Editorial
SereinementLorsque le monde tremble, que les peuples et les
nations s’affrontent, lorsque les idées qu’on tenait
pour acquises sont remises en cause de manière
radicale, parfois un sentiment de lassitude émerge. Il est
vrai que le peuple juif a traversé bien des tourmentes, qu’il
a été le témoin, et aussi la victime, de bien des bouleversements
et, pour cette raison, un tel sentiment peut être
explicable. Pourtant, chacun sait qu’il est bien vain et que,
au-delà des futiles agitations, il faut poursuivre son chemin.
Lorsque le paysan laboure sa terre, il jette parfois un
regard inquiet vers les nuages qui assombrissent le ciel.
Parfois aussi, il ne sait pas quel caprice des hommes il
devra affronter. Cependant, avec entêtement, il trace son
sillon. L’observateur le regardant à son travail pensera
peut-être que cet homme est inconscient des dangers qui
le menacent ou que sa sérénité n’est qu’apparente. Il commettrait
ainsi une erreur. Le laboureur sait que sa réussite
finale ne dépend que de lui et il poursuit son chemin. Il ne
s’arrêtera qu’à la fin de son travail, aussi long qu’il soit,
autant de patience qu’il demande. D’où tire-t-il cette force
insurmontable ? Comment ne se laisse-t-il pas arrêter par
les multiples obstacles? Parce qu’il sait où il va et comprend
le sens de ses actions. N’est-ce pas ainsi que le
monde avance ?
De la même manière, le peuple juif, en cette encore si jeune
année 5764, poursuit son chemin. Les menaces peuvent
paraître nombreuses, d’ordre matériel ou spirituel, il n’en
continue pas moins son œuvre de Torah et de Mitsvot. Son
sillon est droit et sa terre fertile. Il sait qu’il fera lever les
plus belles moissons. Il sait aussi qu’elles seront le fruit de
son effort constant. Et cela ne le désespère pas. Bien au
contraire, il assume l’enjeu et tout ce qu’il implique. C’est
avec une sérénité profonde qu’il persévère car il est
conscient que, de son obstination, dépend aussi l’avenir.
Décidément, le peuple juif est bien cet éternel optimiste qui
comprend qu’être conscient de ce que l’on fait, et y croire,
est la clé de bien des merveilles: un peuple qui croit dans
ses rêves et assiste toujours à leur réalisation.
Etincelles de Machiah
A propos du temps de Machia’h, le Midrach nous fait une annonce surprenante“Tous les prophètes disparaîtront hormis le livre d’Esther”. Cette affirmation est
d’autant plus étonnante que cette nouvelle ère sera celle de la révélation Divine
et que, précisément, la prophétie en est normalement le canal privilégié.
C’est justement ce que le Midrach veut ici souligner. La révélation qui interviendra
l’époque messianique sera d’une puissance et d’une profondeur indépassables.Aussi, la
prophétie elle-même sera comme inexistante par rapport à son intensité. Elle sera comparable
au rayon de soleil confronté au cœur même de l’astre. Même si le rayon est
brillant et bienfaisant, il disparaît devant la puissance du soleil qui constitue sa source.
Il n’en reste pas moins que la prophétie sera uniquement “comme” inexistante. Car, de
fait, elle sera présente en chacun car, à propos de ce nouveau temps, il est dit (Yoël 3 :1)
:“Je déverserai Mon esprit sur toute chair et vos fils et vos filles prophétiseront”.
(D’après Chaareï Orah, p. 57) H.
Quand les prophètes disparaîtront
Vivre avec la Paracha
EtincellesLors de “ l’alliance entre les parties”,
D.ieu dit à Avraham : “Sache que tes
enfants seront des étrangers dans une
terre qui ne sera pas la leur, qu’ils seront
asservis et qu’ils souffriront...et qu’ensuite
ils en sortiront avec de grandes
richesses”. Et il est bien vrai que très
souvent dans notre histoire, nous avons
été des étrangers dans une terre qui ne
nous appartenait pas.
L’exil, Galout en hébreu, est bien plus
que d’être physiquement arraché à sa
patrie. Une personne en exil est une personne
séparée de l’environnement qui
nourrit sa manière de vivre, ses principes
et ses valeurs, son identité spirituelle.
En exil, tout cela est mis en péril
car la responsabilité en incombe à
l’homme seul ; il doit faire appel à toutes
ses ressources pour pouvoir survivre.
Pourquoi sommes-nous en Galout ? Le
Galout est communément considéré
comme une punition pour nos manquements
en tant qu’individus et en tant
que peuple. En fait nos Prophètes le
décrivent constamment comme tel.
Mais si le Galout constituait exclusivement
une punition pour nos péchés,
son intensité devrait graduellement
diminuer, puisque nous avons expié le
péché qui est à son origine. Et pourtant,
nous observons que le Galout devient
de plus en plus obscur au fur et à mesure
que nous avançons. Plus encore,
notre état de Galout fut présenté à
Avraham, lors de son alliance avec
D.ieu, comme une partie intégrante de
la mission juive dans son histoire, bien
avant que ne soient commis ces
péchés dont nous nous sommes rendus
coupables et qu’il a expiés pour
nous.
La promesse
L’on peut trouver une clé pour comprendre
l’essence du Galout dans “ les
grandes richesses ” que D.ieu promit à
Avraham comme résultat du séjour de
ses enfants en Egypte. Il est un fait que
cette promesse est un thème récurent
dans le récit que fait la Torah de l’exil
d’Egypte et de l’Exode, à tel point que
l’on a l’impression que tel était le but
même de notre esclavage en Egypte.
Dans la première communication de
D.ieu à Moché, lorsqu’Il Se révéla à lui
dans l’épisode du buisson ardent et le
chargea de la mission de sortir le Peuple
Juif d’Egypte, Il S’assura d’inclure la promesse
selon laquelle “quand vous sortirez,
vous ne sortirez pas les mains
vides. Chaque femme demandera à sa
voisine et à ceux qui résident dans sa
maison des récipients en or, des récipients
en argent et des vêtements...et
vous viderez l’Egypte [de ses
richesses]”.
Et tout juste avant l’Exode, D.ieu dit à
nouveau à Moché “S’il te plaît, parle aux
oreilles du peuple pour que chaque homme demande à son prochain [égyptien]
et chaque femme à sa compagne , les ustensiles
d’argent et d’or”. D.ieu supplie les Enfants
d’Israël de prendre la richesse de l’Egypte!
Le Talmud explique que le Peuple Juif ne tenait
pas à repousser son départ pour pouvoir rassembler
ces richesses :
A quoi cela est-il comparable ? A un homme qui
se trouve enfermé dans une prison et auquel
on dit : demain tu seras libéré de la prison et
l’on te donnera une grosse somme d’argent. Il
répond:je vous supplie de me libérer aujourd’hui
et je ne demande rien de plus...[Ainsi
D.ieu les supplia-t-Il] : s’il vous plaît, demandez
aux Egyptiens les ustensiles d’ or et d’argent
afin que les Justes (Avraham) ne disent pas: Il
a accompli: “ ils seront asservis et torturés”
mais Il n’a pas accompli: “et par la suite ils sortiront
avec de grandes richesses”.
Mais il est certain qu’Avraham aurait été prêt à
renoncer à la promesse de la grande fortune si
cela avait pu hâter la libération de ses enfants.
Il est donc évident que l’or et l’argent que nous
transportâmes hors de l’Egypte sont un composant
essentiel de notre rédemption.
L’éclat de l’or
Le Talmud offre l’explication suivante pour le
phénomène du Galout: “Le Peuple d’Israël fut
exilé parmi les nations seulement pour que
des convertis s’ajoutent à eux”.
Au niveau premier, cela fait référence aux
nombreux non-juifs qui, au fil des siècles de
notre dispersion, sont entrés en contact avec
le Peuple Juif et ont aspiré à se convertir au
Judaïsme. Mais l’enseignement ‘hassidique
explique que le Talmud se réfère également
aux“étincelles de sainteté” disséminées dans
la création.
Le grand cabaliste, Rabbi Yist’hak Louria,
explique que chaque objet, chaque force,
chaque phénomène dans l’existence possède
une étincelle de sainteté, un point de divinité
qui constitue son âme, son essence spirituelle
et son but. Cette étincelle représente le désir
divin que chaque chose existe et fonctionne
en accord avec le but divin ultime pour la création.
Quand un individu utilise quelque chose
pour servir son Créateur, il pénètre dans
l’écorce de la matérialité, en en révélant et en
en réalisant l’essence divine.
C’est à cette fin que nous avons été dispersés
sur la surface de la terre: afin d’entrer en
contact avec les étincelles de sainteté qui
attendent la rédemption dans chaque coin du
globe.
Chaque âme possède ses propres étincelles
éparpillées de par le monde et qui en constitue
une partie intégrante: aucune âme n’est
complète tant qu’elle n’a pas effectué la
rédemption de ces étincelles liées à son être.
Ainsi la personne évolue dans sa vie, propulsée
de lieu en lieu, et d’occupation en occupation,
mue par des forces dues apparemment
au hasard. Mais tout suit la Providence divine
qui guide chaque être vers ces possessions et
ces occasions avec lesquelles son âme est
intimement liée.
La leçon
Parfois l’on peut avoir tendance à échapper au
Galout en s’enfermant dans un cocon de spiritualité,
dévouant nos jours et nos nuits à l’étude
de la Torah et à la prière. Mais au lieu
d’échapper au Galout nous ne faisons ainsi
qu’approfondir notre enracinement en lui car
nous abandonnons des membres de notre
propre âme, ses étincelles de spiritualité dans
le désert de la matérialité qui reste sans être
raffinée.
Ce n’est qu’en affrontant les défis que la
Providence divine met sur notre chemin, qu’en
utilisant chaque particule d’or et d’argent
une fin divine que nous pouvons extirper ces
étincelles de leur exil, parvenir à une rédemption
personnelle et hâter la Rédemption universelle
lorsque “le grand Choffar retentira
[...] et qu’ils se prosterneront devant D.ieu sur
la Sainte Montagne à Jérusalem”.
Le Coin de la Halacha
Quel cadeau les fiancés s’offrent-ils?C'est une coutume bien établie que la fiancée offre
son fiancé l’ensemble du Talmud. La coutume 'hassidique
est d'offrir également des livres de 'Hassidout.
Tout ceci a pour but d'augmenter l'étude de la Torah, à
laquelle tous deux sont astreints, aussi bien la Torah
écrite que la Torah orale.Car "les femmes sont obligées
d'étudier et de connaître les lois qu'elles doivent appliquer".
Ceci est particulièrement vrai pour les lois du mariage
et de la pureté familiale.
La fiancée, elle, recevra un "Sidour Korbane Min'ha",
livre de prière qui comprend aussi beaucoup de
lois qui s'appliquent aux femmes.
Les futurs mariés devront également se procurer
une boîte destinée à la charité afin que leur foyer soit
basé, outre sur l'étude de la Torah, également sur la
Tsédaka".
Le fiancé évitera de donner une bague de fiançailles
car cela pose des problèmes vis-à-vis de la Hala'ha. Il
peut donner un autre bijou, mais pas une bague.
F. L. (d'après Si'hot Kodech)
De Recit de la Semaine
Rabbi Méïr de PremichlaneToute sa vie, le rabbin avait désiré une seule chose: s'établir en Terre Sainte. Maintenant, il en était sûr; le moment de réaliser
son rêve était enfin arrivé. Comment, il n'en savait trop rien, mais D.ieu l'aiderait sûrement. D'abord, il lui fallait obtenir
la bénédiction du grand Tsaddik, Rabbi Méïr de Premichlane.
Celui-ci lui demanda: "Avez-vous l'argent pour le voyage?"
Le rabbin répondit: "J'ai beaucoup de famille et d'amis, ils vont certainement m'aider".
Rabbi Méïr ne répondit pas. Il semblait perdu dans ses pensées. Puis il dit: "Cela prendrait des mois et des mois; et vous
feriez mieux de passer ce temps à étudier la Torah. Il y a un autre moyen. Restez ici et vous obtiendrez tout l'argent dont
vous avez besoin".
A la fin de l'entrevue, Rabbi Méïr ne prit pas congé de son hôte, il lui demanda au contraire de rester tandis qu'il recevait
quelqu'un d'autre dans son bureau pour une audience. C'était un homme très riche. Rabbi Méïr lui dit: "Je voudrais vous
raconter à tous les deux une histoire.
Il y avait une fois un homme, Moché, qui était très riche mais cruel et égoïste. Bien que D.ieu lui eût tout donné, il était
tellement avare que lorsqu'un pauvre se présentait à sa porte, il se mettait en colère et maudissait le mendiant: "Où croistu
être? Dans une institution charitable peut-être? Sors dehors, avant que je ne te brise les os!" Et le mendiant prenait ses
jambes à son cou et se refugiait chez le voisin de Moché, Reb Matityahou.
Celui-ci était loin d'être riche, mais il était généreux, toujours prêt à partager le peu qu'il avait avec celui qui était dans le
besoin. Cette scène se répéta souvent toutes ces années, et Reb Matityahou ne manqua jamais d'offrir l'hospitalité à tous
ceux que Moché rejetait.
On pourrait penser que la réputation de Moché en avait pris un coup, mais non: il y avait toujours des insensés pour continuer
à dire du bien de lui: il était riche et, qui sait, peut-être un jour saurait-il remercier ceux qui prenaient sa défense.
Les qualités de cœur de Reb Matityahou n'étaient pas considérées comme extraordinaires: après tout, il était gentil et
c'était tout naturel qu'il aide les autres. Au ciel, cependant, cela provoqua la colère des anges. Il fut décidé que la grande
richesse de Moché serait transférée à Reb Matityahou.
Le décret allait être appliqué quand le prophète Eliahou se leva: "Il n'est pas juste de juger par ouï-dire. Je propose de
redescendre sur terre et de tester Moché. Peut-être n'est-il pas aussi cruel qu'on le dit".
La proposition fut acceptée et bien vite un Eliahou maigre à faire peur frappa à la porte de Moché, suppliant de ses dernières
forces qu'on lui vienne en aide. Mais Moché réagit comme d'habitude. D'abord il cria contre ce mendiant qui le dérangeait,
puis il le jeta dehors dans la nuit glacée.
Mais Eliahou le prophète ne se laissa pas intimider. Il frappa à la porte encore et encore, le visage ruisselant de larmes,
en demandant un morceau de pain, un peu de chaleur. Sans résultat; et Eliahou continuait de pleurer, mais cette fois c'était
des larmes pour Moché et le sort pitoyable qui l'attendait s'il n'avait pas pitié de son propre destin".
Le rabbin et l'homme riche écoutaient attentivement l'histoire. Et quand Rabbi Méïr s'arrêta un instant, tous deux le regardèrent
nerveusement, attendant la fin de l'histoire.
"Quand j'ai entendu le terrible verdict qui était prononcé contre Moché, cela m'a fait beaucoup de peine. Comment un
homme peut-il être condamné sans même avoir été prévenu? Alors j'ai pris sur moi d'offrir à Moché encore une chance
pour se racheter. Si Moché acceptait de donner au rabbin l'argent nécessaire pour son voyage et son installation en Terre
Sainte, il aurait racheté toute sa mauvaise conduite antérieure. Mais s'il laissait passer cette dernière chance, il perdrait
toute sa fortune et serait condamné à errer de village en village pour le reste de ses jours, en dépendant de tous ceux qui
voudraient bien lui donner un croûton de pain..."
Rabbi Méïr se tourna alors vers le riche et son regard croisa ses yeux emplis de terreur. Moché avait compris: il se jeta
aux pieds du Rabbi et s'évanouit. Quand il reprit conscience, il s'exclama en pleurant: "Vous savez tout de moi, Rabbi, et
pourtant vous m'avez encore donné une dernière chance de racheter ma conduite. Tenez, voici ma bourse, je l'offre à ce
rabbin pour qu'il s'installe en Terre Sainte. Et je lui demande, lorsqu'il sera là-bas, de prier dans la sainte ville de Jérusalem,
pour que dorénavant je devienne un autre homme!"
Quelques semaines plus tard, le rabbin et sa famille arrivaient en Erets Israël tandis que Moché transforma sa maison en
refuge pour tous les pauvres qu'il invita chaque jour et qu'il reçut avec tous les égards, jusqu'à la fin de sa vie.
Feïga Lubecki