Samedi, 22 Février 2014

  • Vayakhel
Editorial

 Le chemin de la joie

Dans la vision juive, en tous temps et en tous lieux, la joie a toujours été un élément central de l’existence. Elle a toujours fait l’objet d’une recherche attentive, d’un soin constant. De fait, elle est cette expression du plus profond de soi qui fait dire à nos Sages que «D.ieu ne réside que sur l’homme joyeux.» Cette joie – qu’il faut donc bien qualifier d’impérative – a une présence encore plus forte dans la période courante. Il a été abondamment souligné que le mois de Adar est celui de la joie, qu’il implique que celle-ci soit multipliée de jour en jour. Or voici que nous venons de franchir une nouvelle étape : «Pourim Katan – le petit Pourim» est à présent derrière nous et moins d’un mois nous sépare de l’allégresse sans limite du Pourim définitif. La joie prend ici un tour presque concret. Sa grande rumeur ne suffit plus, même si elle est déjà enthousiasmante. Son expression doit devenir tangible. Il faut enfin pouvoir la toucher du doigt.

Peut-être est-ce justement là que le bât blesse ? Nous vivons quotidiennement une sorte de morosité ou de langueur qui semble emplir les rues des villes et jusqu’à l’âme de ses habitants. Le mode interrogatif est plus fréquent que la franche assurance de lendemains heureux et l’espoir, sans lequel on ne saurait vivre, paraît trop souvent absent de la conscience. Tout cela prend sans doute encore plus de relief quand, dans l’espace public, résonnent des paroles voire des cris de haine qu’on croyait de longtemps disparus dans les poubelles de l’histoire. Voici pourtant qu’il nous est dit que la joie ne renonce jamais, qu’elle a toute sa place et que, peut-être, elle constitue la solution !

C’est que la joie a une source première : la vie. Nous sommes des créatures de D.ieu Qui nous a confié une mission essentielle : faire de ce monde ce lieu de paix, d’harmonie et de sérénité où peut se développer le plan divin, édifier ici-bas la demeure divine. En prendre pleine conscience implique un véritable effort ; ne s’agit-il pas d’écarter le voile des faux-semblants ? Mais l’idée, en chacun, est facteur de lumière. Elle dit que rien ne peut résister à cette conviction : le lien entre le Créateur et la créature est possible, l’homme n’est pas seul et sa vie a un sens qui ne peut s’effacer ! Au mois de Adar, à l’heure de la joie, le chemin s’ouvre devant nous. C’est un chemin d’éternité, à présent son ouverture s’illumine.

Etincelles de Machiah

 Les talons de Machia’h

Le principal est notre génération, celle des « talons de Machia’h ». En effet, ce sont les talons qui maintiennent toute la structure du corps, de même notre génération maintient toutes celles qui l’ont précédées.

Cependant, c’est aussi au niveau du talon que s’accumule une saleté répugnante. Ainsi, en notre temps, le mal semble plus fort. Il faut faire briller la lumière, automatiquement le mal sera repoussé.

(D’après Séfer HaSi’hot 5689 p.50) 

Vivre avec la Paracha

 Vayakhel

Plus qu’un grand ensemble

La langue hébraïque ne manque pas de synonymes et plusieurs verbes auraient pu être choisis pour commencer le premier verset de notre Paracha : «Et Moché rassemblales Enfants d’Israël». Le terme employé «Vayakhel » est significatif car il implique la fusion des gens en un Kahal, une entité communautaire, plus qu’un ensemble d’individus.

Un groupe qui rassemble peut également séparer et même lorsque ses membres sont réunis, l’union n’est pas totale. Un Kahal, par contre, représente une entité éternelle qui réunit les individus dans un même cadre, mettant l’accent sur le lien fondamental qui les unit.

La raison pour laquelle Moché convoqua le peuple était de collecter des dons pour la construction du Michkan, le Sanctuaire. En effet, le Michkan ne pouvait être édifié à partir de ressources émanant de dons privés. Il était indispensable que l’argent nécessaire soit donné par la collectivité. C’est ainsi que l’unité établie par Moché au sein du peuple juif s’étendait même à leurs ressources financières.

Nous sommes tous, par nature, préoccupés par ce que nous possédons. Nos Sages nous ont accordé de nombreuses concessions parce que «l’homme est anxieux à propos de ses possessions.» Et il est vrai que l’argent est souvent source de conflit. Cependant, dans le sujet qui nous concerne, le peuple mit en commun, et de plein gré, ses ressources pour la construction d’une structure qui reflétait elle-même leur unicité.

L’unicité comme dynamique

Le fait que le Sanctuaire fut construit par le peuple juif dans un esprit d’unicité rendit possible qu’il soit imprégné d’unité. (Contrairement aux Parachiot de Terouma et de Tetsavé qui évoquent l’ordre de D.ieu à Moché de construire un Sanctuaire, notre Paracha se concentre sur sa construction effective. Puisque cela impliquait des activités concrètes et que bien souvent ce type d’activités se caractérise par un manque d’harmonie, le besoin se fait encore plus sentir d’insister sur cette idée d’unité).

La construction du Sanctuaire est une continuation de la synthèse entre le matériel et le spirituel, commencée au Don de la Torah. Lors de la préparation à cet événement, les Juifs avaient campé devant le Mont Sinaï «comme un seul homme avec un seul cœur». Et de la même façon, avant l’édification du Michkan, y avait-il encore une fois la nécessité de souligner leur unité.

Cela transparaît par le fait que la construction de ses divers composants, c’est-à-dire l’Arche, l’Autel, la Ménorah, n’était pas considérée comme des mitsvot indépendantes mais plutôt comme faisant partie de la tâche générale de construire une demeure pour D.ieu. Bien que chacun de ces éléments constituât un objet à part entière, leur particularisme discret était subordonné au Sanctuaire en tant qu’entité.

Notre service de la prière correspond au service du Sanctuaire et du Beth Hamikdach. Ainsi, le concept de subordination de l’individu au collectif se reflète également dans la prière.

Prier consiste essentiellement à demander que soient exaucées des requêtes personnelles. Pourtant, ces demandes s’adressent toujours à la première personne du pluriel, ce qui souligne l’idée que l’on se joint à tous les Juifs.

Une coutume instaurée par Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi met également en lumière le concept de l’unité. Il indiqua que soit prononcée, au tout début de la prière du matin, la déclaration : «Je prends sur moi l’accomplissement de la Mitsva de ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’».

La Présence de D.ieu se révélait dans le Sanctuaire. Là, il était visiblement manifeste que le monde est Sa demeure et que tous les divers éléments existants sont pénétrés de Son unité. Et depuis le Sanctuaire, la lumière se répandait dans le monde entier.

Cela nous mène à une seconde idée. Les Juifs constituent «une nation sur terre». L’implication en est que nous sommes tous attachés par un lien interne et que cela nous permet de répandre l’unité de D.ieu dans le monde. Cette union du peuple juif est en effet une force active plutôt qu’un état de fait, passif. Etablir l’unité dans notre peuple stimule la manifestation de l’unité de D.ieu dans toute existence.

De l’intérieur vers l’extérieur

Qu’est-ce qui motive notre peuple à s’élever au-dessus des identités personnelles le constituant ? L’appel de Moché Rabbénou. Moché représentait l’incarnation du dépassement de soi. Chaque aspect de son être était au service d’autrui. Et c’est ainsi que lui-même était apte à transmettre et inspirer cette capacité à se dépasser.

L’on décrit Moché comme «le berger fidèle». Il imprégnait le peuple juif de connaissance, permettant ainsi que s’établisse l’harmonie entre les différentes dimensions de notre être.

De tels efforts sont essentiels pour établir l’unité au sein de notre peuple. Car lorsqu’un individu développe son harmonie intérieure, il s’ouvre davantage aux autres, les considère comme ses alter ego et c’est cela même qui rend possible l’expression du lien intrinsèque que tous les Juifs partagent.

Le service divin de l’homme commence par la tâche de rassembler les différents composants de son propre être. Ensuite, il s’unit avec les autres hommes et prolonge cette unité jusqu’à ce qu’elle gagne chaque élément de la réalité existante, démontrant ainsi que le monde entier existe pour révéler la Gloire de D.ieu.

La réunion ultime

L’expression la plus absolue de cette unité viendra avec l’Ere de la Rédemption quand une grande congrégation (Kahal Gadol) se retrouvera. Les Juifs du monde entier afflueront vers Erets Israël. Cette réunion ne sera pas exclusivement de nature géographique. D.ieu «nous rapprochera depuis les  quatre coins de la terre.» Mais, et ce qui est plus important encore, régneront parmi nous l’harmonie et l’unité et elles embrasseront toute forme d’existence. «Le monde sera rempli de la connaissance de D.ieu, tout comme les eaux recouvrent le lit de l’océan».

Ce ne sont pas simplement des promesses pour le futur mais des potentiels qui se révèlent déjà aujourd’hui. Les vagues massives d’immigration qui ont atteint Israël ces dernières décennies sont les signes avant-coureurs évidents du rassemblement ultime de notre peuple. Et tout comme se produira la réalité matérielle de la Rédemption, nous avons un avant-goût de son aspect spirituel. Nous avons le potentiel d’établir une harmonie nouvelle avec nous-mêmes et de diffuser cette harmonie chez autrui. Et c’est par ces efforts pour anticiper la Rédemption que nous contribuerons à en faire une réalité.

Le Coin de la Halacha

 Où placer une boîte de Tsedaka (charité) ?

Dans chaque maison juive doit se trouver une boîte de Tsedaka.

Il est recommandé de clouer la boîte au mur afin que toute la maison soit considérée comme une maison de Tsedaka. Ceci est particulièrement recommandé en ce qui concerne la cuisine : ceci aidera la maîtresse de maison à réussir la lourde tâche de cuisiner cachère, sain et nourrissant. En participant aux dépenses pour nourrir des familles pauvres – même des gens que la femme n’a jamais vus – elle méritera que D.ieu lui accorde également tout ce dont elle a besoin. La boîte sera placée en évidence.

Chaque enfant, dès la naissance, disposera de sa propre boîte de Tsedaka qui sera placée dans sa chambre. Ainsi, il sera éduqué dès le plus jeune âge à «aimer son prochain comme lui-même».

On placera des boîtes de Tsedaka dans tous les endroits publics (synagogues, magasins, mikvés…), dans la voiture, au travail (et même dans les banques…), dans les hôpitaux, dans les moyens de transport collectifs en Israël (et même dans les avions), dans toutes les bases de Tsahal.

On ne cachera pas les boîtes de Tsedaka pour Chabbat mais au contraire, on les laissera placées bien en évidence.

F.L. (d’après Rav Shmuel Bistritzky – Hamitsvaïm Kehala’ha)

Le Recit de la Semaine

 Question de poids…

Vendredi après-midi à Haïfa, une des villes les moins religieuses d’Israël ; bientôt les employés quitteraient leur travail, non pas pour célébrer Chabbat mais plutôt pour les lieux de loisirs comme dans toute ville occidentale. Cependant, deux jeunes étudiants de la Yechiva ‘Habad de Migdal Haemek, Yits’hak Levine et Eyal Blau arpentaient consciencieusement la rue principale comme ils le faisaient chaque semaine afin de mettre les Téfilines à un maximum de Juifs.

«Nous avons aperçu le cabinet d’un dentiste, encore ouvert : le dentiste était en train de téléphoner.

Rien que de le regarder nous rendait nerveux. Tous ceux qui agissent comme nous pour rappeler aux Juifs leur judaïsme connaissent ce genre d’homme : des yeux prêts à vous fusiller et les injures prêtes à fuser…

Effectivement, dès qu’il eut fini sa conversation, il nous bombarda de questions d’un ton empli de colère et de railleries. Nous n’avons pas perdu notre contenance, nous sommes habitués à ce genre de réaction.

Je consultai ma montre, c’était presque Chabbat et je fis signe à mon ami de partir puisque l’homme ne cherchait pas à écouter nos réponses mais se contentait d’éructer contre nous. En arrivant au seuil du cabinet, Eyal se retourna vers le dentiste et cria, avec autant de décibels que lui : «Juif ! Vous vivez dans ce monde depuis quarante ans, vous mangez et vous dormez mais qu’en est-il de votre âme ? Vous croyez crier contre nous mais, en fait, vous criez contre le Rabbi de Loubavitch qui a encouragé des milliers de Juifs à accomplir des bonnes actions !».

Un instant, j’imaginai déjà le dentiste se lever et nous frapper mais ce n’est pas ce qui arriva. Quand il entendit le nom du Rabbi, l’homme se mit à trembler et perdit sa superbe. Finalement il concéda : «D’accord, vous venez de la part du Rabbi de Loubavitch (d’un coup, il était devenu très calme et nous nous demandions si c’était le même homme qui nous avait accueilli de façon si désagréable). Asseyez-vous ! Vous pensez que je ne connais pas votre Rabbi mais je vais vous expliquer qui est votre Rabbi ! Je suis né à Vienne en Autriche où je fréquentais un mouvement de jeunesse sioniste. Après l’université, je suis monté en Israël et j’ai même servi dans les unités combattantes durant la Guerre des Six Jours en juin 1967. Une de mes patientes était une jeune fille pratiquante de Boro Park, à New York ; nous avons gardé le contact puis je me suis rendu à New York pour demander sa main à ses parents. Ceux-ci m’accueillirent cordialement mais, quand je m’apprêtais à sortir, le père me retint par la manche et m’intima l’ordre de rompre toute relation avec sa fille : «Vous ne méritez pas de devenir mon gendre !» J’étais choqué et ne comprenais pas ce qu’il pouvait bien me reprocher : j’avais un bon travail, j’étais officier dans Tsahal, j’étais grand et beau garçon, je gagnais bien ma vie : bref je ne comprenais pas ce qu’il me reprochait ! D’autres gens se seraient précipités pour me donner leur fille en mariage. De plus, j’avais promis que, si j’épousais leur fille, je deviendrais pratiquant.

J’en parlai à mon cousin Yaakov qui me conseilla : «Non loin d’ici demeure un grand Rabbi qui pourra peut-être convaincre le père si tu lui expliques la situation…». Quelques semaines plus tard, j’entrai dans le bureau du Rabbi de Loubavitch qui s’intéressa à tout ce que j’avais fait jusqu’à présent ainsi qu’au problème qui me tracassait. Le Rabbi me demanda alors de me lever. A ma grande surprise, il exprima sa satisfaction : «J’étais content de vous, affirma-t-il, je le suis encore davantage maintenant !»

Je ne comprenais vraiment plus rien !

Il continua : «Dans l’Amérique actuelle, le taux des mariages mixtes dans la communauté juive atteint chaque jour de nouveaux records. Les gens ne font même plus attention à la nationalité ou la religion de leur futur conjoint. Si quelqu’un venait m’annoncer qu’un Juif pratiquant a pris pour sa fille un dentiste qui est aussi officier de Tsahal et bien de sa personne – malgré le fait qu’il n’est pas pratiquant - je n’aurais pas été surpris. Mais vous venez de m’annoncer qu’il existe encore des Juifs qui considèrent la Torah comme valeur suprême dans le choix d’un conjoint ! C’est pour cela que je vous ai demandé de vous lever pour vérifier que vous êtes grand et fort et, malgré vos qualités, un Juif de Boro Park a refusé que vous deveniez son gendre – juste parce qu’il désire que sa fille épouse un homme pratiquant !»

J’étais effondré : j’étais venu demander l’aide du Rabbi et il était content de mon problème ? J’insistai : «Rabbi ! Qui sait ? Si je l’épouse, peut-être deviendrais-je pratiquant ! Pourquoi ne pas me donner ma chance ?».

Le Rabbi répondit avec une parabole : «Un homme perché en haut d’une montagne où poussaient des fruits délicieux jeta quelques-uns de ces fruits à son ami resté en bas, là où il n’y avait pas de fruits. Une fois que celui-ci les eut goûtés et appréciés, il décida de grimper lui aussi sur la montagne. Mais s’il n’avait pas goûté les fruits, jamais il n’aurait fait l’effort de s’élever ! Vous n’êtes même pas capable de soulever 200 grammes et vous prétendez vouloir devenir un homme de Boro Park ?».

J’étais abasourdi, incapable de comprendre cette histoire de 200 grammes. En sortant, je racontais tout à mon cousin qui réfléchit et qui, soudain, s’écria : «Mets-tu les Téfilines chaque jour ?»

- Et quoi encore ? Non, je ne les mets pas !

- C’est ce que le Rabbi voulait te faire comprendre ! Tu n’es même pas prêt à mettre 200 grammes de Téfilines sur toi et tu déclares être prêt à changer complètement de style de vie après le mariage ? Commence d’abord à accomplir les Mitsvot de base comme les Téfilines et vois jusqu’où tu es prêt à monter ! 

- Tu as raison, m’écria-je ! Quel Rabbi !

Quelques temps plus tard, je rencontrai une jeune fille pratiquante et nous avons maintenant trois beaux enfants, tous étudiants de Yechiva : l’aîné s’appelle Mena’hem, d’après le Rabbi bien sûr. Bien que j’aie encore beaucoup d’efforts à accomplir, je sens que tout ce que je fais est en rapport avec cette conversation avec le Rabbi.

Yits‘hak avait écouté avec attention l’histoire du dentiste et lui demanda : «Nou ! êtes-vous prêt maintenant à soulever 200 grammes et à mettre les Téfilines ?»

Le dentiste sourit et conclut : «Depuis cette conversation avec le Rabbi, je pratique tous les matins un exercice qui consiste à soulever 200 grammes et à attacher les Téfilines sur mon bras et ma tête !»

Yerachmiel Tilles – Avner Institute – Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Traduit par Feiga Lubecki