Semaine 25

  • Kora’h
Editorial
10 ans

Il existe des temps que nul ne peut oublier, des dates qui, au fil des années, prennent une résonance croissante, semblent s’inscrire dans notre conscience avec une force encore accrue Alors que revient le 3 Tamouz, chacun sait que ce jour est différent de tous les autres.
C’était il y a 10 ans, le 3 Tamouz devenait le jour du départ de ce monde du Rabbi. Beaucoup a été dit depuis cet événement : la présence de l’enseignement du Rabbi qui ne se dément pas, l’inspiration et l’énergie qui s’en dégagent, chaque jour démultipliées, l’action de ses envoyés aux quatre coins du monde qui poursuivent cette œuvre aux enjeux d’éternité. De fait, de telles idées ne perdent jamais leur actualité et, dans cette optique, le 3 Tamouz est aussi une date comme un point de référence tant sont importantes les choses qui s’y mesurent.
Il faut, toutefois, se garder de faire de ce jour un simple anniversaire en se contentant d’égrener les années qui passent. Le 3 Tamouz est d’abord porteur d’une puissance qu’il nous appartient de partager. Cette année est ainsi la dixième et ce chiffre n’a rien d’anodin. Dix, c’est dans la tradition juive, celui d’une certaine perfection et d’une force profonde. Au-delà de la plénitude qu’il semble incarner naturellement, dix c’est aussi le nombre des degrés spirituels dans l’âme humaine aussi bien que dans les attributs divins. Ce n’est ici pas le fait du hasard ni une sorte d’astuce plus ou moins mnémotechnique. “Le dixième sera saint” disent les textes. Si le “10” n’est pas encore un aboutissement, il est, en tout cas, une étape essentielle où tout peut recevoir une vigueur telle qu’elle efface toutes les barrières, brise tous les obstacles. En d’autres termes, avec ce 3 Tamouz, c’est comme dans un monde nouveau que nous entrons. Une terre inconnue s’ouvre devant nous et elle est celle de tous les possibles.
Cependant, tout acte essentiel doit avoir une fondation. Ainsi ce 3 Tamouz doit-il être celui du bilan. Quels ont été les accomplissements depuis 10 ans ? En quoi chacun a-t-il pris part à ce grand mouvement qui, dans ces dix dernières années, nous emmène chaque jour plus près de la venue de Machia’h ? Ce sont ces questions-là qui, à présent, nous sont adressées. En y répondant, nous ne ferons pas que tenter d’apporter une bien inutile justification à un temps écoulé. Nous mettons en perspective ces dix ans et, porteurs de la dynamique qu’ils incarnent, nous pénétrons dans un champ d’action nouveau qui bouleverse la donne. Nous transformons radicalement nous-même et le monde qui nous entoure. Tout à la fois, nous voyons et faisons naître le Bien autour de nous. Et si les ombres semblent parfois grandir, nous savons aussi que la lumière est toujours victorieuse.
C’est cette vision-là que le Rabbi nous a donnée comme un héritage. Depuis 10 ans, chacun en a suivi les développements et les avancées. Aujourd’hui, au jour du 3 Tamouz, chacun peut la regarder prendre un élan nouveau. Chacun, conscient de ce qui a été accompli, pénétré du sens de l’espoir et de l’attente, ressent, de manière concrète, que le temps est venu : celui où la volonté, l’action et la réussite prennent une ampleur que personne ne pouvait jusqu’ici soupçonner.
Décidément, c’est bien à un passage que nous nous trouvons. La lumière grandit, chacun en voit le frémissement. Le Rabbi, par son enseignement, nous conduit avec force vers le but ultime de l’effort : la venue de Machia’h. 10 est un chiffre de perfection est-il enseigné par les commentateurs. Puisse ce Tamouz des 10 ans être celui où une telle notion rencontre la plénitude de sa concrétisation.
Etincelles de Machiah
Une perception nouvelle

A propos de la venue de Machia’h, le prophète déclare (Jérémie 31 : 33) : “ Et l’homme n’enseignera plus à son prochain et à son frère en disant : “Connaissez D.ieu” car tous Me connaîtront du petit au grand ”.
La notion de connaissance doit être ici précisée. En effet, il est clair qu’il ne s’agit pas d’une simple connaissance intellectuelle, qui ne peut être que lointaine, mais bien d’une authentique vision directe de l’essence même. Cette dernière est littéralement comparable à la vision que l’on peut porter sur son prochain, qui correspond à une connaissance profonde et personnelle.
C’est la raison pour laquelle plus personne n’enseignera à l’autre. En effet, une telle démarche serait appropriée pour une connaissance à caractère intellectuel. En revanche, s’agissant de cette approche directe, elle ne peut qu’exister au même degré chez chacun. C’est également ce que veut dire le prophète Isaïe (11 : 9) lorsque, décrivant cette période, il annonce : “La terre sera pleine de la connaissance de D.ieu comme l’eau recouvre le fond des mers”. Toute dissimulation de la Divinité aura alors disparu.
Au moment du Don de la Torah, nos ancêtres firent une expérience du même type. C’est celle-ci que nous revivrons.

(d’après Chaar Haémounah p. 61)
H.N.
Vivre avec la Paracha
Moïse est la vérité et sa Torah est la vérité

La Paracha de Kora’h nous décrit la façon dont celui-ci entraîna une bande de 250 hommes à se révolter contre Moïse et Aharon. Nos Sages relatent qu’à la fin de l’épisode, les rebelles admirent leur erreur et déclarèrent: “Moïse est la vérité et sa Torah est la vérité”. Bien que Kora’h et ses hommes se soient révoltés contre Moïse également, le simple contexte des versets semble indiquer que leur principale querelle était portée contre Aharon. C’est pourquoi quand Aharon voulut savoir: “pourquoi vous élevez-vous au-dessus de la congrégation de D.ieu?”. Moïse répondit que les rebelles et Aharon devraient présenter des encens et “celui qui est choisi par D.ieu est celui qui est saint”, c’est-à-dire le Grand Prêtre approprié.
Puisque la principale cible de leur plainte était Aharon, la reconnaissance de leur erreur aurait dû consister dans des paroles simples:
“la Torah de Moïse (dans laquelle il est dit qu’Aharon doit être le Grand Prêtre) est vraie”. Pourquoi ajoutèrent-ils: “Moïse est la Vérité”. Cette révolte de Kora’h présente un fait encore plus étonnant. Le Talmud déclare que “celui qui prolonge une querelle transgresse un commandement positif, car le verset enjoint:
“Ils ne seront pas comme Kora’h et sa faction”. Comment peut-il être affirmé que celui qui prolonge une querelle, aussi banale soit-elle, est comparable à Kora’h et sa faction alors que ces rebelles tendaient à remettre en question l’authenticité même de la Torah de Moïse?
Nous devons en conclure que leur tout premier péché résida dans le fait de la querelle elle-même. Cela va dans le sens du commentaire de nos Sages qui affirment que Moïse redoutait moins la révolte elle-même que la querelle qu’elle allait engendrer. “Moïse entendit cela et se jeta sur sa face”, “à cause de la querelle” (Bamidbar et Rachi 16:4). En fait le nom même de Kora’h, une description de sa personnalité, est lié au verbe Kar’hah qui signifie déracinement, séparation et division. A propos de la Torah, le verset énonce: “ses voies sont plaisantes et ses chemins sont pacifiques”. Plus encore, la Torah nous fut donnée “pour apporter la paix dans le monde”. C’est pourquoi la querelle et la dissension en sont l’antithèse comme celle de Moïse puisqu’elle est appelée d’après son nom, “la Torah de Moïse”.
Bien que la phrase “celui qui aime la paix et poursuit la paix” se réfère à Aharon, (cela étant le sens même de la querelle entre Kora’h et Aharon), le principal grief de Kora’h se portait contre Moïse. En effet, la nomination d’Aharon comme Grand Prêtre provenait de l’ordre donné dans la Torah, précisément par l’intermédiaire de Moïse. Plus spécifiquement, l’aspect esssentiel de la paix, la Torah, était l’attribut de Moïse. C’est pourquoi celui-ci se retirait de la matérialité. Ainsi, quand le Peuple Juif demanda de la viande, il leur répondit:
“Comment puis-je avoir une relation avec la viande?” et c’est par le biais des 70 Anciens qu’ils en furent pourvus. C’est pour cette raison que la véritable paix dans le monde était apportée par l’intermédiaire d’Aharon qui s’abaissait vers toutes les créatures et les élevaient vers la Torah.
En fait, la querelle et la dissension ellesmêmes, Kora’h de la racine Kar’hah, se tenaient en totale opposition à Moïse bien que les faits invoqués fussent en opposition avec Aharon, l’individu qui apportait la paix.
Il est donc clair que, bien que Kora’h et sa faction eussent Aharon dans leur ligne de mire, au cœur de la querelle était bel et bien leur opposition au concept même de la paix, la qualité de Moïse et de la Torah. C’est la raison pour laquelle quand ils admirent leur erreur, ils reconnurent: “Moïse est la vérité et sa Torah est la vérité.
Pour être sûr que la repentance est honnête et que l’on n’accomplira pas à nouveau la même faute, il est nécessaire d’en extirper la racine même, la cause du mal. Puisque le désaccord avec Aharon avait pour cause inhérente la querelle plus profonde des rebelles contre Moïse et sa Torah, admettre leur erreur devait s’accompagner de la phrase:
“Moïse est la vérité” ainsi que “et sa Torah est la vérité”.
Le Coin de la Halacha
Coutumes liées au jour de la Hilloula du Rabbi 3 Tamouz (cette année mardi 22 juin 2004)

Le Rabbi avait fixé un certain nombre de coutumes à respecter à l’occasion de la Hilloula du Rabbi précédent. Ce sont ces mêmes coutumes qui ont été reprises pour le 3 Tamouz. En voici quelques-unes :
• On allumera une bougie de 24 heures depuis lundi soir 21 juin.
• Pendant chacune des trois prières du jour, on allumera cinq bougies devant l’officiant.
• Le matin, on donnera de la Tsédaka (charité), au nom de chacun des membres de sa famille, pour une institution du Rabbi.
• On consacrera un moment dans la journée pour parler du Rabbi et de sa grande Ahavat Israël (amour du prochain) à sa famille et son entourage.
• On étudiera les chapitres de Michnayot correspondant aux lettres qui constituent le nom du Rabbi.
• On étudiera les enseignements du Rabbi.
• On rédigera un « Pan », « Pidyon Néfech », une lettre de demande de bénédictions, en y précisant son prénom et le prénom de sa mère, qui sera lue sur le Ohel du Rabbi.
N° de fax du Ohel : (00 1718) 723 44 44
N° de fax du Beth Loubavitch : 01 45 26 24 37
Adresse du Ohel : 226-20 Francis Blvd – Cambria Heights, New York 11411
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De Recit de la Semaine
Entrez donc !

La gauche de la gauche ! Le Kibboutz Kfar 'Haïm représente une forteresse du socialisme à l'israélienne. Et pourtant dans la salle d'attente du bureau de Amit Ronen, vous trouverez toutes sortes de journaux et brochures sur le judaïsme, la 'Hassidout, les fêtes juives… Comment ce Sabra de la troisième génération, né à Kfar 'Haïm, est-il devenu Loubavitch ?
" Malgré l'atmosphère anti-religieuse du Kibboutz, notre maison était ouverte et la tradition juive nous était connue même si notre famille ne pratiquait rien.
Dès la fin de mon service militaire, j'étais devenu le responsable de la jeunesse au sein du Parti Avoda ; j'étais aussi membre du secrétariat de la Histradout (le puissant syndicat socialiste) et j'avais déjà une certaine influence politique. Tous ces postes ne me demandaient pourtant pas un grand investissement personnel. Mon sens du commandement et de l'organisation me permettaient de les mener à bien, de contribuer à la préparation des élections mais je restais avec des questions fondamentales auxquelles mon engagement politique naturel ne répondait pas, par exemple : sommes-nous d'abord des Juifs ou des Israéliens ? Pourquoi mon parti critique-t-il les " colons " installés dans les " Territoires " alors que ceux-ci ont à leur actif des réalisations agricoles, éducatives, culturelles au moins aussi remarquables que celles de notre Kibboutz ? Au sein de mon parti, je ne trouvais pas de réponse satisfaisante. Quand j'évoquais ces questions avec des gens religieux, ils me répondaient : " D'abord respecte le Chabbat, après tu pourras poser des questions ". Bien entendu, cela ne me donnait aucune envie de m'intéresser davantage au judaïsme.
C'est alors que je subis un choc très profond qui me bouleversa : la mort soudaine de mon père qui n'avait que quarante-six ans. C'était un homme à la santé robuste, un spécialiste de l'agriculture qui avait développé de nouvelles techniques qui portaient même son nom. Mon père était le symbole de la bonté et vraiment " il n'avait pas mérité " de mourir si jeune. Encore une fois, je restais avec des montagnes de questions auxquelles personne ne semblait capable de répondre.
A cette époque, j'effectuai un voyage aux Etats-Unis afin de me familiariser avec les dernières découvertes dans le domaine de l'agriculture. En été 1981, j'arrivai donc à New York et je suivis les recommandations inscrites dans mon guide du parfait voyageur : visiter les quartiers 'hassidiques de Brooklyn pour avoir une idée du folklore juif.
J'imaginais déjà rencontrer de joyeux drilles qui dansent toute la journée en chantant " Oye Oye Oye " et apercevoir d'autres scènes pittoresques et attendrissantes. Je me suis retrouvé au 770 Eastern Parkway, le centre international du mouvement Loubavitch, en fin de matinée. Dans un coin de la synagogue, un Juif était couché sur un banc et dormait sans complexe. Dans un autre coin, quelques jeunes gens étudiaient intensément sans payer aucune attention à ce qui se passait autour d'eux. D'autres encore priaient avec tant de concentration qu'ils ne me remarquèrent pas non plus. J'étais déçu : ni danse, ni tape sur l'épaule, ni même un bonjour ou un brin de conversation polie… Je décidai d'explorer le bâtiment : il me semblait misérable, triste même : des murs aux boiseries apparentes, des tables et des bancs datant d'avant la guerre… non, ce n'était pas du tout la visite sympathique que j'espérais.
Je continuai à me promener tout seul et à déambuler dans les couloirs et les escaliers. A un moment donné, j'arrivais devant une porte qui se laissa ouvrir facilement et je parvins dans un corridor. Encore une porte qui, elle, était entrouverte. Je m'approchai et regardai à l'intérieur de ce bureau. Il y avait là un Juif à l'aspect impressionnant, avec des yeux bleus et un sourire accueillant. Il me fit signe d'entrer et j'acceptai avec joie et soulagement. Durant toute la conversation - qui dura, à mon avis, près d'une heure - je n'eus pas la moindre idée de l'identité de mon interlocuteur… Il me fit signe de m'asseoir et, dans un hébreu au fort accent ashkénaze, il me demanda ce que je faisais ici. Je lui ai exposé toutes mes questions, tous mes doutes… Il me répondit posément, avec beaucoup de patience. Quand j'y repense aujourd'hui, certaines de mes questions étaient provocantes et même insolentes. Mais il ne semblait pas scandalisé par ma façon toute israélienne de m'exprimer. Il répondait à mes questions une par une, et ses paroles me faisaient du bien, me convenaient parfaitement, apaisaient mon esprit confus. Surtout, il était si sûr de lui, si serein que je me sentis assez en sécurité pour lui faire part de ce qui m'attristait tant : le décès soudain de mon père. Le Rabbi - car c'était lui bien sûr - m'écoutait attentivement et ce fut la première fois, depuis que la tragédie m'avait frappé, que je retrouvai un calme intérieur.
(Par la suite, on m'a souvent demandé ce que le Rabbi m'avait dit mais, pour moi, c'était trop personnel, trop intime et j'ai toujours peur que si j'en parle, je me sentirais comme privé d'une partie de moi-même. Bien des années plus tard, j'ai retranscrit certaines réponses pour mes archives personnelles. Mais ce dont je me souviens le plus, ce n'est pas tant le fond que la forme de cet entretien : un peu comme le briefing auquel ont droit les parachutistes avant de partir en mission, comme les rations militaires qui ressemblent à des bonbons insignifiants mais qui contiennent tous les ingrédients nécessaires à la survie. C'était comme si le Rabbi feuilletait les pages de la vie qui m'attendait, comme s'il regardait un livre déjà écrit, comme s'il connaissait à l'avance tous les problèmes que je rencontrerai et qu'il donnait déjà la solution. Ce n'est que des années plus tard que je compris pourquoi il avait évoqué certains sujets auxquels il avait déjà répondu).
Entre autres, ce " Juif à l'aspect si impressionnant " m'avait dit qu'en chaque personne, on peut trouver du bien. Curieux, je lui avais demandé comment était-ce possible (n'oubliez pas que je connaissais bien le milieu de la politique où le mal est omniprésent…) ; il m'avait écouté patiemment puis m'avait dit ces quelques mots qui continuent de m'accompagner dans ma vie de tous les jours : " Quand vous regardez d'en bas, vous pouvez voir le bien dans l'autre ! "
A la fin de la conversation, nous nous sommes séparés amicalement alors que je n'avais toujours pas la moindre idée de son identité : je ne connaissais absolument rien de la vie 'hassidique.
Quand je suis sorti du bureau, un jeune homme s'est approché de moi et m'a tendu une photo. " Qui est-ce ? demandai-je. Je viens de sortir de son bureau et déjà on me donne sa photo ? "
" Comment ? " s'écria-t-il, incrédule. Je compris alors qu'il m'était arrivé quelque chose de peu habituel. D'ailleurs, en quelques secondes, je me retrouvai entouré de dizaines de jeunes gens, comme dans une conférence de presse, avec des questions qui fusaient de tous les côtés. " Qui es-tu ? ", " De quoi as-tu parlé avec le Rabbi ? " " Combien de temps es-tu resté dans son bureau ? " Avec mon insolence toute israélienne, je les remis en place : " Honte à vous ! Cela faisait une heure que je traînais dans la synagogue et personne n'avait fait attention à moi ! Ce n'est que maintenant que je vous intéresse ? "
Bien que ma conversation avec le Rabbi m'eut profondément touché, je mis encore quelques années avant de m'engager dans la pratique et l'étude du judaïsme, grâce, entre autres, au regretté Rav Yossef Dov Charabi. Ce fut lui qui m'encouragea à adopter le style de vie Loubavitch, ce dont je lui serai toujours reconnaissant. Tout avait commencé avec cette " Ye'hidout ", cette entrevue privée spontanée… "

Ari Samit - magazine Kfar Chabad
traduit par Feiga Lubecki