Samedi, 25 mars 2023

  • Vayikra
Editorial

 Le réveil de la liberté

Le mois de Nissan nous ouvre, cette semaine, de nouvelles perspectives. De fait, et cela a été abondamment souligné, nous quittons à présent cette zone de toutes les joies, les plus grandes et les plus enthousiastes, tant il est vrai que, chaque jour du mois d’Adar, il nous revient de l’accroître encore, aussi infinie ait elle été jusque-là. Tant et si bien que le dernier jour d’Adar doit être le plus joyeux de tous ! Pourtant, le 1er Nissan, sans rien abandonner des acquis de l’allégresse, introduit dans le temps de la gloire. Prenons-en conscience : l’histoire de Pessa’h chante d’ores et déjà dans notre cœur. Elle est si présente que le mois de Nissan porte tout entier la belle appellation de « mois de la délivrance ».

Effectivement, la délivrance qui approche change radicalement les choses. Les Hébreux de l’antiquité ne sont alors qu’un peuple inconnu, réduit en esclavage par la plus grande puissance de l’époque, modèle de civilisation, conquérante et cruelle, l’Egypte. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit et sans doute est-ce aussi pour cela que la leçon de liberté donnée ici est exemplaire pour le monde entier. Qui osait donc imaginer, et encore plus dire, la liberté dans l’empire du pharaon ? C’était au mieux un espoir, par nature informulé. Et voici que, tout à coup, D.ieu vient « prendre un peuple du sein d’un autre » parce qu’Il le destine à une mission qui changera la face des choses. L’histoire dénommera cela « la sortie d’Egypte » mais, quant à nous, nous savons que c’est de la liberté, sublime et éternelle, qu’il s’agit et qu’elle imprègne toute la période dans laquelle nous entrons.

Décidément, et surtout en notre temps, la liberté est chose précieuse. Tant d’éléments, extérieurs à nous mais aussi personnels, tentent de nous en détourner. Parfois, tout se met en place pour nous faire oublier, ce que nous sommes, le pourquoi des choses, le chemin qu’il nous appartient de suivre, en un mot l’essentiel. Et cela peut passer au second plan de notre conscience emportée par les futilités du quotidien. Vient alors le mois de Nissan et la délivrance qu’il porte en lui. Il résonne comme un réveil profond, c’est comme si une sorte de matin du monde se levait pour nous. Quand il commence, tout devient plus clair. Le monde alentour, malgré le grand tumulte qui en est la marque caractéristique, fait soudain silence devant la vigueur de l’évidence et la grandeur de ce qu’elle soulève. Allons, il est temps de nous mettre en chemin au cœur de Nissan. Il est temps de réapprendre à le vivre. La liberté, la nôtre et celle de tous, est au bout de la route.

Etincelles de Machiah

 « Diffuser les sources »

Comment est-il possible de dire que, précisément dans notre génération – une génération imparfaite – il doit y avoir l’œuvre de « diffusion des sources de la ‘Hassidout à l’extérieur » ?

A l’approche de la Délivrance future, le mode précédent de service de D.ieu – sans cette « diffusion des sources à l’extérieur » – présente un manque. Aussi, c’est dans ces dernières générations, et particulièrement dans la nôtre, que notre effort doit se déployer dans ce sens avec encore plus de puissance et d’énergie.

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –

Chabbat Parchat Toledot 5744)

Vivre avec la Paracha

 VAYIKRA

D.ieu appelle Moché depuis la Tente d’Assignation et lui enseigne les lois des Korbanot, offrandes animales et alimentaires apportées dans le Sanctuaire.

Elles incluent :

. « L’holocauste » (Ola), entièrement consacré à D.ieu, par un feu, en haut de l’autel.

. Cinq variétés d’« offrandes alimentaires » (Min’ha), préparées avec de la farine fine, de l’huile d’olive et des encens.

 « L’offrande de paix » (Chelamim) dont la viande est consommée par celui qui apporte l’offrande, une fois que certaines parties en ont été brûlées sur l’autel et d’autres données aux Cohanim (Prêtres).

 Les différents types de « sacrifices expiatoires » (‘Hatat), apportés pour expier les transgressions commises de façon accidentelle par le Grand-Prêtre, toute la communauté, le roi ou un Juif ordinaire.

 « L’offrande de culpabilité » (Acham) apportée par celui qui s’est approprié, de façon indue, d’un bien du Sanctuaire, qui a un doute d’avoir transgressé une interdiction divine ou qui a commis une « trahison contre D.ieu » par un faux serment pour escroquer un autre homme.

Chaque Juif est précieux

Il suffit de jeter un rapide regard sur notre peuple pour constater une grande hétérogénéité car il n’existe quasiment pas de lieu où les Juifs n’aient pas vécu. Ils se sont distingués au sein de chaque civilisation majeure et, ce faisant, se sont adaptés à ces environnements variés.

Mais ce qui change n’est pas seulement l’endroit où ils vivent mais la nature même des individus eux-mêmes. Nos Sages commentent que tout comme il n’existe pas deux individus qui ont le même visage, leurs processus intellectuels ne sont également jamais les mêmes (Sanhédrin 38a).

Cependant, cette diversité n’entrave aucunement l’unité fondamentale qui lie tous les membres de notre peuple, de tous les pays et de toutes les époques. Chaque Juif, homme, femme et enfant, possède une âme qui est « une véritable partie de D.ieu » et qui imprègne chaque dimension de son être. C’est de ce peuple que D.ieu dit : « J’ai créé ce peuple pour Moi ; ils chanteront Ma louange ».

Chaque Juif est le légataire de tout l’héritage de notre peuple. Une chaîne d’or s’étend à travers les générations, remontant à nos Patriarches, Avraham, Its’hak et Yaakov et à nos Matriarches, Sarah, Rivkah, Ra’hel et Léa. Chaque Juif de la génération représente la collectivité dans son ensemble comme elle a existé et évolué au cours de l’histoire. C’est ainsi que D.ieu chérit chaque Juif comme un père chérit son fils unique.

La proximité avec D.ieu

L’amour unique que témoigne D.ieu au Peuple juif s’exprime au début de notre Paracha qui déclare : « Et Il appela Moché, et D.ieu lui parla ». Avant que D.ieu ne s’adresse à Moché, Il l’appela, lui manifestant ainsi une affection toute particulière. Il ne le convoqua pas pour lui transmettre une information mais bien au contraire, Il l’appela pour lui exprimer cet amour essentiel qu’Il partage avec notre peuple (car bien que Moché seul fût appelé, cet appel s’adressait au dirigeant du peuple entier).

La nature divine que nous possédons dans notre essence nous « appelle » constamment, cherchant à s’exprimer. Cela apparaît dans le sujet de la Paracha, les offrandes de sacrifices. Le mot hébreu pour « sacrifice », « Korban », possède la même racine que le mot « Karov », qui signifie « proche ». Les sacrifices permettent au potentiel spirituel du Juif de faire surface, le rapprochant sensiblement de D.ieu.

Une aura d’affection

Les concepts dont on vient de parler sont fondamentaux quand il s’agit des relations que nous devons entretenir avec ceux des nôtres dont la conduite s’est écartée (pour l’instant) de notre héritage.

D’abord et avant tout, il nous faut apprécier qui est véritablement l’autre. Quand nous nous adressons à un Juif, il nous faut être conscients que nous parlons à une âme qui est « une véritable partie de D.ieu ».

Nul n’est besoin de se concentrer sur les aspects négatifs de la conduite d’autrui. Bien au contraire, il nous faut mettre en lumière son potentiel positif, lui faire prendre conscience de l’étincelle divine qui est en lui. Nous devons nous inspirer de l’exemple que nous livre la lecture de la Torah et montrer à notre prochain une proximité toute particulière, l’invitant à se joindre à des activités qui encouragent l’expression de son essence juive.

Il nous faut adopter cette approche avec confiance car elle s’adresse à la partie la plus profonde de notre alter ego. « Aucun Juif ne peut ou ne désire se séparer de D.ieu ». Quand nous l’invitons, avec chaleur et ouverture, à affirmer son héritage, il répond, se « rapprochant de D.ieu » à son propre rythme. Puisqu’il appartient à une nation « créée pour Lui », il est inévitable qu’il finira par « chanter Sa louange », en suivant le chemin de la Torah et des Mitsvot.

Chercher le bon côté

Une tendance naturelle nous pousse à l’impatience, à précipiter une personne vers l’observance complète de la Torah et de ses Mitsvot et peut-être à la critiquer si elle hésite ou recule. La Torah n’approuve pas une telle approche. Quand le prophète Yichayahou s’exprima durement à propos du Peuple juif, D.ieu le reprit sévèrement malgré le fait que ses paroles furent justifiées. Plutôt que de critiquer, nous devons nous efforcer d’apprécier et de toujours insister sur les qualités positives que chacun d’entre nous possède. Car le fait qu’un Juif existe est en soi une louange pour D.ieu, indépendamment du service divin qu’il accomplit.

Bien que les Juifs soient « une brebis parmi soixante-dix loups » et qu’ils aient subi d’atroces persécutions, nous avons survécu alors que des peuples apparemment plus nombreux et plus puissants ont totalement disparu. Cela démontre clairement que D.ieu a investi Son peuple d’une dimension de Son éternité. La pérennité de notre existence en tant que peuple et individus est l’expression de la Providence Divine.

La louange ultime

Le potentiel divin qui réside en chaque Juif et dans notre peuple en tant qu’entité ne restera pas latent. Son épanouissement conduira à une ère où la Divinité cachée dans le monde en général s’exprimera de façon manifeste, l’Ere de la Rédemption. Le peuple juif chantera alors pleinement « la louange à D.ieu » témoignant de sa gratitude pour les miracles qu’Il a accomplis pour lui.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les lois et coutumes du mois de Nissan ?

- Le mois de Nissan commence cette année jeudi 23 mars 2023 (Roch ‘Hodech).

- On évite de manger des Matsot jusqu’au soir du Séder (mercredi soir 5 avril 2023).

- Dans toutes les communautés, on a coutume de ramasser de l’argent afin de pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses pendant la fête. Cela s’appelle Méote ‘Hitime, l’argent pour la farine (nécessaire à la confection des Matsot). Le Rabbi a institué que chaque responsable communautaire s’efforce d’envoyer à ses fidèles dans le besoin des Matsot Chmourot (rondes, cuites à la main, spécialement surveillées depuis la moisson du blé), au moins pour les deux soirs du Séder.

- Tout le mois de Nissan, on ne récite pas la prière de Ta’hanoun (supplications).

- On ne jeûne pas durant le mois de Nissan (excepté les mariés avant la cérémonie).

- Après la prière du matin, les treize premiers jours du mois, on lit le sacrifice apporté par le Nassi du jour, en souvenir des sacrifices apportés par les princes des tribus le jour de l’inauguration du Michkane, le sanctuaire portatif dans le désert (Bamidbar – Nombres chapitre 7 et début du chapitre 8). Après la lecture des versets, on ajoute la courte prière de Yehi Ratsone imprimée dans le Siddour, le livre de prières.

- La première fois en Nissan qu’on voit des arbres fruitiers en fleurs, on récite la bénédiction « Boukh Ata... Chélo ‘Hissère Beolamo… »

(d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)

Le Recit de la Semaine

 Mission mystérieuse à Tyler, Texas

Les moments qui ont suivi la naissance de mon fils ont été les plus pénibles de ma vie. Docteurs et infirmières se parlaient en termes techniques incompréhensibles et refusaient de nous expliquer la situation. On emmena notre bébé subir toutes sortes de tests, on nous rassurait vaguement mais sans répondre à nos questions : que se passait-il ? Quand pourrions-nous emmener notre fils à la maison ? Angoissé, je décidai de m’adresser au Rabbi de Loubavitch.

J’enseignais les matières juives à Phoenix (Arizona) où il n’y avait à l’époque aucune synagogue et il me sembla naturel de me tourner vers le Rabbi. J’écrivis une lettre, demandant sa bénédiction. Peu après, Rav Groner (son secrétaire) me téléphona. Je pris un papier et un stylo pour noter la réponse du Rabbi : « Vous écrivez que vous êtes soucieux mais le Rabbi affirme qu’il n’y a pas de quoi vous inquiéter. Vous demandez à prendre votre bébé à la maison et le Rabbi répond : bientôt. Il a aussi promis de prier pour vous près du tombeau de son beau-père, le Rabbi précédent ».

Je pleurai de joie au téléphone, je remerciai Rav Groner, je remerciai le Rabbi, je remerciai D.ieu, j’étais soulagé et, effectivement, deux jours plus tard, le docteur annonça : « Tout va bien, votre fils est en parfaite santé, c’est un véritable miracle ! Vous pouvez l’emmener chez vous ! ».

Difficile de décrire notre état d’esprit mais, heureux, nous avons passé nos premières nuits sans dormir, comme tous les nouveaux parents, attentifs aux moindres bruits provenant du berceau à côté de nous. Je décidai d’aller à New York remercier le Rabbi. Je passai le Chabbat avant Pessa’h chez mes cousins à Crown Heights (Brooklyn) ; j’irai dans le bureau du Rabbi le lendemain, dimanche 11 Nissan - sans me douter que c’était pour le Rabbi un jour très spécial, de fait son 70ème anniversaire. Je me retrouvai donc pris dans une foule dense de ‘Hassidim, heureux de fêter cette occasion. J’obtins du secrétaire la permission d’aller parler au Rabbi le lendemain soir – après avoir promis d’être bref. J’avais préparé mon petit discours de remerciement mais, en présence du Rabbi, je fus incapable de parler. C’est lui qui commença :

- Je veux vous demander un service, une mission importante. Acceptez-vous ?

- Bien sûr, Rabbi. Ce que vous voulez !

- Quand retournez-vous en Arizona ? Avant Pessa’h ?

- Oui, demain.

- Alors rendez-vous à mon secrétariat, Rav Hodakov vous expliquera. Pessa’h Cachère Vessaméa’h, conclut-il.

Je sortis du bureau, vaguement étonné quand un ‘Hassid m’arrêta :

- Benny ? Je suis Rav Hodakov !

L’homme avait l’air sérieux, peu enclin à parler pour rien.

- Apportez ceci à Tyler, Texas. Et il me tendit une boîte de Matsot Chmourot.

- Texas ? Mais je vais en Arizona et nous sommes pratiquement la veille de Pessa’h, je dois aider ma femme. De plus, je n’ai jamais entendu parler de Tyler : Dallas oui, Houston oui mais Tyler ? Comment fait-on pour arriver là-bas ?

- Donc je dois annoncer au Rabbi que vous refusez la mission ? conclut-il froidement.

- Non, non… Ce n’est pas ce que j’avais l’intention de dire… Je m’en charge. Mais à qui dois-je remettre ces Matsot ?

- Comme je vous l’ai déjà précisé : apportez-les à Tyler ! répondit-il comme s’il considérait ma question comme totalement absurde.

J’appelai tous les agents de voyage imaginables mais personne ne connaissait même cette ville qui ne figurait sur aucune carte (c’était l’époque préhistorique, avant que toutes les réponses ne se trouvent facilement dans l’ordinateur…). Il n’y avait aucun moyen de se rendre en Arizona en passant par le Texas, il n’y avait que très peu de vols pour le Texas d’ailleurs et Pessa’h approchait !

Je n’eus d’autre choix que de prendre l’avion pour l’Arizona. J’éprouvais une grande peine de ne pas pouvoir rendre au Rabbi le service qu’il m’avait demandé. Je m’assis à ma place et m’endormis immédiatement. Je fus réveillé par une annonce du pilote : « Mesdames et messieurs, nous devons procéder à un atterrissage d’urgence pour procéder à des vérifications. Pas d’inquiétude, nous allons atterrir à Tyler, Texas et reprendrons la route dans quelques heures ».

Je croyais rêver ! Tyler, Texas… je regardai mon bagage à côté de moi. A n’en pas douter, je vivais encore un miracle. Quelques minutes plus tard, nous avons tous débarqué dans la salle d’attente de ce minuscule aéroport. Je me mis à déambuler partout, espérant – grâce à ma Kippa – attirer l’attention d’un Juif ou d’une Juive qui devait certainement se trouver là puisque je devais lui remettre des Matsot. Aucun employé local n’avait jamais entendu parler de Juifs à Tyler… Soudain un couple âgé s’approcha de moi : « Excusez-moi, avez-vous peut-être un paquet pour nous de la part du Rabbi de Loubavitch ? ». Ils ne se présentèrent pas. L’homme ne portait pas de Kippa, la dame n’était pas vêtue comme il sied à une femme juive mais ils connaissaient le Rabbi ! Je leur tendis avec joie le paquet de Matsot, ils me remercièrent et disparurent sans plus d’explications, comme ils étaient venus !

Quelques minutes plus tard, notre avion était réparé et j’ai pu arriver chez moi en Arizona bien en avance pour Pessa’h…

Benjamin Feld - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki