Le joli mois de Nissan
Est-ce le soleil qui fait son apparition, la nature qui reprend des couleurs ? Peut-être les deux à la fois, poussé par le grand vent de la liberté. C’est le mois de Nissan. Alors que nous y entrons de plain-pied, il faut en ressentir toute cette majesté familière qui fait les grands événements et les célébrations chaleureuses. Nissan ou quand un vent nouveau se lève. Ce n’est en aucun cas un hasard de langue si le nom même qui le désigne s’apparente au mot « miracle » en hébreu. Certes, ce mois-là fut celui, historique, de la sortie d’Egypte et, dans ce sens, de la naissance du peuple juif. L’événement tient, de fait, du prodige. Mais, si les peuples anciens affectionnent les antiques mémoires, le peuple juif ne se perçoit pas seulement comme un rappel constant d’un passé de merveilles. Il se voit, jour après jour, comme un être vivant qui poursuit sa longue route au travers des bonheurs ou des épreuves avec la conscience du but à atteindre et de l’avancée du chemin. Comment pourrait-il en être autrement ? Le but à atteindre n’est-il pas celui assigné par D.ieu lors de la création pour un monde de bien ? Le chemin n’est-il pas celui jalonné par nos Sages et nos Maîtres ? Et, finalement, n’est-ce pas la Délivrance messianique qui doit apparaître à l’horizon, faite des actes quotidiens des hommes ?
Aussi est-ce un joli temps qui revient en Nissan, et pas seulement au sens météorologique. Et malgré, par ailleurs, la morosité de la période, c’est le joli temps des hommes libres qui construisent leur avenir et donc l’Histoire. C’est le joli temps de ceux qui portent toujours une vision neuve sur le monde, ceux qui, malgré les millénaires écoulés, portent en eux une espérance irréductible et la volonté de la mettre en œuvre car le bonheur et la liberté sont des choses qui n’existent vraiment que lorsqu’on les partage avec tous. C’est ainsi bien plus qu’un mois qui commence à présent, c’est une grande aventure qui s’ouvre – grande et noble parce qu’elle est celle de l’homme – créature divine dans ce monde créé par D.ieu.
Il existe des idées aussi vastes que l’univers et qui, du fait de cette nature même, ne parviennent pas à le transformer et encore moins les hommes. Il existe également des idées qui savent aussi s’incarner dans la vie de chaque instant, dans les actions, en apparence modestes, de chacun. Celles du mois de Nissan appartiennent à cette catégorie-ci. C’est un mois de grandeur, qui embrasse le monde entier. Et c’est un mois proche de chacun tant il est vrai que n’est réellement grand que celui qui s’adresse à tous. Au joli mois de Nissan, nous sommes tous invités. Invités pour le bonheur du temps et la liberté de toujours.
Se plonger dans la ‘Hassidout
Celui qui désire Machia’h et chaque jour, quand il dit la prière de la Amida, dit ces mots avec concentration et avec tout son cœur et s’attache à ces mots et ne les dit pas superficiellement, montre qu’il veut de tout son cœur et toute son âme mériter d’accueillir Machia’h. Tout le sens de sa vie est de dire : «Quand ce jour arrivera-t-il ?» Pour cela, il méritera de se réjouir avec la venue de Machia’h.
(Yalkout Méam Loez)
Vayikra
D.ieu appelle Moché depuis la Tente d’Assignation et lui communique les lois des korbanot, offrandes animales et alimentaires apportées dans le Sanctuaire.
Elles incluent :
. « L’holocauste » (olah), entièrement consacré à D.ieu, par un feu, en haut de l’autel.
. Cinq variétés d’ « offrandes alimentaires » (min’ha), préparées avec de la farine fine, de l’huile d’olive et des encens.
. « L’offrande de paix » (chelamim) dont la viande est consommée par celui qui apporte l’offrande, une fois que certaines parties en ont été brûlées sur l’autel et d’autres données aux Cohanim (prêtres).
. Les différents types de « sacrifices expiatoires », apportés pour expier les transgressions commises de façon accidentelle par le Grand-Prêtre, toute la communauté, le roi ou un Juif ordinaire.
. « L’offrande de culpabilité » (acham) apportée par celui qui s’est approprié, de façon indue, d’un bien du Sanctuaire, qui a un doute d’avoir transgressé une interdiction divine ou qui a commis une « trahison contre D.ieu » par un faux serment pour escroquer un autre homme.
La dernière offrande évoquée ci-dessus est une offrande apportée au cas où une transgression aurait été commise. Il s’agissait d’une situation où l’individu avait un doute quant à sa transgression. Or, il s’avère que cette offrande était beaucoup plus onéreuse que celle apportée pour racheter un péché effectif. Cela nous interpelle.
Les Sages apportent l’explication suivante : fondamentalement, le pardon apporté par le biais d’un sacrifice vient des sentiments de Techouvah (repentance) ressentis par la personne. Quand quelqu’un sait qu’il a péché, il ressent naturellement de sincères regrets. Mais quand il est dans le doute, il doit chercher, à l’extérieur, des moyens pour ressentir de tels sentiments. C’est pour cette raison que ce sacrifice de culpabilité « hypothétique » demande que l’on dépense davantage.
Cependant, cette explication reste insuffisante. Car bien que la Techouvah soit nécessaire, elle ne constitue pas le seul élément impliqué. Le sacrifice lui-même sert d’élément catalyseur pour apporter le pardon et ôter la tache du péché. Et les différentes espèces de sacrifices étaient ordonnées en fonction de la nature du péché créé dans l’âme de l’individu.
Cela nous conduit à la conclusion que la raison pour laquelle le sacrifice pour une faute hypothétique était plus cher ne s’appuyait pas seulement sur l’idée d’inspirer une Techouvah sincère mais aussi sur le fait qu’il devait apporter le pardon pour un plus grand péché. Cela soulève une question naturelle. Pourquoi la tache créée lorsque l’on n’est pas sûr d’avoir péché est-elle plus grande que lorsque l’on est sûr d’avoir commis une transgression ?
D’une façon générale, les sacrifices apportent le pardon pour les péchés commis, sans intention de le faire, car même alors, un sacrifice est nécessaire. Bien que la personne n’ait pas eu l’intention de transgresser un commandement, le fait est que ses pensées inconscientes l’y ont conduit. Et c’est une preuve qu’elle possède une certaine faiblesse spirituelle. Sinon, elle n’aurait pas transgressé, ce que confirme le texte : « Aucun mal ne s’empare du juste ».
Cela fait référence à un autre concept. Le comportement inconscient, ce que l’on fait sans y penser, est souvent un profond indicateur de la nature de l’homme et reflète ses préoccupations fondamentales et ses sources de plaisir. Un homme juste tire ses réjouissances de la Divinité. C’est la raison pour laquelle ses actes impliquent le bien et le saint. Mais lorsqu’un homme commet involontairement une transgression, cela indique que ses plaisirs ont une origine indésirable. Sa conduite est comparable à un acte manqué.
Ainsi, lorsque l’individu sait qu’il a commis un péché, sans intention, il prend conscience du fait qu’il a besoin d’une amélioration spirituelle. La transgression lui a fait réaliser qu’il doit s’impliquer davantage pour s’améliorer. Mais quand un homme n’a pas conscience d’avoir péché, l’image positive qu’il se fait de lui-même peut rester intacte et il ne ressent pas le besoin de changer. Cela montre un lien encore plus profond avec le mal dans la mesure où il ne réalise pas qu’il a un certain manque à combler.
Quand l’on sait que l’on a, involontairement, commis une transgression, notre nature reste bonne. L’acte est allé à l’encontre de notre véritable nature. Et c’est pour cela que nous sommes conscients d’avoir failli à la volonté de D.ieu. Prendre conscience du mal prouve qu’il ne correspond pas à notre être véritable. Mais lorsque l’on n’est pas même conscient d’avoir mal agi, cela prouve que le péché ne dérange pas et ne va pas à l’encontre des tendances naturelles. C’est donc pour cela que l’on est aveugle devant l’erreur.
Ainsi, l’offrande apportée par celui qui ignore s’il a péché ou non doit être beaucoup plus onéreuse. Car il s’agit alors de corriger une insensibilité spirituelle qui l’empêche de prendre conscience de ses propres fautes.
Perspectives
La lecture de la Paracha commence par les mots : « Et D.ieu appela Moché et D.ieu lui parla ». Nous rencontrons souvent l’expression « Et D.ieu parla à Moché » mais, ici, la Torah la préface : « Et D.ieu appela… » Nos Sages expliquent que ce verset souligne l’affection qu’éprouve D.ieu pour Moché et pour le Peuple juif comme entité, Moché étant son émissaire. Avant de s’adresser à lui, en signe d’affection, D.ieu l’appelle d’abord.
Cette qualité d’être aimé de D.ieu, caractéristique du Peuple juif, se reflète également dans la Haftara qui commence avec le verset : « Ce peuple, Je l’ai fait pour Moi ; ils diront Mes louanges ».
Chaque Juif est l’héritier du legs spirituel entier de notre peuple. Une chaîne d’or est tressée à travers les générations, depuis nos Patriarches, Avraham, Its’hak et Yaakov et nos Matriarches, Sarah, Rivkah, Ra’hel et Léa. Chaque Juif, dans la génération présente est un représentant de toute la collectivité, comme elle a toujours existé à travers l’histoire. Et c’est ainsi que D.ieu chérit chaque Juif comme un père chérit son fils unique et Il est confiant que, quelle que soit la manière dont il se conduit, il finira par « dire les louanges de D.ieu », en accomplissant des actes de bien et de bonté qui reflètent son potentiel spirituel.
L’expression absolue de cette qualité apparaîtra à l’Ere de Machia’h où les qualités du Peuple juif feront surface. Mais même avant cette époque tant attendue, et pour la préparer, il nous faut contempler les qualités cachées chez autrui et chez nous-mêmes et œuvrer pour les révéler.
Quelles sont les Mitsvots essentielles du Séder ?
Le lundi 10 et le mardi 11 avril 2017, on organise le repas du Séder pour célébrer la sortie d’Egypte. On ne pourra commencer qu’après la nuit tombée (21h 16 lundi soir et 21h 23 mardi soir - heure de Paris). Tous les Juifs doivent participer au Séder, hommes, femmes et enfants. Il faut :
• Boire 4 verres de vin
On doit boire au cours du Séder au moins quatre verres de vin ou de jus de raisin cachère pour Pessa’h. Le verre doit contenir au moins 8,6 centilitres, et on doit en boire à chaque fois au moins la majeure partie, en une fois. Les hommes et les garçons doivent s’accouder sur le côté gauche, sur un coussin, pour manger la Matsa et boire les quatre verres de vin.
• Raconter la sortie d’Egypte
On le fait en lisant la Haggadah. Il faut raconter à tous les participants et en particulier aux enfants, selon ce qu’ils peuvent comprendre. Pour éviter qu’ils ne s’endorment, on aura pris soin de les faire dormir l’après-midi et on leur fera chanter certains paragraphes de la Haggadah.
• Manger de la Matsa
On mange de la Matsa les deux soirs du Séder après avoir dit la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al A’hilat Matsa», en plus de la bénédiction habituelle «Hamotsi». La Matsa du Séder sera «Chemourah», c’est-à-dire qu’on aura surveillé depuis la moisson, que les grains de blé, et plus tard la farine, n’auront pas été en contact avec de l’eau, ce qui aurait risqué de les rendre ‘Hamets. Nombreux sont ceux qui préfèrent consommer les Matsot rondes cuites à la main (et non à la machine) comme au temps de la sortie d’Egypte. Il faut manger au moins 30 grammes de Matsa, et il est préférable de les manger en moins de quatre minutes. Il faudra manger trois fois cette quantité de Matsa : pour le «Motsi», pour le «Kore’h» (le «sandwich» aux herbes amères), et pour l’ «Afikoman», à la fin du repas, en souvenir du sacrifice de Pessa’h qui était mangé après le repas.
• Manger des herbes amères (Maror et Kore’h)
On mange des herbes amères en souvenir de l’amertume de l’esclavage en Egypte. On achètera de la salade romaine qu’on nettoiera feuille par feuille devant une lumière pour être sûr qu’il n’y a pas d’insectes, après l’avoir fait tremper dans de l’eau. On prépare pour chacun des convives au moins 19 grammes de «Maror», c’est-à-dire de salade romaine avec un peu de raifort râpé, trempé dans le «Harosset» (une pâte faite de pommes, poire et noix, avec un peu de vin) après avoir prononcé la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al A’hilat Maror». On consomme encore 19 grammes de Maror bien séché entouré de Matsa pour le «Sandwich de Kore’h».
Les Téfilines de Reb Mendel
C’était une figure légendaire du village Kfar ‘Habad, situé sur la route de Tel-Aviv à Jérusalem. Après avoir purgé huit longues années dans le goulag sibérien, Reb Mendel Futerfass avait obtenu la permission de quitter l’Union Soviétique et de rejoindre enfin sa femme et ses enfants qui l’avaient précédé dans le monde libre dix-huit ans ( !!!) auparavant.
Reb Mendel ne parlait que rarement de sa détention et des conditions effroyables qu’il y avait subies : le froid, la faim, la promiscuité avec des criminels endurcis, les coups, le travail épuisant… Mais il affirmait qu’il y avait résolu deux problèmes : la cacherout (puisqu’il n’y avait de toute manière rien à manger…) et le respect du Chabbat. Comment ? Dès le début, il avait annoncé avec fermeté que, quoi qu’il lui arrive, quelles que soient les menaces, jamais il ne travaillerait le Chabbat. « Apparemment, constatait-il avec un brin de philosophie, je l’avais affirmé avec un tel sentiment de vérité que j’ai effectivement réussi à ne jamais travailler le Chabbat ! ».
Durant toutes ces années, il s’était aussi arrangé pour disposer d’au moins trente grammes de Matsa Chmoura le premier jour de la fête de Pessa’h – grâce aux paquets de nourriture que sa famille avait le droit de lui envoyer une ou deux fois par an. S’il lui restait un peu plus que ces trente grammes, il en donnait à un autre Juif, prisonnier comme lui ou alors il gardait précieusement la Matsa pour l’année suivante…
Dès qu’il put sortir d’Union Soviétique, il rejoignit d’abord sa femme et ses enfants à Londres puis s’installa en Israël où il enseignait à la Yechiva et encourageait chacun à développer des sentiments ‘hassidiques comme ceux qui lui avaient permis de survivre dans les pires conditions.
Quand le Rabbi lança, en juin 1967, la toute première campagne de Mitsvot – s’efforcer de mettre les Téfilines à chaque Juif – Reb Mendel fut le premier à se joindre aux jeunes gens remplis d’énergie et d’enthousiasme qui se rendaient en voiture chaque vendredi dans la ville de Rishon Letsion pour contacter les habitants de la ville qui n’auraient pas encore mis les Téfilines ce jour-là. Plutôt que de flâner ou se consacrer aux préparatifs de Chabbat, ces jeunes étudiants de Yechiva consacraient leur temps libre à aider d’autres Juifs à accomplir cette importante Mitsva.
Or Reb Mendel n’était plus très jeune ; de plus, la marche lui était très pénible et même le simple fait de monter dans une voiture ou en descendre lui coûtait un effort considérable. Quiconque le voyait agir en éprouvait une grande peine ! De plus, la voiture devait se garer assez loin de l’endroit où se dressait le stand de mise des Téfilines, ce qui aggravait encore la situation. Et pourtant, chaque vendredi, Reb Mendel insistait pour voyager. Il ne savait pas parler l’hébreu courant mais quand il balbutiait avec un mauvais accent : « Moi Juif, toi Juif, mets les Téfilines ! », qui aurait pu refuser un tel argument, qui aurait pu lui demander sèchement de s’occuper de ses propres affaires ?
Le regretté Reb Cholom Feldman lui demanda un jour pourquoi il s’entêtait à ce point et faisait même perdre du temps à ses compagnons d’équipée. Reb Mendel répondit, sur un ton d’évidence : « De fait, il y a deux raisons pour lesquelles je tiens tellement à agir pour cette campagne du Rabbi : quand j’étais prisonnier, il y eut des périodes durant lesquelles je ne disposais pas de Téfilines. (Un jour il soupira en évoquant cette période : Si seulement aujourd’hui, alors que je possède de très belles paires de Téfilines, je pouvais prier avec la même ferveur que j’avais alors…). Tu comprends ? Cela me manque ! Cette longue période où je n’avais pas de Téfilines me manque ! Je dois la réparer ! En mettant les Téfilines à d’autres Juifs, cela remplace un peu toutes les fois où je n’ai pas pu les mettre moi-même ! ».
Telle était la réponse d’un ‘Hassid ! Bien qu’il n’ait commis aucune faute et que personne ne puisse lui tenir rigueur de cela, ce manque lui pesait et il éprouvait le besoin d’y apporter une compensation !
Quant à la seconde raison, voici comment il l’exprimait : « Je veux agir, ne serait-ce que symboliquement, pour prouver mon attachement au Rabbi ! Sinon, en quoi pourrais-je prétendre être un ‘Hassid du Rabbi ? ». Il expliquait encore : « La campagne des Téfilines est une directive claire du Rabbi. Dans les autres domaines, quand le Rabbi te demande quelque chose, tu ne peux jamais être sûr que tu as bien compris et que tu t’es acquitté de la mission à 100 %. Mais quand il s’agit d’une action concrète, quand tu as mis les Téfilines à un autre Juif qui, autrement, ne les aurait peut-être pas mis, concluait Reb Mendel, là je ressens que j’ai accompli la volonté du Rabbi ! Rien que pour cela, j’estime qu’il est normal de fournir un certain effort ! ».
Traduit par Feiga Lubecki