Lorsqu'un homme reçoit un objet(1) en dépôt et fait une erreur en le gardant(2), il devra, dans certains cas(3), rembourser le tort qu'il a causé. Ainsi, s'il effectue cette garde à titre gracieux, il ne devra rien payer, en cas de vol ou de perte. A l'inverse, s'il est payé pour cette garde, il lui faudra rembourser dans tous les cas, sauf celui d'un accident, si l'objet a été détruit ou a disparu pour une raison indépendante de sa volonté, sans qu'il puisse l'empêcher. En pareil cas, il n'aura rien à rembourser.
La Hala'ha précise que, dans une telle situation, le gardien doit faire le serment que ce qui est arrivé à l'objet était totalement indépendant de sa volonté(4). Que se passe-t-il dans le cas où il fait ce serment et, de ce fait, est dispensé du remboursement, puis qu'il s'avère que son serment était mensonger ? Il devra alors rembourser le double du dégât qui a été causé par sa faute.
Tout ce qui constitue ce monde matériel existe aussi dans la dimension morale. Bien plus, l'existence matérielle découle directement de sa source spirituelle, de sorte que le matériel n'est que la conséquence du spirituel(5).
Les termes du verset de cette Parchat Michpatim décrivant la loi du gardien reçoivent donc une résonance sur le service de D.ieu de chaque Juif. L'explication que l'on peut donner, à ce propos, est, en l'occurrence, la suivante.
L'objet placé en dépôt fait allusion à l'âme divine. Un Juif la reçoit du Créateur du monde, pour toute la durée de de sa vie dans ce monde. Il doit alors la garder, la préserver de tout « dégât », l'empêcher de s'embourber dans la matière du monde(6).
Recevoir une âme en dépôt constitue une immense responsabilité, au-delà d'un dépôt ordinaire. En effet, la descente de l'âme dans ce monde doit se solder par une élévation(7). Tout au long de son existence, un Juif doit apporter l'élévation à son âme, afin de lui faire atteindre un niveau plus haut que celui qu'elle avait quand il l'a reçue(8).
L'équivalent du serment qui est prononcé par le gardien auquel on confie le dépôt existe aussi chez le Juif qui est le gardien de son âme(9). La Guemara, citée par le premier chapitre du Tanya, explique qu'avant la descente d'une âme dans ce monde matériel, « on lui fait jurer d'être un Tsaddik(10) et de ne pas être un impie(11) ».
Le verset énumère ensuite les erreurs que peut commettre le gardien : « pour toute faute commise, pour un boeuf, pour un âne, pour un agneau, pour un vêtement ». De fait, comment cet homme en vient-il à commettre une faute et à ne pas s'acquitter de la mission qui lui est confiée ? Il en est ainsi parce qu'il possède une âme animale(12), qui peut être un boeuf, un âne, un agneau, un vêtement(13), s'employant à prendre le dessus sur l'âme divine.
L'âme animale la plus courante, à notre époque, est l'agneau(14). Un Juif doit être un dirigeant, exerçant une influence positive sur son entourage. En effet, le peuple d'Israël porte le nom de notre Père Yaakov, qui lui fut donné dans le verset : « Car, tu as combattu avec les anges et avec les hommes, tu as pris le dessus »(15). Yaakov venait de vaincre l'ange qui avait tenté de lui barrer la route.
Ce qui vient d'être dit permet de comprendre l'interrogation du prophète(16) : comment est-il concevable que : « Israël soit un agneau dispersé » ? Le peuple d'Israël, dans son ensemble, n'a-t-il pas le pouvoir et la force de prendre le dessus non seulement sur les hommes, mais aussi sur les anges ?
Malgré tout cela(17), les Juifs sont effectivement « un agneau dispersé ». L'agneau fait allusion à la situation de celui qui subit l'influence de son entourage(18). Au lieu de guider la ville et même le pays dans lequel il se trouve, un Juif voit la rue, il observe le comportement de ceux qui s'y trouvent et il s'efforce de les imiter.
Quelle est la solution, en pareil cas ? Le verset, faisant référence au statut d'un gardien qui a failli à son devoir, dit : « l'affaire des deux(19) sera présentée devant les juges ». Or, le premier juge, celui de la première génération(20), fut Moché, notre maître.
Il en est donc de même pour le dépôt moral. La solution, pour celui qui a commis une erreur, se trouve auprès de Moché, notre maître et de son équivalent, en chaque génération. C'est lui qui insuffle à un Juif ayant trébuché la force de compléter ce qui a manqué et d'achever son travail.
La réparation est semblable également à celle du dépôt matériel. Il est alors nécessaire de rembourser le double du montant, ainsi qu'il est dit : « Il en paiera deux ». Cela veut dire que l'homme qui avait l'habitude d'étudier une feuille en apprendra deux. Celui qui avait l'habitude de consacrer une heure à l'étude en consacrera deux.
En adoptant une telle attitude, quand un Juif s'efforce de dépasser son habitude, on obtient que D.ieu agisse : « mesure pour mesure(21) » et Il permettra que l'âme animale elle-même apporte sa contribution au service de D.ieu.
(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 1, page 155)
Notes :
(1) Qu'il est chargé de garder.
(2) Ayant pour conséquence une destruction totale ou partielle de l'objet.
(3) Selon la catégorie de gardiens à laquelle il appartient.
(4) C'est ce serment qui l'acquitte du remboursement.
(5) Le Chneï Lou'hot Ha Berit explique, à ce propos, que : « la Torah traite, au sens propre, de ce qui existe là-haut et, au sens figuré, de ce qui existe en bas ».
(6) Il en est le gardien.
(7) C'est ce qui justifie sa descente.
(8) C'est le sens du verset : « le jour de la mort est meilleur que celui de la naissance ».
(9) C'est-à-dire chez chaque Juif.
(10) Si elle possède une grande élévation naturelle.
(11) Si ce n'est pas le cas. Il reste alors possible de se maîtriser et de ne pas commettre de faute.
(12) Et, non uniquement une âme divine, présentée ci-dessus.
(13) Ce sont les différentes catégories d'âmes animales, comme l'explique, notamment, l'Admour Hazaken, dans son Likouteï Torah, Parchat Vaykra.
(14) Un animal faible, à l'image des Juifs qui sont épuisés par l'exil.
(15) C'est à l'issue de ce combat que Yaakov fut appelé Israël. Or, chaque Juif porte ce nom et, bien plus, nos Sages disent que : « même s'il a commis une faute, il reste un Israël ».
(16) S'étonnant qu'un exil aussi âpre ait pu être imposé au peuple d'Israël.
(17) Malgré la question du Prophète qui reste sans réponse.
(18) N'ayant pas la force d'influencer lui-même.
(19) Le propriétaire de l'objet et son gardien.
(20) Après la sortie d'Egypte et la constitution d'Israël en tant que peuple.
(21) De la manière dont on agit envers Lui.
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- Publication : 25 janvier 2019