De l’audace !
Tout début d’année soulève comme un vent nouveau. Il y a alors un véritable départ vers une terre à découvrir, une avancée vers un inconnu prometteur de merveilles. Quelle que soit la grandeur des expériences vécues jusque-là, quels que soient les acquis de la période traversée, ce nouveau départ est essentiel. Il revient à donner à la vie des couleurs toujours plus vives et plus fortes. Il est vrai que nous sommes entrés dans une période climatiquement sans doute plus froide et l’habitude conduit chacun à se dire que cela ne va pas s’améliorer. Mais c’est d’un autre soleil qu’il est question à présent, de celui qui se lève dans le cœur si on veut bien le laisser répandre en nous sa lumière. Nous l’avons senti naître pendant les fêtes, l’enjeu est à présent d’en garder et développer la puissance.
Toutefois, si on en restait là, cela ne pourrait être suffisant. Etre statique en croyant que tout sera ainsi immuable est toujours une erreur. La vie est un changement constant, une recréation incessante, c’est aussi cela que nous devons porter. De même que le premier de nos ancêtres, Abraham, quitta sa terre à l’appel de D.ieu et le fit sans même se retourner, sans connaître l’avenir ni la réalité de ce qu’il trouverait au bout de son voyage, ainsi nous laissons en arrière ce qui pourrait limiter notre vision. Nous n’avons plus qu’un mot d’ordre : avancer. C’est dans cette forme d’audace que tient le secret de la vie ; nous sommes les mêmes justement parce que nous changeons.
De tels principes ainsi posés doivent conduire à l’action sous peine de rester lettre morte. Du reste, c’est de cette façon que s’exprime le génie du judaïsme qui connaît l’importance du rite et sait lier les idées aux actes concrets, seuls capables de changer réellement le monde. Nos actes doivent s’inscrire dans cette perspective. En cette nouvelle année, cessons de rêver d’un monde meilleur ou d’invoquer la venue d’un avenir radieux. Il nous appartient de le construire aujourd’hui. Par ce que nous sommes, ce que nous vivons, ce que nous disons et a fortiori ce que nous faisons, à présent tout est possible.
La lumière et le réceptacle
L’enseignement du Baal Chem Tov est la sagesse Divine qu’il a révélée et transmise en héritage à chaque Juif. C’est pourquoi il a un lien étroit avec la venue de Machia’h.
Machia’h est une « lumière essentielle » ; l’enseignement du Baal Chem Tov – la ‘Hassidout – est le réceptacle de cette lumière immense.
(D’après Likoutei Dibourim vol. 2 p. 572)
Lé’h Le’ha
D.ieu ordonne à Avram : « Pars de ta terre, de ton lieu de naissance, de la maison de ton père vers la terre que Je te montrerai ».
Avram, Saraï et leur neveu Loth se rendent en Canaan où Avram diffuse le message divin.
Une famine pousse Avram à se rendre en Egypte où Saraï est sauvée des assauts du Pharaon. Ils repartent riches en Canaan.
Avram délivre son neveu Loth d’ennemis qui l’ont fait prisonnier.
D.ieu scelle une alliance avec Avram et lui fait savoir qu’un exil et une persécution les atteindront mais que la Terre Sainte leur est attribuée en héritage éternel. Avram, sans enfant, épouse la servante Hagar qui met au monde un fils : Ichmaël. Avram a alors quatre-vingt-six ans.
Treize ans plus tard, D.ieu change le nom d’Avram en Avraham et de Saraï en Sarah et leur promet un fils.
Avraham reçoit le commandement de se circoncire ainsi que ses descendants. Il s’exécute immédiatement.
A donner et donné
D.ieu dit à Avraham : « …cette terre entière que tu vois, Je te la donnerai à toi et à tes descendants, à tout jamais… Lève-toi et parcours la terre dans sa longueur et dans sa largeur, car Je te la donnerai… » (Beréchit 13 : 14-17)
En ce jour, D.ieu établit une alliance avec Avraham en ces termes : « A tes descendants, J’ai donné cette terre… » (Beréchit 15 :18)
Dans le treizième chapitre de Beréchit, nous lisons la promesse de D.ieu faite à Avraham de lui donner la Terre Sainte, à lui et à ses descendants, en héritage éternel. Deux chapitres plus loin, D.ieu passe du futur au passé. « Je donnerai » devient « J’ai donné » ; la promesse devient une réalité.
Que s’est-il passé dans ce court laps de temps pour faire de la Terre d’Israël la propriété du Peuple juif ? Nos Sages soulignent que D.ieu ordonna à Avraham de parcourir la terre dans sa longueur et dans sa largeur. En traversant la terre, Avraham prit conscience de la promesse Divine et en assuma la propriété.
A cette époque, « le Cananéen dominait le pays » et Avraham et sa famille ne constituaient qu’une minorité négligeable sous des maîtres établis.
Cependant, D.ieu dota Avraham de la force d’affirmer son droit sur la terre et d’en prendre possession.
C’est ici que réside une leçon pour toutes les générations de Juifs. Bien que nous nous trouvions dans une situation d’exil, sous l’hégémonie de nations bien plus puissantes que nous, cela ne doit en rien affecter notre possession de la Terre Sainte. La Terre d’Israël est nôtre, par décret Divin. Il ne nous est nécessaire que de réclamer notre héritage. Il ne nous faut que traverser la terre, nous y établir, dans sa longueur et dans sa largeur, pour qu’elle nous appartienne sans équivoque et éternellement.
Le Rèch immuable
D.ieu parla à Avram en ces termes : « …Tu ne seras plus appelé Avram. Ton nom sera Avraham, car Je t’ai établi comme père d’une multitude nations. » (Beréchit 17 :3-5)
Pourtant la lettre Rèch de Avram reste en place. (Rachi, ad loc.)
Le changement du nom d’Avram en Avraham, qui se produisit en conjonction avec sa circoncision et l’alliance qu’il établit avec D.ieu, marque un point tournant dans sa vie. Jusqu’alors, l’élan qui donnait une impulsion à la vie d’Avraham était sa relation avec D.ieu. A partir de cet événement, il allait être mû par son rôle en tant que dirigeant des peuples, en tant que maître de la vérité Divine face à des multitudes qui en étaient totalement inconscientes.
C’est ainsi que la lettre Hé fut ajoutée à son nom. Avram constitue l’acrostiche de Av Ram qui signifie : « père exalté ». Avraham implique Av Hamon Goyim : « père d’une multitude de nations ».
Bien souvent, les maîtres et les dirigeants ont tendance à diluer leur message et à n’en transmettre que les grandes lignes. Ils raisonnent en se disant qu’en ce qui les concerne personnellement, il faut approfondir les vérités les plus sublimes et adhérer aux valeurs les plus élevées. Mais il est irréaliste d’attendre la même chose des autres. Comment comparer la capacité spirituelle de ceux qui mènent une vie ordinaire, matérialiste à celle de ceux qui ont passé leur vie dans la quête de la Divinité ? Si l’on s’adresse à eux en traitant de tels sujets ou qu’on leur fasse de telles demandes, ils considéreront que l’on a perdu tout contact avec la réalité.
Et ce rapprochement avec la « multitude » risque même, pensent-ils, d’affecter leur propre spiritualité et leur piété.
C’est ici que se fait entendre la leçon du Rèch immuable dans le nom d’Avraham.
D.ieu ajouta un Hé, donnant ainsi à Avraham le rôle de chef pour le Hamon (« multitudes » ). Mais Il conserva le Rèch de « exalté ». Car la véritable preuve qu’un homme est bien un maître se révèle lorsqu’il est celui qui peut insuffler les vérités les plus sublimes dans le cœur le plus matérialiste. Avraham était un tel maître et un tel dirigeant et c’est cette qualité qu’il nous a transmise dans notre rôle de « luminaire pour les nations ».
Quelques lois et coutumes liées à la Brit Mila (circoncision)
- Le père a l’obligation de circoncire son fils à l’âge de huit jours. S’il ne sait pas comment procéder, il nomme un Mohel compétent comme son Chalia’h (émissaire).
- On ne retarde pas la circoncision si l’enfant est en bonne santé.
- La circoncision s’effectue le jour et non la nuit. Si possible, on y procédera tôt le matin car « ceux qui aiment les Mitsvot s’empressent de les accomplir ». Cependant, s’il n’est pas possible de réunir la famille et les invités très tôt, on pourra procéder à la Brit Mila tant qu’il fait jour.
- Un garçon qui naît un Chabbat de façon naturelle (et non par césarienne) sera circoncis le Chabbat suivant ; on aura pris soin de préparer tout ce qui est nécessaire à la circoncision (instruments, pansements…) avant Chabbat à l’endroit où elle aura lieu puisqu’on ne peut transporter pendant le Chabbat.
- En cas de naissance de jumeaux, si l’un est plus faible que l’autre, on procédera d’abord à la Brit Mila de celui qui est en bonne santé et, éventuellement quelques jours plus tard, de celui qui était trop faible.
- Le père de l’enfant est appelé à la Torah le Chabbat précédant la circoncision.
- La nuit précédant la Brit Mila, on a la coutume d’amener auprès du bébé des enfants qui réciteront le Chema Israël et d’autres versets pour augmenter la protection. La coutume est que le père du nouveau-né reste réveillé cette nuit-là pour étudier certains passages du Zohar.
- Tout Juif qui n’a pas été circoncis au huitième jour a le devoir de se faire circoncire à sa majorité et de ne pas retarder l’accomplissement de cette Mitsva.
(d’après Chéva’h Habrit – Rav Shmuel Hurwitz)
Mon fils chéri
Avec d’autres jeunes gens, j’étais venu d’Israël pour étudier à New York, plus précisément à la Yechiva du 770 Eastern Parkway de Brooklyn, près du Rabbi.
A cette époque, en 1987, le mouvement Loubavitch avait déjà connu un très grand développement. Des milliers de Juifs affluaient du monde entier pour s’entretenir avec le Rabbi et profiter de ses conseils dans tous les domaines.
J’étais jeune, je me sentais un peu perdu et j’avais du mal à imaginer que le Rabbi pouvait reconnaître tous les gens qui défilaient devant lui quand il distribuait des dollars ou du vin de bénédiction. Les anciens ‘Hassidim s’efforçaient de nous persuader que le Rabbi connaissait chacun ; ils nous racontaient leurs expériences personnelles, quand le Rabbi les recevait longtemps en entrevue privée et s’intéressait à toutes leurs activités, leurs familles, leurs soucis… Cela nous semblait si lointain ! Comment le Rabbi pouvait-il maintenant se projeter dans chacun de ses ‘Hassidim ? Surtout les plus jeunes ?
Vingt-quatre ans plus tard : j’étais marié, nous avions fondé une belle famille, je m’occupais d’institutions scolaires Loubavitch en Israël et je devais prendre des décisions lourdes de conséquences. Je me rendis à New York, au Ohel, là où repose le Rabbi dans le cimetière Montefiore dans le Queens. J’écrivis une lettre comme le demande la tradition, en énumérant les différentes options qui s’offraient à moi. J’étais si stressé devant l’ampleur des options possibles que, contrairement à mon habitude, j’ajoutai une ligne à la fin de la lettre que j’allais déposer au Ohel : « Je voudrais tant recevoir un signe du Rabbi confirmant que, quelle que soit la décision que je prendrai, le Rabbi sera avec moi ! ».
Le cœur un peu plus léger mais néanmoins toujours soucieux, je me rendis à Brooklyn, au 770 pour la prière de Min’ha. Dans la petite synagogue, je rencontrai Rav ‘Haïm Chaoul Brook : « Je suis si heureux de te voir, s’exclama-t-il ! Je t’ai cherché partout ! Donne-moi ton adresse mail, j’ai quelque chose d’important pour toi ! ».
Il faut savoir que Rav ‘Haïm Chaoul est le directeur du Comité pour la publication des écrits du Rabbi. Il est constamment à la recherche de manuscrits originaux du Rabbi, de notes et de discours qui n’ont pas encore été publiés.
Il y a quelques années, Rav ‘Haïm Chaoul avait décidé de passer au peigne fin la bibliothèque du Rabbi, espérant trouver des papiers entre les pages, des notes que le Rabbi aurait glissées pour les éditer plus tard et qui, pour une raison ou pour une autre, auraient été oubliées. Effectivement, entre les étagères et entre les livres, il trouva de nombreux discours du Rabbi qui n’avaient pas encore été exploités à leur juste valeur, des trésors de ‘Hassidout à l’état pur. En plus des papiers, Rav ‘Haïm Chaoul trouva aussi d’autres objets.
Quand j’ouvris ma boîte mail ce soir-là…
C’était une photo, une photo de moi enfant d’une dizaine d’années, étudiant avec concentration à l’école à Loud. Mon père avait envoyé cette photo au Rabbi en 1980 et avait écrit au-dessus de la photo mon nom : « Zeev Kaplan ». Le Rabbi avait ajouté de sa main en hébreu : « Loud Tévet 5740 ».
Dans son mail, Rav ‘Haïm Chaoul faisait remarquer que la photo était légèrement déchirée – ce qui signifiait que le Rabbi avait emporté cette photo quand lui-même allait se recueillir sur la tombe de son beau-père, le Rabbi précédent. Puis il l’avait rapportée et l’avait placée dans sa bibliothèque.
Je tremblai en réalisant que, plus de trente ans auparavant, avant même que je ne soupçonne l’existence de cette photo (souvenez-vous qu’à l’époque, on ne prenait pas des clichés aussi facilement que maintenant…), le Rabbi avait emporté cette photo au Ohel et l’avait gardée, comme un père conserve précieusement les photos de ses enfants.
Et aujourd’hui, le jour où j’avais demandé au Rabbi un signe comme quoi il approuvait mes décisions, je rencontrai justement Rav ‘Haïm Chaoul avec sa trouvaille extraordinaire ! Tant d’années plus tard, j’avais enfin la réponse à ma question : oui le Rabbi connaissait chacun et se souciait de chacun comme un père s’intéresse à ses enfants et les bénit à chaque instant. Pour moi, c’était comme si le Rabbi murmurait à mon oreille : « Tu es mon ‘Hassid et je m’occupe de toi, je t’accompagne, aujourd’hui et toujours ! ».
Rav Zeev Kaplan
Na’halat Har ‘Habad –
A Chassidisher Derher
Traduit par Feiga Lubecki