Editorial
Vivre le 3 TamouzLa vie de l’homme se construit jour après jour. C’est pourquoi chacun des instants qui la compose est précieux et nécessaire. Elle donne toutes ces occasions-là – spirituelles – qui peuvent changer une vision, une existence, donner un sens aux choses. Le calendrier ne fait pas exception à ce qui paraît bien être une règle fixée au cœur de la création.
Ainsi, c’est en ce Chabbat que revient le 3 Tamouz, le jour du départ de ce monde du Rabbi. Un tel jour est grand et solennel, chargé de puissance aussi. Comment pourrait-on le vivre si on se contentait de laisser filer les heures et d’y arriver comme par accident ? Comment pourrait-on en ressentir le caractère infini sans, au préalable, s’être efforcé de sortir de ses propres limites ? Peut-être une clé est-elle cachée ici ? Peut-être tout tient-il en quelques mots si faciles à comprendre et à dire et parfois si difficiles à mettre en œuvre : se préparer et le vivre intensément ?
La parabole ‘hassidique est connue : dans un petit village vivait un homme qui, toujours fatigué, n’aspirait jamais qu’au sommeil. Arriva Roch Hachana. Sa femme se leva de bon matin pour se rendre à la synagogue et tenta, en vain, de le réveiller. La prière commença, avança et l’homme manquait toujours. Sa femme vint, à plusieurs reprises, pour tenter de le réveiller, sans plus de succès. Ce fut l’heure de la sonnerie du Choffar. Cette fois, la digne épouse courut à la maison avec une énergie décuplée. Elle supplia son mari endormi : «C’est le Choffar, lève-toi !». Les mots se frayèrent leur chemin jusqu’au cerveau et au cœur du dormeur et il se leva d’un bond tandis que sa femme repartait. Affolé à l’idée de manquer la cérémonie, il ne réfléchit à rien et c’est dans son vêtement de nuit, encore ébouriffé, qu’il apparut dans la synagogue, vite et trop tard conscient de son… impréparation.
Le 3 Tamouz approche. Il est déjà présent. Il n’en est que temps : s’y préparer est indispensable pour y puiser tout ce qu’il nous donne. Car, quoi qu’il en soit, la journée est essentielle. Mais il dépend de nous de nous en saisir. Comment ? L’étude, la charité, le retour à D.ieu ouvrent décidément toutes les portes. Puisse cela nous conduire enfin à la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
La voix et les mainsLe texte de la Torah (Gen. 27 : 22) enseigne : «La voix est celle de Jacob et les mains sont celles d’Esaü». Sachant que Jacob représente le peuple juif et que Esaü est l’ancêtre de l’empire romain, les Sages donnent à cette phrase un sens plus profond. Quand on entend la «voix de Jacob», celle de la Torah, disent-ils, alors les «mains d’Esaü», sa force matérielle, n’ont aucun pouvoir. Mais, quand la voix de la Torah s’affaiblit, les mains d’Esaü peuvent l’emporter.
Cette idée se concrétisa à l’époque de la destruction du Temple. C’est ce que dit le prophète Jérémie : «Pourquoi la Terre a-t-elle été perdue ? Car ils ont abandonné Ma Torah». En notre temps, par l’étude renforcée de la Torah, nous pouvons donc annuler la cause de l’exil et ainsi amener la Délivrance.
(D’après Likoutei Si’hot, vol. III – Parachat Toledot) H.N.
Vivre avec la Paracha
Kora’hLa Paracha de cette semaine relate l’épisode de la floraison du bâton d’Aharon. Kora’h et sa faction rebelle avaient contesté le droit d’Aharon à la kehounah guedola (grande prêtrise). Pour réitérer Son choix d’Aharon pour Le servir dans le Sanctuaire, en tant que représentant du Peuple juif, D.ieu ordonna à Moché :
«Prends …un bâton de chacun des chefs (de tribus)… chacun écrira son nom sur son bâton… Ecris le nom d’Aharon sur le bâton de Lévi… et l’homme que Je choisirai (verra) son bâton fleurir…»
Moché plaça chaque bâton devant D.ieu dans le Sanctuaire… Le jour suivant… voici que le bâton d’Aharon fleurissait. Il faisait jaillir des fleurs, produisait des fruits et portait des amandes mûres. (Bamidbar 17 : 16-24)
Dans un discours délivré, Chabbat Kora’h 5741 (1991), le Rabbi cite cet épisode comme exemple classique de ce qu’il appelle «un miracle naturel». D.ieu ne fit pas seulement apparaître des amandes sur le bâton d’Aharon, mais Il stimula le processus naturel tout entier, faisant bourgeonner, fleurir, émerger et mûrir le fruit, comme le rapportent les versets cités, signe que toutes les étapes pouvaient être perçues sur le bâton d’Aharon. Ce bâton défiait les lois et les restrictions de la nature tout en se conformant aux phases de la pousse naturelle de l’amande. Il transcendait la nature selon les propres termes de la nature.
En d’autres termes, dit le Rabbi, il existe deux formes de miracles :
a) un miracle «provocateur» qui dépasse et déplace les normes naturelles ; créant une réalité totalement contraire aux lois de la nature.
B) un miracle naturel qui, tout aussi «impossible» selon les standards normaux et manifestant aussi clairement l’intervention de la main de D.ieu, a néanmoins lieu selon des phénomènes et des processus naturels.
Pour comprendre la différence entre ces différents types de miracles, il nous est nécessaire d’observer le but général des miracles.
Le mot hébreu pour «miracle», ness, signifie «en haut» et «élevé». La régularité et la prédictibilité de la nature créent ce que l’on appelle des «lois» : «c’est ainsi que cela se passe» dit l’ordre naturel et vous ne pouvez que vous conformer à cette réalité définie et jalonnée. La vérité, néanmoins, est tout autre. L’homme et son monde ont été imprégnés par leur Créateur du potentiel d’élever leur existence, d’aller au-delà de ce qui est dicté par l’affirmation que «c’est ainsi que cela se passe». Un miracle, avec son expression manifeste de puissance divine, a un effet qui élève ceux qui le vivent. Il les inspire à transcender les limites perçues de leur propre nature et les normes acceptées dans leur société.
A première vue, il semblerait que le «besoin» du miracle naturel de recourir à un processus naturel en fasse un miracle moindre. En réalité, un miracle qui s’opère à travers la nature est encore plus grand, (plus «miraculeux»). Un miracle qui provoque des bouleversements ne transforme pas la nature. Il ne fait que la dépasser. Mais quand un miracle s’intègre dans le processus de la nature elle-même, elle s’en trouve élevée. Il libère ainsi la substance de l’ordre naturel lui-même.
Le jour où le soleil s’immobilisa
On lit habituellement la Paracha de Kora’h au début du mois de Tamouz. Le Chabbat lors duquel le Rabbi parla des miracles concernant le bâton d’Aharon était le 3 Tamouz. Il rapporta deux autres exemples historiques de «miracles naturels» s’étant produits à cette date.
Le 3 Tamouz 2488 (1273 avant l’ère commune), Yehochoua conduisait le Peuple Juif dans l’une de ses batailles pour conquérir la Terre d’Israël. La victoire était imminente mais l’obscurité tombait. «Soleil ! », proclama Yehochoua, « arrête-toi à Givon. Lune, dans la vallée d’Ayalon ! » Les corps célestes s’exécutèrent, arrêtant leur progression dans le ciel jusqu’à ce que les Hébreux mènent leur combat à la victoire.
Nos Sages ont affirmé que «D.ieu n’accomplit pas un miracle en vain». Pourquoi donc ces bouleversements astronomiques effectués à la demande de Yehochoua ? N’aurait-il pas été suffisant d’accomplir un miracle plus limité, comme simplement illuminer le site de la bataille ? Mais un tel prodige suscitant une lumière «artificielle» aurait impliqué que les lois de la nature soient simplement dépassées et non transformées. Pour inspirer le Peuple non seulement à transcender leur moi naturel mais aussi à le transformer et le sublimer, D.ieu voulut que la lumière miraculeuse dont ils bénéficièrent fut la lumière naturelle du soleil, quand bien même cela impliquait de créer un nouvel ordre naturel dans les cieux.
Un miracle par étapes
Le second «miracle naturel» associé au 3 Tamouz se produisit 3199 ans plus tard, cette fois en termes encore plus naturels (et donc plus miraculeux). Le 3 Tamouz 5687 (1927), le sixième Rabbi, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn fut libéré de la prison de Spolerne, à Leningrad (aujourd’hui Petersbourg).
Rabbi Yossef Its’hak avait été arrêté par les agents de la GPU (police secrète soviétique, précurseur du KGB) à cause de ses efforts pour soutenir la vie juive sous le régime communiste. Il avait été condamné à mort, à D.ieu ne plaise, mais la pression internationale avait obligé le régime soviétique à commuer cette condamnation en une sentence de dix ans de travaux forcés en Sibérie. Le 3 Tamouz, il fut libéré de prison et envoyé en exil.
Neuf jours plus tard, le 12 Tamouz, une nouvelle phase de la libération du Rabbi se produisit : un ordre le libérant et l’autorisant à retourner chez lui à Leningrad. Au bout de quelques mois, il put quitter le pays. D’au-delà des frontières d’URSS, le Rabbi continua à diriger son réseau clandestin d’émissaires et d’activités, d’aide matérielle et spirituelle aux Juifs des quatre coins de « l’empire soviétique ».
Dans une lettre écrite à l’occasion du premier anniversaire de sa libération, Rabbi Yossef Its’hak écrit : «Ce n’est pas que moi qu’a sauvé D.ieu en ce jour… mais aussi chacun ce ceux qui portent le nom «Israël». Rabbi Yossef Its’hak l’avait emporté sur ceux qui cherchaient à détruire la vie juive en Union soviétique. Eux-mêmes avaient dû concéder qu’ils n’avaient aucun droit d’empêcher la pratique juive de sa foi. Maintenant, conclut le Rabbi dans son discours de 1991, après plus de 60 ans, nous avons eu le privilège d’être les témoins d’une autre réalisation de la victoire du Rabbi et du Judaïsme russe. La transformation miraculeuse qui a lieu dans ce pays est la suite du miracle auquel nous avons assisté le 3 Tamouz 1927 !
Nous avons ici un «miracle naturel» du plus grand ordre. D’une part, c’est une chaîne d’événements qui transcendent toutes les lois et les normes naturelles. Suggérer, dans les années les plus sombres du stalinisme, qu’un individu seul puisse contester le «droit» du tout puissant parti à déraciner le Judaïsme en Union soviétique et persévérer, suggérer que l’oppression de centaines de millions d’âmes se relâcherait, en d’autres termes, prédire 1991 en 1927, aurait été aussi incroyable que dire que le soleil changerait son cours.
Mais en même temps, c’était un «miracle naturel» comme l’accentue le fait que tout d‘abord la libération du Rabbi impliquait l’acceptation de ceux qui l’avaient arrêté puis condamné et d’autre part que la victoire ne fut pas immédiate ni complète mais vint par étapes qui se déroulèrent pendant un certain nombre d’années.
C’est là la leçon du 3 Tamouz, dit le Rabbi : ne pas être intimidé par les limites des normes naturelles, pas plus que les désavouer. Nous devons travailler en leur sein pour les élargir et les étendre, faire que la nature de la vie elle-même soit miraculeuse.
Le Coin de la Halacha
Coutumes liées au jour de la Hilloula du Rabbi 3 Tamouz (cette année samedi 23 juin 2012)Le Rabbi avait fixé un certain nombre de coutumes à respecter à l’occasion de la Hilloula du Rabbi précédent. Ce sont ces mêmes coutumes qui ont été reprises pour le 3 Tamouz. En voici quelques-unes :
• On allumera une bougie de vingt-quatre heures depuis vendredi soir 22 juin.
• Pendant chacune des trois prières du jour, cinq bougies resteront allumées devant l’officiant.
• La veille, on donnera de la Tsedaka (charité), au nom de chacun des membres de sa famille, pour une institution du Rabbi.
• On consacrera un moment dans la journée pour parler du Rabbi et de sa grande Ahavat Israël (amour du prochain) à sa famille et son entourage.
• On étudiera les chapitres de Michnayot correspondant aux lettres qui constituent le nom du Rabbi.
• On étudiera les enseignements du Rabbi.
• On aura rédigé un « Pane », « Pidyone Néfech », une lettre de demande de bénédictions (en y précisant les prénoms et les prénoms des mamans de chacun) qui sera lue sur le Ohel du Rabbi.
N° de fax du Ohel : 00 1718 723 44 44
N° de fax du Beth Loubavitch : 01 45 26 24 37
Adresse du Ohel : 226-20 Francis Lewis Blvd – Cambria Heights, New York 11411
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
De Recit de la Semaine
Un ami de tous temps, un ami pour toujours !Un ‘Hassid de Boyan fut engagé l’année dernière comme ‘Hazane (cantor) pour les offices des grandes fêtes à Melbourne (Australie). Rav Mottel Krasnjanski remarqua que, de temps en temps, cet excellent ‘Hazane s’arrêtait, regardait un papier qu’il avait placé sur son pupitre à côté de son livre puis reprenait la prière. Après l’office, le Rav lui demanda ce qui était écrit sur ce papier.
- Il y a vingt ans, répondit-il, je m’étais rendu chez le Rabbi de Loubavitch un dimanche quand il distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité). J’informai le Rabbi que j’allais assurer les offices dans une certaine synagogue. Le Rabbi remarqua alors : «Il faut se rappeler qu’on adresse sa prière à D.ieu !» J’appréciai la remarque mais ne la pris pas vraiment au sérieux. Après les fêtes, je réalisai soudain que j’avais été tellement préoccupé pendant la prière à me souvenir des mélodies, à créer les émotions justes dans le cœur des fidèles avec ma belle voix que, de fait, je n’avais pas vraiment pensé à D.ieu. Je réalisai alors que le Rabbi ne m’avait pas seulement donné «un joli mot de Torah» mais il m’avait guidé et suggéré une idée importante. Depuis ce jour-là, chaque fois que j’officie dans une synagogue, je consulte de temps en temps ce morceau de papier pour être sûr de ne pas oublier l’essentiel !
- Mais qu’est-ce qui vous a amené chez le Rabbi ?
- Voilà ! Quand j’étais jeune, je me rendais souvent au Mont des Oliviers qui, à l’époque, était encore un endroit sûr. Devant la tombe de Rabbi ‘Haïm Ben Moché Benattar, j’étudiai chaque semaine son commentaire Or Ha’hayim sur la Torah. Mais un jour, en me retournant, j’aperçus derrière moi un Arabe qui brandissait un poignard. Pétrifié, je suppliai le saint Or Ha’hayim qui était enterré à cet endroit de me protéger. Effectivement, l’Arabe si menaçant fut soudain comme pétrifié puis il s’enfuit à toutes jambes ! Je le poursuivis puis continuai ma course pour rentrer chez moi au plus vite. Après cet incident, ma femme insista pour que j’abandonne cette habitude hebdomadaire qui risquait de me coûter la vie. Je n’étais pas d’accord. Elle insista tant et si bien que je proposai d’envoyer une lettre au Rabbi de Loubavitch pour lui demander son opinion. Quelque temps plus tard, la réponse arriva. Le Rabbi écrivait : «Demandez l’avis d’un Rav». Je partis donc consulter un décisionnaire reconnu, le regretté Dayan Yits’hak Weiss. Il réfléchit et trancha : «Si le Rabbi avait voulu vous interdire de vous rendre sur la tombe du Or Ha’hayim, il l’aurait dit. Apparemment il désire que vous continuiez mais avec la force supplémentaire d’un Psak Hala’ha, d’une décision rabbinique. Je tranche donc que vous pouvez continuer d’aller étudier sur le Mont des Oliviers !» Ce que je fis et ce fut mon premier contact avec le Rabbi.
- Et après ? Au fait, pourquoi aviez-vous demandé l’avis du Rabbi ? Vous n’êtes apparemment pas un ‘Hassid de Loubavitch !
- Effectivement ! Ma femme avait mis au monde des jumeaux. Au bout de quelques années, l’un d’entre eux tomba gravement malade. Nous avons consulté plusieurs médecins, nous avions demandé la bénédiction de plusieurs Tsadikim. Quelqu’un nous suggéra de demander aussi celle du Rabbi de Loubavitch. Il nous répondit de demander «l’avis d’un médecin ami spécialisé». Nous étions très surpris, surtout que nous ne connaissions aucun docteur, spécialiste de surcroît, que nous pouvions qualifier d’ami. Nous avons pris rendez-vous chez un autre spécialiste que nous ne connaissions pas, réalisant ainsi au moins une partie de l’injonction du Rabbi. Imaginez notre surprise quand, lorsque nous sommes entrés dans son bureau, le médecin m’accueillit en ces termes : «Ah ! Mon ami est là ! En quoi puis-je vous aider ?» Il examina l’enfant et prescrivit un traitement qui s’avéra par la suite tout à fait satisfaisant, D.ieu merci. Je lui demandai toutefois à la fin de la consultation pourquoi il m’avait appelé son «ami» alors que nous ne l’avions jamais rencontré auparavant et qu’il ne connaissait rien de nous ! «Je n’en sais vraiment rien moi-même ! s’excusa-t-il. Tout ce que je peux dire, c’est que, quand vous êtes entré dans le bureau, j’ai ressenti une grande proximité chaleureuse avec vous et c’est pourquoi je vous ai appelé mon ami !» Je lui racontai alors ce que le Rabbi m’avait recommandé et qui était la cause de cette consultation. Le médecin fut alors lui aussi émerveillé de cet incroyable enchaînement d’événements ainsi que de la sainteté et de la puissance des mots du Rabbi. Il promit de faire tout son possible pour notre enfant et refusa tout paiement.
Vous voyez, conclut le ‘Hazane, que mon expérience et ma relation avec le Rabbi datent de longtemps et ont affecté ma vie personnelle, familiale et professionnelle de façon continue !
Pour moi, c’est le Rabbi qui sera toujours mon véritable ami !
Eli Noson Silberberg – L’Chaim n°1177
Traduit par Feiga Lubecki