Et la vie dans tout cela !
A présent, nous le savons : la période que nous vivons est déterminante. Elle est bien plus que l’antichambre du mois de Tichri et de ses grands rendez-vous spirituels, Roch Hachana et Yom Kippour. Elle est ce temps essentiel de préparation pour l’avenir. Car comment vivre pleinement ce qui arrive sans qu’on s’y attende, quand la surprise impose de courir après la réalité du temps qui passe sans jamais parvenir à l’atteindre ? Le mois d’Elloul n’est donc pas simplement un mois utile, il présente un caractère littéralement vital. Sans lui, c’est l’ensemble du mouvement spirituel qui risquerait de nous échapper. Autant dire que chacun ne sera à la hauteur requise par les grandes fêtes si proches que s’il a mené cette œuvre d’élévation préalable. En d’autres termes, c’est aujourd’hui que Roch Hachana et Yom Kippour se façonnent. Allons plus loin : quand on se souvient que ces premières fêtes contiennent d’ores et déjà toute la nouvelle année, cela signifie que tout ce qui va suivre est en germe dans ces jours d’Elloul.
Le lien avec D.ieu, aspiration constante du judaïsme, doit donc prendre une nouvelle puissance. Il doit acquérir une qualité particulière de vie, une de ces qualités qui resplendissent et rayonnent sur tout ce qu’elles touchent. Une date en détient le secret : le 18 Elloul, anniversaire de la naissance du Baal Chem Tov et de l’Admour Hazakène, Rabbi Chnéor Zalman, fondateur du ‘hassidisme ‘Habad. C’est certes là une grande date car elle est liée à deux grands maîtres qui surent ouvrir une voie renouvelée du service Divin et revitalisèrent ainsi des pans entiers du peuple juif. Mais elle ne constitue pas que rappel historique. Elle porte en elle une force que rien ne peut contraindre. Elle est ce qu’est la vie même, vectrice d’infini.
Le 18 Elloul se dit, en hébreu, « ‘Haï Elloul » ou « Elloul vivant » et ce n’est pas un hasard. Mettre de la vie dans l’œuvre spirituelle du mois est son rôle. Mais les dates, aussi propices soient-elles, ne font pas tout. Il y va aussi de notre décision et de notre action tant il est vrai que le potentiel ne se concrétise que par l’effort de l’homme. La nouvelle année et ses bénédictions sont à notre porte, faisons que la vie y entre !
Juste un bouton à presser
Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener « le salut et la délivrance » au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la Volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)
Nitsavim- Vayélè’h
La Paracha Nitsavim comporte certains des principes fondamentaux de la foi juive.
L’unité d’Israël : nous nous tenons tous devant D.ieu, depuis les chefs de tribus jusqu’aux puiseurs d’eau.
La Rédemption future : l’exil et la désolation seront suivis de la réunion de tous sur la terre de nos pères.
La pratique de la Torah : elle nous est accessible, elle est proche de nous et nous avons la capacité de nous y adonner.
Le libre-arbitre : devant nous, sont la vie et le bien, la mort et le mal. Marchons dans les voies de D.ieu, gardons Ses commandements, choisissons la vie.
La Paracha Vayélè’h relate les événements du dernier jour de la vie de Moché sur cette terre. Il transfère sa gouvernance à Yehochoua et écrit un rouleau de la Torah qu’il confie aux Léviim afin qu’ils le conservent dans l’Arche de l’Alliance.
On y lit la Mitsva du Hakhel : au cours de la fête de Soukot, lors de l’année qui suit celle de la Chemita, c'est-à-dire la huitième année, le Peuple entier se réunira dans le Saint Temple où le Roi lira la Torah.
La Paracha s’achève avec la prédiction que le peuple se détournera de D.ieu qui cachera Sa face mais également avec la promesse que les mots de la Torah ne seront pas oubliés par ses descendants.
Alors que Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi séjournait auprès du Maguid de Mézéritch, son maître lui cita le Baal Chem Tov :
Commentant le fait qu’au cours du Chabbat qui précède le mois de Tichri, l’on ne récite pas la bénédiction pour le nouveau mois, le Baal Chem Tov déclara :
« Le septième mois, qui est le premier des mois de l’année, est béni par D.ieu Lui-même et par la force de cette bénédiction, les Juifs peuvent bénir les mois de l’année à venir. »
Le Baal Chem Tov poursuivit, expliquant que la nature de cette bénédiction s’exprime dans la Paracha lue en ce Chabbat :
« La section de la Torah commence par ‘vous vous tenez debout aujourd’hui…’ »
« Aujourd’hui » se réfère à Roch Hachana, le Grand Jour du Jugement.
« Vous », c’est-à-dire l’ensemble du Peuple juif, vous tenez forts et fermes.
Et selon le commentaire de Rachi sur le mot « aujourd’hui » : « Tout comme le jour perdure et brille, ainsi D.ieu brille-t-Il pour vous et continuera à briller pour vous. », c’est la bénédiction de D.ieu pour le septième mois qui est plein et remplit les autres mois, apportant au Peuple juif beaucoup de bien pour toute l’année. »
De nombreuses perspectives peuvent être tirées de cette déclaration. En soulignant le fait que Roch Hachana est le Jour du Jugement, le Baal Chem Tov met l’accent sur la force du Peuple juif.
Clarifions ce concept avec un point de la Hala’ha (Loi Juive).
Un Chtar (document légal) qui a été soumis à un questionnement puis vérifié par une cour législative est plus fort qu’un Chtar ordinaire. Ce dernier peut faire l’objet d’une remise en question par la cour. En revanche, une fois que la cour a vérifié le Chtar, son authenticité ne peut jamais être démentie.
Par le jugement de Roch Hachana, l’intégrité du Peuple juif est examinée et malgré tout, « vous vous tenez forts et fermes », les Juifs reçoivent donc ainsi une force supplémentaire.
Le même concept est lié au service essentiel du mois de Tichri : le service de la Techouvah (le retour à D.ieu). Le Baal Chem Tov explique qu’un Baal Techouvah (celui qui est revenu à D.ieu) possède un avantage sur celui qui n’a jamais fauté. Ce dernier n’a jamais été confronté à un défi et nul ne sait comment il aurait réagi, le cas échéant. Par contre, un Baal Techouvah a testé le péché mais s’en est séparé par la suite. Il a conquis ses impulsions et a fait preuve d’une force d’engagement supérieure. C’est pourquoi le Talmud commente : « Un Tsaddik (Juste) parfait ne peut se tenir devant un Baal Techouvah. »
Une autre idée peut être suggérée à partir des paroles du Baal Chem Tov. Il déclare que le mois de Tichri « apporte au Peuple juif beaucoup de bien pour toute l’année. »
Cela ne signifie pas, à D.ieu ne plaise, que les bénédictions apportées par le mois de Tichri sont spécifiquement confinées dans cette année. En fait, elles affectent toutes les années à venir. Une « année » est un cycle temporel complet qui ne cesse de se répéter. Il inclut toutes les possibilités de changement et de variation dans les saisons, dans le temps, etc. Cela signifie, en d’autres termes, que les bénédictions de Tichri s’appliquent à d’autres époques qui peuvent également arriver dans les années futures.
(Ce concept n’annule pas la possibilité pour D.ieu d’augmenter Ses bénédictions d’une année sur l’autre, selon le principe : « les sujets de sainteté doivent être réactualisés.)
Cette notion est évoquée en allusion dans le mot Chana (« année ») qui est lié au mot Chéni signifiant « répétition » (dans un sens plus large).
(Le mot Chana est également lié au mot Chinouï qui signifie « changement », impliquant qu’il y a des variations d’une année à l’autre. Cependant, son sens premier est Chéni, « répéter ».)
Telle est la bénédiction de D.ieu pour l’année à venir. Puisque « la Parole de D.ieu est considérée comme une action », nous pouvons avoir l’assurance d’une bonne année, d’une année pleine de bonheur. Puis ce bonheur brisera toutes les barrières, y compris les barrières de l’exil et apportera la Rédemption ultime et complète.
* * *
Il est adéquat de mentionner l’importance de Ha’hnassat Or’him, la Mitsva de recevoir des invités. Les invités sont confrontés à de nombreuses difficultés. Pour leur rendre les choses plus faciles, certains se sont engagés à leur donner le gite et le couvert. Ces gens sont dignes de grandes louanges. Cependant cela ne doit pas empêcher d’autres de suivre leur exemple. Bien au contraire, tous, y compris ceux qui sont engagés dans l’étude de la Torah, doivent faire un effort dans ce sens.
(Même celui qui consacre tout son temps à l’étude de la Torah doit s’arrêter quelque temps si on lui offre « de l’or, de l’argent et des pierres précieuses. » C’est pourquoi, il convient qu’il s’interrompe pour accomplir la Mitsva de A’hnassat Or’him. Ce principe se trouve renforcé par la déclaration de nos Sages selon laquelle durant le mois d’Éloul, il est adéquat de prendre un peu de son temps consacré à l’étude de la Torah pour le mettre au service de la prière. La Tsedaka est une préparation à la prière. Il convient donc de prendre du temps de sa propre étude et d’aider les invités arrivés pour les fêtes.)
En outre, les besoins spirituels des invités doivent être comblés. Des cours doivent être organisés pour leur permettre d’étudier au moins Pérèk E’had, « un chapitre », une session d’étude le matin et une le soir. Ce qui précède s’applique aux hôtes tout comme aux invités. Ils doivent étudier les lois de la fête ainsi que des textes qui mènent à l’amour et à la crainte de D.ieu. A Roch Hachana, le principe de l’unité juive est fortement accentué. C’est pourquoi ces activités servent de préparation convenable à la fête.
Qu’est-ce que les Seli’hot ?
Les Seli’hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte, l’humilité mais aussi l’assurance et la joie requises.
Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 12 septembre 2020 vers 1 heure 30. Puis on dit les Seli’hot, à partir du lundi 14 septembre jusqu’au vendredi 18 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les « bénédictions du matin » ainsi que les bénédictions de la Torah.
On s’efforcera de lire les Seli’hot en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.
Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les « Treize Attributs de Miséricorde » et le « Vidouï » (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les « Treize Attributs » ni les prières en araméen.
L’officiant s’enveloppe d’un « Talit » (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.
L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (vendredi 18 septembre) où les Seli’hot sont particulièrement longues.
La promesse du naufragé
C’est en pleine crise du corona qu’Amit Mindel, un jeune Israélien, originaire de Jérusalem décida d’entreprendre le tour du monde en bateau.
Alors que les pays fermaient leurs frontières les uns après les autres pour se protéger de la terrible pandémie, Amit se mit en route, sans porter beaucoup d’attention aux signaux alarmants qui laissaient pourtant prévoir de lourdes conséquences.
Il commença par l’ouest de l’Inde, en ayant recours à du « bateau-stop maritime » puis arriva jusqu’aux îles Caraïbes : là il put apprécier des paysages à couper le souffle, des volcans fumants, des merveilles botaniques, des forêts vierges denses et sans doute jamais explorées. Il était émerveillé par ces découvertes, sans doute uniques au monde mais il lui fallait encore d’autres aventures : son prochain but était la Martinique.
Là, tout se compliqua. Amit rencontra un marin italien qui l’assura qu’il l’amènerait à Cuba en bateau. Ce n’est que plus tard qu’Amit réalisa, à ses dépens, qu’il avait mal choisi son compagnon de voyage.
Alors qu’ils étaient bien éloignés des côtes, une tempête éclata : des vents puissants suscitaient des vagues monstrueuses et leur frêle embarcation connut bien des déboires : le marin « expérimenté » n’était pas à la hauteur du défi. Ce fut une période cauchemardesque mais, enfin, ils aperçurent au loin les lumières du port de Cuba. Soulagés, les deux compagnons se voyaient déjà sur la terre ferme où ils pourraient enfin se reposer. Ils étaient loin de se douter qu’ils n’étaient pas au bout de leurs peines.
Les autorités ne les laissèrent pas entrer : l’île s’était elle aussi barricadée et interdisait son accès à tous les étrangers, porteurs éventuels du terrible virus. Toutes les supplications d’Amit et son compagnon, dans toutes les langues possibles, laissèrent les policiers de marbre : il y avait une épidémie, il n’y avait pas moyen d’entrer !
Il n’y avait pas le choix, les deux amis durent reprendre la mer et se dirigèrent vers la République Dominicaine. Là aussi, des soldats lourdement armés montaient la garde le long de la plage et pointaient leurs fusils contre tout migrant ou contrebandier qui oserait tenter d’accoster sur l’île. Le même « accueil » leur fut réservé à St Domingue et en Jamaïque.
Amit et son compagnon italien étaient contraints de reprendre leur voyage sur leur navire de fortune qui n’avait pas été conçu pour rester si longtemps en mer et qui présentait de sérieux dommages. Mais leur problème essentiel était la nourriture ! Les provisions qu’ils avaient embarquées diminuaient et les autorités portuaires des différentes îles n’avaient pas voulu leur fournir quoi que ce soit. Ils n’étaient pas loin des côtes mais refoulés de partout et abandonnés à eux-mêmes, sans eau ni nourriture ! Pourquoi ? Parce qu’ils n’avaient pas d’argent : en effet, pour leur malheur, leurs cartes de crédit ne fonctionnaient plus.
Seuls et rejetés de tous, affamés et assoiffés, ils eurent néanmoins la chance d’apercevoir une île perdue : Amit nagea avec le peu de forces qui lui restaient et parvint clandestinement à poser le pied sur la plage. Là il trouva des bananes, des noix de coco et des mangues qu’il rapporta dans le bateau, ce qui leur permit d’apaiser un peu leur faim et de réfléchir à leur situation. Soudain Amit eut une idée : Beth ‘Habad ! Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ? Il allait contacter la police locale et lui demander de contacter pour eux le Beth ‘Habad de la Jamaïque qui aiderait certainement un Israélien naufragé et traumatisé.
Ce fut le début du sauvetage. La police téléphona à Rav Yaakov Raskin, le représentant du Beth ‘Habad mais celui-ci se trouvait lui aussi bloqué, à New York, à cause de l’épidémie. Quand il entendit ce qui se passait, il ne perdit pas de temps et fit jouer ses relations en Jamaïque afin d’obtenir, dans un premier temps, de quoi manger pour les deux naufragés.
La fête de Pessa’h approchait. Inquiets, les parents d’Amit se mirent en rapport avec le consul israélien de Jamaïque mais celui-ci ne parvenait pas à faire avancer quoi que ce soit. Pendant ce temps, la situation mentale des naufragés, à bout de forces devant toutes ces difficultés inattendues, s’aggravait et les parents d’Amit comprirent qu’il fallait agir vite : ils supplièrent Rav Raskin de trouver une solution rapide. Celui-ci contacta un avocat qu’il connaissait bien et qui activa tout son carnet d’adresses juridiques afin que les deux compagnons puissent enfin accoster. Finalement, la permission leur fut accordée à condition bien sûr qu’ils se placent en quarantaine jusqu’à ce qu’on soit sûr qu’ils n’étaient pas porteurs de la maladie. Amit put alors rentrer en Israël en passant par New York.
Dès que son avion se posa à New York, Amit décida d’aller directement de l’aéroport voir Rav Raskin pour le remercier face à face de ses efforts en sa faveur. Après un mois et demi passé en mer dans une embarcation de fortune, Amit tenait à faire connaissance de son sauveur. Bien entendu, Rav Raskin lui proposa de mettre les Téfilines pour remercier D.ieu de l’avoir sauvé « contre vents et marées », ce qu’Amit accepta bien volontiers.
Ému jusqu’aux larmes, ces larmes qu’il avait si longtemps refoulées, Amit s’engagea fermement à mettre les Téfilines tous les jours de semaine en signe de reconnaissance envers son Créateur - ainsi qu’il le précisait lui-même.
www.chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki