La lecture de la Torah de cette semaine est «double», consistant en deux Parachyot (sections de la Torah):Matot («tribus» ou «bâtons») et Massé («voyages»).
Rabbi Israël Baal Chem Tov enseigna que rien ne vient par hasard dans le monde de D.ieu. Chaque semaine, «nous vivons avec le temps» (comme l’exprima Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi), tirant des enseignements et de l’inspiration de la Paracha de la semaine. Quand vient une double lecture, nous étudions également les contrastes et les liens entre les deux Parachyot combinées.
Ainsi, quelle signification doit-on tirer du fait qu’on lise ces deux Parachyot, parfois réunies, parfois séparément mais toujours durant les «Trois Semaines», cette période de 21 jours qui s’étend du 17 Tamouz au 9 Av. 

Ce qui est dans un nom : la dureté
La dureté est l’une de ces caractéristiques que nous cherchons toujours à acquérir tout en essayant de nous en débarrasser. Il y a plus qu’une simple constatation lorsque nous décrivons quelqu’un comme étant une personne «dure» mais, en même temps, ce jugement renferme une certaine admiration. Nous dénonçons en nous-mêmes et en autrui un comportement «obstiné» et «insoumis» mais reconnaissons également combien il est important d’avoir la «stature» de rester ferme sur ses pieds et ne pas être détourné de ses principes.
En fait, notre voyage dans la vie requiert de la fermeté comme de la flexibilité, de la dureté comme de la souplesse. 
Cette approche de la vie à double facette est sous-entendue dans les deux noms que donne la Torah aux tribus d’Israël. Alors que le peuple d’Israël constitue une entité comme «nation unique de D.ieu», il comprend douze tribus distinctes, chacune d’elle apportant sa contribution à notre mission nationale, avec son caractère et son potentiel spécifiques. C’est pourquoi la Torah se réfère aux tribus d’Israël comme aux «Chevatim», des branches ou aux «Matot», des bâtons, exprimant ainsi l’idée qu’elles jaillissent toutes d’un même tronc, distinctes l’une de l’autre mais faisant partie d’un même tout.
«Chévet» et «Maté» sont synonymes de «branches» mais «Chévet» est une branche flexible alors que «Maté» est un bois dur ou un bâton. C’est là le sens profond de ces deux noms attribués aux tribus d’Israël: à certaines occasions, la Torah se réfère à nous comme à des «branches» mettant l’accent sur la nécessité d’être flexibles et souples dans la vie. Dans d’autres contextes, nous sommes appelés des «bâtons», soulignant ainsi la nécessité de la fermeté et de la détermination pour accomplir notre mission comme «peuple saint» et de «lumière pour les nations».
C’est ce dernier point qui est la leçon de la Paracha de Matot qui s’ouvre avec le verset: «Et Moché parla aux têtes des tribus…» Ici les tribus sont appelées «Matot», désignation qui donne son nom à la Paracha: il est des moments dans l’histoire d’un peuple où il doit employer la force morale et la rigidité d’un bâton pour trouver en lui la résolution pour résister à un monde hostile et capricieux.

Le bâton de l’exil
La dureté est un état acquis plutôt qu’inné. Cela se retrouve dans le modèle Chévet/Maté. En tant que branche, le Chévet est souple et flexible, se penchant au gré du vent où sous la main qui le pousse. Mais lorsqu’il est arraché à l’arbre, et qu’il doit faire face aux éléments comme un bâton seul, sans racine, il s’endurcit et devient Maté.
C’est là que réside le lien entre la Paracha Matot et la période de l’année où elle est lue. Durant les Trois Semaines, nous pleurons l’exil de notre terre et l’absence de la Présence Divine manifeste dans notre vie comme elle se révélait dans le Temple de Jérusalem. 
Mais tout en nous affligeant, nous devons profiter de la manière dont ce déracinement de notre environnement naturel nous renforce et nous galvanise. Tout en pleurant sur la destruction de la Maison de D.ieu et sur l’absence de Sa présence révélée dans notre vie, nous devons laisser s’écouler les réserves extraordinaires de foi et de force morale éveillées par les défis d’un environnement étranger.

42 voyages
Mais l’exil fait plus que d’endurcir l’âme juive. Il est aussi un voyage, qui n’est pas seulement le départ de chez soi, mais est aussi l’approche d’une destination.
Que cherchons-nous dans nos lieux d’exil? Que rapporterons-nous quand nous reviendrons de nos voyages aux quatre coins de la terre? Le Talmud définit le but de l’exil comme l’acquisition de «convertis». Le peuple d’Israël fut exilé parmi les nations, déclare-t-il, seulement pour que les convertis puissent le rejoindre.
Ces «convertis» prennent beaucoup de formes. Ce sont les convertis, au sens littéral, des non-juifs qui sont inclus dans la communauté d’Israël. Mais de façon plus significative, (puisque la Torah n’ordonne ni n’encourage à chercher à convertir au Judaïsme), il existe une conversion plus subtile du monde païen aux idéaux monothéistes de la Torah, obtenue après des millénaires d’exil parmi les nations..
Les Kabbalistes expliquent que les «convertis» ainsi gagnés ne sont pas seulement des hommes mais aussi les âmes de toutes les créatures et créations avec lesquelles nous sommes en contact au cours de notre dispersion, dans tous les coins du globe. Car chaque entité créée possède une étincelle de sainteté, une particule de divinité qui constitue son âme. Chaque fois que nous utilisons un objet matériel, une force, une idée ou un phénomène culturel, pour servir le Créateur, nous pénétrons son écorce de matérialité et extériorisons son essence divine. C’est là, dit le Talmud, le but de l’exil: libérer les étincelles de sainteté qui gisent enfouies dans les lieux les plus éloignés.
Le concept d’exil s’exprime dans la Paracha Massé («voyages»), qui évoque les voyages et les campements d’Israël dans le désert du Sinaï.
Le nom de la Paracha est tiré de ses versets d’introduction: «Voici les voyages des enfants d’Israël qui sortirent d’Egypte… Et ils voyagèrent de Ramsès… et ils campèrent à Soukkot. Ils voyagèrent de Soukkot et campèrent à Eitam…». Massé continue en citant les 42 voyages qui marquent le périple du peuple juif de l’Egypte au Mont Sinaï et en Israël.

Intégration
Ces deux Sidrot, Matot et Massé, lues pendant les Trois Semaines, bien que paraissant opposées, sont porteuses d’enseignement sur l’exil. Matot nous instruit sur la façon dont on doit éveiller en nous la fermeté et l’immobilité de la branche arrachée à son tronc. Massé, par ailleurs, considère l’exil comme un voyage, un mouvement, un changement et une transformation.
L’enseignement de la semaine est donc d’ intégrer ces deux notions dans une approche unique. «Vivre avec son temps» dans une telle semaine signifie découvrir comment notre interaction dans un monde hostile n’est pas un défi pour nos valeurs et nos convictions mais leur renforcement et leur affirmation. Cela signifie découvrir comment notre «dureté» et notre non-compromission dans notre foi n’est pas un empêchement à l’accomplissement et la créativité mais en réalité, une aide pour nous permettre de transformer le coin du monde dans lequel nous avons été investis de la mission de construire une demeure pour D.ieu.

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