Semaine 42

  • Le’h Le’ha
Editorial
DE L’ENFANT À L’HOMME

La société occidentale, heureuse et satisfaite, légitimement fière du degré de prospérité inégalé jusqu’ici auquel elle est parvenue, a dressé à l’enfant un véritable piedestal. Avec beaucoup de justesse et peut-être un peu moins de conscience, elle a pris coutume de le considérer comme l’espoir d’un avenir meilleur, une annonce de lendemains plus beaux. Quoi de plus exact qu’une telle vision? Pourtant, comme toutes les conceptions générales, celle-ci ne révèle sa valeur véritable qu’après analyse de ses applications concrètes. Or, bien souvent, l’enfant est simplement devenu le jouet de surenchères publicitaires qui, loin de développer son immense potentiel, n’en ont fait qu’un acteur suractif de la consommation marchande.
Alors que le passage du temps et l’évolution du monde semblaient l’avoir tiré de son statut rabaissé des siècles passés, voici que sa nouvelle position l’a transformé en une sorte d’idole encensée et, par là même, esclave de désirs futiles que d’autres ont pensé pour lui. La santé d’une société se mesure aussi au temps et au soin qu’elle apporte à ses enfants. Sans doute est-il utile, dès lors, de s’interroger: pourquoi une telle dérive? Comment l’enfant a-t-il pu être réduit à une telle condition?
La réponse tient en un mot: éducation. “Eduque l’enfant selon son chemin; quand il aura grandi, il ne s’en détournera pas” dit la tradition juive. De fait, l’éducation est un processus long, complexe et essentiel. Elle est une action de chaque instant et passe tant par l’exemple des parents que par l’enseignement donné. L’enfant est porteur de tous les possibles. Il deviendra un être pleinement libre et conscient. Il sera alors en mesure d’assumer ses choix de la manière la plus réelle et la plus profonde. Et ses choix ne lui seront dictés par personne. Former un homme ou une femme libre, c’est lui donner les moyens d’interpréter le monde et ainsi d’en être l’acteur et non le simple sujet passif.
C’est le rôle de l’éducation juive authentique pour chacun de nos enfants. Pour un monde meilleur et sans doute un peu plus.
Etincelles de Machiah
Pourquoi vouloir la Délivrance ?

L’homme doit attendre la venue de Machia’h car alors sera accomplie la volonté de D.ieu dans la création de l’univers. A ce moment, en effet, sera réalisée Sa “demeure ici-bas”. En d’autres termes, ce n’est pas du fait de ses préoccupations personnelles, pour parvenir à une prospérité matérielle ou même spirituelle plus grande, que l’homme doit désirer la Délivrance.
C’est là le sens de la nécessité de “ne pas y penser” que les Sages relèvent comme indispensable pour l’avènement de ce nouveau temps: il faut retirer sa pensée de tout ce qui touche à soi-même, matériellement ou spirituellement, et ne désirer la venue de Machia’h que parce qu’ainsi se réalisera la volonté Divine.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parchat Ekev 5713) H.N.
Vivre avec la Paracha
Le’h le’ha : du moi au moi

D.ieu dit à Abraham : “ pars pour toi, de ton pays natal, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père, vers la terre que Je te montrerai ” (Genèse 12 :1)

Il y a trente siècles, vivait un homme qui, à l’âge de soixante-quinze ans, pouvait regarder en arrière sur une vie d’accomplissement réellement sans précédent. Jeune enfant, son esprit inquisiteur avait discerné une vérité grandiose dans les mécanismes de l’univers, et il vint à connaître le D.ieu Unique. Homme seul dressé contre le monde entier, il se battit contre le paganisme enraciné de son temps, conduisant de nombreux hommes à une vie de croyance monothéiste et de moralité. Et puis vint l’appel divin : “ Pars ! pars de ton pays, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père, vers la terre que Je te montrerai ”. Maintenant que tu as pris conscience de l’entière capacité de tes forces conscientes, dit D.ieu à Abraham, “ pars pour toi ” pour ton véritable moi. Je te montrerai une terre qui est l’essence même de ta personne, une terre qui s’étend au-delà de la “ terre ”, du “ lieu de naissance ” et de “ la maison paternelle ” que tu connais.

L’instinct, l’environnement et la raison
Les facteurs innombrables intervenant pour faire de nous ce que nous sommes peuvent être regroupés en trois catégories : ce qui est inné, ce qui est le produit de la formation initiale et ce qui est acquis plus tard.
Nous commençons une vie déjà programmée avec des penchants et des inclinations qui forment le psychisme inné et le caractère. Et puis commence, depuis le moment de la naissance, l’influence de notre environnement, quand les parents, les maîtres et les amis impriment leurs manières et leurs attitudes sur nos âmes. Enfin, une troisième et dominante influence s’exerce lorsque l’on atteint la maturité intellectuelle : seul l’homme, dans la création de D.ieu, a été nanti d’un intellect objectif avec lequel il peut, dans une grande mesure, choisir les stimuli auxquels il sera exposé et la manière dont il en sera affecté. Avec son esprit, il a la force de se développer au-delà et même à l’inverse de son moi génétique et conditionné. C’est là le sens plus profond des mots “ ta terre ”, “ ton lieu de naissance ” et “ la maison de ton père ”. Dans l’appel de D.ieu à Abraham. “Erets”, le mot hébreu pour “ pays ” et “ terre” est étymologiquement lié au mot “Ratsone” qui signifie “ volonté ” et “ désir ” ; c’est pourquoi “ ton pays ” se traduit aussi par “ tes désirs naturels ”. “ Ton pays natal ”, “Moladeté’ha”, est une référence à l’influence de la maison et de la société. Et “ Beth Avi’ha ” : “ la maison de ton père ” se réfère à l’homme comme être mûr et rationnel, forgeant sa tournure d’esprit, son caractère et son comportement avec l’objectivité transcendante de son intellect.
Selon les critères conventionnels, cela constitue l’étape ultime de l’accomplissement humain : le développement de ses instincts naturels, l’assimilation de vérités apprises et observées, et la transformation du moi à travers l’arbitrage objectif de l’esprit. En réalité, pourtant, l’intellect est encore une partie de notre humanité, restant toujours sujet aux déficiences et aux limites de l’état d’homme ; alors qu’il peut surmonter les limites de ce qui est inné ou marquant, l’intellect n’est jamais véritablement libre de l’ego et de ses préjugés. Mais il existe un moi plus élevé pour l’homme, un moi libre de toutes les limites de l’être humain. C’est l’étincelle de divinité qui est au cœur de son âme : l’essence divine que D.ieu a insufflée en lui, l’image de D.ieu selon laquelle il a été créé : le “Erets” que D.ieu a promis de montrer à Abraham.
Dans son itinéraire de découverte, Abraham dut quitter “ le pays, le lieu de naissance ”, la maison paternelle de sa Mésopotamie natale ; il rejeta bien évidemment la culture païenne de Our Kasdim et de ‘Haran. Mais ce n’est pas de ce départ dont D.ieu parle. Abraham reçut cet appel dans sa huitième décennie ; de nombreuses années après avoir renoncé au mode de vie païen de sa famille, de son lieu de naissance, reconnu D.ieu et exercé une profonde influence sur sa société. Et pourtant, il reçut un ordre: “ pars ! Sors de ta nature, sors de tes habitudes, sors de ta logique. Après avoir rejeté tes origines négatives et idolâtres, tu dois maintenant aussi transcender ton passé positif. Dépasse-toi même si tu es déjà parfait. La perfection humaine n’est pas suffisante”. Car tout accomplissement humain, fut-il intellectuel, reste limité et circonscrit à la nature humaine. Tel fut donc le premier commandement divin au premier Juif : “sors de tes limites pour accéder au “ moi ” que seul Moi Je peux te montrer, ce moi qui fait corps avec Moi”.
Le Coin de la Halacha
Halakha
Le respect des parents (suite)

Question : Le père enseigne des lois et coutumes. Le fils remarque que le père s’est trompé. Doit-il l’en aviser devant tout le monde ?

Réponse : Le fils peut prendre la parole et déclarer à peu près ceci : «Il est écrit dans tel livre que…» sans dire directement au père qu’il s’est trompé. Il est préférable de ne pas faire la remarque en public mais plutôt en aparté.

Question : De jeunes parents envisagent de donner un certain prénom à leur enfant. Les grands-parents attendent d’eux qu’ils lui donnent plutôt le prénom d’un grand-père ou d’une grand-mère. Quel prénom donner ?

Réponse : Le Rabbi de Loubavitch refusait de conseiller à de jeunes parents quel prénom donner à leur enfant. Selon le Ari Zal (qui vécut au 16ème siècle à Safed), c’est le père qui donne le prénom par esprit prophétique. Les grands-parents ne doivent pas s’interposer et doivent laisser aux parents le choix du prénom.

Question : Les parents souhaitent que l’enfant étudie dans telle institution juive. Mais l’enfant préfère une autre. Qui doit décider ?

Réponse : Selon la loi stricte, l’enfant doit étudier dans la Yechiva qui l’inspire. Cependant il s’efforcera de bien se conduire, aussi bien avec ses parents que dans sa Yechiva et, bien vite, les parents seront honorés par ses bons résultats et sa bonne conduite.

F. L. (d’après Rav Yosef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Je suis jaloux de toi!

L'autre soir à Jérusalem, alors que je commandais une pizza, j'ai entendu quelqu'un derrière moi proposer à des clients de faire un "Farbrenguen", une réunion 'hassidique. Je me retournai pour voir qui pouvait être ce Hassid mais je fus surpris de voir que c'était un jeune garçon portant une chemise noire serrée et arborant des cheveux gominés hérissés, bref, une tenue peu habituelle dans le milieu 'hassidique...
Je lui souris: il avait sans doute utilisé le mot "Farbrenguen" pour attirer mon attention. Il m'a alors posé toutes sortes de questions.
"Oui, répondis-je, je suis un 'Habadnick... Oui j'ai vu le Rabbi de près... Oui, j'ai reçu un billet d'un dollar de sa main..."
Il voulait savoir si j'avais sur moi un dollar du Rabbi. "Oui, bien sûr" ai-je répondu.
"Pouvez-vous me le donner?" demanda-t-il à brûle-pourpoint.
Si seulement vous aviez pu voir son regard à ce moment-là! Il voulait tellement avoir un dollar du Rabbi!
Comme vous le savez, durant de nombreuses années, chaque dimanche, et à chaque occasion, le Rabbi distribuait des billets d'un dollar à tous ceux qui passaient devant lui. Alors qu'il avait déjà quatre-vingt, quatre-vingt dix ans même, le Rabbi restait debout de longues heures d'affilée pour recevoir des gens qui venaient du monde entier lui demander sa bénédiction.
Le Rabbi désirait rencontrer chacun, le saluer, le bénir. Le dollar devait être remis à la charité. Cependant, celui qui le recevait préférait souvent le garder et en donner un autre, ou plusieurs autres, à la place à la Tsédaka (charité).
Je montrai à mon nouvel ami un dollar que je gardais toujours sur moi: en-haut sur la marge, j'avais écrit mon nom et la date du jour où je l'avais reçu. Maintenant je le lui donnai: il ajouta son nom à côté du mien et la date d'aujourd'hui.
Me séparer de mon dollar avait été une décision douloureuse mais raisonnée. Des années auparavant, le Rabbi m'avait regardé droit dans les yeux en me le tendant: comment pouvais-je même penser le donner? Cependant, alors que je le donnai à ce jeune Israélien, j'eus l'impression qu'il regardait à travers moi, comme s'il voyait le Rabbi lui-même. C'était à travers moi que le Rabbi lui donnait ce dollar...

* * *

Quelques jours plus tard, je retournai m'acheter une pizza. Mon "ami" s'y trouvait aussi: apparemment, c'était un habitué. Dès qu'il m'aperçut, il se précipita vers moi en agitant quelque chose: c'était mon dollar. Alors que moi, je l'avais toujours gardé plié dans mon porte-monnaie, lui, il l'avait fait plastifier. J'admirai l'œuvre.
A ce moment-là entra dans la pizzeria un homme revêtu de l'habit 'hassidique de Mea Chéarim. Mon nouvel ami se précipita vers lui aussi: "J'ai reçu un dollar du Rabbi!" disait-il joyeusement en l'agitant.
Le 'Hassid, impressionné par sa candeur, décida de mettre le jeune Israélien à l'épreuve.
"Quelle valeur a ce dollar pour toi?" lui demanda-t-il.
"Tout l'or du monde! répliqua-t-il. C'est une "Segoula", un bon signe!"
"Me vendrais-tu ta "Segoula"?" demanda le Hassid.
"Jamais!" Le cri venait du fond du cœur!
"Et si je te donnais un million de dollars?"
Mais le jeune homme était ferme. "Pas question!"
"Je ne comprends pas, dit le 'Hassid, quelle meilleure "Segoula" peut-il y avoir à part un million de dollars à la banque?"
- "Si je refuse ton offre d'un million de dollars, insista le jeune homme, le Rabbi trouvera le moyen de me faire gagner une plus grande récompense encore!"
Puis s'avisant qu'il avait peut-être vexé le Hassid, le jeune homme s'excusa de son enthousiasme peut-être mal placé.
"Non, répondit le Hassid, pensif, tu ne m'as pas vexé, bien au contraire. D'ailleurs, dit-il honnêtement, je crois bien que je suis jaloux de toi!"

Dovi Scheiner
Traduit par Feiga Lubecki