La liberté jusqu’en son cœur
Il faut savoir suivre les chemins du temps. Au fil du calendrier, il nous emmène à la découverte d’expériences radicalement nouvelles, d’épisodes de vie d’une portée bouleversante. C’est ainsi que, passant du mois d’Adar à celui de Nissan, c’est à deux rencontres avec la liberté que nous sommes conviés. Mais comme ces rencontres sont différentes ! Tandis qu’en Adar, après Pourim, l’histoire voit les Juifs rester en Babylonie, sujets de l’empereur, en Nissan, après Pessa’h, elle nous les montre sortir définitivement de la servitude pour marcher vers le Don de la Torah puis vers la terre d’Israël. Nous passons à présent de l’une à l’autre. La liberté nous guide et, en ce début du mois de Nissan, elle nous dit aussi comme le miracle est une réalité et comme il brise toutes les barrières qui peuvent retenir notre élan.
Nous pourrions croire que, si la fête de Pourim nous ressemble, celle de Pessa’h reste loin de notre quotidien. Ne nous parle-t-elle pas d’un temps si éloigné, où tout semblait sans doute plus clair, plus lumineux, que ce que nous pouvons vivre ? Pourtant, lorsque la période de l’année traversée nous donne à nous souvenir d’un événement, il nous est aussi donné la capacité de le revivre, au sens le plus réel et le plus concret. Après Pourim, nous nous préparons donc à ressentir et mettre en œuvre la liberté dans la signification que Pessa’h lui donne. Et celle-ci, si elle est gratifiante, est aussi bien exigeante. C’est d’une façon nouvelle de vivre et considérer le monde qu’il s’agit.
Car qu’est-ce qu’un homme libre sinon celui qui vit conformément à sa volonté propre sans qu’un pouvoir extérieur quelconque puisse interférer ? Encore faut-il qu’il sache définir ce que contient sa volonté. Après avoir vécu la libération de Pourim et en nous préparant à celle de Pessa’h, nous connaissons la réponse : faire ce que l’on veut, c’est faire ce que l’on est profondément, c’est assouvir le désir de son âme. En substance, être libre, c’est assumer ce que l’on est : un Juif dont le chemin est celui des hauteurs. A ce niveau, l’air est plus pur et le soleil brille plus fort. Alors, puisque les jours avancent, il nous appartient de suivre ce sentier des crêtes. Il mène jusqu’en haut de la montagne, celle qui s’élève à partir de la terre et qui monte si près du ciel. Toute une vie entre ces deux pôles, à la portée de chacun comme la Liberté même.
Une nouvelle nature du monde
En conclusion du Michné Torah, décrivant le temps de Machia’h, Maïmonide écrit : «Et l’occupation du monde entier ne sera que de connaître D.ieu.» C’est dire que la nature même du monde aura changé puisque sa seule « occupation » ne sera que celle-là.
Maïmonide nous en donne la raison : «car la terre sera pleine de la connaissance de D.ieu comme l’eau recouvre les mers.» Cela signifie que «la connaissance de D.ieu» ne fera pas que remplir le monde qui restera dans son état par ailleurs. Bien plus, tout ce qu’il est changera : de «terre», il deviendra «mer» car celle-ci n’a pas d’existence propre, elle n ‘est que l’endroit où se trouve l’eau. Et même ainsi, il sera « recouvert ». En d’autres termes, tout ne sera plus que Divinité.
(D’après Séfer Hasi’hot 5752 p. 108)
Vayikra : Les sacrifices et l’intention du cœur
La Paracha Vayikra détaille les différents types de korbanot (offrandes en sacrifice), décrivant en premier lieu les lois concernant les offrandes volontaires puis celles qui sont obligatoires. Pourquoi la Torah adopte-t-elle cet ordre ? N’aurait-il pas été plus logique de nous enseigner tout d’abord les lois concernant les sacrifices obligatoires et seulement après celles qui concernent les offrandes volontaires ?
Les intentions spirituelles de l’individu qui offre un sacrifice, plutôt que l’offrande elle-même, ont toujours été considérées comme étant d’une importance primordiale.
C’est ainsi qu’à propos des offrandes volontaires, nos Sages s’expriment dans ces termes : «En ce qui concerne l’offrande (grande) de bétail devant être brûlée, le verset statue, ‘un parfum plaisant pour D.ieu…’ Cela nous enseigne qu’il n’importe guère que l’on donne peu ou beaucoup tant que l’intention de son cœur a pour but l’amour du Ciel» (Mena’hot 110a).
Il en va de même pour l’intention nécessaire au moment où l’individu apporte un sacrifice expiatoire. Comme le statue le Rambam : «Quand une personne apporte un sacrifice expiatoire, elle doit réaliser qu’elle a péché contre D.ieu… dans Sa bonté, D.ieu substitue l’animal à sa place». C’est cette méditation qui apporte le pardon.
En fait, l’une des racines du mot korban est kirouv, «rapprochement», indiquant par là que le service des sacrifices implique le fait de rapprocher plus encore ses facultés et ses forces de D.ieu.
Puisque l’intention a une importance si cruciale, une question se pose alors : pourquoi la Torah semble-t-elle l’ignorer en ce qui concerne les korbanot ?
La réponse réside dans le fait que la Torah amorce les lois des korbanot avec les offrandes volontaires, plutôt que, comme l’on s’y serait attendu, les offrandes obligatoires. En procédant ainsi, elle indique que l’aspect essentiel est le désir de la personne de se rapprocher de D.ieu, «l’intention de son cœur est l’amour du Ciel». Et cet aspect est le plus important pour tous les korbanot, même ceux qui sont obligatoires.
L’on peut donc dire que tous les korbanot sont considérés comme des offrandes volontaires car au cœur de chaque offrande, se révèlent les sentiments et l’intention de celui qui l’apporte.
En fait, c’est à l’intérieur de tout un chacun que l’on trouve l’intention nécessaire pour apporter des korbanot. Quand un homme apporte une offrande volontaire, ses intentions latentes sont simplement révélées aux yeux de tous.
C’est pourquoi il n’est pas nécessaire que la Torah nous commande cette intention car elle est présente, en tout état de cause. Apporter un sacrifice révèle automatiquement le désir inné du Juif de se rapprocher de D.ieu.
Ce qui précède explique un détail troublant concernant les korbanot. La Torah statue, à propos de l’offrande volontaire : «il doit l’offrir par son libre-arbitre» (Vayikra 1:3). Résolvant l’apparente contradiction dans la terminologie entre «il doit» et «libre-arbitre», le Talmud déclare (Kiddouchin 50a) : «il est forcé jusqu’à ce qu’il affirme ‘je veux (apporter l’offrande)’».
Le Rambam explique ce concept en observant comment il s’applique au «libre consentement» de l’acte de divorce par un mari récalcitrant.
«Puisqu’il (le mari récalcitrant) souhaite très certainement se comporter comme un Juif, désirant accomplir toutes les mitsvot et se mettre à distance du péché, et que ce n’est qu’un penchant vers le mal qui l’en empêche, une fois donc qu’il a été frappé au point que son penchant vers le mal a été affaibli et qu’il dit : «je veux (donner le divorce)», il est sûr qu’il fait cette déclaration de son propre gré ».
Et il en va du même ressort concernant l’intention du Juif qui apporte un sacrifice, quand bien même il proclame : «je ne veux pas apporter de sacrifice», son désir profond est de le faire. Et c’est le même processus qui anime tous les autres aspects de sa vie. Un Juif désire toujours s’unir avec D.ieu, comme le déclare Rabbi Chnéor Zalman : «Un Juif ne désire ni n’est capable de s’éloigner de la Divinité».
D’après Likouteï Si’hot, Vol. XVI, p. 9-13
Quelles sont les lois et coutumes du mois de Nissan ?
- Le mois de Nissan commence cette année samedi 21 mars (Roch ‘Hodech).
- On évite de manger des Matsot jusqu’au soir du Séder (vendredi soir 3 avril).
- Dans toutes les communautés, on a coutume de ramasser de l’argent afin de pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses pendant la fête. Cela s’appelle Maot ‘Hitime, l’argent pour la farine (nécessaire à la confection des Matsot). Le Rabbi a institué que chaque responsable communautaire s’efforce d’envoyer à ses fidèles dans le besoin des Matsot Chmourot (rondes, cuites à la main, spécialement surveillées depuis la moisson du blé), au moins pour les deux soirs du Séder.
- Tout le mois de Nissan, on ne récite pas la prière du Ta’hanoune (supplications).
- On ne jeûne pas durant le mois de Nissan (excepté les mariés avant la cérémonie).
- Après la prière du matin, les treize premiers jours du mois, on lit le sacrifice apporté par le Nassi du jour, en souvenir des sacrifices apportés par les princes des tribus le jour de l’inauguration du Michkane, le sanctuaire portatif dans le désert (Bamidbar – Nombres chapitre 7 et début du chapitre 8). Après la lecture des versets, on ajoute la courte prière de Yehi Ratsone imprimée dans le Siddour, le livre de prières.
- La première fois en Nissan qu’on voit des arbres fruitiers en fleurs, on récite la bénédiction Chélo ‘Hissère Beolamo…
(d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)
La «reine de Cleveland»
Oui, la «reine de Cleveland», c’est ainsi que le Rabbi parlait de Mme Shula Kazen qui, arrivée en 1953 de Russie, était devenue une des premières émissaires du Rabbi dans cette capitale de l’Ohio.
Un jeune couple habitait en face des Kazen : Elaine et son mari Phil Brown ne parvenaient pas à mettre des enfants au monde. En désespoir de cause, ils décidèrent d’entreprendre les formalités en vue de l’adoption. Pour cela, l’agence leur demandait des références de bonne moralité de la part de personnes qui n’étaient pas de la famille. Quelle meilleure référence qu’un rabbin ? Les Brown traversèrent donc la rue, sonnèrent à la porte des Kazen et leur demandèrent de bien vouloir signer le papier, ce qu’ils acceptèrent volontiers : «Nous le ferons avec plaisir, déclarèrent-ils, mais vous devriez aussi écrire au Rabbi et demander sa bénédiction !».
«D.ieu n’a pas répondu à nos prières pour un enfant alors en quoi cela serait-il différent avec ce Rabbi ?», ont-ils murmuré.
Si vous pensez que c’est la fin de l’histoire, vous ne connaissez pas les émissaires du Rabbi et surtout pas Madame Kazen. Elle insista pour qu’ils écrivent au Rabbi et, quand on lui demandait poliment de sortir par la porte de devant, elle revenait par la porte de derrière. Finalement, de guerre lasse, les Brown écrivirent la lettre sous la direction de Madame Kazen et l’envoyèrent.
Ils n’eurent pas à attendre très longtemps. La réponse arriva quelques semaines plus tard, le jour de Chabbat Chouva (avant Yom Kippour). Ils traversèrent la rue en courant pour montrer la lettre, entrèrent et s’apprêtèrent à ouvrir la lettre en présence des Kazen mais Madame Kazen les en empêcha fermement : «On n’a pas le droit d’ouvrir une lettre le jour du Chabbat !».
Ce fut le plus long Chabbat que les Brown aient jamais observé mais il n’y avait pas le choix. Immédiatement après Chabbat et la cérémonie de la Havdala, ils ouvrirent la lettre : le Rabbi leur demandait d’observer les lois de la Pureté Familiale. «Nous avons déjà tout essayé : alors pourquoi pas cela ?» se dirent-ils.
Le premier de leurs enfants naquit un an plus tard…
Quelques mois plus tard, la mère de Phil tomba si malade qu’elle fut hospitalisée et perdit connaissance. Le médecin avertit solennellement la famille qu’elle n’avait probablement plus que quelques heures à vivre et qu’il fallait de toute urgence prévenir tous ses enfants : «Il est hautement improbable qu’elle reprenne connaissance et, même si elle ne décède pas dans la nuit, elle n’aura plus qu’une existence végétative !».
Phil s’assit avec son frère et ses deux sœurs comme s’ils avaient déjà entamé le deuil.
C’est alors que Madame Kazen arriva : «Avez-vous déjà écrit au Rabbi ? Vous verrez, le Rabbi donnera sa bénédiction et tout ira bien !» affirma-t-elle. Les Brown la regardèrent étonnés et même un peu excédés : leur mère était sur le point de quitter ce monde et elle se permettait de leur indiquer comment agir comme si tout allait bien ?
Le frère de Phil, Bert, était vraiment scandalisé et intima à Madame Kazen l’ordre de sortir mais elle avait tout de même réussi à leur extorquer le prénom hébraïque de Madame Brown et celui de sa mère.
- J’écrirai au Rabbi de votre part ! promit-elle tout en quittant de force la pièce.
Quelques heures plus tard, elle revint mais la famille Brown ne voulut même pas l’écouter tant le chagrin était palpable :
- J’ai parlé à Rav Hodakov, le secrétaire du Rabbi qui a réussi à glisser un mot à votre propos juste quand le Rabbi quittait son bureau du 770 Eastern Parkway à Brooklyn. Voici ce qu’il a répondu : «Dites à la famille qu’il n’est pas nécessaire de s’inquiéter. Demandez aux médecins de recommencer les examens et ils réaliseront qu’ils ont commis une erreur. Au matin, tout ira mieux !».
Cette réponse et cette assurance du Rabbi laissèrent les Brown sceptiques ; ils ne pouvaient pas comprendre comment un Rabbi à New York prétendait en savoir plus que les médecins quant à la situation de leur mère et, de plus, donner une date précise.
Mais au matin, Madame Brown se réveilla, exigea une tasse de café et parcourut le journal du jour. On lui posa des questions et elle répondit avec calme et intelligence : non, elle n’était pas devenue un légume !
En constatant cela, le frère de Phil, Bert décida de devenir un ‘Hassid : «Le Rabbi ne s’est pas contenté de donner sa bénédiction, expliqua-t-il. Il a fixé un délai et s’est engagé. Quand sa prédiction s’est réalisée, j’en ai déduit que je devais m’engager !».
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la détermination de la «reine de Cleveland» !
A cause de son grand âge, elle a laissé les responsabilités de sa communauté à sa fille et son gendre, Rav Alevsky mais continue depuis Brooklyn de s’intéresser à ce qui se passe dans «son royaume» ! Souhaitons-lui encore de longues années en bonne santé, entourée de ses nombreux descendants !
Chaya Shuchat – N’shei Chabad Newsletter
Traduite par Feiga Lubecki