Rassemblons-nous !
Pendant tout un mois, nous avons vécu sur un plan différent. De fête en fête, nous avons eu les puissantes expériences spirituelles du mois de Tichri et elles ont laissé profondément leurs traces en nous. Puis le temps du quotidien semble être revenu. Les célébrations paraissent inexorablement s’éloigner ; cela signifie-t-il que toutes les émotions qui y sont liées s’estompent ? Certes, la possibilité en existe mais cette année est différente. Elle porte un beau nom : l’année du Hakhel – du rassemblement.
Souvenons-nous : à l’époque du Temple de Jérusalem, l’année suivant celle de la Chemita – de l’arrêt de tout travail de la terre - une cérémonie particulière avait lieu pendant la fête de Souccot. On dressait une estrade dans la cour du Temple et le roi y prenait place pour y lire la Torah devant tout le peuple assemblé. Personne n’était exempté, il s’agissait d’en tirer la plus pure et la plus sincère crainte de D.ieu. Nous sommes justement une telle année et, si le Temple se dressait encore à Jérusalem, nous aurions connu cet événement il y a peu. La question se pose d’elle-même : pourquoi évoquer ce rendez-vous, même s’il est important ? Dans la situation actuelle, et tant que les temps messianiques ne sont pas concrètement arrivés, tout cela ne dépasse pas le rang du souvenir. Et puis, la fête de Souccot est largement passée ; tout se passe comme si ce n’était plus un sujet d’actualité.
Justement, la Torah est, par définition, éternelle. Tous ses commandements le sont aussi. Si l’application matérielle de l’un d’eux peut être, pour l’instant, suspendue, sa portée spirituelle est intacte. En ce sens, le Hakhel est une donnée qu’il importe de ressentir et mettre en œuvre. Même après Souccot ? Précisément, ce « rassemblement », parce qu’il n’est plus circonscrit au Temple du fait de l’exil, n’est pas non plus limité à un temps précis. C’est toute l’année qui y est consacrée comme le monde entier qui lui est ouvert. C’est dire qu’il faut se saisir de cette puissance nouvelle. Nous pouvons ainsi avoir recours à toutes les ressources du rassemblement. Réunir nos forces pour mieux nous lier à D.ieu, dans notre for intérieur et avec notre prochain. Faire de ce monde une grande assemblée «pour Le servir tous ensemble» selon le mot des prophètes. C’est le nouvel enjeu de la période autant que le chemin qui s’ouvre au devant de nous. Le Hakhel n’est pas un rêve. Il est présent et s’exprimera avec toute la vigueur que nous y mettrons.
Aux talons
Selon l’expression connue, nous sommes «aux talons de Machia’h». Le talon doit savoir qu’il est un talon. Quel rapport y a-t-il entre le talon et la sagesse ? L’essentiel est le service concret de D.ieu.
(D’après Séfer Hasi’hot 5686 p.8)
Noa’h
Ramban (Na’hmanide), dans son Commentaire de la Torah, explique que la chronologie ne résulte pas de lois du hasard mais suit un mode parallèle aux six jours de la Création. Dans ce schéma, chaque jour de la Création représente un millénaire. C’est dans cette veine que nos Sages commentent le verset : «un millier d’années dans Tes yeux est comme un hier révolu» (un jour révolu) en expliquant : « Un jour du Saint béni soit-Il est de 1000 ans». Comme le soulignent les Sages de la Cabbale, il existe sept qualités émotionnelles sublimes et chacune d’entre elles se manifeste dans l’un des jours de la Création et dans l’un des millénaires de l’histoire spirituelle du monde.
La première de ces six qualités sublimes est le ‘hessed, «la bienveillance», la générosité illimitée. Elle apparaît dans la création du premier jour, la lumière, source de multiples formes d’énergie positive. C’est pour cette raison que le premier millénaire de l’existence du monde se caractérise par une abondante influence divine. La vie de l’homme était très longue et l’on pouvait voir, dans toutes les formes de l’existence, des bénédictions foisonnantes.
Mais ce qui va encore plus loin est que ces bénédictions se déversaient sans jugement. Bien qu’en grande majorité les gens de cette période fussent des pécheurs, ne manifestant aucun intérêt pour les valeurs de justice et de droiture préconisées par D.ieu, Il les faisait bénéficier, sans discrimination, de Sa générosité. Car telle est la nature de la bienveillance : faire bénéficier le récipiendaire parce que le donateur a la main ouverte et que pour lui n’entre pas en compte le fait de savoir si celui qui reçoit le mérite ou non.
La lecture de la Paracha de cette semaine évoque la seconde de ces qualités sublimes, la Gevoura, la rigueur, également associée à la qualité de Din, «le jugement». (Les deux sont liés car adhérer à une échelle de jugement de valeurs requiert de la force intérieure ; bien plus encore, la rigueur et la force sont souvent nécessaires pour faire valoir ces valeurs et pour punir ceux qui s’en écartent). Ces qualités se perçoivent le second jour de la création, lorsque fut façonné le firmament pour diviser, car créer une séparation émane de la rigueur et du jugement. Puisque l’aspect positif de ces qualités n’apparaît pas directement, le deuxième jour est le seul où n’est pas mentionné «et D.ieu vit que c’était bien». En effet, quand bien même le résultat ultime de ces qualités est le bien, ce bien ne peut souvent être perçu qu’après que s’est déroulé le processus tout entier.
De la même façon, le second millénaire de l’existence du monde se caractérisa par le jugement et la punition. Le Déluge balaya absolument toute existence à l’exception de celle de Noa’h et de tous ceux qui l’accompagnaient dans l’Arche. Et, après la dispersion qui suivit la faute de la Tour de Babel, la division régna au sein de l’humanité.
La lecture de notre Paracha se conclut avec la naissance d’Avraham dont la reconnaissance de D.ieu, à l’âge de 48 ans, allait introduire le troisième millénaire.
La troisième qualité sublime est tiférèt, «l’harmonie». La Cabbale explique que l’harmonie résulte de la fusion des opposés.
Comment cette fusion peut-elle être rendue possible ? Quand ils sont impulsés par une qualité qui les dépasse tous deux. Comme l’établissent nos Sages : «D.ieu créa la paix dans les espaces célestes». Son influence transcendante apporte l’harmonie entre Michaël, l’archange de l’eau et Gabriel, l’archange du feu. C’est ainsi qu’au troisième jour de la création, l’expression «et D.ieu vit que c’était bien» est répétée à deux reprises, car le troisième jour acheva la division des eaux du second jour et révéla sa dimension positive. Et au troisième jour, apparurent les premières formes de vie, une expression de la transcendance divine.
Ces thèmes purent se développer jusqu’à leur paroxysme au troisième millénaire marqué par le Don de la Torah. Nos Sages déclarent : «La Torah ne fut donnée que pour établir la paix dans le monde». Et ce millénaire se conclut par la construction du premier Temple dans lequel la présence infinie de D.ieu se manifestait visiblement dans le monde matériel.
Perspectives
Ce thème se poursuit et se rencontre dans le temps présent. Une prophétie étonnante du Zohar s’appuie sur la Paracha de cette semaine. A propos du verset «Dans la 600ème année de la vie de Noa’h… toutes les fontaines du grand fond jaillirent et les fenêtres des cieux s’ouvrirent», le Zohar offre le commentaire suivant : «Dans la 6OOème année du sixième millénaire, les portes de la sagesse sublime s’ouvriront et les sources de la sagesse inférieure (jailliront pour) préparer le monde à son entrée dans le septième millénaire».
La 6OOème année du sixième millénaire commença en 1839. «La sagesse sublime» se réfère aux enseignements de la Torah, et plus particulièrement à la sagesse mystique de la Cabbale. «La sagesse inférieure» évoque le savoir séculaire et le «septième millénaire» renvoie à l’Ere de la Rédemption qui, comme le Chabbat suivant les six jours ordinaires de la semaine, sera marqué par le repos, le confort et l’activité spirituelle. Nul besoin de détailler la manière spectaculaire dont s’accomplit la prophétie du Zohar. Nous sommes tous conscients des révolutions considérables qui se sont produites depuis 1839, avances en sciences et technologie, «le jaillissement de la sagesse inférieure», initiée lors de la Révolution industrielle, la révolution de l’information, et les sociétés d’aujourd’hui.
Mais ces avancées ne sont pas des fins en soi. Tout au contraire, comme cela a été mentionné plus tôt, elles élaborent la toile de fond de la Rédemption. Selon le mode évoqué d’un millénaire pour un jour de la Création, aujourd’hui, c’est vendredi après-midi. A cette heure-là, dans de nombreux foyers juifs, l’on peut déjà ressentir l’atmosphère de Chabbat. De la même façon, à cette heure, le foyer de D.ieu, le monde, commence à attendre l’Ere de la Rédemption. En ouvrant nos yeux sur la dynamique messianique en marche, dans notre vie, au présent, notre attente de Machi’ah peut être chargée de la perspective que le moment est venu.
Comment se prépare-t-on pour la prière ?
On aura soin de s’habiller correctement et décemment avant de commencer la prière, à la maison ou à la synagogue.
On a coutume de donner quelques pièces à la Tsedaka (charité) avant la prière : de même, on prononce avant la prière la phrase : «Haréni Mekabel Alaï Mitsvat Assé Chel Veahavta Leréara Kamo’ha» («J’accepte sur moi le commandement positif : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même»). Par cela, on s’engage à fournir tous les efforts possibles pour aimer chacun, quel qu’il soit, quoi qu’il ait fait.
Avant la prière, on vérifie la propreté des lieux mais aussi celle de son corps et de ses vêtements. On se lave les mains, même s’il faut pour cela marcher une certaine distance pour trouver de l’eau.
On s’efforce de prier en communauté – donc à la synagogue – car la prière en communauté est certainement mieux acceptée par le Tout Puissant. Même s’il n’y a pas les dix hommes requis pour la prière en communauté, il est préférable de prier tout seul à la synagogue plutôt qu’à la maison, car c’est un endroit saint.
Rabbi Yehochoua Ben Levi disait : «Il vaut mieux se rendre tôt à la synagogue afin de compter parmi les dix premiers à constituer le Minyane».
Nos Sages déclarent : «Celui qui se rend matin et soir à l’heure à la synagogue, qui y reste aussi longtemps que nécessaire et qui s’y conduit bien méritera une longue vie».
Chacun s’efforcera de trouver une synagogue où il priera de façon permanente ; de même il y priera si possible toujours à la même place, près d’un mur. Celui qui prie à la maison choisira un endroit où il ne sera pas dérangé par les autres membres de la famille.
(d’après Rav Nissan Mindel)
Quelle génération !
Rav Israël Meir Lau, ancien Grand-Rabbin d’Israël, se préparait à entrer dans la grande salle où allait se tenir un symposium sur la jeunesse et l’identité juive. Il rajusta sa cravate, mit son chapeau et s’assit à côté de celui qui allait sans doute le contredire, Morde’haï Bar-On (qu’on appelait Morélé), colonel de réserve et ancien député à la Knesset.
Tandis que le Grand-Rabbin répétait mentalement les arguments qu’il allait développer, on demanda au colonel de prendre la parole :
«Je veux vous raconter une aventure qui m’est arrivée au milieu des années soixante. Nous étions une équipe de sportifs israéliens et devions concourir en Union Soviétique. A l’époque, c’était un événement extraordinaire. Les Juifs de Moscou étaient très impressionnés de savoir que des coreligionnaires étaient venus d’Israël et attendaient avec impatience de les voir en chair et en os à la synagogue Chabbat matin.
Chabbat matin, la synagogue était remplie ; les athlètes entrèrent, coiffés d’une kippa et la prière commença. C’est alors que se produisit un incident fâcheux : un des sportifs fut appelé à la Torah mais il s’avéra qu’il ne connaissait pas la bénédiction ! C’était honteux ! L’homme se sentait très mal à l’aise et les Juifs locaux étaient stupéfaits de voir qu’un Juif venu d’Israël ne connaissait pas la bénédiction !
Cet incident provoqua une tempête d’indignation en Israël : les hommes politiques étaient effarés de constater combien la jeune génération était coupée des valeurs du judaïsme. Le ministre de l’éducation d’alors, Zalman Oren, prononça un discours retentissant ; il ne se contenta pas d’un discours mais exigea des cours de judaïsme dans toutes les écoles gouvernementales d’Israël. Effectivement, l’affaire avait été prise au sérieux, des fonds furent débloqués et on mit au point un programme.
Quant à moi, je servais comme colonel affecté à l’éducation dans l’armée israélienne. Le ministre de l’Éducation m’invita pour discuter de la situation. Il affirma avec emphase que Tsahal (l’armée israélienne) était finalement la plus grande école du pays ; donc moi, son responsable, je devais préparer des conférences à ce sujet. Le Ministère de l’Éducation me fournirait le budget nécessaire ; le but de cela, ajouta M. Oren, était que chaque soldat devait, au cours de ses trois ans de service militaire, rattraper son retard dans ses connaissances du judaïsme.
Ce discours enflammé du ministre de l’éducation me laissa sans voix. Le ministre de l’éducation était-il devenu pratiquant ? Après tout, il avançait en âge et se rendait compte qu’il devrait bientôt comparaître devant le Tribunal du Monde de Vérité et ceci expliquait peut-être cela. Je répondis avec une question classique : «Chaoul est-il devenu prophète ?» en allusion au passage biblique qui vit le roi Chaoul (Saül) prophétiser, à la surprise de tous.
Le ministre de l’éducation me regarda droit dans les yeux : «Ne t’imagine pas que je suis revenu à la pratique religieuse… Je vais te raconter : en 1917, pendant la Première Guerre Mondiale, je servais dans l’armée russe. Un jour, nous étions sur un champ de bataille cruel qui se transforma en une mer de sang. Nous étions exposés sur un terrain ouvert, sans pouvoir nous cacher ou nous abriter. Des avions allemands nous bombardaient et nous étions comme des cibles sur un stand de tir.
J’ai soudain ressenti une douleur aigue du côté gauche. Le sang se mit à gicler de ma jambe. Avec ma main droite, je tentai d’enlever de ma bandoulière la bêche pour creuser un trou où me cacher. De la main gauche, je tentai d’arrêter l’hémorragie. J’échouai dans mes deux tentatives… Je me sentais incapable de quoi que ce soit… J’étais en proie au désespoir et soudain, j’ai entendu au fond de moi une voix, comme celle de mon professeur de ‘Héder, de l’école juive : «Prie ! Zalman, dis quelque chose, prie !». Mais immédiatement une autre voix s’est fait entendre : «Allons, allons ! Ne sois pas fanatique ! Depuis l’âge de dix-sept ans, tu Lui as tourné le dos, tu as arrêté de mettre les Téfiline et maintenant, parce que tu as besoin de Lui, tu te souviens qu’il faut prier ?». Je n’ai pas prié.
Vous comprenez ? conclut le ministre de l’Éducation, je ne redeviens pas pratiquant. J’en suis très loin ! Cependant, je trouve qu’il est important que la jeunesse sache, connaisse quelque chose. Moi, j’avais étudié dans ma jeunesse au ‘Héder puis à la Yechiva et au moins, je savais. Mais eux, les jeunes, ils ne connaissent rien !».
Zalman Oren avait terminé de parler et je réfléchissais. Au bout d’un instant, je pris la parole : «Maintenant à moi de vous raconter un souvenir personnel : la campagne de Suez venait de commencer, en 1956. Je dirigeais une brigade de tanks. Un soir, je me trouvais penché dans un command-car, secouant d’une main un drapeau vert pour montrer la voie aux tanks qui me suivaient, de l’autre main, je tenais le volant. Soudain j’ai entendu une explosion : une grenade venait d’exploser sur mon véhicule et l’avait complètement détruit. J’ai été éjecté à des dizaines de mètres de là, blessé par des éclats dans tout mon corps.
Le plus extraordinaire était que je n’avais pas perdu connaissance. J’entendais les tanks qui passaient vraiment à côté de moi. J’étais étendu par terre, perdant mon sang en abondance et soudain, pendant ces interminables instants, une voix résonnait dans mon esprit : «Morélé ! Prie ! Prie !». Et savez-vous quoi, M. Oren ? Je ne savais même pas prononcer un mot de prière ! Je voulais tellement prier mais je ne savais pas ce qu’il fallait dire et comment le dire !
Et telle est sans doute la différence entre nos deux générations : vous appartenez à la génération qui savait comment prier mais ne voulait pas prier ! Alors que moi, j’appartiens à une génération qui veut prier mais ne sait comment le faire !».
Morde’haï Bar-On avait terminé son discours. Le silence régnait dans la salle. Tous les participants à ce symposium ressentaient que ce témoignage personnel changeait complètement le ton de la soirée. Rav Lau lui-même, pourtant d’habitude un excellent orateur, ressentait qu’il avait du mal à parler après une telle intervention qui rendait inutile toute parole de sa part. Il s’approcha de Morde’haï Bar-On, lui serra la main tandis que des larmes coulaient de ses yeux.
Avant que ces deux intervenants ne descendent de l’estrade, un jeune homme se leva dans la salle : coiffé d’une Kippa, barbu le visage orné de longues Péot, il était sans doute étudiant de Yechiva :
«Excusez-moi si je me permets d’intervenir, commença-t-il d’une voix timide. Je voulais juste annoncer que je suis le petit-fils de Zalman Oren !».
Levi Shaikevitz – Sichat Hachavoua N° 1496
Traduit par Feiga Lubecki