Le pouvoir des hommes
Cette semaine, le 10 du mois de Tévèt marque un des trop nombreux épisodes dramatiques de l’histoire juive : le début du siège de Jérusalem par les armées venues de Babylone. Dans ce jour tient déjà la suite des événements commémorés au fil de l’année qui déboucheront sur la destruction du Temple et le début de l’exil. Tout se passe comme si le cadre se mettait peu à peu en place pour la tragédie finale, et cela donne à ce jour de jeûne toute sa gravité. Pourtant, cette première analyse dérobe à nos regards quelques idées fondamentales.
C’est ainsi que, relèvent les commentaires, pour introduire le récit de ce qui se passa, c’est-à-dire le début du siège, le texte utilise l’expression « au cœur de ce jour » ou, plus littéralement, « dans l’essence de ce jour ». Cela est d’autant plus remarquable que l’histoire rapportée ici est bien celle d’une chute vertigineuse : la perte du Temple et l’exil ! Ça l’est d’autant plus que la même expression est employée, dans un contexte manifestement différent, pour décrire la grandeur de Yom Kippour. Décidément, le 10 Tévèt doit aussi être envisagé autrement.
Si l’on s’attache aux mots utilisés, et on sait à quel point la tradition juive y prête une importance décisive, on remarque que l’avancée de l’ennemi est décrite par le terme « en ce jour, il s’approcha des murailles de Jérusalem », ce qui peut se comprendre également comme signifiant « il vint soutenir ». Mais il est question d’un siège, d’une manœuvre militaire hostile dans laquelle le « soutien » n’a justement pas sa place ! D’ailleurs, dans d’autres circonstances similaires, également commémorées, la formulation retenue est bien celle, sans ambigüité, de « faire le siège ». Pourquoi donner une autre approche au jour du 10 Tévèt, dans « son essence » ?
C’est que cette ambivalence est précieuse. De fait, historiquement, ce fut bien le début d’un siège et les prémices d’une catastrophe annoncée. Mais, spirituellement, il était en état de produire une forme de perfection, ce degré-là dont parle le prophète Habakouk, qui sera amené par la venue de Machia’h, où tous les peuples apporteront leur aide afin de mieux servir D.ieu. Nous le savons : tout cela, cette transformation essentielle, ne dépend que de nous.
La justesse du jugement
Isaïe (11 :4), décrivant l’œuvre de Machia’h, déclare : « Il jugera le pauvre avec justesse ». Le pauvre est ici désigné, en hébreu, par le terme « Dal ». Il est celui qui ne parvient pas à se contrôler. Il sait discerner le bien et le mal mais il manque de la détermination nécessaire pour traduire cette compréhension dans la pratique quotidienne. Le mot qui le désigne, « Dal », souligne ce manque. La Torah (Lévitique 14 :21) le traduit ainsi : « Celui dont la main n’atteint pas ».
Cet homme spirituellement pauvre qui ne parvient pas à « se prendre en main » sera jugé par Machia’h, annonce le prophète. Mais ce jugement sera mené avec « justesse » car Machia’h relèvera ses circonstances atténuantes.
(d’après Likouteï Dibourim, vol. II, p. 645)
Vaye’hi
Yaakov passe les dix-sept dernières années de sa vie en Egypte. Avant de mourir, il demande à Yossef d’être enterré en Terre Sainte. Il bénit les deux fils de Yossef, Ménaché et Ephraïm, les élevant au même statut que ses propres fils : fondateurs des tribus de la nation d’Israël.
Il désire révéler la fin des temps à ses enfants mais il ne peut le faire.
Yaakov bénit ses fils, assignant à chacun son rôle en tant que tribu : Yehouda donnera naissance à des chefs, des législateurs et des rois. Les prêtres descendront de Lévi, des érudits d’Issa’har, des marins de Zevouloun, des enseignants de Chimon, des soldats de Gad, des juges de Dan, des producteurs d’olives d’Acher, etc.
Réouven est réprimandé pour avoir « dérangé la couche maritale de son père », Chimon et Lévi pour le massacre de Ch’hem et le complot contre Yossef. A Naphtali est attribuée la rapidité d’un cerf, à Binyamin la férocité d’un loup et Yossef est béni de beauté et de fertilité.
Une grande procession, faite des descendants de Yaakov, des ministres du Pharaon, des notables d’Egypte et de la cavalerie égyptienne, accompagne Yaakov dans son dernier voyage vers la Terre Sainte où il est enterré, à ‘Hévron, dans la cave de Ma’hpéla.
Yossef meurt, lui aussi en Egypte, à l’âge de 110 ans. Il a également donné des instructions pour être enterré en Terre Sainte, mais cela ne se produira que bien longtemps après, lors de l’Exode des Juifs d’Egypte. Avant de mourir, Yossef confie aux Enfants d’Israël le testament d’où ils tireront espoir et foi, pendant les difficiles années à venir : « Il est sûr que D.ieu Se rappellera de vous et vous sortira de cette terre (pour vous mener) vers la terre qu’Il a jurée, à Avraham, Its’hak et Yaakov. »
‘Hazak, ‘Hazak Venit’hazèk
Ce Chabbat est dénommé Chabbat ‘Hazak, le Chabbat au cours duquel se conclut la lecture d’un livre de la Torah, en l’occurrence, Beréchit (la Genèse). A l’issue de la lecture de la Torah, on a la coutume de s’écrier : ‘Hazak, ‘Hazak Venit’hazèk : « Sois fort, sois fort et renforçons-nous. » C’est ainsi que la conclusion de l’un des livres de la Torah ajoute de la force dans tous les domaines du Judaïsme. Elle contribue également à apporter de la force au monde en général puisque « le Saint Béni soit-Il regarda dans la Torah et créa le monde ; l’homme regarde dans la Torah et maintient le monde. »
Puisque la proclamation « ‘Hazak, ‘Hazak… » vient à la conclusion de la lecture de la Torah, il s’ensuit qu’elle est connectée au sujet qui la précède immédiatement : la mort de Yossef et son ensevelissement en Égypte.
Mais cela soulève une question pourquoi ce passage précis fut-il choisi pour conclure le livre de Beréchit ? Comment renforce-t-il le Peuple juif dans son service de D.ieu ? Apparemment, il évoque une descente et un événement indésirable.
Plus tôt dans la Paracha, nous avons pu lire la déclaration de Yaakov : « Ne m’enterrez pas en Égypte. [Quand] je serai couché avec mes pères… enterrez-moi dans leur sépulture… dans la Cave dans le champ de Ma’hpéla. »
On peut relever deux points dans cette requête : l’avantage d’être enterré en Erets Israël (si ce n’est dans la Cave de Ma’hpéla) et le désir d’éviter d’être enterré en Égypte, un pays dont le niveau spirituel était des plus bas.
Yossef, par contre, n’eut pas (du moins immédiatement) le mérite d’être emmené en Erets Israël. Il fut enseveli en Égypte avec l’intention (du moins de la part des Égyptiens) qu’il reste en Égypte pour une période prolongée.
Bien que Yossef fît jurer aux Juifs que finalement ils sortiraient « ses ossements » d’Égypte, cette promesse ne fut accomplie que beaucoup plus tard. En outre, cette promesse ne constitue pas la conclusion du livre. Le verset supposé donner de la « force » au Peuple juif est celui qui décrit l’ensevelissement de Yossef.
Cette interrogation peut être élucidée si l’on se place dans la perspective des Juifs : l’enterrement de Yossef contenait une dimension positive. Il dotait les Juifs de la force et du courage personnel nécessaires pour supporter l’exil. Yossef dirigeait l’Égypte, comme le Pharaon lui avait dit : « Sans toi, personne ne sortira une main ou un pied dans toute la terre d’Égypte. » De son vivant, il constituait la source de subsistance des Juifs. C’est ainsi qu’ils avaient été capables d’intérioriser le concept que même en Égypte, on ne pouvait les perturber. Même après sa mort, Yossef continuait à exercer cette influence.
(C’est pour cette raison que la Torah mentionne également qu’il fut embaumé, c’est-à-dire que non seulement ses os mais également toute sa chair furent préservés.)
Ce concept est applicable au jour d’aujourd’hui car l’exil d’Égypte est la source de tous les exils du Peuple juif qui ont suivi. Ainsi, la leçon associée à l’enterrement de Yossef s’applique à tous les autres exils que les Juifs eurent à subir, y compris celui dans lequel nous nous trouvons. En fait, cette connexion avec l’exil présent est plus forte encore, comme l’a souligné le fait que le chef de notre génération, le Rabbi précédent, s’appelait également Yossef.
(De la même façon, Rabbi Yossef Yits’hak, le Rabbi précédent, tout comme Yossef, fut enterré en exil et reste avec nous jusqu’à ce que nous ayons accompli la tâche de « polir les boutons ». Alors, le dernier instant de l’exil deviendra le premier instant de la Rédemption, avec la venue du Machia’h.)
Son service, qui impliquait « diffuser les sources de la ‘Hassidout et du Judaïsme à l’extérieur », traduire la Torah dans « soixante-dix langues », était également similaire à celui de Yossef. Comme cela est expliqué dans la ‘Hassidout, ce dernier est lié à la prière de Ra’hel [sa mère] à sa naissance : « Que D.ieu m’ajoute un autre fils. » On l’interprète comme signifiant que le service de Yossef consiste à transformer « les autres », ceux qui sont éloignés et étrangers au Judaïsme, en « fils ». En fait, ces « fils » sont à un niveau supérieur par rapport à ceux qui suivent naturellement le service des « fils » comme l’expriment nos Sages : « A l’endroit des Baalé Techouvah [ceux qui reviennent à D.ieu] les Tsadikim [Justes] parfaits ne peuvent se tenir. »
Le Rabbi précédent déclara que nous sommes aux jours derniers de l’exil et que la seule chose qui reste à faire est de « polir les boutons » et de se préparer à accueillir le Machia’h. Puisque plus de quarante années où l’on a « poli les boutons » sont passées, il est clair que tout obstacle ou toute difficulté que rencontre un Juif ne sont que des défis. Le mot hébreu pour « défi » « Nissayone », possède également la connotation de « Ness », « élévation », conduisant la personne à un niveau complètement supérieur.
Nous pouvons observer l’expression de ce concept à propos d’Avraham qui affronta dix épreuves différentes. Bien avant, il était déjà à un niveau spirituel élevé, et cela s’avéra avec d’autant plus de clarté après qu’il eut surmonté les épreuves avec succès. Parce que D.ieu désirait qu’il atteigne un niveau encore supérieur, Il lui ajouta des épreuves.
La même chose s’applique à la génération contemporaine. Nous vivons à une époque qui suit toutes les épreuves que les Juifs ont subies dans les générations précédentes. C’est aussi après les épreuves qu’il a endurées en Russie et qu’il a surmontées avec un courage extraordinaire, qu’il a été possible au Rabbi précédent, le chef de notre génération, ainsi qu’à tous ses livres, d’en sortir vainqueur.
Ainsi, la seule raison pour laquelle D.ieu nous soumet à des épreuves est qu’Il veut nous élever encore plus haut.
Puisqu’une épreuve n’a pas de substance réelle, il ne faudrait pas perdre notre temps à parler de l’épreuve elle-même. Bien au contraire, se comporter ainsi rend la personne confuse et stimule son Yétser Hara (penchant vers le mal).
Ce qui doit être le sujet de nos conversations, et ce qui est important, est l’élévation qui résulte de l’épreuve, et dans ce contexte, le plus grand potentiel de pouvoir disséminer la ‘Hassidout. En termes simples, cela signifie l’étude de la ‘Hassidout (qui, inutile de le préciser, suit l’étude du Niglé [la Torah révélée]). Quand un texte ou un discours ‘hassidique est imprimé, chacun devrait être personnellement motivé pour l’étudier. Il doit ressentir que ce texte ou ce discours a été imprimé pour lui personnellement.
Que ces activités mènent à la Rédemption du Peuple juif, thème central du livre de Chemot que nous sommes sur le point de commencer. La description de la Rédemption de notre peuple d’Égypte contient également des allusions à la Rédemption Ultime avec Machia’h. Que cela ait lieu rapidement et de nos jours !
En quoi consiste l’interdiction de tondre pendant Chabbat ?
Chabbat, il est interdit d’enlever un élément attaché au corps de l’homme ou de l’animal (mort ou vivant).
On ne coupera donc pas les ongles ou les cheveux le Chabbat - ni à la main ni à l’aide d’un instrument tranchant (ciseaux, rasoir, tondeuse…).
Si une partie de l’ongle est arrachée et entraine de la souffrance, on pourra éventuellement l’arracher complètement à la main mais pas avec un instrument.
On ne démêlera pas les cheveux, la barbe ou la perruque avec un peigne fin si cela risque d’arracher des cheveux. On pourra les démêler à la main ou à l’aide d’une brosse souple.
(d’après « Assadère Lisseoudata »)
Perdu en Chine
Ido était un ado libre. Pas de soucis, pas d’attaches, pas de programme, pas d’obligations. Le temps et l’espace lui appartenaient. C’est ainsi qu’il se retrouva en Chine. Où précisément ? Peu lui importait. Chaque matin, il se réveillait dans une autre auberge de jeunesse et décidait quelle direction prendre : « J’étais heureux ainsi ! » racontait-il par la suite.
Un jour, il décida de se rendre à Chengdu, à plus de 200 km de là où il se trouvait. Les routes étaient très mauvaises, sales et même dangereuses. Mais Ido était prêt pour tous les défis de la vie. Il marcha un certain temps puis eut la chance qu’on le prit en stop. Cependant, le trajet se révéla trop difficile pour le camion et le chauffeur lui expliqua qu’il était obligé de faire demi tour. Pour Ido, du haut de ses 22 ans, c’était hors de question et il préféra continuer à pied. Vingt minutes plus tard, il se retrouva seul dans un grand champ. Il avait sans doute pris une mauvaise direction mais il n’avait aucune idée de comment revenir en arrière et retrouver son chemin. Il posa son sac à dos et sortit sa gourde d’eau. A ce moment-là, il se souvint que, quand il était enfant, à Jérusalem, un rabbin du nord d’Israël était entré dans leur classe et leur avait appris un chant : « Ce qui était - était. Maintenant, l’essentiel est de commencer un nouveau commencement ». Ce chant qu’il avait appris il y a si longtemps lui sembla résumer sa situation actuelle. Alors, tout seul dans le champ, Ido se mit à danser : « Ma Chéhaya Haya… »
Soudain, un camion passa par là. Le chauffeur, étonné de voir un jeune homme danser tout seul dans le champ, s’arrêta et lui demanda pourquoi il agissait ainsi. Ido raconta qu’il se rendait à Chengdu mais qu’il s’était perdu en chemin.
- Et pourquoi danser ?
- C’est la façon pour un Juif de demander de l’aide à D.ieu, expliqua patiemment Ido.
Amusé, le chauffeur lui proposa de monter dans le camion. L’homme habitait justement à Chengdu et déposa Ido devant le seul bâtiment juif qu’il connaissait dans la ville, le Beth Habad, le centre communautaire Loubavitch. Ido qui avait perdu toute notion du temps et n’avait aucune idée du jour de la semaine entra avec son sac à dos. Il arrivait en plein milieu du repas de Chabbat, alors que des dizaines de personnes étaient attablées autour du Chalia’h. Celui-ci recevait justement la visite de son grand-père, Rav Its’hak Grossman, grand-rabbin de Migdal Haémek (au nord d’Israël).
Ido – qui n’avait jamais fréquenté beaucoup de rabbins dans sa vie – le reconnut immédiatement : c’était justement ce rabbin qui avait appris aux élèves de sa classe ce chant dont Ido s’était souvenu, perdu au milieu de nulle part !
Qui peut décrire l’émotion de ces instants ? Une deuxième fois, les chemins d’Ido et de Rav Its’hak Grossman s’étaient croisés, dans deux pays bien différents…
« J’ai vu la Main de D.ieu à l’œuvre en Chine ! » résuma simplement Ido.
Quelques semaines plus tard, Rav Dovi Henig, représentant du mouvement Loubavitch à Chengdu, reçut un message d’Ido : « Cher Rabbin, pouvez-vous me dire à quelle heure commence Chabbat cette semaine ? ».
Après tout, Ido possédait tout de même des attaches bien plus solides qu’il n’y croyait lui-même…
Rav David Zaklikovski – COLlive Magazine
Traduit par Feiga Lubecki