Editorial
Une année différenteNous voici entrés, et de plain-pied, dans la nouvelle année. Elle porte le numéro 5768 de la création du monde, souhaitons-nous qu’elle soit la meilleure et la plus douce que nous ayons jamais connue. Outre le fait qu’elle soit nouvelle, elle présente une particularité : elle est une année de Chemita. Certes, en diaspora, le concept n’a pas grande application pratique. De fait, il concerne la terre d’Israël. Là, pendant l’année de Chemita, donc tous les sept ans, tous les travaux agricoles sont interdits et les produits de la terre, laissés dans les champs, ne font l’objet d’aucun commerce. A celui qui s’interrogera « Mais de quoi vit-on alors ? », D.ieu répond : « J’enverrai Ma bénédiction ». Et les histoires sont nombreuses qui rapportent les miracles vécus par ceux qui, en Israël, respectent ce commandement en dépit de tout, et peut-être surtout en dépit de l’esprit du temps.
Car la Chemita est aussi précieuse en cela. Elle est bien cette mise en jachère des terres dont on s’accorde à reconnaître l’effet bénéfique si longtemps oublié mais elle est aussi ce temps entre parenthèses où celui qui, trop souvent, devait se consacrer sans trêve à son labeur peut, à présent, ressentir le bonheur de la liberté. Délivré des entraves du quotidien et de ses exigences si souvent futiles, l’homme remet sa terre à son propriétaire légitime, le Créateur. Celui-ci la lui rendra à la fin de l’année mais, auparavant, l’homme aura vécu pleinement. Sa terre aura certes été en repos mais son esprit, son cœur et son âme aussi. C’est ainsi que la Chemita remet les choses en place. Parfois, l’homme se croit le détenteur des clés de tout l’univers. Fier des prouesses techniques auxquelles son intelligence l’a conduit, parfois oublieux des dérives suscitées par ces mêmes prouesses, il peut en venir à perdre de vue l’essentiel : il est la créature et le monde a un Créateur. D’une certaine manière, il n’est que le dépositaire du monde et non son maître. N’est-ce pas un rappel bien nécessaire ?
En notre temps, les métiers de la terre ne sont plus pratiqués par beaucoup. Mais l’oubli de l’essence des choses est peut-être plus répandu qu’autrefois. Alors il faut se laisser guider par la Chemita pour retrouver le chemin ancien de la sagesse. Il conduit à regarder le monde comme notre demeure que D.ieu a bien voulu nous concéder et dont nous n’avons que la responsabilité, et à voir nos actes comme autant de manières de Le servir.
Etincelles de Machiah
Attendre sa venue consciemmentMaïmonide enseigne qu’il est nécessaire, pour chacun, de “croire en Machia’h” et “d’attendre sa venue” (Michné Torah, Hil’hot Mela’him, chap.11, Hala’ha 1).Le fait que soit ici soulignée la nécessité de ces deux attitudes indique qu’elles apportent chacune un élément particulier.
En effet, la foi peut rester cantonnée au spirituel, sans avoir de conséquence concrète. Ainsi, nos Sages (traité de Talmud Bera’hot 63a) remarquent qu’un “voleur, à la sortie du souterrain, invoque D.ieu” pour réussir dans son entreprise criminelle.
C’est pourquoi, outre la foi indispensable, chaque Juif doit aussi “attendre” la venue immédiate de Machia’h de telle manière que cette idée apparaisse dans sa pensée consciente.
(d’après Séfer Hasi’hot 5749, vol.1, p.351) H.N.
Vivre avec la Paracha
Les trois générations de Noé“Voici les chroniques de Noé : Noé était un homme juste et parfait dans sa génération” (Genèse 6: 9).
“Dans sa génération” mais dans les autres générations, comme celles d’Abraham, Moïse et David, il ne compte pour rien (Zohar 1ère partie, 60a).
En d’autres termes, la vie et l’œuvre de Noé incluent des éléments qui devaient plus tard être compris dans les vies du premier Juif, de celui qui devait transmettre la Torah à l’humanité et du premier roi d’Israël.
Abraham, Moïse et David représentent trois jalons dans la réalisation de la mission de l’homme dans la vie. Abraham fut le premier à démontrer qu’un être humain seul pouvait se charger du monde entier et persévérer. Abraham était né dans un monde où la vérité du D.ieu Un avait été oubliée, et où tous adoraient les idoles de bois et de pierre. Seul, sans rien que son propre esprit pour le guider, il en vint à réaliser que le monde entier se trompait. Seul, il défia la puissance des rois et les conventions de la société et fut prêt au sacrifice de sa vie au nom de ses convictions. Il fut “Abraham l’hébreu” surnommé ainsi parce que le monde entier se tenait d’un côté et lui de l’autre.
Mais la vie est plus que se tenir contre un monde adverse. La Torah est le “plan divin de la création” et notre mission dans la vie est de placer le monde sur ses fondations divines. C’est pourquoi le Talmud déclare que “depuis le jour où le monde fut créé jusqu’au jour où la Torah fut donnée à l’homme au Mont Sinaï, le monde tremblait” son existence même étant nébuleuse et incertaine. Car la base de la création, sa charte et sa raison d’être devaient encore être mises en place. Ce n’est que, lorsque Moïse communiqua la Loi divine de la réalité dans un langage accessible à l’homme, que les fondations de l’univers se solidifièrent. Dans la génération de Moïse, la relation de l’homme avec son monde entra dans une nouvelle phase. Avec Abraham, le monde était une force qui pouvait résister avec succès. Avec Moïse, il était une dynamique à stabiliser, une ressource à développer.
La souveraineté divine
La troisième et dernière phase est celle de l’élévation de la création. La stabilité et le développement ne suffisent pas car le monde est fini et à facettes multiples. Même dans son état “stable”, sa perfection est limitée et son harmonie n’est qu’une trêve superficielle déchirée de l’intérieur par des forces divergentes. L’objectif ultime n’est pas la civilisation de la terre mais sa sanctification.
Cela sera atteint par Machia’h qui “rendra le monde parfait (comme) le royaume de D.ieu”, inaugurant une ère où il n’y aura pas de famine ni de guerre, de jalousie ni de rivalité… et la seule occupation du monde sera de connaître D.ieu ”. Mais le processus fut amorcé par l’ancêtre de Machia’h, le Roi David.
Le sens véritable du mot “roi” (Mélè’h) n’évoque pas simplement celui qui règne et gouverne le peuple, mais celui qui imprègne leur vie de la souveraineté de D.ieu. C’est la raison pour laquelle celui qui nous apportera la Rédemption est appelé Mélè’h Hamachia’h, le “roi oint”. David, le premier roi d’Israël, ouvrit une ère de souveraineté en introduisant la perfection divine dans la création. En fait, le terme “Machia’h” est utilisé à la fois pour David et pour le dernier Rédempteur, ce dernier étant appelé “ Machia’h, fils de David ” non seulement en référence à son ancêtre, mais aussi pour impliquer qu’il complète ce que David a commencé.
Tout comme Abraham, Noé maintint son intégrité dans une génération perverse. A une époque où “ la terre était remplie de violence ” et où “ toute chair corrompait son chemin sur la terre ”, Noé résista à cette influence et tenta même d’appeler sa génération à s’amender et éviter la catastrophe. Selon les propos de D.ieu à Noé: “tu es le seul que J’ai vu juste devant Moi dans cette génération”.
Tout comme Moïse, Noé établit les fondations pour un monde nouveau, un monde qui possédait une stabilité bien plus grande que celui qui précédait. En émergeant de l’Arche, il engendra et construisit le monde post-diluvien et obtint de D.ieu la promesse de ne plus jamais détruire les œuvres de la nature.
De plus, il eut un avant-goût de la perfection messianique. Son Arche qui flotta une année entière au-dessus des eaux du déluge était un monde dans lequel toutes les espèces, y compris celles qui sont d’ordinaire des proies les unes pour les autres, résidaient en parfaite harmonie.
Le temps présent
Néanmoins, Noé était un homme juste dans sa génération, mais “ne compte pas” quand il est comparé aux accomplissements d’Abraham et Moïse et David.
Les fautes de la génération de Noé étaient la violence, le vol et la promiscuité interdite. Noé reconnut (comme tout homme l’aurait fait) l’auto destruction de leur comportement et ne voulut y prendre aucune part. Il reconnut aussi qu’un tel comportement mettait en péril la survie de la terre et fit tout ce qui était en son possible pour convaincre sa génération de la folie de ses actes. Le monde qu’il établit au sortir de l’Arche était plus stable parce qu’il était fondé sur les principes du respect mutuel.
Par contre, la confrontation d’Abraham avec le monde ne consista pas en un comportement très civilisé face à un comportement trop peu civilisé, mais avec le paganisme face à la croyance en un D.ieu Unique, avec une vie tournée vers soi face à une vie dévouée au service du Créateur.
Moïse établit le monde non avec un code pour rendre la vie civilisée mais avec la Torah dont le but est de servir D.ieu et réaliser Son dessein dans la création. Le Roi David introduisit (et Machia’h accomplira) une dimension surnaturelle d’harmonie et de perfection dans le monde, non pour assurer la continuité de son existence mais pour révéler l’infinie harmonie et la perfection de Son Créateur.
Noé était leur ancêtre et précurseur, tout comme l’enfance est l’ancêtre et le précurseur de l’âge adulte. Mais un adulte qui répète les faits les plus impressionnants de son enfance encourra la condamnation claire et non les louanges. Personne ne condamne un enfant de faire ce qu’il faut pour obtenir une récompense ou d’éviter un mauvais comportement par peur de la punition; son égocentrisme est chéri et sa manipulation est acceptée avec un sourire appréciatif. Mais chez un adulte le même comportement est considéré comme égoïste, timoré et immature.
C’est la raison pour laquelle le Zohar parle au présent quand il évoque Noé : “ mais dans les générations d’Abraham, de Moïse et de David, il ne compte pour rien ”. Quand la Torah met l’accent sur le fait que Noé était un homme juste dans sa génération, cela ne diminue en rien sa grandeur. Au contraire, dans ces jours, quand le monde était dans son enfance spirituelle, ses accomplissements représentaient le point ultime du potentiel humain. La Torah vient plutôt nous dire qu’après les progrès accomplis par Abraham, Moïse et David, nous ne devons pas considérer Noé comme notre modèle : dans un monde plus mûr, la justesse de Noé ne compte plus.
Le Coin de la Halacha
Le respect dû aux parentsQuestion : L’enfant a vu que sa mère a sali par mégarde un document important. Le père demande qui a fait cette bêtise. Que doit dire l’enfant ?
Réponse : Il ne doit pas rapporter du «Lachone Hara» (de la médisance) et ne répondra donc pas.
Question : Les parents se contentent d’une cacherout minimum. L’enfant a appris qu’il vaut mieux ne manger que des produits munis d’un tampon rabbinique sérieux. Comment doit-il se conduire ?
Réponse : Il doit se conformer à ce qu’il a appris mais doit agir de façon courtoise et agréable. Par ailleurs, il peut utiliser la vaisselle cachère de ses parents ; en ce qui concerne les casseroles (donc à chaud) il attendra 24 heures après leur utilisation avec des produits qu’il ne souhaite pas manger.
Question : La mère demande à sa fille de faire ses devoirs de classe. Mais la fille souhaiterait aider sa mère dans les tâches ménagères. Que doit-elle faire ?
Réponse : Honorer sa mère, c’est agir selon ce qu’elle demande ; la fille préparera donc ses devoirs pour faire vraiment plaisir à sa mère.
Question : Les parents ont une «discussion animée». L’un des parents demande à l’enfant de donner son avis. Que doit-il faire ?
Réponse : L’enfant ne doit pas se mêler. Il faudrait trouver une tierce personne pour résoudre le conflit avec diplomatie.
Question : Les parents s’opposent au mariage de l’enfant sous prétexte que le (la) prétendant(e) n’est pas issu(e) d’une assez bonne famille. Mais l’enfant se contente de ce statut. Comment agir ?
Réponse : Il faut bien entendu tenir compte de l’avis des parents. Mais les décisionnaires estiment que la décision finale revient à l’enfant. Il convient néanmoins de s’assurer qu’il n’y a pas de problème hala’hique à cette union (un Cohen avec une divorcée ou un Israël avec une Mamzérète). Avant toute décision de cette importance, on consultera un Rav.
F. L. (d’après Rav Yosef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Il l’a dit !Rav Mottel Dubinsky rencontra un jour un vieux Juif qui lui raconta un miracle évident qui lui était arrivé grâce au Rabbi en 1953.
Appelons-le M. Broder. Il s’était trouvé en Europe au moment de la Shoah, avait souffert mille morts mais, par une suite incroyable de miracles, avait survécu. Après bien des péripéties, il était arrivé aux Etats-Unis avec son épouse. Là, il espérait commencer une vie paisible, mais les médecins découvrirent alors que sa femme développait la maladie tant redoutée – que D.ieu nous en préserve – tandis que lui-même présentait des troubles cardiaques.
Depuis trois ans, depuis le décès de Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, c’était son gendre, le Rabbi, qui guidait le mouvement Loubavitch. Il était encore relativement jeune, il était dynamique et déjà on racontait de nombreuses histoires sur lui : ses bénédictions et ses prévisions se concrétisaient, nombreux étaient ceux qui tentaient d’aller le voir pour lui raconter leurs problèmes, pour lui demander conseil et bénédiction. M. Broder décida de tenter sa chance : il entra en Ye’hidout (entrevue privée), raconta sa vie au Rabbi et demanda sa bénédiction.
Le Rabbi lui lança un regard étonné : «Une bénédiction ? De moi ?»
Interloqué, M. Broder insista néanmoins mais le Rabbi persista : «Il est vrai que mon beau-père, le Rabbi pouvait bénir. Mais moi… Les ‘Hassidim ont insisté pour que je m’assoie à sa place…» Puis, le Rabbi prit un ton plus grave : «De toute manière, les bénédictions viennent de D.ieu mais vous… Où est votre croyance en D.ieu ? Durant tout le récit de votre vie – dans lequel on perçoit une succession d’événements proprement miraculeux – vous n’avez pas mentionné, même une fois, le Nom de D.ieu !»
L’homme était peiné et angoissé, ne sachant plus que répondre.
Le Rabbi changea alors de ton et s’adressa à lui plus sereinement : «Après tout, puisque vous le désirez, demandez et je vous bénirai. De quoi avez-vous besoin ?»
De plus en plus stupéfait par le soudain changement, M. Broder détailla sa situation présente : son poignet le faisait souffrir. Le Rabbi répondit très naturellement : «Il suffit de laver la plaie avec de l’eau et cela passera ! Quoi d’autre ?»
M. Broder expliqua qu’il souffrait du cœur. Le Rabbi ne répondit pas. Acculé pour ainsi dire, M. Broder se demanda avec angoisse ce que cela signifiait mais il continua et mentionna le nom de son épouse : «Les médecins veulent l’opérer !» A cela le Rabbi remarqua : «Mais si on l’opère, elle ne pourra pas avoir d’enfants ! Non, il ne faut pas l’opérer, tout ira bien !»
Heureux !
M. Broder était si heureux d’entendre ces mots prononcés avec tant d’assurance qu’il s’exclama : «Que D.ieu aide le Rabbi et le garde en bonne santé !»
Immédiatement le Rabbi réagit : «Ah bon ? Alors vous croyez en D.ieu ! Alors que D.ieu fasse que votre cœur soit en bonne santé !»
* * *
«Vous avez entendu ?» s’exclama M. Broder devant Rav Dubinsky. «Les bénédictions se sont réalisées, grâce à D.ieu ! Un dimanche, j’ai amené devant le Rabbi deux de mes petits-fils qui sont venus au monde grâce à la bénédiction du Rabbi ! Et j’ai déclaré au Rabbi en le remerciant : «Prenez-les, ils sont à vous !»
Rav Nahman Shapiro
Toratera Chahachouaye
Traduit par Feiga Lubecki