Quelle rentrée ?
Cette fois-ci, nous y sommes ! Pour la plupart d'entre nous, le rythme quotidien reprend. Autour de nous, l'activité anime de nouveau les rues et, déjà, cette période un peu entre parenthèses qu'on a coutume d'appeler «les vacances» commence à prendre sa place dans nos souvenirs bien rangés. Décidément, rien ne peut plus nous en détourner : c'est la rentrée ! Il y a, dans ce mot, comme une tonalité d'irrémédiable. Faut-il le prendre comme une clôture de scène ou un lever de rideau ? Peut-être est-ce la question essentielle du moment.
Comme bien souvent, il est possible de regarder les jours qui passent de deux façons profondément différentes. Il est loisible à chacun d'y voir ce que l'on a décrit : le retour après la grande transhumance estivale, la réapparition des soucis de la vie et de la course effrénée – et parfois sans but – qui caractérise les sociétés modernes... On peut aussi prendre brutalement conscience que le calendrier nous ouvre ici un champ de potentialités inespéré. Car cette rentrée n'est pas comme celles qui l'ont précédée. Elle nous introduit, sans aucune transition, dans la toute dernière partie du mois d'Elloul. Et cela change tout.
Elloul : dernier mois du calendrier juif, qui précède les fêtes de Roch Hachana et de Yom Kippour, mais surtout période à part. C'est le temps où, disent nos Sages, D.ieu attend chacun comme le Roi prêt à accueillir avec bienveillance tous ses sujets et à leur accorder toutes leurs demandes. La Kabbale enseigne qu'alors les Treize Attributs de la Miséricorde Divine éclairent l'univers et tous ceux qui y vivent. Pour ces raisons, Elloul est un mois plus personnel, comme intérieur à chacun. C'est un mois de réflexion – sur soi, ses actes, les démarches nouvelles à entreprendre. Le ressentir, de façon tangible, n'est qu'affaire de sensibilité ; si l'on sait voir, la réalité physique n'est plus tout à fait la même. Et la proximité quasi immédiate des fêtes rend la démarche encore plus urgente.
C'est bien d'une véritable découverte qu'il s'agit : la rentrée peut avoir une portée spirituelle et le grand retour peut être celui de l'âme vers D.ieu. D'une certaine manière, particulièrement cette année du fait du calendrier, cela ne dépend que de nous. Nous avons ainsi un choix aux conséquences fondamentales. Vivre la rentrée comme une nouvelle soumission au monde, à ses contraintes et à ses exigences de matérialité ou la vivre comme une aire ouverte de liberté, comme un espace de lumière, comme le début du lien renouvelé avec le Divin. Le chemin qui s'ouvre est clair ; il nous entraîne vers cette année bonne et douce dont nous rêvons tous, cette année de toutes les bénédictions et de la plus grande d'entre elles : la venue de la Délivrance messianique.
L'esprit et le cœur
La 'Hassidout explique les gains spirituels immenses de notre descente en exil. C'est ainsi qu'il est écrit (Isaïe 12 : 1) : «Je Te remercierai D.ieu car Tu as été en colère contre moi». Lorsque Machia'h viendra, les Juifs remercieront D.ieu de les avoir envoyés en exil car, alors, ils verront toutes les élévations spirituelles que cela aura permis.Cependant, en même temps, cette conscience ne doit pas atténuer notre profond désir de quitter cet exil. Pour cela, il faut proclamer, avec la plus grande sincérité, «car dans Ton salut nous espérons tout le jour».En fait, ce sont ces deux attitudes, l'une de conscience et l'autre d'émotion, qu'il nous faut avoir en parallèle constamment.(d'après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,veille d'Hochana Rabba 5744) H.N.
Nitsavim Vayélé'h
L'éducation est la clé
Quand les troupes babyloniennes en maraudage firent irruption dans le Saint Temple, elles trouvèrent les prêtres occupés, comme à leur habitude, à leurs devoirs sacrés. Certains préparaient des offrandes alimentaires, d'autres attisaient les flammes de l'autel ou inspectaient les bûches de bois pour s'assurer de leur perfection. A l'extérieur, la bataille faisait rage mais à l'intérieur, le service se poursuivait imperturbablement.
Ce n'est que lorsque les flammes commencèrent à lécher les murs du Temple que les prêtres abandonnèrent leur devoir sacré. Bondissant dans le brasier, ils rendirent l'âme à leur Maître.
Un groupe de prêtres devait s'acquitter d'un devoir particulier avant de rendre l'âme. Il s'agissait des gardiens. Ils étaient en possession des clés du Temple et en ouvraient chaque matin les portails. Familiarisés aux tunnels et aux passages secrets, ces jeunes prêtres échappèrent au chaos et grimpèrent sur le toit. Ils exhibèrent les clés et s'écrièrent :
«D.ieu Bien-aimé ! Puisque nous ne méritons pas d'être Tes gardiens fidèles, nous Te prions d'accepter Tes clés».
Et ils jetèrent en haut les clés du Temple. Le Talmud relate qu'une image en forme de main ouverte apparut des Cieux pour saisir les clés.
Cette tâche accomplie, les prêtres se précipitèrent vers la mort. (Talmud, Taanit 29a).
Vision pessimiste
Notre cœur tremble à la lecture de cet épisode, surtout à cette époque de l'année où nous nous préparons pour Roch Hachana, le jour de notre jugement. La Paracha que l'on lit, le Chabbat précédent Roch Hachana, évoque cette période terrible où notre terre serait envahie, notre Temple détruit et notre peuple exilé à cause de ses fautes.
C'est un rappel saisissant du jugement divin.
Et pourtant, nous découvrons, dans notre lecture, que la Torah nous fait une promesse. Le Même D.ieu qui tend Sa main pour nous punir nous atteint par Son amour. Il promet que quels que soient nos péchés, Il nous reconduira sur la Terre de nos ancêtres et reconstruira notre Saint Temple. C'est avec cette pensée réconfortante que nous pouvons revenir au récit talmudique et y rechercher un sens plus profond et certainement plus encourageant.
Les gardiens
L'histoire n'évoque pas seulement le courage des gardiens mais aussi leur culpabilité. D.ieu avait confié les clés du Temple à ces prêtres. Ils avaient l'autorité de permettre l'accès au Temple mais lorsque les Babyloniens approchèrent, ils furent impuissants à les arrêter. L'autorité divine qui était la leur fut soudain inefficace face à une force temporelle.
Cela ne put avoir lieu qu'à cause du manque de mérite de ces gardiens. S'ils avaient été méritants dans leur rôle de gardiens du portail de D.ieu, s'ils avaient auparavant refusé l'accès à chaque visiteur inapproprié, ils auraient pu affirmer leur autorité divine et aucune force temporelle n'aurait pu les soumettre. L'attaque aurait pu être repoussée et le Temple n'aurait pas été touché.
Mais nos Sages nous enseignent que malgré leur culpabilité, ces gardiens auraient encore pu sauver le Temple. Comment une poignée de jeunes hommes auraient-ils pu sauver le Temple alors que D.ieu Lui-même en avait décrété la destruction ? La réponse réside dans le célèbre dicton du Talmud : «Respecte chaque ordre de ton hôte sauf celui de partir»
Le mysticisme juif applique ce dicton à notre relation avec D.ieu. D.ieu est notre hôte dans ce monde et nous sommes Ses invités. En tant qu'hôte, Il est libre de nous imposer ce qu'Il veut mais il est une chose qu'Il ne nous imposera jamais. Il ne nous privera jamais de Sa présence. Il ne fermera jamais complètement la porte et ne nous renverra jamais de chez Lui (Réchit 'Ho'hama, Portes de la Sainteté : ch. 16).
Même s'Il nous juge coupables, Il est prêt à accepter notre repentir. Quand nous insistons pour revenir, aucune serrure n'est assez résistante pour sceller la porte entre D.ieu et Ses enfants.
Bien que leur culpabilité préalable eût arraché aux gardiens leur autorité divine, ils auraient encore pu arrêter l'assaut babylonien et sauver le Temple. S'ils avaient résisté à l'ennemi jusqu'à leur dernier souffle, D.ieu n'aurait pas rejeté leurs efforts. Avec une véritable repentance, ils auraient pu regagner leur autorité originelle.
Mais au lieu de cela, ils se rendirent et rendirent les clés à D.ieu. Ce fut fait de façon dramatique et en acceptant leurs clés, D.ieu accepta leur reddition. Mais s'ils s'étaient plus engagés, D.ieu aurait sauvé le Temple.
Le Temple spirituel
Aujourd'hui, nous ne possédons pas de demeure matérielle pour D.ieu mais dans notre cœur, nous Lui créons une résidence spirituelle. Cette demeure se matérialise dans notre engagement à notre héritage, notre passion pour nos traditions et notre enthousiasme pour la Torah.
Les clés du Temple n'avaient pas été confiées aux anciens prêtres ou aux érudits. Elles étaient entre les mains de jeunes prêtres. Il en va aujourd'hui comme alors. Les gardiens de notre Temple sont notre jeunesse, nos précieux enfants.
Le message est que si nous renforçons les gardiens, si nous élevons nos enfants dans l'esprit de la Torah et leur offrons une réelle éducation juive, la demeure de D.ieu restera intacte. Même si nous ne sommes pas méritants, même si nous ne manifestons ni passion ni enthousiasme, la Maison de D.ieu ne sera pas détruite tant que nos enfants en garderont précieusement les clés.
Assurons-nous que nos enfants n'apprennent pas seulement à lire la Torah mais aussi à l'aimer, pas seulement à comprendre la Torah mais aussi à l'observer, pas seulement à connaître D.ieu mais aussi à vivre pour D.ieu.
Si nos enfants ont grandi, aidons d'autres enfants en contribuant, en personne ou par une aide matérielle, à leur éducation juive.
La jeunesse se caractérise par un enthousiasme illimité et une soif insatiable. Nous pouvons tous être jeunes de cœur et éprouver une soif de connaissance et un enthousiasme pour étudier.
Chacun d'entre nous peut être un gardien du portail du Temple et à l'approche de Roch Hachana, rappelons-nous les leçons du passé. Même si nous ne nous sentons pas méritants, ne laissons rien nous séparer de notre Hôte Céleste.
Qu'est-ce que les Seli'hot ?
Les Seli'hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l'homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli'hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d'aborder la nouvelle année avec la crainte, l'humilité mais aussi l'assurance et la joie requises.
Dans les communautés ashkénazes et 'hassidiques, on commence à réciter les Seli'hot à partir du samedi soir précédant (d'au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 31er août 2013 vers 1h 30 du matin. Puis on dit les Seli'hot, à partir du lundi 2 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les «bénédictions du matin» ainsi que les bénédictions de la Torah.
On ne commence les Seli'hot qu'en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.
Si possible, on reste debout pendant les Seli'hot, au moins lorsqu'on prononce les «Treize Attributs de Miséricorde» et le «Vidouï» (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les «Treize Attributs» ni les prières en araméen.
L'officiant s'enveloppe d'un «Talit» (châle de prière). S'il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu'il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.
L'endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli'hot, excepté la veille de Roch Hachana (mercredi 4 septembre) où les Seli'hot sont particulièrement longues.
Que fait-on la veille de Roch Hachana (cette année mercredi 4 septembre 2013) ?
On ne récite ni le Ta'hanoune ni les Psaumes 20 et 86 durant la prière du matin. On ne sonne pas le Choffar, afin de marquer la différence entre la coutume (du mois d'Elloul) et l'obligation (de Roch Hachana).
En présence de dix hommes, chacun récite le texte de «Hatarat Nedarim», l'annulation des vœux, afin de ne pas commencer la nouvelle année tant qu'on n'aurait pas accompli tout ce qu'on a promis l'année précédente : en effet, à Roch Hachana, chacun promet de mieux faire. Mais quelle serait la valeur d'une telle promesse si on n'a pas tenu les promesses de l'année précédente ?
Les hommes se coupent les cheveux, s'immergent dans le Mikvé. On revêt les vêtements de fête car on est confiant que D.ieu jugera chacun avec miséricorde.
On augmente les dons à la Tsedaka (charité) en s'assurant que chacun a de quoi faire face aux dépenses de la fête.
Nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière sur les tombes des êtres chers disparus et des Tsadikim (Justes) afin qu'ils intercèdent en faveur de leurs descendants et de leurs fidèles.
De nos jours, on évite de jeûner et on préfère donner à la Tsedaka (charité) l'argent équivalent aux repas consommés (en général une somme multiple de 18).
Qu'est-ce que Erouv Tavchiline ?
On n'a pas le droit, un jour de fête juive, de préparer de la nourriture pour le soir suivant ou le lendemain. Cependant, lorsqu'un jour de fête tombe le vendredi, on prépare avant la fête un aliment cuit au four et un aliment cuit à l'eau, pour montrer qu'on a pensé, avant la fête, à préparer Chabbat.
Cette année, mercredi 4 septembre 2013 (ainsi que mercredi 18 septembre et mercredi 25 septembre), on procédera au Erouv Tavchiline : on prépare une Matsa ou un pain ainsi qu'un mets cuit (viande, poisson ou œuf). On récitera la bénédiction : «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Al Mitsvat Erouv». («Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l'univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné le commandement du Erouv»). Puis on les mettra soigneusement de côté et on les consommera pendant un des repas de Chabbat.
Grâce à cet Erouv, tous les membres de la famille (et les invités) pourront cuire, porter, allumer les bougies et, en général, procéder vendredi à tous les préparatifs pour Chabbat.
L'esquimau et le puzzle
A douze ans, les médecins ont diagnostiqué chez moi une tumeur. Après de multiples opérations et séances de radiothérapie, j'ai été déclaré guéri mais j'ai rechuté à l'âge de seize ans. J'ai à nouveau subi opérations et chimiothérapie et, maintenant, j'ai pu réintégrer la Yechiva où je continue mes études. Voici une histoire qui m'a aidé durant toutes ces périodes difficiles et qui m'a permis d'affronter les difficultés avec le courage nécessaire.
Yutu marche dans la neige, tout au nord du Canada. Il part en expédition pour rapporter du poisson ou du gibier à sa famille.
Tout à coup, il aperçoit un drôle d'objet abandonné dans la neige. Il se penche pour le ramasser : c'est un fin morceau de bois. Une face est lisse, l'autre est en relief. Il est évident que quelqu'un lui a donné aussi une forme particulière, ni droite, ni... qui ne ressemble à rien d'utile : on dirait que cela devrait s'emboîter avec une autre pièce ou même deux... Bizarre.
Yutu est totalement interloqué : pourquoi quelqu'un passerait-il tant de temps à façonner et même peindre ainsi un morceau de bois ?
Evidemment, si Yutu avait eu connaissance du monde moderne et de sa culture, en particulier s'il avait vécu dans une maison où évoluent des enfants, il aurait su qu'il s'agissait d'une pièce d'un puzzle. Non pas un puzzle pour enfants mais un puzzle pour adultes, vous savez le genre de puzzle à mille pièces pratiquement impossible à réaliser en moins de six mois. Si vous lui aviez montré la boîte avec l'image complète – ou, encore mieux, les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf autres pièces – il aurait parfaitement compris et tout aurait trouvé sa place.
Pourquoi des malheurs arrivent-ils à des gens qui n'ont rien fait de mal ? Pourquoi y a-t-il tant de souffrances dans le monde ? Ce sont des questions auxquelles seul D.ieu peut répondre. Mais peut-être la suite de cette parabole peut jeter un peu de lumière et procurer un peu de réconfort, dans une certaine mesure.
Nous sommes comme Yutu l'esquimau, nous ne voyons qu'une petite partie d'un grand tableau. Nous ne voyons qu'une infime partie d'un puzzle cosmique et un nombre minuscule de détails et de morceaux. Ce qu'est vraiment le tableau complet et comment les souffrances et les malheurs s'insèrent là-dedans, cela nous ne le saurons qu'avec la venue du Machia'h qui répondra à toutes nos questions en nous expliquant la structure complète du puzzle.
De plus : ce qui fait l'intérêt du puzzle, c'est justement que nous ne voyons pas le tableau en entier. Une fois que toutes les pièces sont en place, le jeu est terminé, vous pouvez même l'encadrer mais vous ne pouvez plus jouer.
Si nous comprenions la raison de nos malheurs – et, dans mon cas, de la maladie qui m'a éprouvé – et si nous constations immédiatement le lien entre l'action et ses conséquences (négatives ou positives), nous n'aurions plus de libre arbitre. Si le résultat de nos initiatives était évident, seuls des idiots ou des masochistes se comporteraient mal.
Le but de tout cela est que nous puissions choisir de notre plein gré d'agir correctement. D.ieu a voulu créer des anges, Il les a faits. S'il avait voulu que nous aussi, êtres humains, nous soyons des anges, Il nous aurait créés autrement. Il nous a créés avec un corps et toutes les difficultés que cela comporte en termes de tendances à surmonter afin que nous surmontions les épreuves et que nous recevions pour cela d'infinies récompenses.
Revenons à notre esquimau. Yutu n'a pas trop de temps à perdre pour étudier le morceau de bois et le met dans sa poche. Il a beaucoup de travail et le vent glacial rend difficile la méditation... Il se construit un igloo pour s'abriter durant les quelques jours où il va chasser à l'extérieur. Une heure plus tard, l'igloo achevé, il s'installe pour pêcher.
Le soir venu, il se glisse dans son abri de fortune et s'étend sur sa maigre couche. Mais il fait froid, il a du mal à s'endormir. Soudain, il a une idée géniale : il va allumer un feu puisqu'il a du bois dans sa poche ! Heureux, il se lève, allume son feu, y jette la pièce du puzzle et s'endort doucement : demain il pourra travailler de façon efficace.
Le lendemain, Yutu creuse un trou dans la glace et se met à pêcher. Soudain, il aperçoit une silhouette et est tout content : quelqu'un qui va briser la monotonie du désert glacé. Apparemment, l'homme cherche quelque chose par terre. Yutu l'interpelle : c'est Jack, un spécialiste en biologie, diplômé d'Oxford. Il se trouve dans le grand Nord pour effectuer des recherches sur les créatures de la mer Arctique. Cela lui est facilité par son excellente connaissance de la langue des Inuits.
Il explique à Yutu qu'il avait emporté un puzzle de mille pièces pour s'occuper durant les longues nuits polaires mais il a perdu une de ces pièces.
Yutu réfléchit : «Je crois comprendre ce dont vous parlez ! Hier j'ai trouvé un morceau de bois bizarre avec des couleurs. Inutile de le chercher, je m'en suis servi pour me réchauffer ! Je l'ai brûlé !»
En entendant cela, l'homme posé et intelligent, le scientifique éminent et cultivé, civilisé même devient furieux : «Mais pourquoi ? Comment avez-vous osé ? Ce morceau de bois était très précieux pour moi et vous l'avez brûlé !»
Yutu qui n'a pas encore très bien compris ce que sont un puzzle et les jeux éducatifs en général s'étonne de cette brusque manifestation de colère : «Vous venez de m'expliquer que vous possédiez neuf cent quatre-vingt-dix-neuf pièces de ce genre ! Pourquoi tellement s'énerver pour une de plus ? Profitez de vos neuf cent quatre-vingt-dix-neuf pièces et oubliez celle-là !»
Bien sûr, quiconque a joué avec un puzzle sait que si une pièce manque, tout le puzzle reste incomplet, pratiquement sans valeur. Toute l'unité est perdue !
Quand nous constatons qu'il existe environ six ou sept milliards de personnes vivantes autour de nous – et, en ce qui nous concerne, environ quinze millions de Juifs – nous pourrions être tentés de penser : «Quelle différence si j'accomplis une Mitsva de plus ou non ? Croyez-vous vraiment que D.ieu remarque et s'en occupe ? Il existe tant d'autres gens plus importants que moi, je ne compte pas ! D'ailleurs, je dispose de tant de semaines, de milliers de jours, de millions d'heures et de secondes : quelle différence si j'accomplis une Mitsva aujourd'hui ou demain ?»
Telle est la seconde leçon que nous pouvons apprendre du malheureux Yutu : chacun d'entre nous est une partie d'un puzzle cosmique. Peut-être même plus qu'une partie. Peut-être chaque seconde, chaque occasion d'accomplir une Mitsva ou d'étudier la Torah représente une pièce supplémentaire. Chaque personne a une contribution unique, irremplaçable à apporter au grand puzzle de D.ieu. Une fois que toutes les pièces seront en place, la perfection inhérente à la création sera alors évidente aux yeux de tous, ce sera l'époque de Machia'h, quand «la mort sera avalée et disparaîtra pour toujours !»
Que cela se produise très bientôt, maintenant !
Yaakov Raskin – Londres (actuellement Yaakov est moniteur d'une colonie de vacances Camp Sim'ha pour enfants malades) – www.chabad.org.
Traduit par Feiga Lubecki