Coronavirus : pour une lumière salvatrice
La semaine dernière encore, nous évoquions, dans ce même cadre, la force donnée par la fête de Pourim et l’élan de notre marche vers la liberté avec Pessa’h en perspective. Et puis voici que tout s’est brutalement accéléré. Voici que ce qui n’était qu’une inquiétude sourde il y a si peu de temps a explosé au grand jour avec une violence à laquelle nous n’étions plus habitués. Le coronavirus, à présent en circulation dans le monde entier et en particulier sur le territoire français, a pénétré les foyers, les cœurs et les esprits. Il est devenu le sujet de préoccupation, et de discussion, majeur de tous. Et les annonces apocalyptiques, sans même parler des « prophéties » du même type, se succèdent sans discontinuer. Chacun le ressent : la joie de vivre, l’enthousiasme au quotidien, voire le simple bonheur d’être juif sont bien souvent déjà passés au second plan. La crise sanitaire les a submergés sans peine.
C’est sans doute dans de telles circonstances qu’il convient de revenir sur quelques idées fondamentales. Bien sûr, les directives médicales doivent être respectées. La pensée juive définit le médecin comme celui à qui la Torah a donné permission de guérir. D’une certaine façon, il est son délégué. A ce titre, sa parole est importante. Mais cela ne concerne que la façon dont chacun se conduit concrètement. Penser constamment à la gravité de la situation et au danger sanitaire n’est en rien une aide ou un progrès. Notre pensée doit rester tendue vers ce qui est essentiel : cette recherche du bonheur, ce lien avec D.ieu indépassable.
Un adage ‘hassidique affirme « pense bien et tout ira bien. » Cela n’est pas une sorte de vœu pieux qui se contenterait de signifier : ne regardons pas ce qui ne va pas et nous nous sentirons mieux. Il indique, de manière plus essentielle, que la pensée a un pouvoir autonome. Elle peut changer le cours des choses, elle a prise sur la réalité. Tant il est vrai que notre regard ne fait pas que contempler le monde mais, d’une certaine manière, le suscite. En une telle période, certaines choses doivent être préservées avec encore plus de soin qu’à l’accoutumée : la joie, l’espoir, l’envie d’agir et surtout la confiance. Celle-ci est à la fois confiance en l’avenir et confiance en D.ieu. Il faut les ressentir avec une intensité croissante. Mieux encore, il faut entreprendre de les faire rayonner autour de nous. Car, si la morosité monte, ce sera une bataille perdue contre les forces de l’ombre. Certes, nous affrontons ici un ennemi d’un nouveau genre, diffus et invisible, mais n’oublions pas que nous sommes porteurs d’une lumière invincible.
Une nouvelle nature du monde
En conclusion du Michné Torah, décrivant le temps de Machia’h, Maïmonide écrit : « Et l’occupation du monde entier ne sera que de connaître D.ieu. » C’est dire que la nature même du monde aura changé puisque sa seule « occupation » ne sera que celle-là.
Maïmonide nous en donne la raison : « car la terre sera pleine de la connaissance de D.ieu comme l’eau recouvre les mers. » Cela signifie que « la connaissance de D.ieu » ne fera pas que remplir le monde qui restera dans son état par ailleurs. Bien plus, tout ce qu’il est changera : de « terre », il deviendra « mer » car celle-ci n’a pas d’existence propre, elle n’est que l’endroit où se trouve l’eau. Et même ainsi, il sera « recouvert ». En d’autres termes, tout ne sera plus que Divinité.
(D’après Séfer Hasi’hot 5752 p. 108)
Vayikra
D.ieu appelle Moché depuis la Tente d’Assignation et lui communique les lois des Korbanot, offrandes animales et alimentaires apportées dans la Sanctuaire.
Elles incluent :
. « L’holocauste » (Ola), entièrement consacré à D.ieu, par un feu, en haut de l’autel.
. Cinq variétés d’ « offrandes alimentaires » (Min’ha) , préparées avec de la farine fine, de l’huile d’olive et des encens.
. « L’offrande de paix » (Chelamim) dont la viande est consommée par celui qui apporte l’offrande, une fois que certaines parties en ont été brûlées sur l’autel et d’autres données aux Cohanim (prêtres).
. Les différents types de « sacrifices expiatoires », apportés pour expier les transgressions commises de façon accidentelle par le Grand-Prêtre, toute la communauté, le roi ou un Juif ordinaire.
. « L’offrande de culpabilité » (Acham) apportée par celui qui s’est approprié, de façon indue, un bien du Sanctuaire, qui a un doute d’avoir transgressé une interdiction divine ou qui a commis une « trahison contre D.ieu » par un faux serment pour escroquer un autre homme.
Un appel d’amour
Quand un enfant de trois ans commence à étudier la Torah, il ne commence pas par le commencement, par la Paracha Beréchit, mais plutôt par la Paracha Vayikra. Pourquoi ?
Le premier mot du troisième livre de la Torah est « Vayikra », « et Il (D.ieu) appela (Moché) ». Le mot « Vayikra » se termine par la lettre Alef (première lettre de l’alphabet), écrite en petit caractère. En revanche, dans le Livre des Chroniques, le Alef, qui marque le début du mot « Adam » s’inscrit dans un caractère inhabituellement grand.
Pourquoi ce phénomène étonnant ?
Ce premier verset est : « et Il appela Moché » et non : « et D.ieu appela Moché ». Pourquoi cette référence logique à D.ieu est-elle omise ?
Être humble
La raison pour laquelle le Alef du mot « Vayikra » est petit vient du fait que Moché était humble. Par définition, une personne véritablement humble prend conscience de deux faits : tout d’abord, elle sait que chacun de ses talents et de ses dons lui a été attribué par D.ieu. De plus, elle sait que si quiconque avait été doté des mêmes talents et des mêmes dons, il aurait accompli encore plus de choses que lui-même.
Cela explique le passage : « Moché était excessivement humble, plus que n’importe qui sur la surface de la terre ». « Excessivement humble » signifie qu’il réalisait qu’il devait tous ses succès à D.ieu.
« Plus que n’importe qui » implique qu’il reconnaissait que si d’autres avaient bénéficié des mêmes aptitudes et des mêmes conditions, ils auraient été plus loin dans leurs accomplissements.
Bien plus encore, la prise de conscience de toutes nos qualités données par D.ieu a deux expressions. Elle peut indiquer, en premier lieu, que nous ne possédons aucune grandeur nous-mêmes, pas plus qu’autrui. Et par ailleurs, nous n’avons aucune grandeur par nous-mêmes mais les autres ont de la grandeur.
Moché personnifiait la seconde approche. Non seulement était-il humble, mais il était « excessivement humble », c’est-à-dire qu’il voyait la grandeur chez autrui.
Le petit Alef
Ce qui précède jette la lumière sur le fait que c’est précisément le Alef, et non les autres lettres qui forment le mot « Vayikra », qui est écrit en petit. Le mot « Alef » signifie « Alouf », « chef » ou « maître ». La lettre Alef est également comparable à la notation « A » que l’on peut trouver sur un bulletin scolaire. Elle représente la perfection ou la maîtrise d’un domaine ou d’un sujet spécifiques.
Un grand mathématicien, sans oreille musicale, peut être rempli d’humilité devant un chanteur d’opéra. Mais il se sent encore plus humble devant un autre mathématicien. Il reconnaît la maîtrise en l’autre, même dans son propre champ d’expertise et quand bien même il est lui-même un maître accompli dans ce domaine.
La même chose est vraie pour Moché : il connaissait sa propre grandeur mais cela ne l’empêchait pas de rester humble et d’admirer ceux qui évoluaient dans son propre domaine.
Le grand Alef
Par contre, Adam savait qu’il était le chef d’œuvre parfait de D.ieu. Il avait un grand Alef ; il savait que son intellect était supérieur à celui des anges, de Moché ou de Chlomo. Mais il était arrogant et cela le mena à la faute.
Au-delà du Nom
L’humilité de Moché en fit un réceptacle ouvert à l’appel de D.ieu, émanant du niveau transcendant du Nom Divin. Il put recevoir l’indicible Essence Divine. C’est pour cela que le Nom de D.ieu n’apparaît pas dans le verset : « Il appela Moché ». Plus encore, Rachi affirme que le mot « Vayikra » implique que D.ieu appela Moché avec amour. Comment Moché suscita-t-il cet amour Divin ? Par son humilité.
Révéler l’essence
L’on rencontre le mot « Vayikra » dans une Paracha évoquant les sacrifices. Cela montre que le sacrifice, qui transforme la chair physique en spiritualité, est le moyen de faire en sorte que l’Essence divine se manifeste dans ce monde.
Aujourd’hui, nous n’avons pas de Temple pas plus que nous n’offrons de sacrifices. Mais nous pouvons permettre à la Présence divine de se manifester par l’étude de la Torah.
C’est ainsi que nous mériterons de voir le Aloufo Chel Olam, le Maître de l’univers, comme il est écrit : « Et la gloire de D.ieu sera révélée et toute chair la verra… »
Une histoire
En 1792, alors que Rabbi Mena’hem Mendel, « le Tséma’h Tsédèk », troisième Rabbi de Loubavitch, avait trois ans, son grand-père, Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, l’enveloppa dans son Talit et le porta vers la salle d’étude, selon la coutume habituelle. Le Rabbi dit au maître, Avraham le Melamed, d’enseigner à son petit-fils le premier paragraphe de la Paracha Vayikra. Après la leçon, le petit garçon demanda à son grand-père : « Pourquoi « Vayikra » a un petit Alef ? » Rabbi Chnéor Zalman répondit : « Adam a été modelé par les Mains de D.ieu. Il connaissait ses grandes qualités et en devint arrogant. C’est pourquoi il pécha. Moché, en revanche, était humble et possédait un cœur brisé. Il pensa en lui-même : « Si un autre homme, non le fils d’Amram ou le descendant de la septième génération d’Avraham, avait eu le privilège de posséder une âme si particulière qu’est la mienne, et des ancêtres si prestigieux, il est sûr qu’il aurait accompli bien plus que moi ». C’est pour cela qu’il y a un petit Alef.
Dans la Torah, poursuivit Rabbi Chnéor Zalman, il y a trois tailles de lettres, des grandes, des moyennes et des petites. (En général), le rouleau de la Torah est écrit en lettres moyennes. La raison en est que chaque personne est capable, et doit donc, atteindre le niveau d’un Beinoni, « l’homme spirituellement intermédiaire ».
Quelles sont les lois et coutumes du mois de Nissan ?
- Le mois de Nissan commence cette année jeudi 26 mars 2020 (Roch ‘Hodech).
- On évite de manger des Matsot jusqu’au soir du Séder (mercredi soir 8 avril 2020).
- Dans toutes les communautés, on a coutume de ramasser de l’argent afin de pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses pendant la fête. Cela s’appelle Maote ‘Hitime, l’argent pour la farine (nécessaire à la confection des Matsot). Le Rabbi a institué que chaque responsable communautaire s’efforce de fournir à ses fidèles des Matsot Chmourot (rondes, cuites à la main, spécialement surveillées depuis la moisson du blé), au moins pour les deux soirs du Séder.
- Tout le mois de Nissan, on ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplications).
- On ne jeûne pas durant le mois de Nissan (excepté les mariés avant la cérémonie).
- Après la prière du matin, les treize premiers jours du mois, on lit le sacrifice apporté par le Nassi du jour, en souvenir des sacrifices apportés par les princes des tribus le jour de l’inauguration du Michkane, le sanctuaire portatif dans le désert (Bamidbar – Nombres chapitre 7 et début du chapitre 8). Après la lecture des versets, on ajoute la courte prière de Yehi Ratsone imprimée dans le Siddour, le livre de prières.
- Au mois de Nissan, dès que l’on voit des arbres fruitiers en fleurs, on récite la bénédiction : « … Chélo ‘Hissère Beolamo… »
F.L. (d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)
Perdue dans la jungle mexicaine
On me demande souvent combien il y a de Juifs à Puerto Vallarta, au Mexique. Je pense qu’il n’y en a qu’une centaine mais cela signifie qu’il y a une centaine de mondes entiers et nous ressentons une responsabilité écrasante pour chacun d’entre eux, physiquement ou spirituellement, quels que soient leurs besoins.
De nombreux touristes défilent dans notre Beth ‘Habad. Nous sommes là pour eux, même si nous ne parlons pas toujours leur langue, nous trouvons une langue commune, celle du cœur.
Maya était venue chez nous le premier jour de ‘Hanouccah et devint immédiatement partie intégrante de notre famille : elle appréciait notre énergie, elle nous aida à frire les beignets, à préparer les petites fêtes chaque soir. Au bout d’une semaine, elle voulut continuer ses aventures et ses explorations. Le 31 décembre, elle se rendit dans la ville voisine, Yelapa, avec son amie, le long de la côte. Le soir venu, elles montèrent leurs tentes mais l’amie, trop fatiguée, décida le lendemain de retourner au village.
« Moi, Maya, je décidai de continuer. Au début, le chemin était bien indiqué mais il se mit à pleuvoir et tout devint confus. Je continuai bravement mais mon sac était très lourd et je ne pouvais plus retrouver le chemin ! Je m’enfonçai dans la boue, je glissai, je tentai de localiser la route avec le GPS de mon téléphone mais il n’y avait pas de réseau. J’étais gelée, trempée de la tête aux pieds, épuisée de tous ces efforts et je pensais monter ma tente et attendre la fin de l’averse. Il était dangereux de continuer à marcher. Je m’arrêtai, évaluai mes chances de survie pratiquement nulles et décidai d’écrire mes dernières volontés dans mon carnet de bord. A ce moment, j’aperçus une montagne que je n’avais pas encore escaladée : je m’armai de courage, traversai la rivière et grimpai. A ma grande surprise, arrivée au sommet, je distinguai en bas l’océan. J’étais euphorique ! Je dévalai un petit chemin, manipulant mon téléphone dans tous les sens et soudain je trouvai du réseau. Mais je n’avais plus de batterie que pour un seul appel ! Qui allais-je appeler ? Qui pourrait m’aider et me retrouver ?
C’est alors que je me souvins de Mushkie qui m’avait si gentiment accueillie et qui m’avait assurée que, s’il m’arrivait quelque chose, je pouvais lui téléphoner ! ».
Laissons parler Mushkie : « Quand je reconnus que c’était Maya qui me téléphonait, je répondis joyeusement : « Maya ! Où es-tu ? Je peux t’inviter pour Chabbat ? ». Maya, épuisée, répondit : « Je suis perdue dans la jungle ! Je ne sais pas où je suis, je n’ai presque plus de batterie ! ». Je compris la gravité de la situation et lui enjoignis immédiatement de ne pas bouger, nous allions essayer de la retrouver ! Mais comment agir ? Il ne restait que quatre heures avant la tombée de la nuit… J’ai pris la voiture avec mes deux enfants jusqu’à la frontière mexicaine vers le village d’où elles étaient parties. Je me dirigeai droit vers la cabane qui servait de poste de police en demandant qu’on m’aide à retrouver Maya. Ils connaissaient le terrain et m’expliquèrent rudement que c’était impossible ! Je réalisai que j’avais besoin d’une aide de bien plus haut. Mon mari téléphona au Ohel, là où se trouve le tombeau du Rabbi à Queens (New York) et quelqu’un écrivit là-bas une lettre suppliant le Rabbi d’intercéder en faveur de Maya. Quelques minutes plus tard, on me rappela depuis le poste de police ! Ils avaient décidé de la chercher ! La bénédiction du Rabbi se mettait déjà en marche ! Je les assurai que j’étais prête à payer tous les frais impliqués mais ils m’assurèrent qu’il n’en était pas question et que, dans les vingt minutes, ils la ramèneraient ! Je m’assis sur les pierres avec mes enfants et nous avons récité ensemble des Tehilim (Psaumes) pour la bonne santé de Maya. La nuit tombait et on m’informa qu’ils allaient abandonner les recherches ! J’insistai et suppliai : qui sauve une personne, sauve un monde, répétai-je.
Quelques instants plus tard, on me rappela : je ne savais pas à quoi m’attendre ! Bonne nouvelle ou… ? Il y avait beaucoup de grésillements jusqu’à ce que je comprenne : « Nous l’avons trouvée ! ». Il est impossible de décrire ma joie et celle de mes enfants, les larmes de soulagement… Instinctivement, mes enfants se prirent par la main et se mirent à danser !
Nous attendions Maya dans notre Beth ‘Habad mais elle ne venait pas. Je sentais qu’il y avait un problème. Quant à elle, on la garda au poste de police où personne ne parlait anglais et elle ne comprenait pas ce qui se passait. Finalement, on me téléphona et on me demanda depuis combien de temps je connaissais Maya. Quand je répondis « une semaine », je sentis qu’on ne me croyait pas. « Si vous ne la connaissez que depuis une semaine, pourquoi vous êtes-vous tellement impliquée dans son sauvetage ? ». J’étais si anxieuse, je leur demandai juste de la ramener en bon état mais ils refusaient de m’écouter. Je demandai à mon frère de téléphoner encore une fois au Ohel pour demander une bénédiction. Quelques minutes plus tard, la police et les pompiers arrivèrent devant chez nous, toutes sirènes hurlantes et… Maya sortit, presque souriante, épuisée mais si heureuse de nous retrouver…
Chaque matin, je me réveille et réalise que j’ai une mission à remplir, que nous avons un but à atteindre dans la vie et c’est le Rabbi qui nous l’a confié : ressentir que nous sommes là pour d’autres Juifs… C’est un tel privilège ! ».
Quant à Maya, elle qui voyage de par le monde pour rencontrer d’autres Juifs, quand elle a besoin d’une pause et de recharger ses batteries de judaïsme, trouver un peu de spiritualité, il y a toujours un Beth ‘Habad non loin et c’est extraordinaire ! « Ces Chlou’him ne jouissent pas de tout le confort qu’ils pourraient trouver dans de grandes villes, leurs familles sont loin, leurs enfants n’ont pas d’amis de leur âge ; ils vivent une vie de sacrifice pour les autres, pour des gens comme moi et je n’ai qu’un mot pour eux : Merci ! ».
Mushkie Hecht – Puerto Vallarta - Mexique
Discours prononcé au Congrès international des Chlou’hot
Traduit par Feiga Lubecki