Joie, clé des cœurs
S’il fallait dire en une phrase où, cette semaine, nous en sommes, sans doute faudrait-il proclamer avec force : «Entrons à présent dans le vif du sujet !» De fait, le premier Adar nous a comblés de forces renouvelées et il continue de le faire. Grâce à lui, la joie est devenue un élément structurant de notre vie, une réalité tangible. Elle a pénétré notre âme et lui a donné une vigueur sans faille. Mais, ce Chabbat, nous bénissons le mois à venir : celui d’Adar, deuxième du nom. Et tout devient encore plus fort et plus présent. Pourim est maintenant en perspective, comme un horizon attendu dont chacun de nos pas nous rapproche.
Comment dire que quelque chose a profondément changé ? Ou plutôt comment le ressentir avec toute la profondeur et la sincérité qu’un tel sentiment requiert ? Car il y a ici un enjeu d’importance. Nous vivons sans doute un temps de bouleversement, un de ces temps incertains dont nul n’ose prédire sur quoi il débouchera finalement. Et voici que la joie entreprend d’orienter notre effort. C’est une joie sans pareille qui éclaire notre chemin à présent. Certes, elle était déjà là mais voici qu’elle retentit avec une force accrue : Pourim approche !
C’est donc bien d’un changement de structure qu’il s’agit, bien au-delà d’un simple progrès ou d’une quelconque croissance. Nous regardons naître cette transformation et nous savons en voir tous les potentiels. Car la joie n’est pas une émotion ordinaire. Elle est gage de cette victoire pacifique sur toutes les folies humaines. Elle est la clé de la confiance et de la sérénité à la fois. Alors, quand commence l’époque de son redoublement, il importe de s’en saisir. Rien ne lui résiste. Devant elle, toutes les barrières s’effondrent.
Un monde sans barrière ? Cela a les apparences du rêve. Pourtant, c’est ce que nous pouvons construire aujourd’hui. Jour après jour. Par notre allégresse de chaque instant, à chaque instant plus grande. La joie, cela s’apprend et cela se vit. Il faut en faire le principe qui guide nos actes, la démarche essentielle de nos avancées. Laissons-la régner en nous et, à travers nous, dans le monde entier. Jusqu’à la joie universelle et infinie, celle de la Délivrance que le Messie nous apportera.
Quelle Délivrance ?
La Délivrance amenée par Machia’h ne sera pas qu’une libération matérielle. Elle ne sera pas non une simple délivrance spirituelle, du mal et de la tentation. Elle sera la révélation du Nom de D.ieu.
Cette révélation sera d’une telle intensité que la terre n’apparaîtra plus en tant qu’existence matérielle autonome ; elle sera comme «annulée» devant la puissance de cette Lumière au point qu’elle sera couverte par «la connaissance de D.ieu comme l’eau couvre les mers.»
(D’après Likoutei Si’hot vol. 31 Parachat Vaéra)
Vayakhel
Moché réunit le peuple d’Israël et réitère le commandement d’observer le Chabbat. Il transmet alors les instructions de D.ieu concernant la construction du Michkan (le Tabernacle). Le peuple fait don, en abondance, des matériaux requis, apportant de l’or, de l’argent et du cuivre, de la laine teinte en bleu, violet et pourpre, des poils de chèvre, du lin tissé, des peaux de bête, de la laine, du bois, de l’huile d’olive, des herbes et des pierres précieuses. Moché doit leur demander de cesser leurs dons.
Une équipe d’artisans au cœur sage construit le Michkan et son mobilier (comme cela a été décrit dans les Parachiot précédentes : Teroumah, Tetsavé et Ki Tissa) : trois couches pour les couvertures du toit, 48 panneaux muraux plaqués d’or et 100 socles d’argent pour les fondations, la paro’hèt (voile) qui sépare les deux chambres du Sanctuaire et le massa’h (écran) pour le devant, l’Arche et son couvercle avec les Chérubins, la Table et ses Pains de Présentation, la Menorah à sept branches avec son huile tout spécialement préparée, l’autel d’or et les encens qui y sont brûlés, l’huile d’onction, l’autel extérieur pour les offrandes que l’on doit brûler et tout son équipement, les cintres, les poteaux, et les socles de fondation pour la cour et enfin le bassin et son piédestal, fait de miroirs de cuivre.
Les touches finales
Rachi, à propos de la construction du Michkan, telle qu’elle est décrite dans Vayakhel, note : «J’ai déjà expliqué que les dons qui avaient été faits pour (la construction du) Michkan et (la réalisation effective de) sa construction à l’endroit où elles furent (a priori) ordonnées (c’est-à-dire dans les Parachiot Teroumah, Testavé, et au début de Ki Tissa)» (Chemot 35 : 2).
Et pourtant, Rachi explique aussi ici de nombreux détails. Cela tient très certainement au fait que ces détails ne pouvaient être compris «à l’endroit où ils furent a priori ordonnés».
Il nous faut également comprendre, dans la même veine, le commentaire de Rachi sur le verset: «les poteaux pour la tente, les poteaux pour l’enceinte, les cordes pour attacher». Il y note que les poteaux et les cordes avaient pour but d’«enfoncer et d’attacher les tapisseries dans le sol pour qu’elles ne soient pas balayées par le vent».
Pourquoi Rachi propose-t-il ce commentaire ici alors qu’il l’a déjà expliqué précédemment ?
Plus tôt, il a indiqué que «l’huile pour illuminer» nécessitait également l’œuvre de ceux qui avaient «le cœur sage» puisque cette huile était différente de toutes les autres huiles. Il semble donc que tous les objets ici décrits devaient être accomplis par ceux qui avaient «le cœur sage».
Cela soulève une question évidente. Pourquoi était-il nécessaire que les poteaux et les cordes soient fabriqués spécifiquement par ceux qui avaient «le cœur sage» ?
La réponse de Rachi explique que ces poteaux faisaient partie intégrante des tapisseries, puisque sans eux, elles auraient été «balayées par le vent». Puisque très précisément ceux qui avaient «le cœur sage» étaient capables de fabriquer ces tapisseries, il s’ensuit qu’ils voulaient accomplir leur travail jusqu’au bout. Ils ne se contentaient donc pas des tapisseries mais également de toutes leurs attaches, y compris les poteaux et les cordes.
Nous pouvons tirer ici une leçon importante pour ceux qui ont «le cœur sage» et qui se consacrent à l’éducation. Ils ne doivent pas seulement chercher à avoir de nombreux disciples mais savoir également qu’ils ne se sont pas rendus quittes de leur obligation s’ils se contentent de partager leur savoir.
Ils doivent faire l’effort d’aider leurs disciples à être des individus complets, dans tous les domaines. Ils doivent veiller à ce que même ces petites choses qui paraissent insignifiantes, comme les poteaux et les cordes, dont on pourrait penser qu’elles ne requièrent pas l’art de ceux qui ont «le cœur sage», doivent être révélés chez leurs élèves.
Ce n’est que lorsqu’ils ont accompli leur tâche de veiller à tous les besoins de leurs disciples qu’ils peuvent être assurés que leur enseignement aura un impact durable et que leurs étudiants ne seront pas «balayés par le vent». Cela signifie que même lorsque soufflent tous les vents du monde, leurs élèves restent fidèles aux enseignements de leurs maîtres, ils ne sont pas intimidés par les pressions extérieures et les influences néfastes qui détruiraient tout ce que leurs mentors ont cherché à leur inculquer.
Quand cela est réalisé, c’est la meilleure preuve que les enseignements dispensés par le maître ont imprégné l’essence du disciple, dans chacune de ses fibres.
Il est également fait allusion à ce concept quand nos Sages déclarent qu’une mitsva est réellement accomplie par celui qui l’achève. Quand bien même la partie la plus importante en a déjà été faite, tant qu’il reste même un tout petit détail à achever, elle n’est pas accomplie. C’est à celui qui s’en acquitte, même s’il s’agit de la dernière touche finale, que revient la mitsva dans son intégralité.
La raison en a été expliquée précédemment. Tant qu’un sujet n’est pas entièrement achevé, il ne peut être entier. Car ce n’est que lorsque l’individu est imprégné dans son intégralité que nous pouvons être sûrs qu’il résistera à tous les vents mauvais. Il est essentiel que le bien le pénètre jusqu’au fond de son être.
Comment agir avec un malade Chabbat ?
- Tout Juif malade - dont la vie n’est pas en danger - peut être soigné par un non-Juif. Si cette solution n’est pas possible, un Juif peut s’occuper du malade mais, si possible, avec un léger changement si cela implique une transgression du Chabbat.
- Un malade qui n’est pas en danger peut prendre des médicaments, en prenant soin de ne pas déchirer l’écriture de l’emballage du médicament. Il peut briser ou écraser une pilule.
- Cependant, le malade devrait éviter de prendre des médicaments pour «le confort» comme par exemple pour soulager un simple rhume.
- Si le malade ne souffre pas vraiment, il ne devrait pas prendre des médicaments pour un petit mal de dents, un simple mal de tête, mal à la gorge ou toux.
- Celui qui est modérément malade peut néanmoins prendre des aliments qui lui feront du bien comme du miel, des bonbons à la menthe, du citron chaud. Celui qui a des brûlures d’estomac peut manger du beurre, du lait ou un œuf qui adouciront ses symptômes.
- L’interdiction de prendre des médicaments ne s’applique que s’ils sont consommés de la façon habituelle. Cependant, si on les dilue dans l’eau (et que ce n’est pas la façon habituelle de les absorber) ou s’ils ont été dilués dans l’eau avant Chabbat et que d’autres personnes ne peuvent pas reconnaître qu’il s’agit de médicaments, c’est permis.
- Dans le cas d’un mal de dents, on peut prendre une rasade d’alcool mais en l’avalant directement, sans se rincer la bouche avec et sans la recracher, sans même la garder en bouche plus longtemps que d’habitude.
(d’après Rav Yossef Kolodny – N’shei Chabad Newsletter N° 7602)
Moi, vétéran de la Guerre de Corée…
Je suis né en 1927 à Kielce en Pologne. Quand la guerre éclata, nous avons été poussés dans un ghetto qui fut liquidé en 1942. Nous avons tous été envoyés dans des wagons à bestiaux vers Auschwitz. De là, j’ai ensuite été transféré dans de nombreux autres camps d’extermination et, après avoir perdu toute ma famille, j’ai miraculeusement survécu.
Le 27 avril 1945, j’ai été libéré par l’Armée américaine. J’expliquai au HIAS (l’organisme d’aide aux réfugiés) que j’avais de la famille aux États-Unis et j’ai effectivement pu localiser une tante qui habitait à Brooklyn. Au bout d’un certain temps, je déménageai et m’installai à Crown Heights, 272 Kingston Avenue, vraiment à quelques mètres de la synagogue Loubavitch. Je me suis lié d’amitié avec Rav Eliahou Gross et, de temps en temps, il m’emmenait aux réunions ‘hassidiques.
En 1950 éclata la Guerre de Corée. Je voulais m’enrôler. Ma famille s’y opposait mais je ressentais que j’avais une dette envers l’Amérique qui m’avait sauvé : après tout, des milliers de jeunes Américains, à peine plus âgés que moi, avaient risqué leurs vies pour me libérer ainsi que des milliers d’autres Juifs quelques années plus tôt…
Quand j’informai Rav Gross de ma décision, il répondit que je devais demander une bénédiction au Rabbi et il arrangea pour moi un rendez-vous, ce qu’on appelle une Ye’hidout, un entretien privé.
Je portais déjà l’uniforme quand j’entrai dans le bureau du Rabbi qui me salua et me demanda de m’asseoir. Je me souviens surtout de ses yeux bleus, bleus comme l’océan, bleus comme le ciel… Il était si chaleureux que je me sentis tout de suite à l’aise pour l’écouter et répondre à ses questions.
Il m’affirma que tout irait bien, que je survivrais à la guerre : les balles passeraient près de moi mais ne m’atteindraient pas. C’est effectivement ce qui se passa à d’innombrables reprises. Combien de fois ai-je entendu ce bruit assourdissant des balles à quelques centimètres de moi. J’ignore d’où venaient les balles car il y avait tellement de bruit, des tanks et des camions évoluaient à côté de nous, des avions au-dessus de nos têtes… J’entendais ce Wouchhhh encore et encore mais jamais aucune balle ne me blessa. Je suis certain que c’est la bénédiction du Rabbi qui m’a gardé en vie.
Durant cet entretien si particulier, le Rabbi me recommanda de mettre chaque jour les Téfilines et de prier. S’il y avait d’autres soldats juifs avec moi, je devais leur prêter mes Téfilines et leur demander de prier. Je me suis levé, le Rabbi m’a serré la main et m’a béni encore une fois pour que je revienne sain et sauf à la maison.
Je me suis donc rendu en Corée, avec la Compagnie A, dans le bataillon 116 des Ingénieurs de combat, avec environ 150 soldats. En Corée, j’ai reçu une lettre du Rabbi. Je l’ai conservée précieusement parce que c’était vraiment quelque chose de très important pour moi. Elle était écrite en yiddish :
«Salutation et Chalom ! J’ai été heureux de recevoir votre lettre. J’espère que ma lettre vous trouvera en bonne santé et que vous continuerez d’envoyer de bonnes nouvelles à l’avenir. Envoyez-moi de vos nouvelles et assurez-moi que vous mettez les Téfilines et continuez vos activités pour le judaïsme.
«Écrivez-moi, je vous prie, à propos de la façon dont vous avez passé Pessa’h et si le Séder était conduit par un aumônier ou un rabbin. Avez-vous disposé d’un Minyane (le regroupement de dix Juifs, nécessaire pour certaines prières) ? Transmettez mes salutations à tous vos camarades. Encouragez-les à veiller à mettre les Téfilines durant la journée, au moment où c’est possible… Cela les protégera afin que D.ieu les ramène sains et saufs à la maison !
J’attends de vous des bonnes nouvelles.
Avec ma bénédiction
Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson».
Quand je lus cette lettre, je ne parvins pas à la reposer. Je la lus et la relus. J’étais si heureux !
Je la conservai avec le même soin que je conservais mon fusil. Elle comptait tellement pour moi ! Je suis persuadé que c’est la lettre du Rabbi qui m’a gardé en vie. J’appartenais au corps du génie, ce qui signifiait que j’étais en première ligne sur le front. J’étais dans la ligne de tir des ennemis. Nombre de mes camarades sont tombés et plus encore ont été blessés, estropiés à vie. J’ai participé à de nombreux combats – je ne me souviens même plus du nombre exact – mais tant de mes camarades sont tombés alors qu’à chaque fois, je revenais sain et sauf : il ne m’est rien arrivé.
Dans les moments les plus angoissants, la lettre du Rabbi me redonnait espoir. Parfois j’étais de garde et chaque mouvement, chaque bruit me faisait sursauter : la lune apparaissait derrière un nuage, un souffle de vent faisait bouger les feuilles d’un arbre et je m’imaginais que l’ennemi arrivait pour me tuer. Mais alors je tâtais la lettre dans ma poche et je reprenais mes esprits, respirais profondément et retrouvais l’espoir.
Je conservais toujours cette lettre avec moi ainsi que quatre grenades. Chaque fois que je devenais nerveux, je relisais la lettre et savais que, quoi qu’il arrive, je m’en sortirais et reviendrais sain et sauf à la maison.
La bénédiction du Rabbi m’a accompagné tout ce temps et me voici, soixante ans plus tard, pour vous raconter mon histoire.
Baruch Shlomo (Bernie) Cytryn – Chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki