Le sens de l’histoire
Cette semaine, nous vivons un jour qui semble plus difficile que les autres : le 10 Tévet, date du début du siège de Jérusalem par les armées de Nabuchodonosor venues de Babylone. Alors que la fête de ‘Hanoucca s’est achevée il n’y a guère plus d’une semaine et que nous sommes encore, de manière sensible, emplis de sa lumière, la perspective est de celles qui donnent une sorte de vertige. Il est facile d’imaginer le déferlement des hordes babyloniennes sur le monde du temps, comme une tempête qui balaierait des pays entiers, naturellement impuissants devant l’ampleur des forces déchainées. On peut aussi se représenter sans grande peine tant l’espoir que la désespérance et, dominant l’ensemble, l’héroïsme des défenseurs. Et la Présence de D.ieu…
Car les Sages, qui décrivent l’événement, nous donnent quelques pistes pour en comprendre la portée et le développement. Le terme hébraïque employé pour décrire le début du siège – « Sama’h » – se traduit littéralement par « il s’approcha » ou bien par « il soutint ». Dans cette deuxième lecture, l’envahisseur serait donc venu « soutenir » ! Le propos peut sembler étonnant au regard des tragédies qui allaient arriver. Pourtant, c’est ainsi que nous sommes invités à le considérer. L’histoire n’est pas aveugle. Elle n’est pas le simple résultat de conditions socio-économiques ou le produit de l’affrontement des volontés humaines de puissance. Tout cela, pour le peuple juif, est largement illusion. Il sait que, pour ce qui le concerne, les vrais ressorts sont ailleurs, sur un plan plus élevé. C’est ainsi que le commentaire souligne, s’appuyant sur l’ambivalence du mot « Sama’h » : Nabuchodonosor venait pour « soutenir » ou pour « assiéger ». Ce sont les actes du peuple juif qui devaient en décider et, malheureusement, la conclusion ne fut pas positive. A terme, la destruction du Temple et l’exil en découlèrent.
Est-ce là une simple réflexion sur un épisode lointain de notre passé ? Pas seulement. Parfois le peuple juif, dans tous ses lieux de résidence, quels qu’ils soient, se ressent, à son tour, comme assiégé. Aujourd’hui encore, il lui arrive de ne pas savoir de quoi sera fait l’avenir. Quelquefois même, la rue gronde et les regards qu’il rencontre ne sont pas toujours amicaux. N’a-t-il pas trop souvent le sentiment de servir de champ d’expression à la frustration de trop nombreuses sociétés ? Ne se sent-il pas aussi comme abandonné par beaucoup face à la déferlante de la haine ? Toujours valeureux, il garde pourtant la forteresse de ses valeurs. Il la défend et les furieux assauts du dehors ne parviennent même pas à l’ébranler. C’est alors qu’il importe de le redécouvrir : le monde peut « soutenir » autant qu’ « assiéger ». A nous de faire en sorte qu’il en soit ainsi.
« Pleine de rire »
Evoquant le temps de Machia’h, les Psaumes (126 : 2) annoncent : « Alors, notre bouche sera pleine de rire ». Il faut souligner que ce rire-là a un sens et une motivation profondes.
En effet, la valeur numérique du mot « rire » en hébreu est de 414. C’est aussi celle des mots « Or Ein Sof » qui signifient « Lumière Infinie » et font référence à l’Essence Divine. Cette équivalence indique que la signification véritable de ce « rire » est la révélation de D.ieu.
(d’après Likoutei Torah, Bamidbar, p. 19d)
Vaye’hi
Yaakov passe les dix-sept dernières années de sa vie en Egypte. Avant de mourir, il demande à Yossef d’être enterré en Terre Sainte. Il bénit les deux fils de Yossef, Ménaché et Ephraïm, les élevant au même statut que ses propres fils : fondateurs des tribus de la nation d’Israël.
Il désire révéler la fin des temps à ses enfants mais il ne peut le faire.
Yaakov bénit ses fils, assignant à chacun son rôle en tant que tribu : Yehouda donnera naissance à des chefs, des législateurs et des rois. Les prêtres descendront de Lévi, des érudits d’Issa’har, des marins de Zevouloun, des enseignants de Chimon, des soldats de Gad, des juges de Dan, des producteurs d’olives d’Acher, etc.
Réouven est réprimandé pour avoir « dérangé la couche maritale de son père », Chimon et Lévi pour le massacre de Che’hem et le complot contre Yossef. A Naphtali est attribuée la rapidité d’un cerf, à Binyamin la férocité d’un loup et Yossef est béni de beauté et de fertilité.
Une grande procession, faite des descendants de Yaakov, des ministres du Pharaon, des notables d’Egypte et de la cavalerie égyptienne, accompagne Yaakov dans son dernier voyage vers la Terre sainte où il est enseveli, à ‘Hévron, dans la grotte de Ma’hpéla.
Yossef meurt, lui aussi en Egypte, à l’âge de 110 ans. Il a également donné des instructions pour être enterré en Terre sainte, mais cela ne se produira que bien longtemps après, lors de l’Exode des Juifs d’Egypte. Avant de mourir, Yossef confie aux Enfants d’Israël le testament d’où ils tireront espoir et foi, pendant les difficiles années à venir : « Il est sûr que D.ieu Se rappellera de vous et vous sortira de cette terre (pour vous mener) vers la terre qu’Il a jurée, à Avraham, Its’hak et Yaakov». (Beréchit 47 :2 !- 50 :26)
Les Patriarches dans notre vie
« Mon nom sera perpétué par eux ainsi que les noms de mes pères Avraham et Its’hak. » (Béréchit 48 :16)
Le Peuple Juif possède trois « pères » : Avraham, Its’hak et Yaakov parce qu’il existe trois modèles de perfection qui embrassent notre mission dans la vie.
Avraham : la croissance
La grandeur d’Avraham réside dans le fait qu’il bâtit sa vie, pièce par pièce, s’épanouissant, d’un commencement dépourvu de spiritualité, en un statut emprunt de sainteté.
Maïmonide décrit la vie d’Avraham : le premier Juif naquit dans une société païenne et dépravée.
« Il n’avait pas de maître ou de guide pour l’instruire mais il était englouti parmi les idolâtres déments d’Our Kasdim. Son père, sa mère et toute la société adoraient les idoles et il le faisait avec eux. Mais son cœur était dans la quête et la réflexion au point que, par sa profonde sagesse, il comprit le véritable chemin et sut qu’il n’y avait qu’un seul D.ieu...
Il en vint à reconnaître que le monde entier se trompait… »
Avec courage, Avraham résolut de faire face au monde entier et il commença à enseigner à ses prochains la vérité d’un D.ieu Unique, Omnipotent et Infini, le code de lois approprié et moral et l’approche de la vie qu’implique cette vérité.
(L’un des sens de la dénomination « Ivri » « l’Hébreu » (littéralement : « de l’autre côté »), attachée au nom d’Avraham, est que « le monde entier était d’un côté et Avraham était de l’autre côté »).
Its’hak : la pureté
La vie de Its’hak est en contraste radical avec l’histoire spirituelle d’Avraham, qui évolua de la pauvreté à la richesse.
Its’hak est le premier à être né Juif.
Its’hak ne représente pas une perfection gagnée par des décennies de lutte contre l’imperfection. C’est une ligne droite de spiritualité, depuis sa naissance jusqu’à son dernier jour. Alors qu’Avraham fut circoncis à quatre-vingt-dix-neuf ans, devenant finalement « complet » à cet âge avancé de sa vie, Its’hak fut circoncis au huitième jour de la sienne.
Quand il envisagea de s’aventurer temporairement en dehors de la Terre Sainte, D.ieu lui dit : « Ne descends pas en Egypte. Réside sur la terre dont Je t’ai parlé ». Les Sages expliquent que D.ieu voulait ainsi dire à Its’hak : « Tu es ‘une offrande parfaite’ et la terre qui se trouve en dehors de la Terre sainte ne te convient pas ».
Its’hak ne rencontra aucune adversité. Il voyait tout dans son aspect lumineux le plus profond, ne se liait qu’au bien essentiel. Il est caractéristique d’observer que même dans son fils corrompu, Essav, il ne vit que le bien.
Le mal ne faisait tout simplement pas partie de son monde.
Yaakov : la vérité
L’ultime marque de perfection, cependant, ne consiste pas à éviter la faute mais de réussir à affronter tout ce que l’existence peut présenter, y compris le déficient et le négatif. Selon les mots de Rabbi Chalom Dov Ber de Loubavitch :
« Un individu entier et intègre est celui qui, concrètement, rejette le mal et fait le bien avec une perfection absolue qui n’est jamais sujette aux changements ou aux fluctuations. Les conditions du temps et du lieu ne l’atteignent pas grâce à la force et l’intégrité de ses convictions… Ces facteurs ne constituent pas même une « épreuve » pour lui parce que, pour lui, il n’y a pas d’autre option… » (BeChaah CheHikdimou 5672, vol.I, section 82)
Le troisième de nos Patriarches, Yaakov était l’exemple parfait de cette constance inébranlable dans la vie. Yaakov était né dans la sainteté et passa la première partie de sa vie en étant « un homme complet, résidant dans les tentes de l’étude ». Cependant, à l’opposé d’Its’hak, il dut par la suite s’aventurer au-delà des frontières du parfait et du saint. Au cours de sa vie, Yaakov dut affronter Essav, le meurtrier, Lavan, le voleur et les sociétés idolâtres de ‘Haran et de l’Egypte. Et pourtant, il en émergea spirituellement intègre et indemne. Où qu’il aille, il surmontait toutes les épreuves que lui présentait le monde, quelles qu’elles soient, exploitant le bien dans les circonstances les plus défavorables, sans jamais compromettre l’intégrité de sa propre pureté.
C’est la raison pour laquelle Yaakov est identifié à l’attribut de « vérité ». La vérité implique la constance. Une chose est vraie quand l’on y décèle une réalité objective, quand sa validité n’est pas affectée par les influences et les conditions extérieures. L’héritage de Yaakov est la perfection qui n’a nul besoin d’établir des frontières pour maintenir son intégrité mais qui transcende et transforme les imperfections qu’elle rencontre.
Trois défis
Les différentes personnalités caractérisées par les vies d’Avraham, Its’hak et Yaakov sont toutes trois présentes dans notre vie en tant que Juifs.
Chacun d’entre nous est appelé à œuvrer pour construire, à partir de prémisses imparfaites, pour devenir un être meilleur.
Nous ressentons tous le besoin de nous prémunir pour conserver la pureté intérieure que nous possédons.
Et nous nous trouvons tous devant le défi d’interagir avec le monde dans sa globalité et pas seulement de conserver notre propre morale et notre intégrité spirituelle. Il nous faut également la partager avec notre environnement.
Qu’est-ce que le jeûne du 10 Tévet (cette année jeudi 28 décembre 2017) ?
En ce jour funeste commença le siège de la ville sainte de Jérusalem par l’armée babylonienne, sous les ordres du cruel Nabuchodonosor en 3336 (425 ans avant le début de l’ère commune).
A cause de sa gravité – puisqu’il marque le début de la destruction et de l’exil – il ne peut être repoussé à une date ultérieure (comme les jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av) ou avancé à une date précédente (comme le jeûne d’Esther). C’est le seul jeûne qui peut tomber un vendredi – donc veille de Chabbat. Du fait de sa gravité, il aura d’ailleurs une place de choix quand les jours de jeûne seront transformés en jours de joie (avec la venue de Machia’h).
Le but du jeûne est que même le corps physique ressente « la diminution de la graisse et du sang ». On ne mange pas et on ne boit pas. On ne se rince pas la bouche. Mais on peut se laver sans restriction.
Les enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la Bar ou Bat Mitsva (les filles dès 12 ans et les garçons dès 13 ans) ne jeûnent pas. Les personnes fragiles, les femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher ou qui allaitent ne jeûnent pas. Même ceux qui ont la permission de manger s’abstiendront de manger des friandises.
Le jeûne commence à l’aube, jeudi 28 décembre 2017 (7h00 heure de Paris) et se termine à la tombée de la nuit (17h46 heure de Paris).
Dans la prière du matin, on récite les Seli’hot spéciales de ce jour après le Ta’hanoun ainsi que « le grand Avinou Malkénou ». Puis on lit dans la Torah le passage Vaya’hel (Chemot - Exode 32 : 11 jusqu’à 34 : 1). Seul celui qui a jeûné peut être appelé à la Torah.
Durant la prière de Min’ha (l’après-midi), on lit dans le rouleau de la Torah le chapitre Vaya’hel. Dans la Amida, on ajoute le passage Anénou (« Réponds-nous, Éternel au jour de notre jeûne car nous sommes dans une grande peine… »).
On récite le Ta’hanoun et « le grand Avinou Malkénou ».
Comme tous les jours de jeûne, on procédera à un examen de conscience approfondi et on évitera de se mettre en colère. On augmentera les dons à la Tsedaka (charité). Rabbi Chnéour Zalman (l’Admour Hazaken) explique qu’un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme ce jeûne du 10 Tévet est particulièrement important, on comprend que la Techouva (retour à D.ieu) procurée par ce jeûne est aussi d’un niveau plus élevé.
Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est associé au souvenir des martyrs de la Shoah.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh)
Le roi du Chabbat
Les temps étaient durs pour Rav Yaakov Levi, l’émissaire du Rabbi à Sunshine en Floride. Malgré le nom éclatant de sa ville gorgée de soleil, Rav Levi avait de sérieux problèmes avec sa banque qui menaçait de saisir sa maison, sa voiture et même sa synagogue dont il ne parvenait plus à payer le loyer. La solution ? C’était Michael Fein, le Juif le plus riche de la ville. Chaque année, il donnait 100.000 dollars, en un seul chèque. Mais cette année, il avait posé une condition : qu’il y ait un Minyane ce vendredi soir, les dix Juifs nécessaires pour qu’il puisse réciter le Kaddich, à la mémoire de sa mère. Sinon… Non, Rav Levi ne voulait pas envisager le pire !
On était une heure avant Chabbat et il n’y avait que neuf hommes disponibles, lui compris. Il regarda encore une fois la liste des fidèles mais il avait déjà appelé chacun d’entre eux : on était justement le week-end du 4 juillet, jour de l’indépendance aux Etats Unis et tous étaient partis à la campagne.
Puis il se souvint de celui qui n’était pas sur la liste : Yussie Yablonski. Mais oui ! Bien sûr ! Lui n’était certainement pas parti en week-end, il n’avait pas de voiture. Il serait le dixième! Mais son téléphone ne répondait pas : traduction : il n’avait pas payé sa facture.
Il restait quarante minutes. Rav Levi se précipita vers l’appartement de Yussie et sonna
frénétiquement.
Pas de réponse.
Il frappa de toutes ses forces, encore et encore. Finalement Yussie ouvrit. Les cheveux ébouriffés, sentant la sueur et même la saleté, il regarda le rabbin qui lui demanda :
- Yussie ! Comment va ?
- C’est la question à ne pas poser, rabbin !
- Mais si ! C’est mon métier !
L’appartement était sens dessus dessous : une pile de vaisselle dans un évier crasseux, la poubelle qui débordait, des vêtements sales qui traînaient partout et une odeur à l’avenant.
- Alors Yussie, qu’est-ce qui ne va pas ?
- Tout ! Toute ma vie ne va pas ! Voulez-vous du vin, rabbin ?
- Non merci, je ne bois pas de vin avant Chabbat !
- Chabbat ! C’est déjà Chabbat ? Vous savez, je n’ai plus la notion du temps qui passe…
- Yussie ! Dans 20 minutes, c’est Chabbat. Et j’ai promis à Michael Fein que nous aurions Minyane. Yussie ! Vous aurez l’honneur d’être le dixième !
- Non merci !
- Comment ?
- Je ne vais plus à la synagogue parce que… je ne crois plus en D.ieu !
- Allons, allons, nous en discuterons en route !
- Rabbin ! Les gens se moquent de moi dans la rue ! « C’est le clochard ! » qu’ils disent !
- Yussie ! Vous êtes quelqu’un de bien !
- Bien pour quoi ? Je n’ai pas été gâté à ma naissance, ma tête ne fonctionne pas trop bien, je n’ai ni femme ni enfant, et ma famille me tient à distance, de peur que je n’essaye de leur emprunter de l’argent… Je n’existe pas ! Chaque année, c’est pire !
- Yussie ! Vous vous dévalorisez inutilement !
- Même D.ieu n’a que faire de moi. Je refuse de croire en Lui parce qu’Il refuse de croire en moi !
Quinze minutes avant Chabbat.
- Non, Rabbin, je n’irai pas à la synagogue.
- Allons Yussie, dit Rav Levi en lui passant la main sur l’épaule. J’ai besoin d’un dixième maintenant ! Ensemble nous demanderons à D.ieu des bénédictions pour vous !
- Pensez-vous ! Il rit toujours de mes prières ! Partez, rabbin, occupez-vous de votre Michael Fein, trouvez quelqu’un d’autre qui croit en D.ieu pour son Minyane !
Rav Levi se dirigea vers la porte, courut vers sa voiture et fonça en direction de la synagogue mais, en route, il se posa des questions : « Comment puis-je l’aider ? J’ai une femme et deux enfants et des gens de ma communauté qui apprécient mes efforts. Mon unique problème maintenant, c’est de trouver un Minyane pour Michael Fein. Mais qui est-il ? Est-il D.ieu ? Même s’il arrête de me subventionner, je continuerai ! Et je ne sais pas comment aider mon ami Yussie ».
C’est alors que Rav Levi se surprit lui-même. Il oublia Michael Fein, il oublia le Minyane, il oublia ses factures impayées et fit demi-tour, arrivant juste quelques minutes avant Chabbat chez Yussie. Il frappa à la porte.
Pas de réponse.
Il frappa encore, de ses deux poings. Puis se résolut à forcer la porte d’un coup d’épaules.
- Yussie ! Où êtes-vous ?
Pas de réponse. Pas de lumière. Sans doute encore une facture « oubliée »… Mais Yussie n’était ni dans la cuisine, ni dans la chambre à coucher. Rav Levi avait un très fort pressentiment.
Oui, Yussie était dans la salle de bain, devant le miroir, avec à la main un tube de médicaments…
- Rabbin ! Partez ! Michael Fein a besoin de vous !
- Non Yussie, c’est vous qui avez besoin de moi !
- Rabbin ! Plus personne ne s’occupe de moi ! Combien de temps peut-on vivre ainsi ?
- Je ne sais pas, admit Rav Levi après un long silence. Puis il passa son bras sur l’épaule de Yussie et réussit à l’entraîner dans la cuisine.
- Yussie ! Chaque fois que je rencontre une situation injuste, je suis obligé de constater : « Seul D.ieu sait pourquoi ! » Mais si j’étais un meilleur rabbin, j’aurais trouvé les mots justes. Vous Yussie, vous avez foi en D.ieu depuis bien plus longtemps que n’importe qui, certainement que moi ! Et je suis le rabbin ! Peut-être que D.ieu envoie Ses bénédictions à ceux qui sont faibles et réserve les épreuves à ceux qui sont forts. Il est heureux que ses meilleures créatures aient besoin de si peu de sa part !
D’ailleurs, Yussie, je vous vous confier un secret : parfois, quand je prie, je demande à D.ieu de ne pas m’éprouver comme Il vous éprouve ! Parce que je ne tiendrai pas le coup !
- Vous voulez dire que je suis plus fort que vous, rabbin ?
- Absolument. Et je le pense sincèrement.
- Même plus fort que Michael Fein ?
- Beaucoup plus fort que lui !
Yussie s’essuya les yeux et fouilla dans ses vêtements. Il dénicha une chemise à peu près blanche, trouva même une cravate : Rav Levi n’en croyait pas ses yeux. Yussie se tenait bien droit, il s’était coiffé et rectifiait sa cravate devant le miroir. Il respirait l’assurance.
Tous deux, ils marchèrent tranquillement les trois kilomètres qui les séparaient de la synagogue, sous une pluie battante.
- C’est sympa de la part de D.ieu de me procurer une douche avant Chabbat, n’est-ce pas rabbin ?
Tous deux pouffèrent de rire.
Quarante minutes plus tard, trempés jusqu’aux os mais plus heureux qu’on ne peut le désirer, ils arrivèrent à la synagogue. Huit hommes les regardèrent, les yeux écarquillés. Le huitième, Michael Fein, semblait en colère.
- Il n’a pas l’air content ! murmura Yussie à l’oreille de Rav Levi.
- A nous de prier pour lui, répondit Rav Levi à voix basse.
Il se dirigea vers le pupitre, exigea que Yussie se tienne à ses côtés et entama la prière d’accueil du Chabbat.
Pour la première fois depuis longtemps, le jeune rabbin ressentit que D.ieu était vraiment content de lui.
Zalman Velvel
www.chabad.org/Toldot
traduit par Feiga Lubecki