Pour ne pas perdre son temps
Qu’est-ce donc que le temps ? Est-ce simplement un moyen commode de relever le passage des choses ou d’organiser une société complexe ? En d’autres termes, le temps se limite-t-il à nos agendas et à des dates uniques déclinées – pratique utile – dans toutes les langues du monde ? Ou bien est-il un des éléments de la création divine au même titre que l’espace, autrement dit un véritable «lieu» de vie, anonyme et déshumanisé si on tente de le standardiser plus que de raison, beau et bon à vivre si on sait le garder proche de soi, de ce que l’on est ?
De fait, comment ne pas voir que le temps ne peut pas s’interpréter uniquement comme un outil social ? Ce n’est pas en vain que sa gestion a eu, dans l’histoire, une portée sacrée. Lorsque le peuple juif résidait sur la Terre d’Israël et que le Temple se dressait à Jérusalem, le calendrier était entre les mains du Sanhédrin, cette cour suprême qui présidait au destin du pays. Plus encore, lorsque des ennemis se présentèrent, des envahisseurs – babyloniens, grecs ou romains – qui voulurent effacer le peuple juif et, pour cela, entreprirent de détruire sa culture propre, sa vision et son mode de vie, leur première cible fut le calendrier. Interdisant son établissement, ils espéraient ainsi que le temps, tissu même de la vie, changerait de sens, que la perte de ce repère modifierait le contenu même des existences pour lesquelles il avait, jusque-là, servi de cadre indépassable.
Notre temps est, bien souvent, celui de l’utilitaire. Il y paraît plus simple de limiter les choses à l’usage quotidien que chacun en fait comme s’il était possible de séparer le sens et l’élément qui en est naturellement porteur. Le calendrier ne fait pas exception à l’idée. C’est ainsi que les modes de décompte du temps nés en occident, liés à lui et exprimant à la fois sa culture et sa conscience historique, sont devenus le cadre obligé de la vie de tous. Avoir une référence universellement compréhensible est évidemment utile ; c’est au moins une chose pour laquelle tous les hommes ont un langage commun. Pourtant, si cette manière de vivre le temps en vient à faire disparaître les autres, s’il n’y a plus de place pour un temps du cœur à côté du temps social, n’est-ce pas d’une véritable perte de conscience qu’il s’agit ? Sur les feuilles volantes de nos éphémérides, un millésime change cette semaine. Il faut savoir donner à l’événement la seule importance qu’il mérite : sociale et utilitaire. Quant à notre temps éternel, loin des festivités de commande, il continue d’avancer à son rythme éternel.
«Sages»… mais «grands» ?
Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Mela’him, chap. 12) enseigne que, lorsque le Machia’h sera arrivé, «les Juifs seront de grands sages». Certes, nous savons, comme cela est souligné par ailleurs, que la seule préoccupation du monde sera alors de connaître D.ieu et que la sagesse sera le privilège de chacun. Cependant, pourquoi souligner, à propos des Juifs, qu’ils seront précisément «de grands sages». De quelle grandeur s’agit-il ici ?
C’est que leur étude n’aura qu’une unique motivation, dans les termes d’Isaïe (42:21) : «faire que la Torah soit grande et glorieuse».
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XXVII, p. 240) H.N.
Vaéra : Voir et croire
Les prisons de l’esprit
Quand la Torah cite un lieu, le nom ne désigne pas seulement un emplacement géographique mais aussi un état d’esprit et un ensemble spirituel de circonstances. Dans ce contexte, Mitsrayim, le nom hébreu pour «Egypte» sert de symbole, nous enseignant la nature de l’exil et démontrant l’essence du défi spirituel que doit relever notre peuple tout au long de l’histoire.
Mitsrayim est sémantiquement lié au mot hébreu Métsarim, signifiant «frontières» et «limites». L’existence matérielle limite l’expression de la Divinité dans le monde en général et l’expression de l’étincelle divine dans notre âme. C’est cela l’exil, un état non naturel. Car la véritable réalité est que le monde a été créé pour être une résidence pour D.ieu, et que l’âme de l’homme, une véritable partie de D.ieu, est cachée. Dans de telles circonstances, l’individu se trouve absorbé dans la routine quotidienne de sa vie. Les valeurs spirituelles, s’il les considère, sont toutes interprétées selon sa propre perspective du monde.
Bien plus, l’exil se perpétue naturellement. Nos Sages relatent que pas un seul esclave ne pouvait s’échapper de l’Egypte. De la même façon, tout cadre dans lequel vit une personne crée une inertie qui résiste au changement. Pour emprunter à nos Sages une expression : «une personne enchaînée ne peut pas se libérer». Puisque les processus de pensée de chacun sont formés par un environnement d’exil, il est difficile pour beaucoup d’hommes de voir au-delà de ces processus.
Une fin à l’exil
Et pourtant, bien que l’homme ne puisse par lui-même se libérer, D.ieu refuse de permettre à l’exil de continuer indéfiniment. Le premier pas de la rédemption est une révélation directe de la Divinité. Puisque la caractéristique fondamentale de l’exil est le voilement de la présence de D.ieu, l’annulation de l’exil implique une vision plus claire de la Divinité.
C’est là le message de la Paracha Vaéra. Vaéra signifie : «et Je Me suis révélé». La racine de Vaéra est le mot Reiyah qui signifie «vue». Vaéra se réfère à quelque chose qui peut être vu directement. Ce thème court tout au long de la portion de la Torah qui décrit sept des dix plaies, miracles manifestes, qui avaient deux buts, comme le déclare la Torah : «Je montrerai Ma force… Je sortirai Mes hôtes d’Egypte… Et l’Egypte saura que Je suis D.ieu».
Les plaies qui s’abattirent sur l’Egypte firent prendre conscience au monde entier de la présence de D.ieu. Même les Egyptiens, dont le dirigeant avait fièrement claironné : «Je ne connais pas D.ieu», furent obligés de prendre conscience de Sa présence et de reconnaître : «C’est le doigt de D.ieu !» Parce que les miracles furent ouvertement visibles, ils transformèrent la manière de penser des gens.
Un riche héritage
Cependant, il est naturel de demander : «Quand ai-je vu la Divinité ? Peut-être y avait-il des miracles, par le passé, mais quelle importance ont-ils pour aujourd’hui?» La réponse se trouve dans le commentaire de Rachi à propos du verset dont la Paracha tire son nom : «Et Je Me suis révélé à Avraham, Its’hak et Yaakov». Rachi commente : «aux Patriarches».
Il semble que cette observation soit superflue. Nous savons tous que Avraham, Its’hak et Yaakov étaient les Patriarches du Peuple Juif. Ayant mentionné chacun par son nom, il n’était pas besoin de donner leur titre. Toutefois, Rachi met l’accent sur les révélations dont ils furent les témoins, non grâce à leurs vertus personnelles mais parce qu’ils étaient les «Patriarches» et que leurs réalisations spirituelles seraient transmises comme héritage à leurs descendants. En Se révélant à nos Patriarches, D.ieu fit de la conscience de Son existence un élément fondamental de la nature intérieure de leurs descendants pour tous les temps.
Prendre possession de l’héritage
Néanmoins, bien que le legs de nos Patriarches soit dans notre cœur, il n’est pas toujours dans nos pensées conscientes. Chacun de nous doit entreprendre d’intérioriser la foi de nos Pères et de la faire sienne. Cela n’arrive pas nécessairement de soi-même. A moins de faire des efforts pour combiner la foi et la pensée, nous pouvons en arriver à créer une dichotomie entre la croyance et la vie concrète. En fait, la manifestation d’une telle dualité est très courante.
Le besoin de réparer ce schisme explique pourquoi la Paracha précédente, Chemot, se conclut en décrivant la façon dont Moché aborda D.ieu et demanda : «O D.ieu, pourquoi fais-Tu du mal à Ton peuple ?» La question de Moché ne reflétait pas un manque de foi. Il ne fait aucun doute que Moché croyait. Mais il réalisa que sa responsabilité était d’être «le berger de la foi», de nourrir la foi du peuple jusqu’à ce que cela affecte leur processus de pensée. C’est pourquoi il posa cette question.
Les miracles de nos vies
En réponse à la question de Moché, D.ieu envoya les miracles décrits dans notre Paracha. Les actions de Moché pour rendre la foi présente dans la vie quotidienne suscitèrent une réponse de D.ieu.
Des concepts similaires s’appliquent dans chaque génération. Car les miracles n’appartiennent pas au passé. Dans chaque génération, D.ieu montre Son grand amour pour Son peuple en accomplissant des actes qui transcendent l’ordre naturel. Il se peut que le bénéficiaire d’un miracle ne reconnaisse pas ce qui s’est produit et dans d’autres occasions, que les miracles soient évidents pour tous. De fait, dans le passé récent, nous avons vu de grands miracles : la guerre du Golfe, la chute de l’URSS et les vagues massives de Juifs arrivant en Erets Israël.
Nos prophètes ont promis : «Tout comme lors de votre sortie d’Egypte, Je vous montrerai des merveilles». Tout comme les miracles que D.ieu fit pleuvoir sur l’Egypte annoncèrent l’exode, que les miracles dont nous avons été témoins et dont nous serons témoins dans le futur soient un prélude à la Rédemption ultime. Et que cela ait lieu dans le futur immédiat.
Adapté de Likouté Si’hot Vol. XVI, Vol XXXI
Si’hot Vaéra 5743, Si’hot 25 Nissan 5761
Quel respect doit-on accorder aux livres saints ?
Tout livre de Torah, qu’il soit manuscrit ou imprimé, est saint et on évitera de le déconsidérer de quelque manière que ce soit.
On ne le déchire pas : selon certaines opinions, cela serait transgresser une interdiction explicite de la Torah.
Un livre saint abîmé ne sera ni brûlé ni jeté dans l’eau : on le mettra dans une «Gueniza» en attendant de pouvoir l’enterrer.
On traite les livres avec soin pour éviter qu’ils ne s’abîment ou se salissent. En cas d’inondation (ou autre catastrophe), on sauvera d’abord les livres saints et ensuite seulement les affaires personnelles.
On peut écrire des ‘Hidouché Torah (des réflexions inspirées par l’étude de la Torah) dans les marges des livres saints mais pas des idées profanes ; de même, on n’arrachera pas les pages vides (au début ou à la fin d’un livre) pour s’en servir comme brouillon.
A priori, on ne pose pas un livre saint sur un endroit prévu pour s’asseoir mais a posteriori, c’est permis, à condition qu’on ne s’asseye pas sur cette chaise ou ce banc.
Celui qui étudie dans son lit veillera à surélever un peu son livre.
On ne s’appuie pas sur un livre ; on ne frappe pas un livre parce qu’on est en colère ou pour obtenir le silence dans une classe ou une assemblée.
On peut déposer un Séfer Torah (rouleau de la Torah) sur un ‘Houmach ; un ‘Houmach sur un autre ‘Houmach ; un ‘Houmach sur un livre de Na’h (Prophètes et hagiographes) mais pas l’inverse.
Si un livre se trouve par terre, on le ramasse et on l’embrasse.
On ne jette pas un livre, ni sur la table, ni à son ami : on le pose ou on le tend respectueusement.
On ne pose pas un livre à l’envers et, si cela arrive, on s’empresse de le remettre à l’endroit. On ne pose pas des livres par terre ou même sur un tapis car on risque de marcher dessus.
On n’insère aucun objet profane dans un livre sauf, éventuellement, ce qui pourrait servir de marque-page.
Certains préfèrent éviter de corner la page d’un livre saint pour indiquer où ils se sont arrêtés dans leur étude.
Si on interrompt son étude un certain temps, on ne laisse pas le livre ouvert mais on le ferme ou on le recouvre, au moins partiellement : en effet, si on laisse le livre ouvert, on risque d’oublier son étude.
On ne se déshabille pas dans une pièce où se trouvent des livres saints et on évite donc de changer ou d’habiller un bébé dans cette pièce à moins de cacher ces livres dans un double étui.
F. L. (d’après Rav Avraham Eliachvili)
Michpa’ha ‘Hassidit
Lionne de D.ieu
C’était quelques semaines avant ‘Hanouccah, en 2003. Dans notre synagogue de Postville, (Iowa), nous avions visionné une vidéo du Rabbi de Loubavitch, à l’issue de Chabbat. On y voyait un clip d’un homme qui déclarait au Rabbi qu’il s’appelait Robert mais n’avait jamais reçu de prénom juif. Le Rabbi répondait que puisque Robert commence avec la lettre R – qui ressemble à la lettre hébraïque «Rèch» - il devait adopter le prénom Réouven. Je trouvai cela intéressant mais sans y attacher une importance particulière et sans y repenser par la suite.
Je terminai mon mandat de conseiller de la mairie. Postville était devenu le point de mire de tous les médias, le sujet de nombreux commentaires, d’innombrables articles et même d’un livre. Le magazine Hadassa avait même dépêché une envoyée spéciale pour enquêter sur place.
L’histoire de cette ville était effectivement étonnante. Un groupe de ‘Hassidim de Loubavitch s’était installé dans cette ville du fin fond de l’Iowa, peuplée jusqu’alors uniquement de fermiers blancs et chrétiens. Comme les Loubavitch recherchaient une région reconnue pour la qualité de sa viande, ils avaient acquis un terrain à Postville afin d’y établir un abattoir industriel et donc une communauté avec toutes les structures éducatives et sociales nécessaires : école, synagogue, Mikvé, magasins cachères etc… C’était devenu une success-story à la gloire de la diversité et de la bonne entente entre les différentes populations.
Le Rav Aaron Schimel avait préparé un fantastique programme pour ‘Hanouccah auquel il avait convié toute la communauté juive mais aussi les habitants non-juifs. Différents stands proposaient beignets de pommes de terre, pizzas cachères et travaux manuels pour les enfants : fabriquez votre propre Menorah !
Moché Yess, animateur et chanteur, avait fait rire et chanter tout le monde. Il avait raconté ses plaisanteries favorites sur son retour à la pratique du judaïsme et comment de «Hippie» il était devenu «‘Happie» (un mot qu’il avait formé avec les mots ‘Hassid et hippie).
Puis arriva le moment tant attendu, l’allumage des lumières de ‘Hanouccah en présence du maire de Postville. Je remarquai une femme-photographe et j’appris qu’elle était envoyée par le magazine Hadassa.
Le lendemain, j’entrai dans un magasin cachère et aperçus la femme-photographe qui semblait un peu perdue dans cet environnement. Je me présentai et lui demandai si elle avait apprécié sa visite dans notre ville. Elle répondit qu’elle s’était sentie très à l’aise. Je lui demandai si elle avait appris quelque chose de nouveau et elle rétorqua : «Oui, j’ai appris la différence entre un Hippie et un «‘Hapie».
Sa réponse me surprit, non pas tant parce qu’elle s’était souvenue des plaisanteries de Moché Yess mais parce qu’elle avait prononcé le «‘H» de «‘Hapie» de la façon gutturale propre au judaïsme. Je m’enhardis et lui demandai :
- Etes-vous juive ?
- Oui ! répondit-elle de façon très naturelle.
- Et comment vous appelez-vous ?
- Arwin.
- Arwin ? Je n’ai jamais entendu un tel prénom ! Que signifie-t-il ?
- Mes parents s’intéressaient aux philosophies orientales et c’est de là que provient mon prénom.
Je lui demandai si elle avait aussi un prénom hébraïque mais elle secoua la tête négativement.
Nous avons discuté un moment sur l’importance d’un prénom juif puis je proposai de lui en trouver un. Cette idée l’enthousiasma. C’est alors que je me souvins de la vidéo du Rabbi que nous avions eu le privilège de visionner quelques semaines auparavant. Son prénom civil commençait par un A, soit l’équivalent du «Alef» hébraïque : le prénom Ariella me semblait convenir parfaitement. Elle sourit : «J’aime cette sonorité, cela me semble un très beau prénom mais que signifie-t-il ?»
- C’est la forme féminine d’Ariel, qui signifie «lion de D.ieu».
Elle redevient très sérieuse et remarqua, pensive : «Vous n’allez pas le croire mais le prénom «Arwin» signifie justement «lionne de D.ieu» !
Comment décrire nos impressions devant cette mystérieuse «coïncidence» ? Nous avons longuement discuté du Rabbi de Loubavitch et de Robert devenu Réouven, de la Providence Divine et du don de la prophétie que D.ieu accorde aux parents lorsqu’ils choisissent un prénom pour leur enfant.
Arwin – Ariella était très émue par son miracle de ‘Hanouccah personnel.
Peut-être que la photographe de Hadassa Magazine qui était venue prendre des photos des Juifs de Potsville finit-elle par prendre une nouvelle image d’elle-même…
Aaron Goldsmith
L’Chaim
traduit par Feiga Lubecki