Samedi, 9 novembre 2024

  • Le’h Le’ha
Editorial

 En voyage !

Alors que commence le mois de ‘Hechvan, deuxième mois de l’année juive, nous avons à présent pleine conscience que nous sommes revenus dans la vie quotidienne. Bien sûr, quand la période des fêtes s’est terminée, nous avons déjà ressenti comme un passage mais, immédiatement, le Chabbat nous a entraînés dans son élévation avant que la semaine commence. A sa suite, les jours se sont déroulés, nous emmenant jusqu’au récit du déluge, de Noé et au début de l’histoire des hommes. Sans doute avons-nous gardé encore quelques traces du ressenti des fêtes, des émotions qui nous ont, pour ainsi dire, transfigurés pendant toutes ces semaines. Mais c’est là notre sort : le temps fait son œuvre et tout finit par s’effacer. Nous y sommes donc : l’année s’étend au-devant de nous, comme une invitation à l’action. Comment s’y méprendre quand nous voyons le monde trembler sous nos yeux et qu’il est possible de se demander de quoi sera fait demain ? Il n’y a pourtant pas très longtemps, tout paraissait encore si stable…

Les mots de la Torah qui retentissent dans toutes les synagogues cette semaine donnent à tout cela un profond écho. « Lè’h Lé’ha – va, quitte ta terre, le lieu de ta naissance et la maison de ton père, vers la terre que Je te montrerai… », c’est en ces termes que D.ieu s’adresse à Avraham l’hébreu, le premier homme à Le reconnaître et, de ce fait, l’ancêtre du Peuple juif. Ainsi, ces paroles résonnent comme une invitation au grand voyage de la vie et à celui de l’humanité. Et ce voyage ne peut pas être simplement celui de l’homme qui voudrait admirer des contrées inconnues. Il est d’abord celui du découvreur dont le regard modifie profondément ce qu’il regarde, portant toute chose plus loin et plus haut. L’ordre de D.ieu signifie qu’il faut sortir de soi, de ses préoccupations antérieures, aussi louables soient-elles, pour grandir et agir. Justement dans cette période de l’année, il nous appartient d’entrer dans le monde avec un enthousiasme renouvelé. Il nous revient d’y mettre cet élan d’humanité, empreint d’une espérance éternelle, qui paraît aujourd’hui lui faire défaut.

Il n’y a pas à hésiter. A nous d’agir, disent nos textes. Le monde attend, répond notre calendrier. Faisons en sorte d’entamer ainsi la plus merveilleuse des années pour la vivre jusqu’à son couronnement tant attendu : la venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Le pouvoir de la joie

La ‘Hassidout pose un principe essentiel : « La joie brise les barrières ». A cette idée, il faut ajouter qu’elle brise aussi les limites de l’exil et hâte la venue de Machia’h. C’est dans le même sens qu’il est écrit à son propos (Berechit Rabba 85 : 14 sur Miché 2 : 13) : « Celui qui brise (les limites) montera devant eux ».

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,

Chabbat Parchat Toledot 5741)

Vivre avec la Paracha

 Lé’h Le’ha

D.ieu s’adresse à Avram lui ordonnant : « Pars pour toi de ta terre, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père vers la terre que Je te montrerai ». Là, poursuit D.ieu, il deviendra une grande nation. Avram et sa femme Saraï, accompagnés de son neveu Loth, se rendent en Terre de Canaan où Avram construit un autel et continue à disséminer le message d’un D.ieu unique.

Une famine force le premier Juif à partir pour l’Egypte, où la belle Saraï est enlevée et conduite au palais du Pharaon. Avram échappe à la mort parce qu’ils se présentent comme frère et sœur. Une plaie empêche le monarque égyptien de la toucher et le convainc de la rendre à Avram, en attribuant au frère, qui s’est révélé être le mari, de l‘or, de l’argent et du bétail.

De retour au pays de Canaan, Loth se sépare d’Avram et s’installe dans la ville impie de Sodome où il est fait captif quand les puissantes armées de Kédorlaomère et ses trois alliés conquièrent les cinq villes de la vallée de Sodome. Avram se met en route avec une petite troupe pour secourir son neveu, réussit à vaincre les quatre rois et est béni par Malki Tsédèk, le roi de Shalem (Jérusalem).

D.ieu scelle « l’Alliance en les parties » avec Avram, dans laquelle l’exil et la persécution (Galout) du Peuple d’Israël sont prévus et la Terre Sainte leur est attribuée comme héritage éternel.

Toujours sans enfant, dix ans après leur arrivée dans le pays, Saraï dit à Avram d’épouser sa servante Hagar. Hagar conçoit et en devient insolente avec sa maîtresse puis fuit quand Saraï la traite durement. Un ange la convainc de revenir et lui dit que son fils engendrera une nation peuplée. Ichmaël naît alors qu’Avram est âgé de quatre-vingt-six ans.

Treize ans plus tard, D.ieu change le nom d’Avram en Avraham (« père de multitudes ») et celui de Saraï en Sarah (« princesse ») et promet qu’un fils leur naîtra. De ce fils, qu’ils appelleront Yits’hak (« rira »), émergera une grande nation avec laquelle D.ieu établira un lien tout particulier. Avraham reçoit le commandement de se circoncire ainsi que ses descendants, « en signe d’alliance entre Moi et toi ». Avraham obtempère immédiatement, circoncisant sa propre personne et tous les hommes de sa maisonnée.

 

LE PREMIER JUIF

Pourquoi pas Noa’h ?

Avraham est désigné comme le premier Juif. Toutefois, de nombreuses interrogations émergent : qu'est-ce qui distingue Avraham de tous les membres de sa génération ? De plus, pourquoi Avraham est-il désigné comme le premier Juif et non Noa’h ? Après tout, la Torah elle-même atteste que ce dernier était un homme juste.

La réponse classique à cette question repose sur la circoncision d'Avraham et l'alliance qu'il conclut avec D.ieu en conséquence de cette circoncision, lui conférant ainsi le titre de Juif. Cependant, la question persiste : pourquoi D.ieu a-t-Il choisi d'établir cette alliance unique avec Avraham plutôt qu'avec ses ancêtres ? Il semble donc exister une différence qualitative entre la justice d'Avraham et celle de ses prédécesseurs.

L'une des distinctions entre Avraham et Noa’h réside dans la capacité d'Avraham à se transcender lui-même. Dès son enfance, lorsqu’il prend conscience que toutes les autres divinités sont fausses et qu'il doit y avoir un vrai D.ieu, Avraham s'élève contre les conventions établies. Il est véritablement un iconoclaste, hostile aux traditions et à leurs représentations, tant au sens figuré que littéral du terme.

Le combat d’Avraham ne se limite pas à contester les croyances erronées et les mœurs négatives de la société mais il défend également ardemment tout ce qui est positif et bon. Se battre contre le mal, même au prix de sacrifice personnel, ne prouve pas nécessairement que l’on est une personne capable de se transcender ; cette dévotion peut simplement être le produit de la nature humaine. De même, consacrer sa vie à l’aide des autres, bien que louable, n’est pas nécessairement une expression de transcendance personnelle.

Cependant, lorsqu’un individu parvient à lutter contre le mal avec toute son âme et sa force tout en embrassant D.ieu ainsi que ses semblables avec un amour inconditionnel - cela constitue véritablement une forme de transcendance personnelle.

Aller à l'encontre des conventions

Ainsi, Avraham incarne l'essence fondamentale du Judaïsme. Un Juif est prêt à dépasser les conventions établies, à nager à contre-courant et même à aller au-delà de sa propre compréhension intellectuelle. Cela reflète précisément le sens profond de l'alliance de la circoncision : l'individu circoncis est disposé à donner de lui-même pour D.ieu et Ses enseignements, même lorsque ceux-ci exigent un engagement dépassant sa propre compréhension.

La circoncision est pratiquée sur un nourrisson âgé de huit jours qui n’a aucune compréhension des épreuves qu’il traverse. L’objectif est de garantir qu’en grandissant et en développant nos compétences intellectuelles, notre engagement envers D.ieu ira au-delà du niveau d’intelligence dont nous disposons.

Il va sans dire que le Judaïsme appelle et encourage la compréhension ; c’est là toute l’essence de l’étude de la Torah. Toutefois, le fondement essentiel des études repose sur l’acceptation inconditionnelle de D.ieu ainsi que des commandements contenus dans la Torah.

Les trois composantes de la circoncision

La circoncision contient en réalité deux éléments opposés - celui visant à éradiquer le mal tout en embrassant le bien - ainsi qu’un troisième élément crucial. Le grand talmudiste Rabbi Joseph Rosen, connu sous le nom du génie Ragatchover, divisait le commandement relatif à la circoncision en trois composantes : 

La première consiste à enlever le statut d’incirconcis ; 

La seconde représente l’acte positif d’être circoncis.

Cette approche résonne avec les deux objectifs fondamentaux associés à la circoncision tels que discutés par Maïmonide et d'autres penseurs : tempérer nos tendances sensuelles et hédonistes ; puis établir une alliance permanente avec D.ieu.

Un troisième élément s’ajoute également au processus : tandis que les deux premiers représentent respectivement les résultats et objectifs liés à la circoncision, ce troisième élément concerne directement l'acte même de circoncire.

C’est cette combinaison qui caractérisait Avraham œuvrant sur ces trois fronts simultanément. Comme mentionné précédemment, il combattait contre le mal tout en étant aussi un fervent défenseur du bien et de la bonté.

Mais peut-être plus important encore est qu’il ne se limitait pas à être un théoricien s’isolant dans ses réflexions pour déterminer ce qui constitue le bien ou le mal pour la société avant d’écrire un document appelant autrui à agir.

Avraham s’engageait profondément dans ces domaines avec son esprit, son cœur et son corps.

Avraham a légué cet héritage à tous les Juifs.

La première épreuve

Nos Sages nous enseignent qu'Avraham fut mis à l'épreuve par D.ieu à dix reprises. La première de ces épreuves, selon le Midrach, se produisit lorsqu'il contesta l'ordre du roi Nimrod de se prosterner devant une idole. Plutôt que de se soumettre au décret de Nimrod, Avraham fut jeté dans une fournaise ardente. Par un miracle, il échappa à une mort horrible qu'il était prêt à endurer en raison de sa ferme croyance en un seul D.ieu. Cet épisode est souvent désigné par le lieu où il s’est déroulé : Our Kasdim.

Cependant, bien que cela semble extraordinaire qu’un jeune homme soit disposé à mourir pour sa foi, la Torah ne mentionne pas explicitement cette épreuve. Le premier test relaté par la Torah semble être bien moins spectaculaire.

La Paracha de cette semaine, Le’h Le’ha, commence par le commandement divin adressé à Avraham de quitter son pays, son lieu de naissance et la maison de son père, pour se rendre vers une destination inconnue. Avraham obtempéra avec empressement. La question qui mérite d'être posée est la suivante : pourquoi la Torah ne commence-t-elle pas par ce qui semble être une démonstration de foi et de dévouement bien plus dramatique : l’épreuve d’Our Kasdim ? N’est-il pas plus significatif d’être prêt à mourir pour une cause que d’accepter simplement de quitter son foyer ?

Un paradigme pour les descendants

En relatant les épreuves d'Avraham, la Torah nous instruit sur la manière dont nous devons agir et pouvons agir. La vie d'Avraham constitue un modèle pour celle de ses descendants.

Si la Torah avait mis en avant le premier acte spectaculaire d’autosacrifice d’Avraham, cela aurait pu nous inciter à mener une vie centrée sur le sacrifice et le martyre. L'exemple d'Avraham aurait alors orienté notre existence vers des luttes permanentes et des défis constants. Bien que ces traits soient nobles et louables - et nécessaires - ils ne représentent pas l'héritage principal qu'Avraham transmet au Peuple juif.

Choisir la vie !

La Torah enseigne : « Va’haï Bahem », « vous vivrez grâce à elles » (les Mitsvot). Le Talmud observe : « Vous vivrez grâce à elles et non mourrez grâce à elles ». L’objectif primordial du Judaïsme est de trouver des moyens concrets pour réaliser le plan divin tout en menant une vie juive maximale.

Depuis les jours d’Avraham jusqu’à aujourd’hui, le Peuple Juif a été investi d’une immense responsabilité. Il est de notre devoir de rendre le monde accueillant envers D.ieu. Avraham y parvint en suivant les instructions divines concernant son lieu de résidence et ses actions.

Vivre selon les préceptes juifs nécessite-t-il parfois des actes d’autosacrifice voire de martyre ? Occasionnellement oui ; cependant, il ne faut pas confondre une réponse radicale et unique face à un tyran cherchant à forcer autrui à trahir sa foi avec un besoin constant d’appliquer des valeurs juives dans un monde essentiellement séculier.

Il va sans dire qu'Avraham était préparé - tout comme chaque Juif devrait l'être - à mourir pour sa religion. Toutefois, notre objectif ne doit pas être celui du martyre ou de la mort, mais plutôt celui de diffuser pleinement la philosophie juive auprès du plus large public possible.

Avraham est reconnu pour son hospitalité, sa bonté, son souci des autres et son amour envers D.ieu. Nous aussi devons imiter cet exemple en vivant notre Judaïsme et en permettant au Judaïsme de nous insuffler la vitalité.

La conviction fondamentale du Judaïsme selon laquelle la Torah et la vie ne sont pas incompatibles se manifeste dans l'idée que lors de l’époque messianique, nous vivrons éternellement corps et âme. Si mourir pour une cause était notre but ultime, l’expérience finale serait celle d'une âme sans corps. Le fait que la récompense ultime sera accordée aux corps reconstitués prouve que depuis toujours notre objectif réside dans celui de vivre comme Juifs.

Ceux qui sont morts parce que Juifs sont tenus en haute estime car ils ont permis et habilité les autres à vivre leur judaïsme.

Et où a commencé cette quête incessante pour la vie ? Elle débuta avec Avraham qui initia ce processus consistant à démontrer comment vivre avec foi et bonté, tout en aspirant aux extrêmes afin de rendre l’existence juste et divine.

Le travail pionnier accompli par Avraham dans ce sens fut institutionnalisé puis légiféré au mont Sinaï lors du Don de la Torah. Cela a établi le cadre nécessaire pour mettre en œuvre un système alliant la spiritualité et la matérialité.

L'époque messianique sera celle où tous les idéaux contenus dans la Torah seront réalisés concrètement. Alors nous ferons l'expérience fusionnelle entre le spirituel et le matériel sans compromettre aucun des deux aspects.

Effectivement, nous connaîtrons une énergie divine sans précédent dans un cadre totalement matériel.

Le Coin de la Halacha

 Quelques lois à propos de la Brit Mila (circoncision)

- Il revient au père de l’enfant l’obligation de procéder à la Brit Mila de son fils. C’est considéré comme la plus importante des Mitsvot positives de la Torah car le mot Brit (alliance) est mentionné treize fois à son propos. Si le père n’est pas capable de l’accomplir lui-même, il peut nommer un émissaire (un Mohel) pour l’en acquitter.

- Si le père n’y a pas procédé (ou engagé un Mohel pour cela), le tribunal rabbinique de la ville doit s’en charger. Si cela n’a pas été fait, l’enfant devenu adulte devra s’en acquitter.

- Si l’enfant est en bonne santé, la Brit Mila aura lieu le huitième jour (c’est-à-dire qu’au moins sept jours complets se seront écoulés depuis la naissance). Il est interdit de retarder la Brit Mila même d’un jour pour des convenances personnelles. Si l’enfant est né pendant Chabbat, la Brit Mila aura lieu le Chabbat suivant – sauf s’il est né par césarienne : dans ce cas, la Brit Mila sera repoussée au dimanche. Si l’enfant souffre de fièvre par exemple, on ne procédera à la Brit Mila que sept jours après sa guérison complète. En cas d’ictère (« jaunisse »), le Mohel décidera du nombre de jours à attendre. Le Rabbi Tséma’h Tsédek cite le Rambam selon qui une Brit Mila retardée pour raisons médicales répare ce « manque » a postériori.

- A priori, on procédera à la Brit Mila tôt le matin (mais après la prière), avant ‘Hatsot (le milieu de la journée).

- Si un des jumeaux est apte à être circoncis avant son frère, on n’attendra pas la guérison du deuxième – même si cela signifie deux fêtes séparées.

(d’après Chéva’h Habrit)

Le Recit de la Semaine

 La jardinière d’enfants

Ce fut un coup de téléphone totalement inattendu pour Mme Einav Mizrahi de la ville d’Elad en Israël : à l’autre bout du fil, il y avait Rav Lévi Doron de Péta’h Tikva qu’elle ne connaissait pas et qui lui annonça :

- Je reviens maintenant d’une visite de condoléances auprès de deux jeunes jumeaux – un frère et une sœur – qui habitent dans notre quartier. Ils viennent de perdre leur maman après une grave maladie. Depuis leur naissance, ils ont grandi seulement avec leur mère, elle représentait tout pour eux. C’est moi qui me suis occupé d’eux et j’ai préparé le garçon pour sa Bar Mitsva.

- Je comprends, murmura Mme Mizrahi qui, de fait, ne comprenait pas trop en quoi cela la concernait…

- Voilà en quoi vous êtes impliquée, Madame. Au cours de la visite, j’ai remarqué en bonne place dans l’appartement deux grandes photos du Rabbi et cela m’a interpellé. Je leur ai demandé d’où elles venaient et ils m’ont répondu en chœur : de la Ganénet, notre jardinière d’enfants !

- Ah bon ? Quelle Ganénet ? De quel jardin d’enfants parlez-vous ?

- Celle qui dirigeait notre classe, oui, oui, nous étions dans un jardin d’enfants Loubavitch !

En effet, il y a quinze ans, Mme Mizrahi (dont le mari, Rav Oren, est d’ailleurs l’adjoint au maire de la ville) s’occupait du nouveau jardin d’enfants (Loubavitch) de la ville de Péta’h Tikva, précisément dans le quartier de Nevé Dekalim. A ses débuts, la majorité de la population de cette ville était loin d’être pratiquante, ce qui posa des problèmes quant à la pérennité de l’école :

Elle raconta : « Les autorités de la ville ne voulaient pas nous subventionner, sous prétexte que nous n’avions pas un nombre suffisant d’élèves. Le directeur était très inquiet et j’avais pris sur moi d’aller de porte en porte pour demander aux parents d’inscrire leurs enfants chez nous. C’était la dernière chance pour éviter la fermeture de notre structure. Tout se passa bien, les parents étaient coopératifs. Dans une des maisons, je fus accueillie par une maman qui élevait seule ses jumeaux. Celle-ci m’avertit tout de suite qu’elle n’était pas du tout pratiquante et n’avait aucun lien avec la religion. Cela ne m’a pas impressionnée et j’ai répondu que, dans notre école, il n’y avait aucune pression ou obligation mais seulement l’acquisition des valeurs juives, de la pédagogie, des histoires, des jeux, une ambiance joyeuse… La mère accepta et inscrivit les deux enfants dans notre Gan. Ils sont restés trois ans dans l’atmosphère ‘hassidique chaleureuse de notre école puis nos chemins se sont séparés, ils sont partis dans des écoles plus… laïques ».

Quand approcha la date de la Bar Mitsva, la mère rechercha un numéro de téléphone d’un rabbin prêt à préparer son fils et contacta Rav Doron : celui-ci accepta volontiers d’enseigner à l’enfant la lecture dans le Séfer Torah, la mise des Téfilines et les autres coutumes concernant cette étape importante d’entrée dans la vie adulte. Pour Rav Doron, il s’agissait simplement d’une Bar Mitsva comme une autre ; mais pour l’âme du jeune garçon, il s’agit d’un tournant dans la vie. Après la fête, à la surprise de tous, il commença à s’intéresser davantage à la tradition juive, il ouvrit des livres, il rechercha et s’intéressa. De lui-même, il se rapprocha de la ‘Hassidout ‘Habad et, actuellement, il étudie dans une Yechiva ‘Habad.

Après sa visite de condoléances, Rav Doron téléphona à Mme Mizrahi et lui raconta avec émerveillement ce qu’il avait entendu, comment les enfants s’étaient souvenus jusqu’à ce jour de ses enseignements.

Stupéfaite, elle décida sur le champ de rendre elle aussi une visite de condoléances à ses anciens élèves dont elle se souvenait vaguement et se déplaça jusqu’à Péta’h Tikva. Quand elle arriva, les deux jeunes gens n’avaient justement pas de visiteurs : elle se présenta et tous deux furent émus aux larmes de sa présence :

- Je me souviens effectivement qu’une dame était venue chez nous, avec des chocolats et des jouets afin de nous inscrire au jardin d’enfants ‘Habad, raconta l’adolescente.

- Oui, c’était moi, renchérit Mme Mizrahi, qui se mit à égrener des souvenirs de ces années d’antan.

Le jeune homme, âgé de 15 ans maintenant, raconta combien l’influence du jardin d’enfants l’avait accompagné jusqu’à présent – au point qu’il s’était fixé une ‘Havrouta (moment d’étude ensemble) avec un de ses anciens camarades qui avait fréquenté le même établissement.

« Pour moi, explique Mme Mizrahi, ce fut comme un baiser directement du Ciel. J’avais donné tout ce que je pouvais – mon temps, mon énergie, mon enthousiasme, mes connaissances – pour ces enfants et, soudain, des années plus tard, je récoltais les fruits de cet investissement sacré. Bien entendu, nous avons décidé de renouveler le contact et je les assurés que ma porte leur serait toujours ouverte, surtout s’ils voulaient passer avec nous le Chabbat et les fêtes, maintenant qu’ils étaient orphelins. Chaque Ganénet doit être consciente de la mission essentielle qu’elle remplit. Il est impossible de mesurer l’influence qu’elle peut avoir sur les enfants : elle ne fait pas que raconter des histoires de Torah, apprendre à lire et à dessiner, répéter des prières ! C’est tout un monde qu’elle ouvre à leurs yeux, ce sont des âmes qu’elle peut modeler pour la vie, c’est une joie de vivre les Mitsvot qu’elle démontre par son exemple. Le bon D.ieu ne reste pas débiteur, répétait souvent le Rabbi ! ».

(Dernièrement, Mme Mizrahi a été décorée du titre de « jardinière de l’année » par le Ministère de l’Éducation israélien).

Rav Mena’hem Cohen - Kfar Chabad N° 2078

Traduit par Feiga Lubecki

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