Savoir-vivre
Souvenons-nous aujourd’hui de ces belles expressions qui résonnent parfois comme autant d’évocations d’une civilité ancienne, jugée par certains désuète : «Ce n’est pas convenable», «çà ne se fait pas» ou, au contraire, «c’est une chose qui se fait», «c’est l’attitude convenable». Les parents avaient/ont usage de s’adresser en ces termes à leurs enfants pour leur donner ces lignes de conduite si nécessaires à toute vie sociale, qui leur dureront toute leur vie. Peut-être même est-ce la marque ultime de la réussite d’une éducation complète : elle réussit à transmettre au futur adulte ce code qui lui permet de déchiffrer, de comprendre et, par conséquent, d’accompagner le monde, cette manière d’être à laquelle on a donné le beau nom de «savoir-vivre». D’une certaine manière, cette notion concerne chacun, y compris dans son rapport personnel avec D.ieu.
De fait, et cela a été abondamment et de longtemps souligné, le judaïsme ne constitue pas une «religion» à proprement parler au sens où celle-ci est une forme de culte, une structure rituelle limitée à un secteur particulier de l’existence. Il est, bien davantage, un mode de vie, une façon générale et globale de considérer soi-même, le monde et le rôle qu’on y joue. Pour cela, le «savoir-vivre», au sens le plus fort, est une idée essentielle. Elle revient profondément, dans un tel contexte, à un «savoir-être». C’est dire que «çà se fait» ou «çà ne se fait pas» n’est pas qu’une simple phrase tirée des souvenirs émus de temps révolus. Elle peut-être aussi une façon de mesurer ses propres actes : sont-ils vraiment dignes de ce que nous devons accomplir ? Ainsi, dira-t-on, cela «se fait-il» que l’étude de la Torah ou la prière avec sincérité et attention soient parfois défaillantes ? Cela «est-il convenable» que l’observance de tel commandement ne s’accompagne pas du scrupule et de l’enthousiasme requis ? A l’inverse, cela «se fait» que la vie juive soit d’abord orientée par le souci du spirituel et du Divin. Il est «convenable» que la poursuite du matériel soit mise à sa vraie place : la seconde.
C’est ainsi que l’objectif que chacun doit atteindre apparaît dans toute sa lumière. Car chacun, à son niveau, possède une échelle de ce qui «se fait» et de ce qui «ne se fait pas». Il en est le seul juge, à la fois concepteur, facteur et utilisateur. Ainsi va la vie juive, vibrante en chacun de ses instants, chaleureuse en chacun de ses aspects, entraînante en toutes ses avancées. Comme un vrai «savoir-être».
Une nouvelle Torah ?
Il nous est enseigné (Vayikra Rabba 13 : 3 paraphrasant Isaïe 51 : 4) qu’au temps de Machia’h «une nouvelle Torah sortira de Moi». Il est pourtant clair que la Torah, Sagesse de D.ieu, ne changera jamais. Du reste, les textes soulignent : «Cette Torah-là ne sera jamais changée». Dès lors, que signifie cette «nouvelle Torah» ?
Aujourd’hui, la Torah nous apparaît sous la forme de récits comme ceux de Lavan ou de Bilam. Lorsque le Machia’h viendra, les secrets cachés dans ces récits se dévoileront. Il se révèlera alors comment ce qui semble être de simples histoires parle profondément de D.ieu. C’est ce que signifie les mots «sortira de Moi» : il apparaîtra comment toute la Torah est une manière de dire la Divinité.
(d’après Kéter Chem Tov, sec. 84, 242) H.N.
Les Egyptiens avaient-ils le choix ?
Quatre cents ans avant que les Juifs ne quittent l’Egypte, D.ieu avait prédit à Avraham le futur esclavage de ses descendants et leur libération. Cette prophétie présupposait que les Egyptiens étaient destinés à faire le mal, «programmés» par D.ieu pour asservir le Peuple Juif et accomplir leur destinée. S’il en est ainsi, si nos geôliers n’étaient que des marionnettes dans un plan cosmique organisé par le Maître, comment pouvons-nous demander et célébrer leur punition ?
La réponse théologique classique est de faire la distinction entre l’effet et la cause. Les Juifs, en tant que nation, étaient destinés à être opprimés par les Egyptiens. Cependant, le mal est la somme totale des actions malfaisantes commises par un certain nombre de pécheurs individuels. Chaque Egyptien, en tant qu’individu, aurait pu choisir de ne pas se conformer aux actions de ses semblables, de rester innocent et sans tache. Quand nous demandons la punition pour les actions perpétrées par chaque individu ayant commis le mal, c’est en reconnaissant que chacun d’entre eux possédait le libre arbitre et choisit de faire le mal.
Néanmoins, le Pharaon possédait-il, quant à lui, le libre arbitre, dans sa décision de maltraiter les Juifs ? La justification selon laquelle le commandement de D.ieu se serait accompli avec ou sans la participation de chaque égyptien ne peut apparemment pas s’appliquer au cas du Pharaon. Si le dirigeant de la nation avait refusé de participer à cette tentative d’anéantissement, il est sûr qu’il n’y aurait pas eu du tout d’esclavage. S’il en est ainsi, considérant que D.ieu avait prédit l’asservissement des Juifs, le Pharaon n’avait aucun choix conscient ; il était prédestiné à diriger ce programme de discrimination ethnique.
Il est encore plus remarquable qu’à plusieurs occasions, dans la Paracha de cette semaine, D.ieu ordonne à Moché de se rendre chez le Pharaon et de le menacer d’encore une autre plaie. Et Moché avait été averti : il devait s’attendre à ce que ses menaces n’aient aucun impact immédiat et à ce que le Pharaon persiste dans son obstination. Ne s’en suit-il pas logiquement qu’il semble malhonnête de punir le Pharaon de ne pas accéder au commandement divin, puisque ce refus était a priori agencé par D.ieu ?
A l’époque des Prophètes, quand un homme prétendait posséder le don de prophétie, il lui était demandé de prédire plusieurs événements heureux devant se produire dans le futur proche, sans qu’il se trompe en quoi que ce soit. La moindre erreur, dans le plus petit détail, démontrait qu’il était un faux prophète. Si, pourtant, sa prophétie avait consisté en des prévisions malheureuses et qu’elles ne s’étaient pas matérialisées, cela ne le rendait pas automatiquement suspect. D.ieu est bon, miséricordieux et prêt à donner une seconde chance. De nombreux prophètes ont été envoyés pour donner les nouvelles d’une catastrophe imminente dans l’espoir de nous réveiller et nous faire retourner à D.ieu.
En d’autres termes, nous avons la garantie que les promesses de D.ieu pour un bien futur se réaliseront ; les prédictions négatives, pas nécessairement. Quand D.ieu prédit la douleur et les souffrances futures pour Son peuple, elles auraient pu, théoriquement, être contrecarrées à Son commandement. Le fait que, pour quelque raison que ce soit, D.ieu choisit de ne pas nous sauver concerne Sa relation avec nous.
Les prophéties du mal ne sont pas obligées de se réaliser. Les Juifs auraient pu, potentiellement, être épargnés et les Egyptiens auraient pu refuser de coopérer. Bien que D.ieu eût décrit à Avraham l’esclavage éventuel de ses descendants en Egypte, cela ne devait pas automatiquement avoir lieu.
Chacun d’entre nous exerce son libre arbitre à chaque croisement de notre cheminement sur la route de la vie. Les Egyptiens, comme chaque empire du mal, tout au long de l’histoire, choisirent de pratiquer et de faire subir la souffrance et la destruction. Ils exercèrent leur libre arbitre dans leur méchanceté et méritèrent donc pleinement la punition divine.
La perception et la puissance
Un idéal essentiel dans la pensée contemporaine se situe non seulement dans les droits de l’individu mais également dans sa puissance. S’il y a un problème qui nous tient réellement à cœur, alors, selon le processus démocratique, la force des groupes de pression, le rôle des média pour intéresser et sensibiliser l’opinion, peuvent nous aider à faire quelque chose. Dans un certain sens, chacun de nous peut changer le monde.
En termes spirituels, c’est une ancienne idée juive. Il y a plus de huit siècles, le Rambam écrivait que chaque personne doit se considérer comme étant en équilibre entre le bien et le mal et qu’il en est de même pour le monde en tant qu’entité. Cela signifie, poursuit le Rambam, que le prochain pas que l’on fera peut altérer notre équilibre et celui du monde entier. Une bonne action, ou même, commente le Rabbi, une bonne pensée, peuvent mettre la balance de l’existence du côté du bien et guérir le monde.
Cela souligne le rôle important de chacun. Sa perception de la vie peut jouer un facteur crucial non seulement pour son bien être personnel mais pour celui du monde entier.
Notre perception de la vie est, en fait, l’un des thèmes majeurs de notre Paracha, qui évoque les plaies que D.ieu envoya sur l’Egypte.
Quel était le but de ces plaies ?
L’une des réponses indique qu’elles devaient forcer les Egyptiens, et tout particulièrement le Pharaon, à libérer les Juifs. Elles peuvent aussi être envisagées, comme nous l’avons vu plus haut, comme leur punition pour la cruauté avec laquelle ils avaient traité leurs esclaves juifs. Mais si nous lisons attentivement le texte de la Torah, nous pouvons observer qu’il ne s’agissait pas seulement de démontrer de la force ou de faire souffrir. Le but en était plus subtil.
D.ieu explique que le but des miracles en Egypte était que «l’Egypte sache que Je suis D.ieu».
Quand le Pharaon rencontra pour la première fois Moché, qui demandait la liberté des Juifs, il lui répondit : «Qui est D.ieu pour que je L’écoute et laisse partir les Juifs libres ? Je ne connais pas D.ieu». Cela signifie donc que le but des plaies était de faire en sorte que le Pharaon connaisse D.ieu. Ce n’est qu’alors qu’il libérerait les Juifs.
En fait, ce n’est pas non plus là le but ultime des plaies. D.ieu fournit une explication supplémentaire à Moché. Les plaies vinrent pour que le Peuple Juif dise à ses enfants et à ses petits-enfants ce qui était arrivé et alors ils «sauront que Je suis D.ieu».
Le dessein des plaies était de changer notre perception de la vie pour qu’à travers les générations, nous reconnaissions D.ieu et la signification de Ses enseignements. Pour l’ancien Pharaon, il s’agissait de finalement le faire obéir à D.ieu et libérer le Peuple Juif. Pour nous, elles signifiaient reconnaître la puissance de D.ieu dans notre vie et donc faire le pas juste qui apportera le bien et la guérison au monde.
Comment les femmes peuvent-elles contribuer à la Campagne Internationale des Téfilines ?
Les femmes peuvent participer à la campagne Internationale des Téfilines :
- en s’associant à l’achat de Téfilines.
- en influençant les hommes (maris, frères, fils…) à participer à cette campagne, même si cela les prive de leur présence et coûte de l’argent, du temps, de l’énergie et de l’aide dans les tâches de la maison.
- en distribuant les « Guides pour la Mise des Téfilines ».
- en augmentant la joie à la maison, ce qui encouragera les hommes à participer à cette campagne.
F. L. (Hamivtsaïm Kehil’hatam – Rav Shmuel Bistritzky)
De l’autostop et des Téfilines
Nous avons l’habitude chaque vendredi soir, à la table de Chabbat, de demander à chacun de raconter ce qui lui est arrivé d’intéressant durant la semaine, ces petits riens de la vie qui méritent notre attention et qui peuvent devenir une source d’inspiration. C’est un moyen pratique de faire participer les invités à la conversation et de mieux faire connaissance avec eux. Bien sûr mon mari en profite pour exposer un enseignement sur la Paracha et les enfants racontent ce qu’ils ont appris à l’école juive. Quant à moi, je lance la conversation avec ce qui m’a marquée dans la semaine.
Ce vendredi-là, mon fils Avremel m’a évidemment téléphoné pour me souhaiter Chabbat Chalom et me raconter sa semaine, il étudie à la Yechiva de Toronto et était tout excité : il avait une superbe histoire à me raconter pour que j’en parle à la table de Chabbat. Ce matin-là, il était sorti en retard du dortoir et se pressait pour arriver à l’heure à la Yechiva pour la prière et l’étude. Tout en courant, il tentait de faire de l’autostop : c’est un quartier où vivent de nombreux Juifs pratiquants et cela ne pose donc pas de problème. La première voiture à laquelle il fit signe refusa de s’arrêter ; il continua donc jusqu’au prochain feu rouge mais aucune voiture n’apparut à l’horizon.
Soudain une superbe voiture de sport surgit et, dans un geste fou et désespéré, Avremel se mit à frapper à la fenêtre. A sa grande surprise, la vitre s’abaissa et le conducteur lui cria : «Monte Avremel ! Où vas-tu si vite ?»
Au début, Avremel ne le reconnut pas mais quand celui-ci enleva ses lunettes de soleil, il le remit immédiatement : c’était Josh, un de ses «clients» réguliers quand il faisait le tour des magasins et des bureaux le vendredi après-midi pour mettre les Téfilines aux Juifs qu’il rencontrait. Josh était heureux pour une fois de pouvoir lui rendre service et de le déposer à la Yechiva. Avremel le remercia et mentionna qu’ils se reverraient l’après-midi quand il viendrait lui mettre les Téfilines comme d’habitude. «Pas cette fois-ci, Avremel, car je ne serai pas au bureau ! Je dois aller jouer au golf avec mon ami !»
En entendant cela, Avremel lui proposa immédiatement de s’arrêter avec lui à la Yechiva pour y mettre les Téfilines. Josh accepta volontiers.
Je fus impressionné par cette anecdote et la racontai à la table de Chabbat : nos convives l’apprécièrent également et nous continuâmes le repas en discutant joyeusement et en l’oubliant…
Le vendredi suivant, Avremel me rappela cet incident et me proposa malicieusement «la suite de l’histoire», qui était encore plus remarquable.
Ce vendredi après-midi, quand il était revenu au bureau de Josh, celui-ci l’accueillit avec un grand sourire et était encore plus enthousiaste que d’habitude pour mettre les Téfilines. Puis il expliqua la raison de son enthousiasme : «Je trouvai étrange la semaine dernière que tu m’aies demandé de t’amener à la Yechiva. Après tout, tu es jeune et solide, tu peux bien marcher quelques centaines de mètres ! Et quel aurait été le problème si tu étais arrivé quelques minutes en retard à l’école ? Mais maintenant je sais pourquoi D.ieu t’a mis sur ma route. Vois-tu, quand mon ami est venu me chercher pour aller jouer au golf, il m’a conduit dans sa petite voiture de sports. Nous avons foncé sur l’autoroute quand, tout-à-coup, un autre conducteur a changé de ligne et s’est écrasé contre nous ! Notre petite voiture a volé littéralement contre le rail de sécurité et nous avons vraiment cru que notre dernier moment était arrivé.
La voiture est complètement détruite mais, tous deux, nous sommes sortis indemnes ! La première chose que j’ai dit à mon ami, c’est que je ne mets jamais les Téfilines le matin mais que je l’avais fait ce matin grâce à Avremel. C’est sûrement cela qui m’a sauvé !»
Stupéfait, mon ami tout aussi choqué m’a répondu : «Moi, je ne mets jamais les Téfilines mais, ce matin, je les ai mis ! C’est sûrement cela qui m’a sauvé, moi aussi !»
Quand je racontai cette seconde partie de l’histoire à mes invités, j’ajoutai que j’en retenais deux points : d’abord la formidable «intuition» du Rabbi qui a demandé à tous, jeunes et moins jeunes, d’être toujours prêts à mettre les Téfilines à un autre Juif : les réactions en chaîne de cette Mitsva peuvent avoir des conséquences incroyables. Ensuite, admirez la foi simple de ces Juifs, Josh et son ami qui, à peine sauvés d’un terrible accident, réalisent qu’ils doivent la vie au fait d’avoir mis les Téfilines ce matin-là !
«Comme nous sommes heureux ! Combien bon est notre sort» : chaque Juif est un diamant qui ne demande qu’à briller !
Toby Bernstein
N’Shei Chabad Newsletter n°7001
traduit par Feiga Lubecki