«D.ieu plaça le monde dans le cœur (de l’homme)» (Ecclésiaste 3 :11). La mission de l’humanité, qui consiste à faire du monde une demeure pour D.ieu, reflète les défis que doit relever chaque individu pour cultiver la nature Divine de son propre caractère. Car tout un chacun représente un monde en microcosme (Midrach Tan’houmaPekoudé, part.3).

Notre tâche de raffinement personnel comporte deux dimensions. Tout d’abord, nous devons utiliser les aptitudes dont nous sommes dotés dans un but positif. Notre propension à aimer, par exemple, doit s’exprimer dans l’amour de D.ieu et dans celui de notre prochain (Avot 5 :16). Et nos potentiels doivent se concrétiser dans des accomplissements de nature durable et être dédiés au bien.

Mais un autre défi plus fondamental encore nous appelle. Chacun doit se demander : pourquoi ma vie ? Mon but ne consiste-t-il qu’à une gratification personnelle ou à une vision plus élevée ?

La ‘Hassidout explique (Tanya, ch. 1 et 2) que nous possédons deux âmes. L’une, l’âme animale, n’est concernée que par ses propres besoins et ses propres désirs. Ce n’est pas nécessairement mal mais cela ne permet aucun dépassement de ses limites.

La seconde âme est «une réelle partie de D.ieu» et elle s’accomplit à travers un service, encourageant l’expression de sa nature divine et révélant la Divinité investie dans le monde en général.

Le conflit apparent entre ces deux âmes renvoie au défi que rencontre l’homme : «briser» ses préoccupations égocentriques et révéler son essence Divine. Quand nous y parvenons, en utilisant positivement nos potentiels et les occasions que nous rencontrons, la première tâche mentionnée ci-dessus nous est beaucoup plus facilement accessible.

Dans le macrocosme

Cette même dynamique se retrouve dans le monde en général. L’une des missions de l’humanité est d’utiliser le monde matériel dans une perspective positive. Chaque élément d’existence contient, enfoui en lui, des étincelles de Divinité. En l’utilisant dans un but spirituel, par exemple en consommant un repas avec l’intention d’en utiliser l’énergie générée pour servir D.ieu, nous faisons émerger la spiritualité investie dans la matérialité.

Mais un second projet, plus général, consiste à nourrir l’altruisme. Car l’existence matérielle encourage l’égocentrisme et l’homme se doit de le dépasser pour révéler sa vérité intérieure.

Le mot «briser», en référence aux pulsions égocentriques, est utilisé intentionnellement. Car pour emprunter une expression talmudique «sa destruction est une purification». Nous pouvons donner à nos désirs une autre direction, une orientation positive mais tout d’abord, il nous faut «briser» l’égocentrisme fondamental qui caractérise l’existence matérielle.

Le but des Dix Plaies

L’Egypte sert d’analogie à l’existence matérielle en tant qu’entité. Les deux thèmes évoqués ci-dessus se retrouvent dans l’histoire de l’Exode. Les miracles que D.ieu fit en Egypte avaient deux intentions.

Tout d’abord, il fallait que le pharaon libère les Juifs et lors de leur départ, «chaque homme demanda à son ami et chaque femme à sa voisine de l’or et des objets en argent» (Chemot 11 :2). Ainsi pouvaient-ils dire qu’ils avaient «vidé l’Egypte de sa richesse». Cela fait référence à l’effort Juif de raffiner les étincelles de sainteté cachées en Egypte, permettant à ces ressources de trouver une expression positive.

Mais il s’agit également d’autre chose : «pour que vous puissiez dire à vos enfants et à vos petits-enfants comment Je me suis joué de l’Egypte, y accomplissant des signes miraculeux» (ibid. 10 :2).

Le pharaon apparaît comme un vantard têtu, «Je ne connais pas D.ieu», «la rivière est mienne et je l’ai façonnée» (ibid. 10 :2 ; 5 :2), niant l’influence Divine dans notre monde. Le but fondamental des plaies était de briser cette illusion, de manifester la Divinité de sorte que tous pussent en être les témoins et ainsi, de briser l’orgueil du pharaon et de sa nation.

D.ieu persista dans cette entreprise jusqu’à ce que l’orgueil du pharaon soit brisé et qu’il vienne chez Moché, dans ses habits de nuit, implorant la bienveillance de D.ieu. D’un point de vue personnel, le pharaon aurait pu être prêt, beaucoup plus tôt, à libérer les Juifs. Mais s’il en fut retenu (et que les plaies continuèrent), c’est parce que D.ieu endurcit son cœur.

Pourquoi cela était-il nécessaire ? Si le pharaon avait relâché les Juifs plus tôt, son propre orgueil et celui de son peuple n’auraient pas été suffisamment rabaissés. Le raffinement de la Divinité cachée en Egypte aurait été accompli mais une certaine force qui s’opposait à D.ieu serait restée intacte. Les plaies continuèrent jusqu’à ce que «l’Egypte (sût) que Je suis D.ieu» et que l’approche autocentrée qui était celle de son dirigeant fût complètement écrasée.

Viens avec Moi

Le commandement d’affronter le pharaon et d’annihiler son influence est donné à Moché, représentant de l’humanité, parce que la négation de l’égocentrisme est une dimension fondamentale du service humain. L’homme a reçu la mission de faire de ce monde une résidence pour D.ieu et cela n’est possible que lorsqu’est totalement effacée toute trace d’égocentrisme. L’arrogance, l’intérêt autocentré empêche la Divinité de Se manifester.

Et pourtant cette annihilation ne peut s’accomplir par l’homme seul. Elle exige la force de D.ieu. C’est pour cette raison que Moché recula devant le commandement de D.ieu. Il réalisait que cette tâche le dépassait. Et donc D.ieu lui ordonna : «viens chez le pharaon», c’est-à-dire, «viens avec Moi» et non «va chez le pharaon». D.ieu allait accompagner Moché dans sa confrontation avec le dictateur de l’Egypte.

Moché ne reculait pas devant sa responsabilité. Il voulait y aller mais pas avec ses ressources seules. En hésitant, il appela l’assistance de D.ieu, mettant l’accent sur le fait qu’il agirait seulement comme agent et que la force déployée pour annihiler l’orgueil du pharaon serait celle de D.ieu.

La dynamique de la Rédemption

Pénétrer et annuler l’intérêt exclusif pour sa propre personne rend possible la révélation d’une dimension positive. Et c’est ainsi que le Zohar se réfère à la maison du pharaon comme «le lieu où toutes les lumières sont révélées sans retenue».

Pour propulser plus loin encore ce concept, la sortie d’Egypte est liée à la Rédemption ultime. En fait, si les Juifs l’avaient mérité, ils seraient entrés immédiatement en Israël, après leur libération.

Cependant, l’on se réfère à toute la période qui part de l’Exode et nous mène à la Rédemption comme «les jours de ta sortie d’Egypte». Car l’annihilation de l’orgueil du pharaon et le démantèlement des limites de l’Egypte commença et commence pour chacun de nous quand nous (re)vivons cette sortie, une dynamique qui nous renforce et est destinée à conduire notre peuple au delà de toutes les limites naturelles, vers la Rédemption.