la venue de la Délivrance avec une confiance absolue dans le fait que D.ieu enverra très bientôt le Machia’h, cette joie même «conduit» D.ieu à répondre favorablement à leur attente. Il ne s’agit pas là de forcer la décision divine mais d’accomplir Sa volonté avec la plus grande joie.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XX, p.384)
Vivre avec la Paracha
Ki Tissa : Qu’est-ce que le péché ?


La majeure partie de la Paracha Ki Tissa évoquant la faute du Veau d’Or, interrogeons-nous sur la question de la faute. Comme pour pratiquement toute question, la réponse dépend de celui à qui on la pose.

Le Midrach ( Yalkout Chimoni sur le Psaume 25) décrit une sorte de «table ronde» au cours de laquelle cette question est posée à quatre autorités différentes : la Sagesse, la Prophétie, la Torah et D.ieu, chacune donnant sur le sujet une définition différente. Selon la Sagesse, c’est un acte nuisible. Selon la Prophétie, c’est la mort. La Torah le voit comme une folie. D.ieu le considère comme une opportunité.

La vue philosophique de la faute est que c’est une mauvaise idée, comme de marcher pieds nus dans la neige ou manger trop d’aliments gras. Si vous faites des actes nocifs, vous en subirez des conséquences négatives.
Cela signifie-t-il que Quelqu’un vous surveille, tenant les comptes des infractions et distribuant les punitions ? Il ne s’agit pas d’une vision aussi simpliste que celle d’un D.ieu vengeur qui se fâche quand Ses petites créatures de la terre osent défier Ses instructions. Les morsures du gel sont-elles les punitions de D.ieu pour cette promenade pieds nus dans la neige ? Ce que cela signifie réellement est que D.ieu a établi certaines «lois de la nature» qui décrivent Son mode d’action sur notre existence. Il existe des lois physiques de la nature, celles que les scientifiques mesurent. Mais il existe aussi des lois spirituelles de la nature qui dictent que des actes spirituellement bénéfiques apportent des bienfaits spirituels et que des actes spirituellement néfastes causent un mal spirituel. Et puisque notre existence dérive de la réalité spirituelle dont elle est le miroir, le comportement moral et spirituel d’un individu affecte également en dernier ressort sa vie physique.
C’est pourquoi le Roi Salomon (qui est la source de la perspective de la «Sagesse» dont parle le Midrach cité) établit dans le livre des proverbes : «Le mal donne suite à l’iniquité».
La Prophétie va plus loin. La faute n’est pas seulement un acte néfaste, c’est l’acte néfaste ultime. La Prophétie (qui représente l’apogée de l’engagement de l’homme à communiquer avec D.ieu) définit la «vie» comme un lien avec D.ieu. L’infraction commise, l’homme se détournant de D.ieu, est une rupture de ce lien. C’est pourquoi la faute, c’est la mort.
La Torah convient qu’il s’agit d’un acte néfaste. Elle reconnaît également que c’est une rupture du flux de vie entre le Créateur et la création. En fait, la Torah est à la fois la source de la perspective de la Sagesse et de celle de la Prophétie sur le sujet. Mais la Torah va encore plus loin établissant que l’âme de l’homme ne ferait jamais volontairement et consciemment une telle erreur.
La faute, dit la Torah, est un acte de folie. L’âme, dans un moment de déraison et de confusion, commet un acte contraire à son véritable désir profond. Ainsi la faute peut-elle être transcendée quand l’âme reconnaît et admet la folie de ses transgressions et réaffirme sa véritable volonté.
Et qu’en dit D.ieu ? D.ieu, bien sûr, créa les lois de la nature (physiques et spirituelles) et la Sagesse qui reconnaît leur mode de fonctionnement. D.ieu est la source de la vie et c’est Lui qui décrète qu’elle doit s’écouler dans l’âme humaine par un canal construit (ou rompu) par les actes de l’homme. Et D.ieu nous donne la Torah et ses formules pour parvenir au bien-être spirituel, à la découverte de soi et à la transcendance. Ainsi D.ieu est-Il la source des trois premières perspectives sur la faute.
Mais il en existe une quatrième qui est l’apanage de D.ieu seul : la faute est l’opportunité pour le «retour» (Techouvah).
La Techouvah est un processus qui, dans sa forme ultime, nous donne la force non seulement de transcender nos erreurs mais aussi de les racheter : de faire un véritable retour dans le temps et de redéfinir la nature essentielle des actes passés, de transformer le mal en bien.
Pour y parvenir, il nous faut ressentir que la transgression a été un acte néfaste. Il nous faut reconnaître et regretter sincèrement et reconnaître ses effets dévastateurs sur notre âme. Il nous faut admettre, désavouer cette folie et y renoncer. C’est seulement alors que nous pouvons faire marche arrière et changer ce que nous avons fait.
Alors, qu’est la faute ? Est-elle un acte mauvais, néfaste ? Est-elle la face même de la mort ? Est-elle une ineptie absolue à rejeter par une âme essentiellement sage et pure ? Est-ce une opportunité pour conquérir et grandir ? En fin de compte, c’est les quatre à la fois. Mais pour que la faute réponde à la quatrième définition, elle doit aussi répondre aux trois premières.


Quand [D.ieu] finit de parler avec [Moché] sur le Mont Sinaï, Il lui donna les deux Tables du Témoignage, des Tables de pierre, écrite avec le doigt de D.ieu… Quand [Moché] vit le veau… il jeta les Tables de ses doigts et les cassa… D.ieu dit à Moché «taille deux Tables pour toi comme les premières…» (Ki Tissa 31 :1, 32 :19, 34 :1)

L’ordre des événements au cours desquels Israël reçut les Tables de la Loi suivit trois étapes : (1) les premières Tables que Moché descendit de la montagne ;(2) Moché cassa ces premières Tables à cause de la faute péché du Veau d’Or et (3) Israël se repentit de son acte et Moché remonta sur le Sinaï et revint avec les secondes Tables.
Les premières Tables avaient été à la fois faites et gravées par D.ieu Lui-Même. Les secondes furent aussi gravées par D.ieu mais taillées par Moché, suggérant par là une qualité moindre par rapport aux premières. Néanmoins, les secondes Tables avaient un avantage unique sur les premières. Le grand abîme dans lequel Israël était tombé à cause de la faute du Veau d’Or, et qui avait poussé Moché à briser les Tables, fut l’agent d’une remontée vers une plus grande spiritualité, transcendant de loin tout ce qu’ils avaient atteint dans le passé. En fait, c’est spécifiquement avec les secondes Tables (qui représentent l’essence de la Torah Ecrite) que Moché reçut également la Torah orale.
L’ordre de ces événements reflète l’histoire du Peuple Juif.
Il y eut d’abord une ère où la Divinité était manifeste. C’est la période qui va du Don de la Torah à la destruction du second Beth Hamikdach (Saint Temple de Jérusalem). Cette période correspond à la qualité des premières Tables.
Les péchés d’Israël causèrent la destruction du Beth Hamikdach et l’exil d’Israël qui suivit, une ère terrible marquée à la fois par la souffrance physique et par perte de spiritualité qui correspond à la destruction des Tables.
La troisième et dernière étape qui suit et résulte de l’exil verra le jour quand le Peuple Juif aura le mérite de la plus grande élévation spirituelle qui sera éternelle et verra le jour avec le Rédemption ultime par Machia’h, que cela ait lieu rapidement de nos jours.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 'Hamets ?

Durant Pessa'h, on n'a le droit ni de posséder ni de consommer du 'Hamets. Il faudra donc avant le mercredi 12 avril 2006 se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d'hygiène.
C'est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc... avant Pessa'h, afin d'éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du 'Hamets à Pessa'h, on remplira une procuration de vente, qu'on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le 'Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa'h, cette année mardi 11 avril 2006 avant ……………… h.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa'h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le 'Hamets et la vaisselle 'Hamets qu'on n'utilisera pas durant Pessa'h mais qu'on pourra «récupérer» une heure après la fête qui se termine jeudi soir 20 avril 2006 à 21h 37.
De Recit de la Semaine
Souriez : c’est Pourim !

Je feuillette l’album de photos et m’arrête sur un cliché que nous avons pris il y a quelques années. Ma fille ‘Hava, alors âgée de neuf ans était une «élégante » de Pourim : elle portait ma vieille veste en fourrure. ‘Hava était la reine Esther. Chalom s’était déguisé en cow-boy, avec franges, bandana, chapeau assorti et bottes. Le petit Aharon était un adorable Séfer Torah, qu’on avait tout le temps envie d’embrasser : nous lui avions fait un costume en velours bleu avec les dix Commandements brodés et, sur son front, il portait une couronne en papier doré.
Que pouvons-nous apprendre de Pourim ? Quelle signification pouvons-nous donner à ce jour si saint et si précieux ? Comment pouvons-nous encore davantage répandre sa joie autour de nous ? Comment ressentir que D.ieu est avec nous, ici-même ? Regardons d’autres photos…

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Mon ancienne propriétaire était appelée «Nenie» par tout le monde. En hongrois, cela signifie « tante ». Cette femme si spéciale était la tante de tout le monde ! Sa porte était ouverte à tous.
Elle adorait les visites à l’improviste et, quand elle disait : «Je suis si heureuse de vous voir !», on savait qu’elle était sincère.
Elle m’avait montré une photo de Pourim : ses véritables neveux l’avaient prise après un repas de Pourim, à une heure du matin. Nenie était au centre de la photo, le visage illuminé d’un sourire radieux. Autour d’elle se tenaient sept adolescents d’une quinzaine d’années, déguisés en soldats. Elle m’expliqua : « Mes neveux étudient dans une Yechiva loin de New York mais désiraient passer Pourim dans mon quartier de Boro Park. Ils avaient besoin d’un pied-à-terre. Donc ils sont venus ici (tout simple, n’est-ce pas ?). Ils ont déposé leurs colis de Michloa’h Manot ici et ils venaient les prendre au fur et à mesure pour les distribuer à leurs amis. Ils en profitaient pour manger un petit peu avant de repartir. Juste avant le coucher du soleil, ils ont partagé mon festin de Pourim puis se sont rendus chez des amis pour la «vraie» fête. Ils sont revenus à une heure du matin pour dormir. Ils étaient si heureux parce que tout au long de la journée, ils avaient collecté de l’argent pour une noble cause : les enfants malades. Je ne sais pas trop comment ils ont tous dormi sur la moquette dans la salle à manger de mon tout petit appartement…

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Il y a trente ans, une de mes amis m’avait montré une photo : la table que sa mère avait utilisée pour préparer des centaines de petits paquets de Michloa’h Manot. «Nous habitions à Long Island. Il y avait de nombreuses personnes âgées dans notre communauté, leurs enfants habitaient loin de là. Ma mère distribuait plus de deux cents Michloa’h Manot à ces voisins : pour certains d’entre eux, c’était les seuls paquets qu’ils recevaient à Pourim.»
Cette photo m’avait tellement impressionnée que, quand je me suis mariée, moi aussi j’ai préparé cinquante Michloa’h Manot que j’ai distribuées dans une maison de retraite sur Foster Avenue. Il a fallu à mon mari plus de trois heures pour livrer tous les paquets que j’avais prévus. Je continue jusqu’à aujourd’hui d’envoyer des Michloa’h Manot à des gens qui – je le sais – n’en reçoivent pratiquement pas d’autres.
Certains d’entre nous sont submergés par tellement de Michloa’h Manot que nous ne savons pas si nous parviendrons à les terminer avant Pessa’h. Mais avons-nous pensé à tous ceux qui sont seuls à Pourim et dont les demeures sont calmes, trop calmes ?

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Ah, voici une photo de deux amis, souriants, avec de drôles de chapeaux. Ils trinquent ensemble sur une coupe de champagne et on pourrait presque les entendre se souhaiter «Le’haïm», A la vie ! Et joyeux Pourim !». Si vous souhaitez raviver une ancienne amitié mais que vous vous sentez intimidé, Pourim est justement le jour pour cela. Faites une surprise à quelqu’un. Si vous ne lui avez pas téléphoné depuis longtemps, appelez à Pourim : c’est le moment idéal pour demander de ses nouvelles. Pourim est un jour de «Merci !». Remerciez les personnes qui vous rendent service, qui vous gardent les enfants, qui vous les ramènent de l’école, qui vous dépannent en cas de coup dur…

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Voici une photo de gens déguisés qui donnent la Tsedaka (charité). Une des Mitsvot de Pourim est de donner de l’argent à au moins deux pauvres. De plus la coutume veut qu’on donne la Tsedaka à quiconque en demande. A Pourim, D.ieu dit : «Ma main aussi est ouverte, pour vous accorder ce que vous demandez !». Grâce à la main ouverte de D.ieu, Pourim est aussi un jour propice à la prière.
Je connais une femme appelée Esther qui prend ce message à cœur. «Parce que je m’appelle Esther comme l’héroïne de Pourim, je ressens une ferveur spéciale dans la prière de Pourim. Chaque année, des gens me téléphonent et me demandent de prier pour eux ce jour-là. Une femme m’avait appelée, elle n’avait pas d’enfant. Ce Pourim-là, toute ma famille s’est levée très tôt et nous avons prié au lever du soleil. Un an plus tard, cette femme qui m’avait appelée donnait naissance à son premier bébé».

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Et voici une photo de la Guerre du Golfe, prise en 1991. Vous vous souvenez ? Rappelez-vous des Scuds qui tombaient à la mer ou dans le désert. La guerre s’était achevée avec la défaite de l’Irak le jour de Pourim. N’oublions pas les miracles ! C’est le jour réservé aux surprises, le jour où il fait bon être joyeux ! Quelle surprise ce Pourim nous réserve-t-il ?
Nous nous levons chaque matin et constatons avec tristesse que ne règnent pas encore la paix, la prospérité, la connaissance et la bonne santé pour tous, Machia’h n’est pas encore là. Tant de miracles, de bonnes surprises sont déjà arrivés.
Mais de grâce, oh D.ieu, envoie-nous le miracle le plus joyeux qui puisse exister ! Envoie-nous Machia’h !

Roiza Weinreich
Le’haïm
traduite par Feiga Lubecki
Allumages 5774